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codage

Il a à voir avec l’influence des outils que nous essayons d’utiliser sur nos habitudes de penser. Je constate l’existence d’une tradition culturelle, dont les racines remontent sans doute à la Renaissance, d’ignorer cette influence, de considérer l’esprit humain comme le maître suprême et autonome de ses artefacts. Mais si je commence à analyser mon mode de penser et celui de compagnons humains, j’arrive, que cela me plaise ou non, à une conclusion totalement différente, à savoir que les outils que nous tentons d’utiliser et le langage ou la notation que nous utilisons pour exprimer ou enregistrer nos pensées sont les facteurs majeurs déterminant tout simplement ce que nous pouvons penser ou exprimer ! L’analyse de l’influence qu’ont les langages de programmation sur les modes de penser de leurs utilisateurs et la reconnaissance qu’aujourd’hui, la matière grise est de loin notre ressource la plus rare, ensemble, nous donne une nouvelle série de repères pour comparer les mérites relatifs de différents langages de programmation. Le programmeur compétent est pleinement conscient de la taille strictement limitée de son crâne ; il approche donc la tâche de la programmation en toute modestie, et, entre autres choses, il évite les astuces ingénieuses comme la peste.
[…]
Je n’ai pas connaissance d’une autre technologie couvrant un ratio de 10^10 ou plus : l’ordinateur, en raison de son extraordinaire rapidité, semble pour la première fois nous fournir un environnement où des artefacts hautement hiérarchisés sont à la fois possibles et nécessaires. Ce défi, à savoir la confrontation avec le travail de la programmation, est si unique que cette nouvelle expérience peut nous apprendre beaucoup sur nous-mêmes. Elle devrait approfondir notre compréhension du processus de conception et de création, elle devrait nous donner un meilleur contrôle sur l’organisation de nos pensées. Si ça n’est pas le cas, à mon avis nous ne méritons absolument pas l’ordinateur !

Auteur: Dijkstra Edsger W.

Info: The Humble Programmer

[ réflexion ] [ citation s'appliquant à ce logiciel ]

 

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littérature

Un soir, après le repas, j'allai encore en hâte au bord du lac drapé de je ne sais plus très bien quelle mélancolie pluvieuse et sombre. Je m'assis sur un banc sous les branches dégagées d'un saule et ainsi, m'abandonnant à des pensées vagues, je voulus m'imaginer que je n'étais nulle part, une philosophie qui me procura un bien-être étrange et délicieux. L'image de la tristesse sur le lac, sous la pluie, était magnifique. Dans son eau chaude et grise tombait une pluie minutieuse et pour ainsi dire prudente. Mon vieux père avec ses cheveux blancs m'apparut en pensées, ce qui fit de moi un enfant timide et insignifiant, et le portrait de ma mère se mêla au doux et paisible murmure et à la caresse des vagues. Avec l'étendue du lac qui me regardait comme je le faisais moi-même, je découvris l'enfance qui me considérait elle aussi, comme avec de beaux yeux limpides et bons. Tantôt j'oubliais tout à fait où je me trouvais, tantôt je le savais de nouveau. Quelques promeneurs silencieux allaient et venaient tranquillement sur la rive, deux jeunes ouvrières s'assirent sur le banc voisin et commencèrent à bavarder et là-bas sur l'eau, là-bas sur le lac bien-aimé, où les larmes douces et sereines coulaient paisiblement, des amateurs de navigation voguaient encore dans des bateaux ou des barques, le parapluie ouvert au-dessus de leurs têtes, une image qui me fit rêver que j'étais en Chine ou au Japon ou dans un autre pays de poésie et de rêve. Il pleuvait si gentiment et si tendrement dans l'eau et il faisait si sombre. Toutes les pensées sommeillaient puis toutes les pensées étaient de nouveau en éveil. Un vapeur sortit sur le lac; ses lumières scintillaient à merveille dans l'eau lisse et gris argent du lac qui portait ce beau bateau comme s'il éprouvait de la joie à cette apparition féerique. La nuit tomba peu après, et avec elle l'aimable invitation à se lever du banc sous les arbres, à s'éloigner de la rive et à prendre le chemin du retour.

