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jungle primaire

Vous n’avez sans doute jamais entendu parler de la Białowieża Puszcza. Mais pour peu que vous ayez grandi dans la zone tempérée qui couvre une bonne partie de l’Amérique du Nord, du Japon, de la Corée, de la Russie et de plusieurs anciennes républiques soviétiques, ainsi que certaines parties de la Chine, de la Turquie et d’Europe de l’Est et de l’Ouest – îles Britanniques comprises –, alors quelque chose en vous en garde le souvenir. Si vous êtes né dans la toundra ou le désert, les régions subtropicales ou tropicales, la pampa ou la savane, il existe quand même des endroits sur Terre associés à cette Puszcza qui sauront stimuler votre mémoire.

Puszcza est un vieux mot polonais signifiant " forêt vierge ". À cheval entre la Pologne et la Biélorussie, le demi-million d’acres de la forêt de Bialowiesa renferme les derniers fragments européens de forêt à l’état primitif. Souvenez-vous de la forêt mystérieuse et embrumée que vous imaginiez quand on vous lisait un conte de Grimm. Ici, les frênes et les tilleuls culminent à quarante-cinq mètres de hauteur, et couvrent de leur ombre un enchevêtrement humide de charmes, de fougères, d’aulnes rugueux et de gros champignons. Les chênes, tapissés d’un demi-millénaire de mousse, sont tellement immenses qu’ils servent de garde-manger aux pics épeiches : ceux-ci creusent le tronc à sept centimètres de profondeur pour y entreposer des pommes d’épicéa. L’air, épais et frais, se pare d’un silence que seuls viennent briser les cris brefs du casse-noix, le sifflement grave d’une chevêchette d’Europe, ou la plainte d’un loup.

(...) Quel choc que de se dire que l’Europe entière ressemblait jadis à cette Puszcza. On se rend compte, en y pénétrant, que la plupart d’entre nous n’ont jamais connu qu’une pâle copie du programme originel de la nature. Ces sureaux aux troncs de deux mètres de large, ou ces gigantesques épicéas sans âge, devraient nous sembler aussi exotiques que l’Amazone ou l’Antarctique, à nous qui avons grandi près des bois de deuxième génération, chiches en comparaison, qui parsèment l’hémisphère Nord. Eh bien non, ce n’est pas le cas. Au contraire, on s’y sent en terrain connu. Une impression de plénitude en émane, au niveau cellulaire.

Étudiant en sylviculture à l’université de Cracovie, Andrzej Bobiec avait appris la gestion des forêts dans une optique productiviste maximale, notamment en se débarrassant de la couche organique " excessive ", de crainte qu’elle n’abrite scolytes et autres nuisibles. Quand il découvrit la forêt de Bialowiesa, il fut stupéfait d’y trouver dix fois plus de biodiversité que dans toutes les forêts qu’il connaissait.

Auteur: Weismann Joseph

Info: Homo disparitus, 2007

[ nature ] [ native ] [ végétale matrice ] [ Bialovèse ] [ Belovej ]

 

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végétalo-ésotérisme

Ethnobiologiste et baroudeur en Amazonie, Romuald goûta de l'amer breuvage de l'ayahuasca (aujourd'hui courue par les avant-gardistes de la défonce chic) sous la tutelle du chant Icaros d'un chaman. "Son goût était extrêmement amer, et je sentis le liquide descendre dans mon estomac, occasionnant hauts de coeur et nausées. J'espérais ne pas être aussi malade que les autres fois où j'avais cru me vider littéralement de mes organes". Mais bientôt, la douleur s'atténue, laissant place aux visions. Des serpents se dessinent dans le ciel et la conscience éjacule du corps, vaquant au-dessus d'une forêt aux arbres souples comme des flagelles.

Plusieurs questions animent ce livre : les plantes psychotropes trouvent-elles un quelconque intérêt à offrir le plaisir hallucinatoire aux hommes ? Les visions qu'elles procurent ont-elles un sens, et si oui, lequel ? Ces questions étranges se sont imposées à Romuald lorsqu'il remarqua que les hallucinations suscitées par la consommation de DMT végétale sont constituées surtout par des motifs naturels alors que la consommation de DMT synthétique laisse plutôt voir des motifs abstraits. 

Les molécules psychotropes de ces plantes permettent-elles d'accéder à ce qui serait une "mémoire collective de l'espèce" ? On devinera sans mal que cette question est influencée par une lecture quelque peu distraite des hypothèses de l'inconscient collectif de Jung. Mais ne nous arrêtons pas à cette réticence théorique.

