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vocabulaire

Je nettoie les mots.
Je les ramasse la nuit, partout :
Le mot forêt, le mot maison, le mot fleur.
Je m’occupe d’eux pendant la journée
Quand je rêve éveillé.

Le mot solitude me tient compagnie.

Chaque mot a besoin d’être nettoyé et caressé :
Le mot ciel, le mot nuage, le mot mer.
Certains doivent être lavés,
Il faut même les gratter de la saleté des jours et des abus.
Beaucoup de mots arrivent malades,
D’autres arrivent tout simplement usés, déguisés,
Pliés sous le poids des choses qu’ils traînent derrière eux.

Le mot pierre pèse aussi lourd qu’une pierre.
Le mot rose répand son parfum dans l’air.
Le mot arbre a des feuilles, de grandes branches,
Et on peut se reposer à l’ombre de son feuillage.
Le mot chat enfonce ses ongles dans le tapis.
Le mot oiseau ouvre ses ailes pour s’envoler.
Le mot cœur n’arrête pas de battre.
On écoute le mot chanson.

Le mot vent fait voler les papiers et il faut l’enfermer dans la cave
À la fin tous les mots se tournent vers la lumière
Et s’envolent bien loin, légers, nés de ma main une fois de plus :

Le mot étoile, le mot île, le mot pain.

Le mot merci me remercie. Les autres ne le font pas.
Le mot au revoir fait ses adieux.
Les autres sont partis, mots à la surface lisse et lavée,
Comme les cailloux de la rivière :
Le mot jalousie, le mot colère, le mot froid.

Ils partent à la recherche de ceux qui souhaitent les prononcer.
Il suffit de tendre la main
Pour cueillir le mot bateau ou le mot amour.

Je nettoie les mots.
Le mot coquille, le mot lune, le mot mot.
Je les ramasse la nuit, je m’en occupe pendant la journée.
Le mot cuisinier cuisine mon dîner.
Le mot brise me rafraîchit.
Et le mot solitude me tient compagnie.

Auteur: Magalhaes Alvaro

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[ poème ] [ termes ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

soirée familiale

J'ai le souvenir de longs moments, au temps de mon enfance où, heureusement, on n'avait qu'une lampe : il n'y avait pas l'électricité à la maison, si bien qu'autour de la lampe il y avait les personnes qui s'occupaient d'une façon active : une raccommodait, une autre dessinait, une troisième faisait une broderie, une autre son devoir ; et celui ou celle qui n'était pas obligé d'être sous la lampe pour travailler se trouvait en dehors du cercle lumineux.



C'était formidable pour moi de vivre en regardant celle qui tricotait ou raccommodait, en regardant gratter le papier et tracer des lignes quand mon frère faisait ses devoirs.



J'ai vécu là des moments de véritable vie tout à fait passive à regarder les autres et ce n'était pas du tout oisif. Je crois que cela enseigne à vivre ; c'est plein de poésie.



Quand je repense au charme de ce rond de la lampe avec les gens autour, chacun occupé, et puis moi la petite fille qui n'avait à faire et qui était contente, là, à passer une heure, ou deux ... j'ai beaucoup appris.



Après, je savais tricoter, coudre, raccommoder, rien qu'en ayant vu. J'avais vu faire les mains, j'observais, je ne faisais rien. Je me rappelle que de temps en temps on me disait : "Mais pourquoi tu ne viens pas près de la lampe ?" Je répondais : "Non, je suis bien comme cela." Alors on me laissait tranquille.



C'était le soir. C'est à ces moments-là que je me suis mise à broder, j'aimais beaucoup broder, j'étais active.



Mais, dans la journée, quand on était sur la plage, on nous houspillait : "Allez les enfants, on n'est pas là pour s'amuser, creusez des trous !" Il fallait creuser des trous, alors que moi j'aimais être assise et regarder la mer. On m'appelait : "Françoise, tu baguenaudes, tu baguenaudes", et je me disais : "On ne peut donc pas vivre ?"



Je vous le dis : laissez-les vivre, et vivre c'est baguenauder, ne rien faire, car on n'est tout de même pas toujours obligé de faire quelque chose.



Cela, c'est la solitude positive. 

