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philosophe des lumières

Je n'entends point d'ailleurs contester son mérite dramatique, je m'en liens à ma première observation : dès que Voltaire parle en son nom, il n'est que joli, rien ne peut l'échauffer, pas même la bataille de Fontenoi. Il est charmant, dit-on : je le dis aussi, mais j'entends que ce mot soit une critique. Du reste je ne puis souffrir l'exagération qui le nomme universel. Certes je vois de belles exceptions à cette universalité. Il est nul dans l'ode : et qui pourroit s'en étonner ? l'impiété réfléchie avoit tué chez lui la flamme divine de l'enthousiasme ; il est encore nul et même jusqu'au ridicule dans le drame lyrique, son oreille ayant été absolument fermée aux beautés harmoniques comme ses yeux l'étoient à celles de l'art. Dans les genres qui paraissent les plus analogues à son talent naturel, il se traîne : ainsi il est médiocre, froid, et souvent (qui le croiroit ?) lourd et grossier dans la comédie ; car le méchant n'est jamais comique. Par la même raison, il n'a pas su faire une épigramme, la moindre gorgée de son fiel ne pouvant couvrir moins de cent vers. S'il essaie la satire, il glisse dans le libelle; il est insupportable dans l'histoire, en dépit de son art, de son élégance et des grâces de son style ; aucune qualité ne pouvant remplacer celles qui lui manquent et qui sont la vie de l'histoire, la gravité, la bonne foi et la dignité. Quant à son poëme épique, je n'ai pas droit d'en parler : car pour juger un livre, il faut l'avoir lu, et pour le lire il faut être éveillé. Une monotonie assoupissante plane sur la plupart de ses écrits, qui n'ont que deux sujets, la bible et ses ennemis : il blasphème ou il insulte. Sa plaisanterie si vantée est cependant loin d'être irréprochable : le rire qu'elle excite n'est pas légitime ; c'est une grimace. 

Auteur: Maistre Joseph de

Info: Dans "Les soirées de Saint Petersbourg", Quatrième entretien, 1836, pages 189-190

[ jugement dépréciatif ] [ prosateur sarcastique ]

 

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cité imaginaire

Les anciens ont construit Valdrada sur les rives d'un lac, ce sont des maisons aux vérandas superposées et des rues hautes avec des parapets à balustrade donnant sur l'eau. Ainsi, le voyageur voit deux villes lorsqu'il arrive : une directement au-dessus du lac et une autre reflétée à l'envers. Il n'y a rien dans une Valdrada que l'autre Valdrada ne répète pas, car la ville a été construite de manière à ce que chaque point se reflète dans son miroir, et la Valdrada au fond de l'eau contient non seulement toutes les cannelures et les surplombs des façades qui s'élèvent au-dessus du lac, mais aussi l'intérieur des pièces avec leurs plafonds et leurs sols, la perspective des couloirs, les miroirs des armoires. Les habitants de Valdrada savent que tous leurs actes sont à la fois cet acte et son image miroir, à laquelle appartient la dignité particulière des images, et cette conscience leur interdit de s'abandonner un seul instant au hasard et à l'oubli. Même lorsque les amants retournent leurs corps nus peau contre peau en cherchant la position pour prendre plus de plaisir l'un et l'autre, même lorsque les assassins enfoncent le couteau dans les veines noires du cou et que plus le sang coule, plus ils enfoncent la lame qui glisse entre les tendons, ce ne sont pas tant les accouplements ou les massacre qui importent que leurs images limpides et froides dans le miroir. Le miroir rehausse tantôt la valeur des choses, tantôt il la nie. Tout ce qui semble valable au-dessus du miroir ne dure pas lorsqu'il est reflété. Les deux villes jumelles ne sont pas les mêmes, car rien de ce qui existe ou se passe à Valdrada n'est symétrique : à chaque visage et geste répond dans le miroir un visage ou un geste inverse, point par point. Les deux Valdradas vivent l'une pour l'autre, se regardant sans cesse dans les yeux, mais elle ne s'aiment pas.