Auteur: Walser Robert

Info: Retour dans la neige, traduit de l'allemand par Golnaz Houchidar, 1999 pp. 94-95

[ crépuscule ] [ onirisme ]

 

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incrédules

Et ces crétins qui ont tous cru, notamment, comme Michel Homay*, à la fable du décès du christianisme en mai 1968, s’indignent des intolérances du passé et dénoncent les crimes jadis commis au nom de la foi, mais se pourlèchent que l’on prépare des lois inqusitoriales destinées à pénaliser les "propos homophobes et transphobes", lesquels vont permettre à ces tristes individus aux mains tachées d’encre depuis la IIIe République de vivre une "sexualité ludique, joyeuse, libre, contractuelle" tout en prenant leur bain de pieds et en calculant leurs points de retraite tandis que l’on remplira les prisons.

Ils disent aussi que, pour en finir avec le cannibalisme rivalitaire des "dieux", il est urgent de remplacer l’imposture de toutes les croyances par le "jaillissement de la vie" ou encore par un "athéisme résolu et gai". Mais qui, sinon eux-mêmes, les empêche d’être résolu, jaillissant et gais, ou encore "incroyablement enthousiastes" et "partisans d’une éthique joyeusement païenne" comme écrit l’un d’entre eux, je ne sais plus si c’est Michel Homay, Sallenave, Patrick Declerck, Accursi ou un autre sbire car je les confonds tous, et d’ailleurs ils ne sont bons qu’à être confondus dans leur confondante satisfaction de rabâcheurs positivistes et leur monochromie intellectuelle. [...]

La première chose remarquable chez l’athée absolu, c’est qu’il éprouve tout de suite le besoin maladif d’ajouter qu’il est joyeusement gai, gaiement réjoui, rempli d’enthousiasme allègre et jubilation tourbillonnante, comme si on pouvait en douter. La seconde chose remarquable, chez l’athée gaiement résolu, c’est la gueule triste de sa prose bâclée, de ses phrases démoralisées, de sa langue grise, précipitée et dépressive, de son analphabétisme d’agrégé de banlieue. L’athée joyeusement gai voudrait bien imposer à tous sa gaieté joyeuse, mais il est déjà incapable de la communiquer à son propre style. Il devrait commencer par euphoriser devant sa porte, mais il n’y pense même pas. Il ne voit pas que le plat sanglot de son style ne trahit que le ressentiment et l’esprit de vengeance qui sont à l’œuvre derrière son enthousiasme athée joyeusement païen et laborieusement incroyant.

Auteur: Muray Philippe

Info: Dans "Exorcismes spirituels, tome 4", Les Belles Lettres, Paris, 2010, pages 1492-1493 * pseudonyme utilisé pour désigner Michel Onfray

[ rebelles conformistes ] [ galériens ] [ platitude de style ] [ mutins de Panurge ]

 
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Ajouté à la BD par Coli Masson

trouble psychologique

A quoi bon se réveiller si personne ne vous attend ? Est-il besoin de donner davantage de commentaires? Notre occident vidé de ses croyances, entouré de ses charniers et des cendres de son passé, essaye d’occulter son désastre en plongeant tête baissée vers le vide et l’oubli. Ecrans, consommation, vide et médiocrité intellectuelle, spirituelle et morale : je m’arrête dans cette grise litanie. Paraphrasant Philippe Muray, je dirais qu’il suffit de mettre le monde entre guillemets pour qu’il nous apparaisse tel qu’en lui-même : porteur de bien peu de promesses et d’attente. L’autisme occidental est ainsi le signe d’une profonde déception ontologique doublée d’un brouillage symbolique dû à la perversion de marqueurs symboliques vitaux devenus illisibles notamment après leurs détournement par les régimes autocratiques et dictatoriaux responsables de meurtres de masse qui ont émaillé l’histoire du XXème siècle, toujours associés à un culte de la personnalité de figures paternelles dévoyées. Il en va de même de pays ayant dû faire face à des situations de guerre et de massacres prolongées, comme par exemple le Liban : je suis ainsi prêt à faire le postulat d’une corrélation entre le taux d’autisme relevé dans un pays et son histoire géopolitique et stratégique plus ou moins récente. On m’objectera que l’humanité est en guerre depuis les tout premiers moments de son émergence, sans que cela se soit jamais traduit par une explosion du taux de prévalence de l’autisme comparable à celle que nous observons actuellement. Certes, mais la grande nouveauté consiste présentement dans l’affaiblissement voire l’absence radicale au sein des sociétés contemporaines des marqueurs symboliques fondamentaux qui autrefois constituaient l’horizon structurant de toute société humaine, et qui offraient un cadre signifiant protecteur. En un raccourci efficace et frappant, on pourrait dégager un lien dynamique entre l’affirmation nietzschéenne "Gott ist tod", ou plus exactement le contexte sociétal et civilisationnel qui a rendu possible sa formulation, et de nombreux désordres symboliques contemporains observés, parmi lesquels l’autisme prend sa place.