Auteur: Dolto Françoise

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[ observatrice ]

 
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Ajouté à la BD par miguel

insatisfaction

Joakim, exaspéré :
- Toi, tu parles de gratter d’un bout de l’année à l’autre ? Tu n’as pas honte ? C’est toi qui grattes le pays d’un bout à l’autre et ne t’arrêtes nulle part !
Edevart fit dévier la discussion.
- Tu peux dire que je cours tout le temps d’un endroit à l’autre. Mais vaut-il donc mieux rester ici à pourrir dans la baie, comme vous le faites, Ezra et toi ?
- Ezra ! … Es-tu fou ? s’écria Joakim. Sais-tu qu’Ezra, avec le temps, deviendra propriétaire de la plus grande ferme du pays ?
- Oui. Quand il se sera éreinté à défricher et à bêcher sa ferme !
- Quoi ? Il ne devrait pas travailler, peut-être ?
- Et quand Hosea s’éreinte aussi comme une esclave pour ses vaches et ses champs ! poursuivit Edevart. Elle fait peine à voir.
- Tu es trop bête, grommela Joakim. Tu ne vois donc pas comme ils sont contents tous les deux ?
Une réminiscence passa par l’esprit d’Edevart et il dit :
- Ça vient de ce qu’ils ne connaissent rien de mieux.
- Qu’est-ce qu’il y a de mieux ? Ils se donnent du mal avec ce qu’ils ont ; mais ça fait leur joie et ils ne souhaitent pas autre chose.
- Et avec tout le mal qu’ils se donnent, ils ont tout juste de quoi manger.
- Non. Ils ont commencé les mains vides ; mais maintenant, ils ont une maison et un foyer, ils ont des champs, ils ont trois vaches, et bientôt ils auront un cheval.
- Cause toujours ! railla Edevart.
- En outre, ils vivent en paix. Et toi pas ! ils se couchent le soir et ils dorment.
- Je ne dis pas non.
- Mais c’est ce que tu ne fais pas, toi qui cours partout du Nord au Sud, et t’imagines faire beaucoup mieux ! Je t’ai déjà entendu la nuit : tu te tortilles comme un ver avant de t’endormir ; et quand tu ronfles, à la fin, tu geins dans ton sommeil, à propos de ta chute d’eau, et d’August, et de la Floride en Amérique, et de ta ferme. C’est comme ça que tu te reposes la nuit ! Je ne voudrais pas changer avec toi !

Auteur: Hamsun Knut

Info: Dans "Vagabonds", édition Pochothèque, trad. J. Petithuguenin, page 1172

[ simplicité ] [ fuite en avant ] [ dialogue ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

égoïsme

Dis, tu as peur de te mouiller quand tu vois une injustice criante ! Pas vrai, tu ne vas pas avoir la trouille au moment de parler et d'agir... Je sais bien, chacun de nous est très fort quand il s'agit de critiquer et de râler contre une société pourrie. Mais finalement, quand il faut passer aux actes, qu'il faut s'habiller pour sortir de chez soi, on enfile ses pantoufles et sa bonne petite vie sans grosses histoires, et l'on s'excuse, et l'on trouve toujours des raisons...
Dis, qui pourra changer les structures d'une société qui aliène l'homme si tu ne participes pas avec tes camarades à ces transformations urgentes ? Tu es responsable, pour ta part, de l'avenir de l'homme. Ce qui est demandé aujourd'hui, ce n'est pas d'avoir une bonne conscience, mais d'avoir une conscience collective, sensible à tout ce qui se passe dans le monde et autour de soi. A quoi sert de balancer de grandes phrases, de toujours se gratter les méninges pour savoir ce qu'il faut faire, quand on n'a pas le courage de se salir les mains et de prendre ses responsabilités ? Ce que l'on pourrait reprocher à certains "révolutionnaires de salon", c'est qu'ils sont toujours en train de contester la société actuelle mais jamais leur propre personne, toujours à revendiquer leurs droits, sans jamais parler de leurs devoirs. Si les structures doivent changer, les mentalités aussi doivent se transformer de fond en comble. Que vaut un changement matériel si les hommes gardent profondément un esprit de profit et de domination ? Il faut attaquer sur tous les fronts...
Encore est-il nécessaire d'être secoué par un événement, par la rencontre de l'injustice, par de pauvres gens en détresse, pour prendre conscience de la nécessité des changements. C'est un peu comme un rappel brutal, au cours d'un sommeil, de la volonté de Dieu : "Je t'envoie vers tes frères pour y vivre en homme et travailler à faire régner la justice. Tu es avec moi responsable de la création." Et c'est peut-être en commençant par de petits gestes concrets que l'on devient vraiment responsable, prêt à lutter pour plus de justice et d'amour dans le monde. Tout le reste n'est que bavardage ou conversations d'intellectuels, qu'ils soient de gauche ou de droite !
Dis, si tu relisais sérieusement l'Évangiles, tu verrais sans doute à quel point celui qui se laisse saisir par le Christ devient responsable de toute un terre à connaître, à aimer...