Romuald part de l'hypothèse pas inintéressante que les alcaloïdes des plantes psychotropes pourraient être considérés comme des exophéromones* qui annulent la barrière entre les espèces. Un peu comme l'orchidée qui ressemble à s'y méprendre à une abeille et qui dégage des phéromones sexuelles d'abeille pour se faire polliniser par le mâle (il ne suffit donc pas d'être bourré pour baiser n'importe quoi). 

De la même façon, nous dit Romuald, "les esprits des plantes que l'on nomme mères des végétaux sont, pour moi, la résultante de processus mimétiques biochimiques". Il se pourrait même qu'une plante condense en elle l'esprit de plusieurs autres plantes, comme l'ayahuasca que les indigènes considèrent comme l'esprit encyclopédique de la forêt vierge. Si vous avez lu cet incroyable illuminé qu'est Rupert Sheldrake, on peut avancer la notion de champ morphogénétique pour se faire une idée de ce que ça pourrait être, enfin c'est pas sûr non plus. 

Viennent ensuite les arguments proprement biochimiques. L'intentionnalité exophéromonale des plantes psychotropes à destination de l'esprit humain a pu être favorisée, ce qu'expliquent les bien pratiques lois de l'évolution darwinienne : "sous la forme des alcaloïdes messagers, qui lorsqu'ils se connectent à l'ADN neuronal se synchronisent avec un savoir homogène situé dans l'ADN non codant (ADN camelote). Cette mémoire et ce savoir s'expriment à la conscience par une mise en résonance de la stimulation de l'ADN des milliards de neurones de notre cerveau. Ce qui a pour effet de rendre conscient ce savoir sous forme d'images mentales et d'enseignements linguistiques conjoints avec notre cognition".

On en vient à une vision délirante de la réalité. Délirante, mais ô combien réjouissante, ne vous égarez pas ! Ce livre a connu un beau succès dans son milieu et on comprend aisément pourquoi. Les plantes auraient quelque chose à nous dire. Elles auraient traversé des temps immémoriaux pour nous transmettre leur secret – qui est aussi le secret de la vie, car quel citadin ne s'imagine pas aujourd'hui que la nature est la seule chose qui soit vraie ? Grâce à ces plantes, quelque chose comme le savoir universel et absolu deviendrait accessible. Rendez-vous compte ! Une perspective se dessine, la fin d'un égarement apparaît. Plus besoin de perdre du temps et de se fatiguer des vies entières pour creuser, chercher et comprendre dans des voies bien incertaines. le savoir est là et il ne demande, pour se laisser percer, rien d'autre que des investigations en biochimie et en psychologie jungienne, que l'on aura entre-temps redéfinie comme outil de traduction archétypale pour la communication transspéciste, qui succède bien logiquement aux joies asexuées de la réunion transsexiste. 

Les plantes psychotropes tenteraient-elles de réaliser ce que l'homme n'a jamais eu, ne serait-ce que l'idée, de réaliser : comprendre et s'unir à l'esprit des autres espèces vivantes de ce monde, réalisant ce vaste mensonge qu'est l'Unus Mundus ? Ce n'est pas parce que nous préférons ne pas manger de ce pain-là qu'il ne faut pas se poser sérieusement la question, ne serait-ce que pour rire aux larmes des espoirs touchants que nourrit parfois l'humanité.

Auteur: Arcé Alexandra

Info: Critique de l'ouvrage de R.Leterrier : Les plantes psychotropes et la conscience : L'enseignement de l'Ayahuasca. *langage des plantes, inventé par T. McKenna

[ résonances biophysiques ] [ épigénétique ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

romantisme

Il s'arrangeait pour mourir chaque fois du vol nuptial. Plus les femmes étaient légères et plus on le trouvait volatil. Tout le vocabulaire qui servait jadis à la fois aux artilleurs et aux amants, on pouvait l'utiliser pour lui : Pierre mettait en batterie, démasquait, foudroyait, démontait. C'était charmant car c'était jeune et, à quelques pluers près, cela arrangeait au fond tout le monde. Celles qu'il avait fait pleurer ou qui le giflaient ou avec qui il s'était vraiment brouillé, il les comptait sur ses doigts, le sémillant garçon. Il était né comme ça, étant d'une époque où l'amour ne déshonorait personne, où l'on ne se privait de rien, où les devoirs et obligations étaient d'un commun accord réduits au minimum. "Il n'y a pas de raison, disait pierre, pour qu'un train de plaisir ne soit pas aussi un train express."Son train était toujours plein et il n'avait jamais eu à déplorer de déraillement. Mais Pierre venait d'avoir trente-cinq ans. N'ayant pas rencontré l'amour, il commençait à le prendre en respect. "Le jour où je trouverai une femme sur laquelle je ne me jeterrai pas, se dit-il, c'est que je serai arrivé à destination." Il sentait qu'il n'aurait pas, ce jour-là, à renoncer à ses mauvaises habitudes, que ce seraient elles qui renonceraient à lui.