Tout ceci n’est cependant dû qu’à une grave erreur de perspective, que les autistes précisément viennent nous forcer à reconsidérer, en nous invitant à tourner la page de l’efficacité destructive et binaire portée par la modernité depuis trois cent quatre-vingts ans exactement - soit depuis la publication du Discours de la Méthode - et les diverses monstruosités qu’elle a fini par engendrer, pour recentrer notre humanité dans ce qui la fonde substantiellement : une intersubjectivité refondée.

Auteur: Farago Pierre

Info: Une proposition pour l'autisme, page 44

[ signifiant maître dénié ] [ perversion ] [ sécularisation ] [ conséquences néfastes ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

modernité

La vitesse est fonction du moindre effort. On fait le plus rapidement possible les choses ennuyeuses ou pénibles. Voilà pourquoi les machines ont été inventées ; mais, et c'est une des erreurs du monde moderne, les loisirs ainsi conquis, au lieu d'en jouir, nous les avons consacrés à travailler davantage, à surproduire; c'est un des effets de cette humaine, trop humaine loi dont parle Gobineau "qui nous fait toujours perdre d'un côté ce que nous gagnons de l'autre" . Supercherie diabolique de la nature ! Le bruit du moteur est la bosse continue de notre existence et qui dit moteur, machinisme, dit vitesse ; la vitesse engendre la surproduction. Gobineau, que je viens de citer, affirme que les races, comme les hommes, sont inégales devant le créateur; qu'il y a une échelle de valeurs, qui monte du sang noir au sang blanc; que le mélange des sangs est, pour une race supérieure, un véritable suicide. Or, qu'est-ce qui cause ce mélange, sinon la facilité matérielle qu'ont les peuples de se rapprocher, et à quoi se ramènent ces communications qui enserrent la terre dans un réseau de routes, de rails et de fils électriques, sinon en dernière analyse, à la machine, à la vitesse ? Lisez les récits de voyages d'aujourd'hui, ce ne sont plus des voyages mais des raids.(...) Il y a dans l'attrait de la vitesse ce noble désir de faire mieux qui a élevé la race aryenne au-dessus des autres et d'elle-même, mais il y a aussi une excitation terrible qui commence à griser l'humanité, et non seulement les peuples enfants comme les noirs, mais les peuples jusqu'ici immobiles, comme les jaunes. "dans l'Asie moderne, fait remarquer un Japonais, il est courant de croiser un abbé bouddhiste roulant en auto à 90 à l'heure." L'affirmation moderne de la puissance temporelle, ce ne sont plus des territoires, c'est le rail. Ce qu'a si bien compris Mussolini en offrant dernièrement au pape non pas un état, mais un train ! Voyez la congestion des villes, le désert des campagnes. Personne ne supporte plus la solitude, ni le sur-place. Le sur-place nous donne un échauffement dont la vitesse est la purge. Si, comme écrit Buffon, "la vitesse d'un animal n'est que l'effet de sa force employée contre sa pesanteur", il semble que toutes les forces des hommes soient aujourd'hui employées à vaincre ce fardeau. Pourquoi ? C'est un des aspects de cette peur de mourir, erreur matérialiste du monde occidental, par quoi peut-être il périra.