Auteur: Imberdis P.

Info: Se salir les mains

[ solidarité ] [ action ]

 

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placebo

Verrues : un sparadrap sinon rien !
Les verrues virales finissent toujours par disparaître et les traitements agressifs font souvent plus de mal que de bien.
Une récente étude américaine relatée dans le Journal international de médecine (JIM) montre que la pose de sparadraps sur les verrues ferait aussi bien que les traitements actuellement proposés, sans effet secondaire. Ses auteurs concluent qu'une "occlusion laissée en place pendant 7 jours" et renouvelée au bout de quelques semaines constitue "une solution anodine qui mérite d'être essayée avant d'avoir recours à des traitements inconfortables et douloureux. Ou après l'échec de ces derniers". Un message qui ravit le Pr Claudine Blanchet-Bardon, la vice-présidente du syndicat national des dermato-vénérologues.
Les verrues virales sont dues à des papillomavirus (HPV). Certaines sont en relief et elles siègent surtout sur le dos des mains et les genoux. Elles peuvent également se développer autour des ongles, le plus souvent chez les enfants qui s'arrachent les peaux. En général, elles ne sont pas douloureuses à la différence des verrues enchâssées dans la peau épaisse de la plante des pieds et qui font très mal à la pression. "Les HPV sont présents partout, aussi bien sur les parquets des domiciles qu'au bord des piscines ou encore sur les tatamis de judo", rappelle le Pr Blanchet-Bardon. Personne n'échappe donc à leur rencontre. Mais c'est vers l'âge de 8 à 10 ans que le risque de souffrir de ce problème est le plus important. Il diminue ensuite avec l'âge, ce qui indiquerait la formation d'une immunisation progressive.
Ne rien faire
Côté traitement, la dermatologue est formelle : en l'absence de douleur, il ne faut rien faire. "Chez les gens dont le système immunitaire fonctionne normalement, les verrues ont une durée de vie de 3 mois à 3 ans et elles finissent toujours par disparaître", rappelle-t-elle. "C'est ce qui explique les succès des rebouteux. Moi, je propose à mes jeunes patients de dessiner tous les soirs leurs verrues et de leur donner l'ordre de partir (avec parfois un traitement local léger en plus). Et ça marche ! Mais je pourrais aussi bien leur conseiller d'enterrer un oignon sous un chêne par une nuit sans lune"...
Le traitement des verrues banales répond, pour cette spécialiste, à une forte pression sociale. Les gens n'admettent pas que l'on ne fasse rien. Pour elle, seuls les produits kératolytiques, qui dissolvent la kératine, la partie cornée de la peau, ont un intérêt. Quant à la présence de sparadraps, elle entraîne des modifications de la couche cornée de la peau et les virus HPV n'apprécient ni l'augmentation de la température locale, ni la macération. Pour les verrues plantaires, qui sont douloureuses, il faut gratter le cal qui se forme localement et essayer d'extraire la verrue avec ces fameux kératolytiques.
Torture
Concernant les autres traitements, Claudine Blanchet-Bardon est très sévère : "La cryothérapie est une torture pour les enfants. Le produit à - 172 °C fait très mal, en particulier sur le bout des doigts, et il n'est pas rare de voir un rebond : la verrue traitée disparaît et autour se forme une couronne des nouvelles petites verrues. Mais le pire est la même thérapie vendue en pharmacie. Cet ersatz d'azote liquide, mal utilisé par les mamans, peut provoquer des nécroses cutanées que nous devons traiter à l'hôpital. Employé pour les verrues du tour de l'ongle, ce produit agressif risque de détruire une partie de la matrice et créer des anomalies définitives des ongles." Enfin, la spécialiste met en garde contre la chirurgie des verrues plantaires - qui peut laisser des cicatrices douloureuses à vie - et les lasers. Alors vive les pansements !