Auteur: Calvino Italo

Info: Villes invisibles

[ double ]

 

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géopolitique

Francisco Franco, indépendamment d’autres aspects parfois discutables de son action politique, pouvait être considéré comme le véritable inventeur, au niveau mondial, du tourisme de charme, mais son œuvre ne s’arrêtait pas là, cet esprit universel devait plus tard jeter les bases d’un authentique tourisme de masse (qu’on songe à Benidorm ! qu’on songe à Torremolinos ! existait-il dans le monde, durant les années 1960, quoi que ce soit qui puisse y être comparé ?), Francisco Franco était en réalité un authentique géant du tourisme, et c’est à cette aune qu’il finirait par être réévalué, il commençait d’ailleurs à l’être dans quelques écoles hôtelières suisses, et plus généralement sur le plan économique le franquisme avait récemment fait l’objet de travaux intéressants à Harvard et à Yale, montrant comment le caudillo, pressentant que l’Espagne ne parviendrait jamais à raccrocher au train de la révolution industrielle qu’elle avait il faut bien le dire totalement manqué, avait hardiment décidé de brûler les étapes en investissant dans la troisième phase, la phase finale de l’économie européenne, celle du tertiaire, du tourisme et des services, donnant ainsi à son pays un avantage concurrentiel décisif à l’heure où les salariés des nouveaux pays industriels, accédant à un pouvoir d’achat plus élevé, souhaiteraient l’utiliser en Europe soit dans le tourisme de charme, soit dans le tourisme de masse, conformément à leur statut, il n’y avait ceci dit pour l’instant aucun Chinois au parador de Chinchon, un couple d’universitaires anglais des plus ordinaires attendait son tour derrière nous, mais les Chinois viendraient, ils viendraient certainement, je n’avais aucun doute sur leur venue, la seule chose était peut-être quand même de simplifier les formalités d’accueil, quel que soit le respect que l’on puisse et que l’on doive éprouver pour l’œuvre touristique du caudillo les choses avaient changé, il était peu probable maintenant que des espions venus du froid songent à se glisser dans l’innocente cohorte des touristes ordinaires, les espions venus du froid étaient eux-mêmes devenus des touristes ordinaires à l’instar de leur chef, Vladimir Poutine, le premier d’entre eux.

Auteur: Houellebecq Michel

Info: Dans "Sérotonine", pages 39-41

[ développement ] [ historique ]

 

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biais d'interprétation

Vous êtes sans doute au courant des usages ésotériques de la physique quantique, des thérapies parallèles et autres cures holistiques prétendument fondées sur cette théorie. Ces spéculations débridées se prévalent des lectures réalistes de la physique quantique, surinterprétées de façon extrêmement douteuse, il est vrai. Les cures holistiques prétendent se baser sur la non-séparabilité quantique, de même que la télépathie déclare s’appuyer sur les influences non-locales de type bohmien. Or, l’interprétation réflexive de la théorie quantique sape à la base cette tentative d’usage fantaisiste. Pour comprendre comment cela se fait, considérez le théorème de Bell. Selon ce théorème, il suffit de poser les deux hypothèses de localité et de réalisme pour en inférer les inégalités de Bell, qui sont violées par les prévisions quantiques et par toutes les expériences (nombreuses) qui les corroborent. La plupart des interprètes en ont conclu qu’il fallait mettre en cause la localité, ce qui a pu faire croire à un assez grand nombre de chercheurs excellents qu’il existe enfin une démonstration scientifique que le monde est un grand Tout solidaire. À partir de là, et moyennant toutes sortes d’approximations et de glissements de pensée que les chercheurs sérieux dénoncent, certains auteurs de livres destinés au grand public se sont cru autorisés à proclamer que la physique quantique nous permet de comprendre la télépathie voire la psychokinèse, ou bien qu’à travers elle "La Science" confirme les visions mystiques de l’uni-totalité. Mais le théorème de Bell n’ouvrait-il pas une deuxième possibilité, celle qui consiste à mettre en cause l’hypothèse de réalisme des propriétés microphysiques ? Si l’on opte (comme quelques auteurs ont tenté de le faire) pour cette seconde branche de l’alternative, les deux points d’appui allégués des usages ésotériques de la théorie quantique s’écroulent en même temps : (1) la théorie quantique n’est pas une description des arrière-fonds cachés du monde réel, mais seulement un dispositif cohérent de prévision des phénomènes expérimentaux ou technologiques ; et (2) il n’y a rien en elle qui impose un holisme ontologique. Vous imaginez la déception de ceux qui avaient fondé leur espoir de réenchantement du monde sur la physique quantique !