Hedwige l'attendait au salon. Le thé fumait sur le plateau ; une robe d'intérieur, du rouge des vieilles soies d'Orient, descendait à beaux plis sur son corps dur, comme une cascade sur un rocher. Cette mise en scène lui fit aussitôt désirer d'être dehors.

 - Sortons, dit-il, prenez un manteau. Je ne pourrai parler qu'en l'air.

Ils allèrent se promener sur la terrasse, à deux pas, par un crépuscule d'hiver, avec les premières lumières de Paris en contrebas et les grands arbres de la forêt qui s'arrêtaient en ligne au bord de la pelouse. Hedwige a accepté de l'accompagner sans faire d'embarras. Elle trouve naturel qu'une main qui n'est pas la sienne écrive son destin sur le mur. Elle s'en remet à Dieu du soin de sa conversation. Suivre Pierre dans ce parc ne l'a pas troublée. Elle est sereine, sage, courageuse. Ce sont les oies qui font sentinelle. Pierre aussi était très maitre de lui, très calme. Penchés l'un vers l'autre par la gravitation, leurs doigts se joignaient pour atteindre à une intelligence plus profonde d'une situation qui les distinguait des autres êtres et les faisait cependant ressembler à tous. Cette fin de jour corail et soufre, ce jardin peuplé de statues nues sous le ciel de neige, ces chênes noirs et balancés par la brise, toutes ces incantations romanesques, loin d'exciter Pierre l'engageaient à la pudeur et à la retenue. Il sentait grandir en lui une attente et il travaillait à la bien remplir car elle mentait au-delà, non de ses voeux, mais ce dont il se croyait capable. Comme le chrétien espère une sainte mort, il espérait une vraie vie. Le respect de ce qui lui arrive et de celle par qui cela est arrive - car Hedwige est innocente et vierge à tous les degrés - lui interdit tout geste agressif. Pour la première fois il prend sont temps et avec un plaisir infini, car il a l'existence devant lui et avance, d'une coulée naturelle, sur la route la plus grande, la plus connue ; une route dont il ignore la géographie et presque le nom, ne l'ayant jamais suivie ; une route faite pour les piètons et où les bolides ne passent pas. Il va frapper à la porte de l'oracle, comme les paysans à la porte de la sainte Vierge, pour demander si sa terre sera fertile. Il quitte le quotidien et entre dans le songe où vivent les enfants, les inventeurs, les fous, les tireurs de gros lots, le songe propice à l'accomplissement des grands desseins, non des petits désirs. C'est pourquoi il a une densité de dormeur, des lenteurs de plongeurs au fond des mers. Hediwge regarde cet homme de toujours comme un homme d'aujourd'hui. Chaque jeunesse de femme n'a qu'un type d'homme comme chaque génération n'a qu'un auteur et chaque auteur n'est jamais fidèle qu'à seul héros. La nuit est venue. Pierre ne sait plus pendant combien de temps il est resté assis sur ce ban sans décroiser les jambes ; près de lui Hedwige n'a pas bougé, elle dont les flexions sont si belles. À leurs pieds, le sol désolé par l'hiver est aride, squelettique et les pierres gelées des balustres se brisent comme des esquilles. En haut la voie lactée ressemble à une piste de caravane usée par d'anciens soleils. 

- Devant Dieu ou devant tout autre fabricant d'étoiles, dit soudain Pierre, je suis prêt à vous attendre tant qu'il le faudra et je suis décidé à n'épouser personne d'autre que vous.

Hedwige se rapprocha de lui et mit sa tête sur son épaule.

Auteur: Morand Paul

Info: l'homme pressé (1941, 350 p., Gallimard, p.145, 146, 147)

[ étreinte ] [ passion naissante ] [ bilan ] [ délicatesse ] [ beauté ] [ dimension sacrificielle ]

 

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