Auteur: Le Point.fr

Info: 16/11/2011

[ médecine ]

 

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normalisation

Europe : les emplois fictifs et le contrôle social
Alors que l'économie en Europe périclite, le New York Times rapporte que les millions de chômeurs de la zone euro se consolent en participant à une curieuse économie parallèle peuplée de milliers d'entreprises fictives qu'on appelle des entreprises d'entraînement. Cet univers alternatif ne produit pas de biens ni de services concrets, mais il offre aux personnes des postes non rémunérés qui leur donnent un cadre, une structure et un sentiment d'intégration. Le fait de participer à ce marché du travail bidon apporte, certes, un certain soulagement à un niveau superficiel, mais quand on sait où regarder, on voit clairement qu'il s'agit de contrôle social.
Conçue après la Seconde Guerre mondiale pour offrir une formation professionnelle, cette simulation commerciale à grande échelle a actuellement pour objectif de résoudre le problème du chômage de longue durée dont souffrent plus de la moitié de ceux qui sont actuellement sans emploi dans l'UE. L'idée de base est d'empêcher les gens rejetés par le marché du travail de se sentir isolés et déprimés, en leur donnant un endroit où ils peuvent au moins faire comme s'ils avaient un emploi normal.
Le fait d'avoir une routine familière et des habitudes est réconfortant. Si vous ne parvenez pas à gratter quelques miettes pour survivre grâce à un contrat de travail temporaire sous-payé dans le monde réel, vous pouvez toujours sauver les apparences en travaillant pour un employeur qui fait semblant de vous payer pendant que votre estomac crie famine. L'article du Times décrit, entre autres, une scène digne de la double pensée d'Orwell, où une femme demande à ses collègues: "Quelle est notre stratégie pour améliorer la rentabilité ?"
On dirait Patricia Routledge s'écriant: C'est Bouquet, chère! B-U-C-K-E-T! 1
Bien que ses promoteurs soutiennent que ce vaste lieu de travail virtuel augmente le professionnalisme et la confiance en soi, le fait est que cette stratégie ne traite que les symptômes. La plupart des gens sans histoire se mettent à poser des questions difficiles quand la catastrophe les frappe et que le monde cesse de faire sens. En gardant les chômeurs occupés à s'entraîner essentiellement à enfiler des perles, on les empêche de réfléchir à des choses plus profondes et de remettre en question les principes de base de la société dans laquelle ils vivent.
Barbara Ehrenreich, l'auteur de Nickel and Dimed 2, qualifie la thérapie des faux emplois d'entraînement au déni :
"La nécessaire première étape, ainsi que le programme en douze étapes l'indique, est de surmonter le déni. La recherche d'emploi n'est pas un emploi ; la reconversion n'est pas la panacée. On peut être plus pauvre qu'on ne l'a jamais été et se sentir aussi plus libre - d'exprimer sa colère et son sentiment d'urgence, de rêver et de créer, de rencontrer d'autres personnes pour travailler avec elles à l'édification d'un monde meilleur".
Des célébrités comme Oprah Winfrey prêchent l'évangile à courte-vue du développement personnel, un récit qui prône le changement individuel, tout en ignorant presque entièrement les problèmes institutionnels plus larges. Les ploutocrates brament sentencieusement que ma richesse est ma vertu dans le sillage de l'effondrement de 2008 et de nouveaux transferts massifs de richesse. Ils ont le culot de stigmatiser les victimes de l'implosion économique qui les a mises au chômage et préconisent une bonne cure d'austérité pour les guérir. Peu importe que les milliardaires trichent en changeant la taille des buts dans les coulisses ou que les gens attentent à leur vie, comme le vieux grec, Dimitris Christoulas, qui a préféré se suicider plutôt que de mourir de faim.
Face à la menace d'un soulèvement politique, la classe dirigeante préfère que les chômeurs restent sagement sur le tapis roulant de l'emploi, le nez dans le guidon, bien dans les clous. Parce que c'est le signe que les travailleurs acquiescent tacitement au système politique, économique et social existant. Autrement, le vulgum pecus pourrait en profiter pour s'organiser et envisager des solutions de rechange. Pour la noblesse fortunée du 0,1%, cela pourrait vraiment être dangereux.