Auteur: Bitbol Michel

Info: http://www.actu-philosophia.com/Entretien-avec-Michel-Bitbol-autour-de-La-520

[ déviances interprétatives ]

 
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biographie

La notice du Monde, en regard de sa tribune, nous présente Alain Badiou (1937-…) comme "philosophe, dramaturge et romancier, professeur émérite à l’Ecole normale supérieure". En fait, il est surtout un bourgeois et un héritier, un "fils de" - en l’occurrence de Marguerite et Raymond, déjà, tous deux, normaliens supérieurs. Le fils Badiou ne sort pas des faubourgs mais de la mairie de Toulouse, dirigée par son père entre 1944 et 1958. Entre ses sept et vingt-et-un ans. Cela crée un habitus du pouvoir et de ses pompes. Sa manie mathématique, il l’a également héritée de son père, lui-même agrégé, comme il en a hérité son adhésion au PSU et son entrée à Normale Sup. Au fond, et c’est son trait le moins répulsif, Badiou est un bon fils et un bon élève qui pense mériter son élévation – par son travail, son application, sa rigueur, sa fidélité aux préceptes reçus et assimilés. Un fanatique consciencieux, inflexible et bénin comme un frère inquisiteur ou un fonctionnaire du Parti. Il est notable qu’il n’élève pas la voix dans les débats "au sein du peuple", confiant dans la toute-puissance de l’argument, puisque son argument possède la toute-puissance de la vérité. Ses sentences d’extermination, il les réserve à "l’ennemi", de même qu’il se réserve la distinction entre l’ami et l’ennemi, en fonction de son interprétation des textes : De la contradiction (1937) et De la juste solution des contradictions au sein du peuple (1957). Gare, simplement, à ne pas glisser d’un camp à l’autre, en s’opposant par exemple à ses exégèses. S’il faut brûler des corps pour sauver des âmes, l’intellectuel aux mains blanches, aux petits yeux plissés, aux lèvres minces et serrées, au ton docte et posé, fera brûler des corps ; fidèle en cela au texte qui lui en donne le pouvoir. Au texte qui lui donne le pouvoir. Il pense sincèrement être le premier de sa promo en marxisme et il aurait trouvé affreusement injuste de ne pas gravir tous les degrés du cursus honorum, maître-assistant à la fac de Reims, professeur à l’université de Vincennes, puis à Normale Sup, etc.

Auteur: PMO Pièces et main-d'oeuvre

Info: Dans "Alain Badiou nous attaque", page 38

[ vacherie ] [ origines ] [ castes ] [ France ]

 
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spiritualité

On trouve, dans l'ésotérisme de l'Islam, trois étapes de la voie mystique, trois étapes qui sont, d'une certaine manière, des degrés de l'amour. La première –shari'ah– est l'étape de la prudence humaine, qui fait que nous séparons nettement ce qui nous appartient, de ce qui est à un autre: "ce qui est à moi est à moi, ce qui est à toi est à toi." Suit une nouvelle étape –tariqah–, étape d'une première sortie de soi, d'un glissement significatif vers l'autre: "ce qui est à toi est à toi et ce qui est à moi est aussi à toi." Cette phase est consommée dans la chimie intime de l'amoureux, indépendamment de la participation de sa partenaire. Enfin, dans la troisième étape –ma'rifah– la distinction entre le "mien" et le "tien" disparaît. Entre les partenaires s'épanouit une parfaite homogénéité, une fusion intense, presque un effacement de la personne.

Je me souviens que, sans connaître le soufisme, Constantin Noica avait sa manière à lui de dire une chose semblable. Il déplorait, parfois, la médiocrité de la formule: "Ne fais pas à l'autre ce que tu n'aimes pas que l'on te fasse." Cela lui semblait d'un minimalisme inacceptable. Il aurait fallu dire, au moins: "Fais à l'autre ce qui te plaît à toi." Cela aurait un air plus généreux, plus noble. La formule idéale serait: "Fais à l'autre ce qui lui plaît."