Auteur: Morand Paul

Info: Chroniques 1931-1954 (2001, 651 p., Grasset, p.85, 86)

[ méfaits du progrès ] [ perte de sens ] [ évolution néfaste ]

 

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femmes-hommes

Earl but son café en attendant le sandwich. Deux types en complet-veston, le col ouvert et la cravate desserrée, s'assirent à côté de lui et demandèrent du café. Au moment où Doreen s'éloignait, la cafetière à la main, l'un des deux types s'exclama :

— Vise-moi un peu cette paire de miches ! C'est pas croyable !

L'autre se mit à rire.

— J'ai vu mieux, fit-il.

— C'est ce que je voulais dire, dit le premier. Mais t'as des gars, ils aiment leurs chagattes bien grasses.

— Pas moi, dit l'autre.

— Moi non plus, dit le premier. C'est ce que je te disais.

[…]

Elle revint avec la cafetière et, après avoir rempli la tasse d'Earl et celles de ses deux voisins, elle s'arma d'une coupelle et leur tourna le dos pour puiser de la glace. Elle plongea un bras dans le bac du congélateur et racla le fond avec le presse-boules. Sa jupe de nylon blanc remonta sur ses hanches, découvrant le bas d'une gaine rose, des cuisses grises, fripées, un peu velues et des veines qui formaient un entrelacs dément.

Les deux types assis à côté d'Earl échangèrent des regards. L'un d'eux haussa les sourcils. L'autre, la bouche fendue par un sourire, continua de lorgner Doreen par-dessus sa tasse de café tandis qu'elle nappait la glace de sirop de chocolat. Lorsqu'elle se mit à secouer la bombe de chantilly, Earl se leva et se dirigea vers la porte en abandonnant son assiette intacte. Il l'entendit crier son nom, mais il ne s'arrêta pas.

[…]

Au matin, après qu'elle eut expédié les enfants à l'école, Doreen entra dans la chambre et releva le store. Earl était déjà réveillé.

— Regarde-toi dans la glace, lui dit-il.

— Hein ? fit Doreen. Qu'est-ce que tu racontes ?

— Regarde-toi dans la glace, c'est tout.

— Qu'est-ce que je suis censée y voir ?

Mais elle se campa devant le miroir de la coiffeuse et repoussa les cheveux qui lui tombaient sur les épaules.

— Alors ? dit Earl.

— Quoi, alors ?

— Ça m'embête de te dire ça, mais je trouve que tu devrais songer à te mettre au régime. Sérieusement. Je ne plaisante pas. Je trouve que tu devrais perdre quelques kilos. Ne te fâche pas.

— Qu'est-ce que tu veux dire ?

— Rien d'autre que ce que je viens de dire. Je trouve que tu devrais perdre quelques kilos. Maigrir un peu.

— Tu ne m'as jamais fait aucune remarque, dit-elle.

Elle releva sa chemise de nuit au-dessus de ses hanches et se mit de profil pour regarder son ventre dans la glace.

— Ça ne m'avait jamais gêné jusqu'à présent, dit Earl en pesant soigneusement ses mots.


Auteur: Carver Raymond

Info: Neuf Histoires et un Poème. Ils t'ont pas épousée

[ regard des autres ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

rupture

Lorsque mon mari eut une liaison avec quelqu'un d'autre, je remarquais ses yeux moins tendre lorsque nous dînions ensemble. Je l'entendais aussi chanter seul, lorsqu'il entretenait le jardin, ce n'était pas pour moi.

Il était courtois et poli ; il aimait être à la maison, mais dans la fantaisie de sa maison, ce n'était pas moi qui étais assise en face de lui et qui riait de ses blagues. Il ne voulait rien changer, il aimait sa vie. La seule chose qu'il voulait changer, c'était moi.

Il aurait mieux valu qu'il me déteste, ou qu'il me maltraite, ou qu'il fasse ses valises et parte.

En fait, il continuait de mettre son bras sur ma taille tout en parlant d'un nouveau mur pour remplacer la clôture pourrie qui séparait notre jardin de son potager. Je savais qu'il ne quitterait jamais notre maison. Il avait travaillé pour cela.