Auteur: Blunden Bill William Alva

Info: 7 juin 2015, Counterpunch

[ pouvoir ] [ domination ] [ maitrise ]

 

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émission tv

Dès le début, dès le générique de ce "Fort Boyard", on pressent que ça va être gênant de regarder ça jusqu’au bout. Quel est cette espèce de fortin saugrenu et laid dont se rapproche la caméra, posé en pleine mer, semblable à une grosse boucle de ceinturon à la dérive ? Qu’est-ce qui s’y déroule de si excitant, tous les vendredis soirs, sur Antenne 2 ? Cela faisait longtemps que je me le demandais, mais je passais toujours sur une autre chaîne avant d’avoir la réponse parce que je me doutais que celle-ci n’aurait pas plus d’intérêt que ma question. Cette fois je suis resté, et je me suis forcé à regarder, du début à la fin, sans sourciller, cette chose morbide entre toutes, et quasiment impensable, qu’on appelle un jeu télévisé.

Les jeux ne sont pas mon fort, en tout cas pas ceux-là. En limitant le jeu au jeu, on essaie toujours de vous convaincre que la vie n’est pas un Jeu. Voilà encore un truc de contrat social. Jeu est un autre !  Je me doute bien que celui-ci, "Les clés de Fort-Boyard", n’est pas le pire de tous : un rouage entre mille, dans la grande Machine à divertir d’après la fin d tout. Mais puisqu’il semble condenser quelques-uns des ingrédients essentiels qu’il faut pour me déplaire, allons-y.

L’architecture sombre et sauvage du décor, pour commencer ; les remous antipathiques de l’océan autour de ces murailles isnistres de cachot ; le romantisme aquatique à son plus haut degré de stupidité iodée autour du romantisme de l’enfermement ; l’animateur et l’animatrice, aussi, avec leur enthousiasme farineux et leurs promesses à faire dresser les cheveux sur la tête ("Vivre en une heure les aventures romanesques de toute une vie !") ; le barde à fausse barbe, également, malheureux figurant dans sa vigie de pacotille payé pour proposer des devinettes ineptes ("Bien pendue, elle est bavarde" : mais oui, c’est la langue, vous êtes formidable !) ; et puis tous ces périls sans danger, toutes ces bêtes féroces qui ne vous feront aucun mal, ces mygales qui ne piquent pas, ces tigres qui resteront à tourner comme des idiots démobilisés derrière leurs barreaux mais qu’on vous montre, comme une nostalgie de jungle, comme un souvenir de l’aventure perdue, comme un échantillon de risque, donc d’Histoire, terminés ; à la façon dont on vous esquisse également des nostalgies de sexe sous la forme d’un bref combat de femmes dans la boue (jolies visions de fesses, intéressants aperçus de cuisses et de cellulite) ; ou encore, au détour d’un labyrinthe, sous les apparences de cette fille nue dont vous n’apercevrez qu’un bout de sein furtivement dressé dans l’obscurité…