Les versions islamique et nicassienne culminent par la perte de soi, par le déversement dans l'autre. C'est une des définitions traditionnelles de l'amour. Mais la perte de soi est seulement une moitié, la première moitié de son mouvement respiratoire. Si les choses s'arrêtent là, si après "solve" ne suit pas "coagula", l'amour reste une pure dissolution du moi, une sorte de possession médiumnique. Le cycle complet de l'acte d'amour inclut un deuxième temps, une réintégration de la personne, les retrouvailles de soi dans une variante améliorée. C'est cela, le modèle de l'amour existant entre l'homme et l'ange. Il faut nous perdre dans notre ange pour découvrir le contour personnel de notre humanité, tout comme l'ange doit se perdre, un instant, dans notre humanité, pour retourner, comblé, à la splendeur de son angélicité. 

Auteur: Plesu Andrei

Info: Actualité des anges, "L'amour de l'ange", p.180-181

[ triade ] [ incarnation-maturation ]

 

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oppression

Toutes les forêts s'emplissent de voix tonnantes! Tocsin! tocsin! Que de chaque maison il sorte un soldat ; que le faubourg devienne régiment ; que la ville se fasse armée. Les prussiens sont huit cent mille, vous êtes quarante millions d'hommes. Dressez-vous, et soufflez sur eux ! Lille, Nantes, Tours, Bourges, Orléans, Dijon, Toulouse, Bayonne, ceignez vos reins. En marche ! Lyon, prends ton fusil. Bordeaux, prends ta carabine. Rouen, tire ton épée, et toi, Marseille, chante ta chanson et viens terrible. Cités, cités, cités, faites des forêts de piques, épaississez vos baïonnettes, attelez vos canons, et toi village, prends ta fourche. On n'a pas de poudre, on n'a pas de munitions, on n'a pas d'artillerie ? Erreur ! on en a. D'ailleurs les paysans suisses n'avaient que des cognées, les paysans polonais n'avaient que des faux, les paysans bretons n'avaient que des bâtons. Et tout s'évanouissait devant eux ! Qui veut peut. Un mauvais fusil est excellent quand le coeur est bon ; un vieux tronçon de sabre est invincible quand le bras est vaillant. C'est aux paysans d'Espagne que s'est brisé Napoléon. Tout de suite, en hâte, sans perdre un jour, sans perdre une heure, que chacun, riche, pauvre, ouvrier, bourgeois, laboureur, prenne chez lui ou ramasse à terre tout ce qui ressemble à une arme ou à un projectile. Roulez des rochers, entassez des pavés, changez les sillons en fosses, combattez avec les pierres de notre terre sacrée, lapidez les envahisseurs avec les ossements de notre mère la France. O citoyens, dans les cailloux du chemin, ce que vous leur jetez à la face, c'est la Patrie... Faisons la guerre de jour et de nuit, la guerre des montagnes, la guerre des plaines, la guerre des bois. Levez-vous ! Levez-vous ! Pas de trêve, pas de repos, pas de sommeil ; le despotisme attaque la liberté, l'Allemagne attente à la France. Qu'à la sombre chaleur de notre sol cette colossale armée fonde comme la neige. Que pas un point du territoire ne se dérobe au devoir. Organisons l'effrayante bataille de la Patrie. O francs-tireurs, allez, traversez les halliers, passez les torrents, profitez de l'ombre et du crépuscule, serpentez dans les ravins, glissez-vous, rampez, ajustez, tirez, exterminez l'invasion. Défendez la France avec héroïsme. Soyez terribles, ô patriotes!

