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mondes imaginaires

Un frisson s'empara d'eux, cependant, lorsqu'une autre merveille leur apparut : une débauche de tubes sortant d'une chaudière où bouillait de l'écume noire, cérébrale, pleine d'étoiles. Les volutes de fumée qui en sortaient par des boutons coagulaient dans des sphères fragiles, éphémères, voletant doucement dans les airs, et chacune de ces sphères était une planète à part entière, avec ses peuples et ses rios, sa faune et sa flore, ses incompréhensibles lois, ses histoires sanglantes, ses inventions, ses génies, ses maîtres et ses esclaves, ses maladies, ses cristaux... Toutes, absolument toutes espéraient être immortelles, mais elles finissaient toutes par éclater comme des bulles de savon, car le mensonge, la tyrannie et la bêtise recouvraient toujours la vérité, au bout du compte, et l'annihilaient.

Auteur: Cartarescu Mircea

Info: In "Le Levant", éd. P.O.L., p. 78-79

[ fatalité ] [ politique ] [ éthique ] [ pessimisme ]

 

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Ajouté à la BD par Benslama

au revoir

Une certitude affreuse lui avait serré le cœur tout d’un coup : Pauline allait mourir, peut-être ne passerait-elle pas la nuit. […]
Cependant, la nuit se termina sans catastrophe. Deux journées passèrent encore. Mais, à présent, il y avait entre eux un nouveau lien, la mort toujours présente. Elle ne faisait plus aucune allusion à la gravité de son état, elle trouvait la force de sourire ; lui-même parvenait à feindre une tranquillité parfaite, un espoir de la voir se lever d’une heure à l’autre ; et, pourtant, chez elle comme chez lui, tout se disait adieu, continuellement, dans la caresse plus longue de leurs regards qui se rencontraient. La nuit surtout, lorsqu’il veillait près d’elle, ils finissaient l’un et l’autre par s’entendre penser, la menace de l’éternelle séparation attendrissait jusqu’à leur silence. Rien n’était d’une douceur si cruelle, jamais ils n’avaient senti leurs êtres se confondre à ce point.

Auteur: Zola Emile

Info: Les Rougon-Macquart, tome 12 : La Joie de vivre

[ mort ] [ séparation définitive ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

science-fiction

Telle une immense lésion purulente, la jungle gisait exposée sous l’hélicoptère à cabine ouverte. De massifs bouquets de gymnospermes géants s'étendaient sur les toits des bâtiments submergés dont ils gommaient les contours blancs rectangulaires. Çà et là, un vieux château d'eau en béton jaillissait du bourbier, les restes d'une jetée de fortune flottaient près d'un immeuble de bureaux en ruines, envahis d'acacias au feuillage touffu et de tamaris fleuris. D'étroits cours d'eau, changés en tunnels de lumière verte par des voûtes végétales, s'écartaient en sinuant des grandes lagunes et finissaient par rejoindre les chenaux larges de six cents mètres qui parcouraient les anciennes banlieues. La vase recouvrait tout, s'agglomérait en de gigantesques bancs contre un viaduc de chemin de fer ou une suite d'immeubles en arc de cercle, se déversait à travers une arcade engloutie tel le contenu fétide de quelque moderne Cloaca Maxima. La plupart des petits lacs en étaient désormais emplis, disques de boue jaune recouverts de moisissures d'où émergeait un enchevêtrement touffu de formes végétales rivales - jardins murés d'un Éden aliéné.

Auteur: Ballard James Graham

Info: Le monde englouti

[ réchauffement ]

 

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dilemme

Ce qui m'a un peu détruit la tête, c'est que je vénérais Nietzsche et Marx à la fois ; or d'après le peu que j'en savais, leurs idées n'étaient pas trop compatibles. Marx était à fond pour le travailleur, le gars qui bosse sur un chantier de construction comme un malade pour l'enfoiré de riche ; Marx, il était pour tous les gars de chez Dick, il était pour moi. (...) Nietzsche pensait que les minables n'avaient que ce qu'ils méritaient, parce que les forts finissaient toujours par se relever, par conquérir et par se retrouver tout en haut de l'échelle, devenant ainsi les maîtres de la basse-cour. (...) le fait de lire ces deux Schleus m'a donc un peu détraqué. Je n'arrivais pas à décider si je voulais devenir le leader du plus grand syndicat international de l'histoire de l'humanité, ou bien le dictateur d'Oakland, Monsieur le Boss. Parce que, si je devenais un jour Monsieur le Boss, qu'est-ce que je penserais des travailleurs ? Et si je restais un simple travailleur, qu'est-ce que je penserais du Boss ? Lire des bouquins, bordel, c'était pas simple.