C’est ça, un jeu télé, à la fin du XXe siècle ? Oui ; mais j’oubliais l’essentiel, c’est-à-dire les candidats bien sûr. Quatre ou cinq garçons et filles en pleine santé, amis des sports et du grand air, quatre ou cinq asperges dynamiques sélectionnées parce qu’elles ont des têtes à avoir inventé le saut à l’élastique. Rien n’est plus déprimant à contempler, et rien en même temps n’est plus comique, que ces jeunes damnés du Tertiaire, démoniaques et souriants représentants des classes moyennes, incarnations de la nouvelle France profonde jaillie enfin en pleine lumière, sataniques employés de banque ou attachés commerciaux en train de cavaler à travers ce Luna Park de cauchemar, pour exécuter avec un esprit de sérieux épouvantable leur misérable parcours du combattant et récupérer je ne sais combien de clés qui leur feront gagner un monceau d’or. Rien n’est plus instructif non plus : il n’y a pas que la face cachée du spectacle qui soit captivante ; inutile d’espérer rien comprendre à celle-ci si on néglige de contempler, de temps en temps, sa face exhibée, la face montrée de la grande Terreur, l’effrayante et souriante et pathétique face visible de la Tyrannie, avec son armée carnavalesque de sergents recruteurs. Comme dit en ce moment un slogan pour un autre jeu : "On commence par gratter et on finit à la télé." C’est valable littéralement et dans tous les sens, dans un monde où Eros et Thanatos, désormais, portent des nez rouges.

Auteur: Muray Philippe

Info: Dans "Exorcismes spirituels, tome 2 : Mutins de Panurge", éd. Les Belles lettres, Paris, 1998, pages 414-415

[ critique ] [ caricature ] [ reflet du monde ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

déresponsabilisation industrielle

Un documentaire consacré aux désastres de Tchernobyl et de Fukushima a été présenté par Arte le 26 avril dernier, lançant une pernicieuse invitation à "vivre avec" la contamination radioactive, "défi" que prétendent, en ces jours sombres, relever les missionnaires de l’accommodation à la vie en zones contaminées par la radioactivité.



L’"Initiative de Dialogue pour la réhabilitation des conditions de vie après l’accident de Fukushima", présentée dans ce film, a été pilotée par de supposés, et néanmoins dangereux experts à l’œuvre à Tchernobyl hier, à Fukushima aujourd’hui, et en France demain.



[...] Un des principaux objectifs − atteint − de ces programmes, a été d’évincer du terrain de Tchernobyl les initiatives de protection sanitaire développées par des médecins et des physiciens après l’accident de la centrale, et de ne pas ralentir, en conséquence, la détérioration continue de la santé des populations, faute d’apporter une véritable prophylaxie.



Les faits de traîtrise de Gilles Hériard-Dubreuil à l’encontre des spécialistes de santé du Belarus ne semblent toutefois pas avoir dissuadé la députée européenne Europe Écologie-Les Verts Michèle Rivasi et l’avocate Corinne Lepage, "antinucléaires" déclarées, de collaborer avec ce dernier, de le nommer "secrétaire" et "expert qualifié" de leur association européenne Nuclear Transparency Watch, qu’elles ont créée et qu’elles président depuis 2013, appelant à rien moins qu’"une implication systématique des citoyens et de la société civile dans la préparation et la réponse aux situations d’urgence nucléaire en Europe", situations dont on aura suffisamment compris qu’elles ne tarderont plus à "survenir".



[...] 



Voici leurs cinq recettes, qui, pour être bien concoctées, n’en sont pas moins empoisonnées de cette mort qui enverra les gens moisir à plat.



1. Inciter chacun à rester vivre dans les zones contaminées, tout en "optimisant" son exposition à la radioactivité à proportion du coût économique et social de sa protection. Ainsi, maximisent-ils le nombre de personnes contraintes de suivre un protocole de contrôle et de mesure permettant de survivre dans la contamination à moindre coût. À défaut de les soigner.



2. Considérer la réalité radioactive comme un problème psychologique. Il s’agit de transformer une réalité scientifique et sociale – la contamination radioactive et ses dégâts –, en phénomène faisant l’objet d’un "ressenti" individuel, lui-même tributaire de l’état mental, ou psychologique, de chacun.



Le rapport à la radioactivité ne relèverait ainsi que d’une gestion personnalisée de l’angoisse. À dire d’experts, ce ne serait alors plus la situation de contamination qui serait irrationnelle, mais la perception qu’on en aurait.



3. Recourir à un jargon d’"authenticité", pontifiant et illusoirement concret dans lequel les appels à l’autonomie, à la dignité, à la communauté et à l’humain ne font qu’emprunter à la théologie de pâles reflets de transcendance, afin de mieux assujettir l’individu au fonctionnement, ici du tout radioactif, ailleurs du tout sécurisé.