Auteur: Hugo Victor

Info: Publié par les Lettres française clandestines, n° spécial, 1er août 1944

[ résistance ] [ nationalisme ] [ Gaule ]

 

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écriture

Si je dis parfois qu'il y a tout dans Balzac, Stendhal, Dostoïevsky ou Tolstoï, je m'aperçois qu'il y a bien autre chose chez Rimbaud, Flaubert ou Valéry. Il ne s'agit plus pour moi de décrire, de déduire ou de conclure. Je répugne à l' "expliqué", comme au "raconté", comme au "romancé". Aussi n'ai-je aucune méthode de travail. J'ai plutôt ma façon de gravir la montagne qui sépare la vallée du papier blanchi du plateau des feuilles noircies. Mais ces pistes demeurent secrètes, même pour moi. Tout ce que je puis révéler, c'est que je voudrais, à mon tour, dire quelques mots de ce qui se passe entre notre âme et les choses, c'est que je voudrais comparaître à mon tour devant le suprême tribunal et connaître l'état de mon cœur. Sans doute, il y a une première prise de contact. Des matières, des images sûres, des odeurs irréfutables, des clartés péremptoires viennent à ma rencontre. J'en écris, soit. C'est un premier jet. J'installe ces couleurs de préface sur un large écran. Je tisse une toile. Le stade second consiste à percevoir plus loin, à m'arrêter devant le même spectacle, à me taire plus avant, à respirer plus profond devant la même émotion. Si j'avais quelque jeune disciple à former, je me contenterais probablement de lui murmurer ces seuls mots "Sensible. s'acharner à être sensible, infiniment sensible, infiniment réceptif. Toujours en état d'osmose. Arriver à n'avoir plus besoin de regarder pour voir. Discerner le murmure des mémoires, le murmure de l'herbe, le murmure des gonds, le murmure des morts. Il s'agit de devenir silencieux pour que le silence nous livre ses mélodies, douleur pour que les douleurs se glissent jusqu'à nous, attente pour que l'attente fasse enfin jouer ses ressorts. Écrire, c'est savoir dérober des secrets qu'il faut encore savoir transformer en diamants. Piste longuement l'expression qui mord et ramène-la de très loin, s'il le faut." Un de mes plus vieux ancêtres avait inventé quelque chose au Palais du Louvre et à la Fontaine des Innocents. Son arrière-petit-fils (il avait une bonne figure) avait inventé un Dictionnaire; mon aïeul avait réinventé sa trousse; mon père avait inventé son verre, ses émaux, sa palette, ses instruments, sa cuisson. Et moi, je cherche à continuer tant bien que mal, en y apportant mon équation de poète chimiste, la taillerie de mes pères…

Auteur: Fargue Léon-Paul

Info: Le Piéton de Paris. Paris, "Par ailleurs". Éditions Gallimard, 1932, 1939.

[ filiation ] [ chaîne ] [ méthode de création ]

 

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anecdote

Lors d’un examen, Niels Bohr, étudiant à l’université, doit expliquer comment mesurer la hauteur d’un immeuble avec un baromètre. Il y répond avec justesse mais le correcteur pense lui mettre zéro. En effet, il s’attendait à une explication fondée sur l’altitude et la pression atmosphérique*. Or, Niels Bohr a répondu : "On monte le baromètre en haut de l’immeuble, on l’attache avec une longue corde, on le fait glisser jusqu’au sol, […], et on mesure la longueur de la corde qui correspond à la hauteur de l’immeuble". Il a bien répondu à la question, mais mérite-t-il un diplôme de physique avec une telle réponse ?

Pour se mettre d’accord, on fait appel à un autre professeur : Ernest Rutherford. Celui-ci repose alors la même question en imposant d’utiliser des savoirs de science physique.

Niels Bohr hésite sur la réponse à donner, il a plusieurs solutions, toutes correctes. Il finit par répondre : "On place le baromètre à la hauteur h du toit. On le laisse tomber en mesurant son temps de chute t avec un chronomètre. Ensuite en utilisant la loi de la chute des corps : h = gt2/2, on trouve la hauteur de l’immeuble".

Il obtient finalement une bonne note. Mais voici les autres solutions qu’il avait trouvées :

– on place le baromètre dehors un jour de soleil, on mesure la hauteur de son ombre ainsi que celle de l’immeuble, et en proportion avec celle du baromètre, on détermine la hauteur de l’immeuble (propriété de Thalès),

– monter les étages avec le baromètre et, au fur et à mesure, marquer un trait sur le mur dès qu’on s’élève de la hauteur du baromètre. On multiplie alors le nombre de marques par la hauteur du baromètre,

– suspendre le baromètre placé au ras du sol à une corde en étant au dessus de l’immeuble, le balancer et mesurer sa période d’oscillation. Cette période dépend de la longueur L de la corde et vaut 2πgL. En chronométrant la période, on en déduit L qui est aussi la hauteur de l’immeuble,

– aller frapper à la porte du concierge et lui dire : "J’ai pour vous un superbe baromètre si vous me dites quelle est la hauteur de l’immeuble".