Auteur: Williamson Eric Miles

Info: Bienvenue à Oakland

[ perdu ] [ philosophie ] [ paradoxe ] [ politique ] [ complexité ] [ littérature ]

 

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femmes-par-femme

Sans raison particulière, j'ai commencé à regarder de près les femmes sur le boulevard. Soudain, il m'a semblé que j'avais vécu avec une sorte de regard limité : comme si mon attention s'était portée uniquement sur nous, les filles, Ada, Gigliola, Carmela, Marisa, Pinuccia, Lila, moi, mes camarades de classe, et que je n'avais jamais vraiment prêté attention au corps de Melina, de Giuseppina Pelusi, de Nunzia Cerullo, de Maria Carracci. Le seul corps de femme que j'avais étudié, avec une appréhension toujours plus grande, était le corps boiteux de ma mère, et je m'étais sentie oppressée, menacée par cette image, craignant sans cesse qu'elle ne s'impose soudainement à la mienne. Ce jour-là, au contraire, j'ai vu clairement les mères de l'ancien quartier. Elles étaient nerveuses, elles étaient consentantes. Elles étaient silencieuses, lèvres serrées et épaules baissées, ou alors elles criaient de terribles insultes aux enfants qui les harcelaient. Extrêmement maigres, yeux et joues creuses, ou avec un large arrière-train, les chevilles gonflées, une poitrine lourde, elles traînaient sacs de courses et petits enfants qui s'accrochaient à leurs jupes et voulaient être portés. Et, bon Dieu, elles avaient dix ans, tout au plus vingt ans de plus que moi. Pourtant, elles semblaient avoir perdu ces qualités féminines si importantes pour nous, les filles, et que nous accentuions avec vêtements et maquillage. Elles avaient été dévorées par le corps des maris, des pères, des frères, auxquels elles finissaient par ressembler, à cause de leur travail ou de l'arrivée de la vieillesse, de la maladie. Quand cette transformation avait-elle commencé ? Avec les travaux ménagers ? Les grossesses ? Par les coups ? Lila serait-elle déformée comme Nunzia ? Fernando abandonnerait-elle son visage délicat, sa démarche élégante deviendrait-elle celle de Rino, jambes larges, les bras écartés par la poitrine ? Et mon corps serait-il aussi un jour ruiné par l'apparition du corps de ma mère et celui de mon père ? Et tout ce que j'apprenais à l'école se dissoudrait-il, le voisinage prévaudrait-il à nouveau, les horaires, les manières, tout serait-il confondu dans une fange noire, Anaximandre et mon père, Folgóre et Don Achille, les valeurs et les étangs, les aoristes, Hésiode, et l'insolente langue populaire des Solaras, comme, au cours des millénaires, c'était arrivé à la ville débraillée, avilie elle-même ?

Auteur: Ferrante Elena

Info: The Story of a New Name

[ vieillissement ] [ dégradation ] [ prolétaires ]

 
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Ajouté à la BD par miguel

reines de beauté

[Un samedi soir, le comité syndical organise pour les jeunes travailleurs une soirée ayant pour thème l'élection de "Miss Usine". Mais pour les vigilants activistes, aucun divertissement ne peut avoir lieu sans une finalité éducative, voire idéologique.]