Or, conforter les gens dans le délire selon lequel ils sont des sujets autonomes dans la "gestion de leur contamination", alors qu’ils savent bien qu’il leur est seulement impossible de ne pas se plier aux rapports techno-sociaux dont ils sont prisonniers, c’est vouer à l’échec toute possibilité d’échappée.



On conditionne les populations à la cogestion du désastre, en les encourageant à stimuler, et a minima à simuler, les réflexes et les comportements induits par les modifications du monde environnant. Cette recherche de l’adaptation parfaite passe par l’intériorisation de toutes les formes de pressions que la contamination radioactive fait naître.



4. Promouvoir la résilience, nouvel horizon de l’homme adaptable, censé ne compter que sur lui-même et ses insondables capacités de "rebond". Au nom d’un relativisme pragmatique, d’un primat de "la vie quotidienne", ces médiateurs du désastre insufflent la défiance, voire la décrédibilisation, des connaissances scientifiques les moins contestables, distillent le doute et propagent l’ignorance sur les effets sanitaires de l’exposition durable aux dites "faibles doses" de rayonnement ionisant, tout en déplorant "la montée de la défiance des populations vis-à-vis des différentes sortes d’autorités."



Résilience aidant, c’est à nous qu’ils assignent ensuite la tâche de recoller les morceaux de ce qu’ils contribuent à détruire. Ils préconisent de remplacer les normes de protection par de simples recommandations destinées à faciliter l’action des individus. "Les gens passent ainsi de la résignation à la créativité", s’enthousiasme Jacques Lochard.



Ainsi, chacun n’aurait plus qu’à mobiliser ses propres réserves de résistance à l’irrésistible et devenir "partie prenante" de sa propre irradiation. On reconnaît là le choix de l’État japonais : maintenir les populations sur place et diminuer d’autant, à court terme du moins, le coût d’un accident nucléaire.



5. Banaliser la radioactivité, cet obstacle que l’on apprend à contourner au quotidien dans la recherche de "solutions" immédiates, ponctuelles et individuelles. La radioactivité ne poserait alors problème que dans la seule mesure où les pratiques de vie des habitants les amèneraient à la "croiser" sur le chemin de l’école, du travail, ou de la promenade.



Au Japon, se mène désormais une chasse quotidienne aux hotspots de contamination radioactive, réduits à des incidents facilement résolus en grattant le sol et en stockant la terre dans des sacs poubelle, ou en installant des rideaux de plomb aux fenêtres des chambres d’enfants afin d’"éviter la contamination venant de la forêt."



[...] 



Ces aménageurs de la vie mutilée, relayés par Arte et tant d’autres représentants d’instances étatiques ou associatives, telles que Nuclear Transparency Watch de Mmes Rivasi et Lepage, et M. Hériard-Dubreuil, défendent haut et fort l’irrationalité selon laquelle il existerait un entre-deux de la contamination, où l’exposition au rayonnement ne serait dangereuse qu’en principe, mais s’avèrerait inoffensive dans la réalité. Véritable irrationalité, cette extrême violence du "vivre avec" est une insulte aux survivants.



Il s’agirait donc d’endiguer l’horreur de la contamination en la coulant dans les formes pseudo-rationnelles d’un "tous ensemble, nous vaincrons la radioactivité" ? C’est à quoi se vouent ces prêcheurs de soumission en expliquant, sans foi ni loi, qu’on peut échapper au danger en s’y confrontant, qu’on peut gratter la terre, mais en croisant les doigts.



[...] Proclamant qu’il faut "gérer" sa peur, ils prétendent réduire à néant toute possibilité de mise en cause de la déraison nucléaire, enjoignant à chacun d’en tirer au contraire parti, plutôt que de se hasarder à en rechercher les responsables.



Il fallait dire ce qu’est l’objectif de ces rédempteurs du "vivre avec", qui n’en paieront pas le prix, eux qui ont choisi d’emplir les hôpitaux de malades plutôt que de rendre inhabitées des terres inhabitables.

Auteur: Internet

Info: 3 août 2016, https://sciences-critiques.fr/tchernobyl-fukushima-les-amenageurs-de-la-vie-mutilee/

[ sacrifice différé ] [ minimisation des conséquences ] [ propagande cynique ]

 
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