La légende, car c'en est une, raconte qu'au final Bohr reconnut qu'il savait exactement ce qu'on attendait de lui mais qu'il en avait marre qu'on lui impose une façon de penser.

Auteur: Internet

Info: Compilé de plusieurs source, dont : L’eau au quotidien, de Michel Laguës, Editions O.Jacob, pages 24-25 * Un baromètre mesure la pression atmosphérique. Or, celle-ci est divisée par deux quand on s’élève de cinq kilomètres. On peut donc mesurer la hauteur d’un immeuble en mesurant la variation de pression, ce qui n'est pas une méthode précise avec un baromètre classique.

[ sciences ] [ liberté ] [ créativité ] [ exploration ] [ perspectivisme ] [ indépendance ] [ humour ] [ déclinaisons ]

 

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humour

D'abord, l'inspection de la boîte aux lettres. Je suis sur la pointe des pieds. J'éclaire l'intérieur et j'aperçois trois enveloppes. Il reçoit beaucoup de courrier pour quelqu'un qui n'a emménagé que depuis quelques jours. J'entrevois un pli officiel, peut-être d'une préfecture ou d'un ministère. Qu'est-ce que c'est ? Si j'arrive à savoir, je tiens ma revanche. Puisque tout le monde a vu sa tête avant moi, je vais découvrir son métier la première. Ensuite, à mon tour, je pourrai déclarer d'un air ingénu : "Ah bon ? Vous n'étiez pas au courant ?"
J'essaie d'éclairer au mieux mais l'enveloppe du dessus gêne la lecture. En me servant de ma lampe, juste à la bonne taille pour passer dans la fente, je dois pouvoir la repousser. Je glisse ma lumière le plus loin possible. Il manque encore quelques centimètres. Je la tiens du bout des doigts, je fais encore un petit effort. J'y suis presque et soudain : badaboum dans la boîte de Patatras ! La malédiction frappe encore. Ma lampe est tombée sur son courrier, allumée. D'un seul coup, sa boîte aux lettres ressemble à une petite maison de poupée éclairée. Alors là, on va mettre le salon, ici la cuisine, et la poupée Youpi entrera quand elle aura la clé. Non mais je déraille ! J'ai encore fait une ânerie. Il faut que je récupère ma lampe. Alors je passe les doigts - après tout, elle n'est pas si loin. Je dois pouvoir y arriver, j'ai les mains fines. Je force. Cette méchante poupée Youpi pourrait m'aider. Je me sens comme ces pauvres petits singes pris dans les pièges des braconniers avec leurs minuscules mimines qui ne veulent pas lâcher la cacahuète dans la noix de coco. Je touche la lampe, le bout de mon majeur l'effleure. Elle glisse. Retiens-là, poupée Youpi, ou je t'arrache la tête ! Je n'ai pas le choix, j'enfonce encore plus ma main. La paume est presque entièrement rentrée, mais la lampe m'échappe toujours. Il n'y aura pas de seconde chance, alors je pousse de toutes mes forces, quitte à me faire mal. Ça y est, je me suis broyé la main, mais la paume est passée. Maintenant, c'est le poignet qui souffre, le cerclage métallique de la fente me détruit la peau après m'avoir laminé la main. Tout à coup : le cauchemar, l'effroi. J'entends le grésillement de la gâche électrique de la porte de l'immeuble. Quelqu'un a fait le code et s'apprête à entrer. Il va me trouver comme une gourde suspendue à la boîte du voisin. Je sais maintenant ce qu'éprouve un lapin pris dans les phares d'un camion qui fonce.

Auteur: Legardinier Gilles

Info: Demain j'arrête !

[ littérature ] [ piège ]

 

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