Devant les trognes de tartuffe d'un jury pesamment sérieux, rafraîchi par quelques jeunes qui, au milieu de petites vieilles et de vieux gâteux, avaient l'impression de se trouver comme des gamins au premier jour de maternelle, se succédèrent, à tour de rôle, lentement, avec une certaine grâce, d'authentiques beautés, des jambes sculpturales et les seins d'albâtre, des rousses minces, frêles, aux regards innocents comme ceux des veaux nouveau-nées, des hanches solides, prolétaires, et des jambes charnues, des regards simulant le désarroi ou l'innocence et des salopes à l'air monacal, accompagnées d'un délire d'applaudissements, sifflées et encouragées par leurs connaissances, venues nombreuses, des blondes évaporées et des brunes pécheresses, toutes invitées en chœur à venir dans divers bistrots à la réputation douteuse : "la rousse numéro dix à La Grenouille verte ! ; la rouquine numéro cinq à La Mégère magnifique ! ; la deux au Canonnier ! ; la trois au Porte-Jarretelle rouge ! ; nous fournissons la bière, toi, viens avec ce que tu as de mieux !", ce qui énervait de plus en plus le jury. À la fin, sur le grand nombre de candidates, quatre remportèrent à peu près autant de points. Le jury s'était retiré dans une pièce attenante pour formuler des questions de manière à les départager, les goûts étant tellement divers, la simple beauté n'était pas suffisante pour devenir Miss. Et tandis que Jomo incontournable et insouciant comme toujours installait sa chaise au milieu de la scène, pour pleurer de nouveaux avec son chant et sa guitare les chevaux innocents en si grand nombre sacrifiés en l'honneur de l'apparition des tracteurs, les candidates passaient au second plan, se tenaient grelottantes et malheureuses derrière lui, abandonnées provisoirement même de leurs admirateurs ; la voix de Jomo, claire, puissante dominait la salle, réveillant dans le public des souffrances sans nom, une étrange envie de pleurer, à telle enseigne que la réapparition du jury fut accueillie par des sifflets et des huées ; c'est Jomo qu'ils voulaient, mais celui-ci quitta la scène l'air soumis et absent, laissant aux belles, tirées brusquement de leur torpeur, les applaudissements qui n'en finissaient plus.

Auteur: Buzura Augustin

Info: Vocile nopții, traduit du roumain par Guy Hoedts

[ prolétaires ] [ défilé ] [ spectacles mélangés ] [ malentendu ] [ musique ]

 

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Ajouté à la BD par Le sous-projectionniste

chape médiatique

À partir de ce moment-là, à l'exception de quelques commentaires isolés, inévitables, le récit du vieillard cessera d'être écouté attentivement et sera remplacé par une réorganisation de son discours en fonction du vocabulaire utilisé, dans le but d'évaluer l'information reçue. La raison de ce changement imprévu d'attitude est à chercher dans l'emploi du verbe maîtriser, passablement recherché, par le narrateur, qui faillit presque le disqualifier de sa fonction de narrateur complémentaire, important, certes, car sans lui nous n'aurions aucun moyen de savoir ce qui s'est passé dans le monde extérieur, de sa fonction de narrateur complémentaire, disions-nous, de ces événements extraordinaires, alors que chacun sait que la description d'un fait, quel qu'il soit, a tout à gagner de l'utilisation de termes rigoureux et appropriés. […] Un commentateur de télévision trouva la métaphore appropriée et compara l'épidémie, ou quel que soit le nom du phénomène, à une flèche lancée très haut dans les airs qui, ayant atteint l'apogée de son ascension, s'arrête un moment comme en suspens et commence aussitôt après l'inéluctable descente que la gravité s'efforcera d'accélérer avec le consentement de Dieu jusqu'à la disparition du terrible cauchemar qui nous tourmente, et avec cette invocation le commentateur revenait à la trivialité des échanges humains et à l'épidémie proprement dite. Une demi-douzaine de mots de ce genre était constamment utilisée par les grands moyens d'information qui finissaient toujours par former le vœu pieux que les infortunés aveugles retrouvent promptement leur vue perdue, et en attendant ils leur promettaient la solidarité de l'ensemble du corps social organisé, tant officiel que privé. […] Malheureusement, l'inanité de pareils vœux ne tarda pas à être démontrée, les espoirs du gouvernement et les prédictions de la communauté scientifique s'en allèrent tout bonnement en eau de boudin. […] L'effet conjugué de l'inutilité manifeste des débats et de certains cas de cécité subite en plein milieu des séances où l'orateur s'écriait, Je suis aveugle, je suis aveugle, mena les journaux, la radio et la télévision à cesser presque entièrement de rendre compte de ces initiatives, à l'exception du comportement discret et à tous égards louable de certains organes d'information qui, faisant leurs choux gras du sensationnalisme sous toutes ses formes, des heurs et des malheurs d'autrui, n'étaient pas prêts à manquer la moindre occasion de raconter en direct, avec tout le tragique exigé par la situation, la cécité subite, par exemple, d'un professeur d'ophtalmologie.


Auteur: Saramago José

Info: L'aveuglement

[ culture de l'émotion ] [ minimisation ]

 

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Ajouté à la BD par miguel