Jour après jour, je me sentais disparaître. Pour mon mari, je n'étais plus une réalité, j'étais une des choses qui l'entouraient. J'étais la clôture qu'il fallait remplacer. Je me suis regardée dans le miroir et me suis vue moins vivante et excitante. J'étais usée et grise comme un vieux pull qu'on ne peut pas jeter mais qu'on ne veut pas mettre.

Il a reconnu être amoureux d'elle, mais a dit qu'il m'aimait.

Traduit en clair ça voulait dire : je veux tout. Ca voulait dire, je ne veux pas encore te faire de mal. Ca voulait dire : je ne sais pas quoi faire, donne-moi du temps.

Pourquoi, pourquoi devrais-je te donner du temps ? Quel est celui que tu me donnes ? Je suis dans une cellule à attendre d'être appelée pour l'exécution.

Je l'aimais et étais amoureuse de lui. Je n'ai pas utilisé le langage qui aurait pu faire de mon coeur une zone de guerre.

"Tu es si simple et si bonne", a-t-il dit en me passant la main dans les cheveux.

Il voulait dire : "Tes émotions ne sont pas aussi complexes que les miennes". Mon dilemme est poétique.

Mais il n'y avait pas de dilemme. Il ne voulait plus de moi, mais il voulait notre vie.

Finalement, après qu'il soit parti avec elle pendant quelques jours pour revenir frétillant et conciliant, j'ai décidé de ne plus attendre dans ma cellule. Je suis allée où il dormait dans une autre pièce et lui ai demandé de partir. Très patiemment il m'a prié de me rappeler que la maison était sa maison, qu'on ne pouvait pas s'attendre à ce qu'il se retrouve sans abri parce qu'il était amoureux.

"Médée l'a fait", ai-je dit, "et Roméo et Juliette et Cressida, et Ruth dans la Bible".

Il m'a dit de me taire. Il n'était pas un héros.

Alors pourquoi devrais-je être une héroïne ?

Il n'a pas répondu, il a arraché la couverture.

J'ai réfléchi à mes choix.

Je pouvais rester et être malheureuse et humiliée.

Je pouvais partir et être malheureuse et digne.

Je pouvais le supplier de me toucher à nouveau.

Je pouvais vivre dans l'espoir et mourir d'amertume.

J'ai pris des affaires et suis partie. Ce n'était pas facile, c'était ma maison aussi.

J'ai entendu dire qu'il avait remplacé la clôture du potager.

Auteur: Winterson Jeanette

Info: Sexing the Cherry. Trad Mg

[ séparation ] [ couple ] [ homme-par-femme ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

grand nord

J’aurais préféré partir seul et couper tout de suite tout lien avec le monde. Deux cent kilomètres, c’est une longue distance à parcourir avec des cochers, à supporter leurs quintes de toux, leurs tentatives de conversation et leurs silences. Je serais bien parti pour Kaltio à bicyclette si Uggelvik n’avait pas jugé l’idée totalement insensée.

" On ne joue pas avec l’hiver, quoi qu’il se soit passé chez vous ", a-t-il déclaré.

C’est pourquoi je sais que j’ai l’air de ce que je suis : un fuyard pour qui presque plus rien n’a plus d’importance.

Au chaud sous la couverture du traîneau, je regarde le paysage recouvert de neige jusqu’à hauteur de cheville. Finis les fermes prospères, les champs et les lisières de forêt grignotées par les bûcherons. D’immenses espaces s’étendent derrière les arbres. Je les ai d’abord pris pour des cultures, mais il y pousse des pins rabougris et des arbrisseaux recroquevillés dans le froid. Au printemps, quand les canards, les grues cendrées et les pluviers reviendront, elles résonneront de l’incommensurable registre du désir de vivre. Je ne supporterais pas non plus, alors, de me trouver là.

Nous faisons halte, et le silence me bouche les oreilles. L’air écrasé par les nuages de neige avale les sons, j’ai du mal à entendre les rares paroles du cocher, bien que nous soyons assis face à face. Je pense plusieurs fois être devenu sourd, jusqu’à ce qu’il se racle la gorge ou que des étincelles jaillissent du feu de camp. J’avale à grandes gorgées l’amer café bouilli. Aurais-je le temps de faire la sieste ? Mais le cocher se lève bientôt, rince sa tasse dans la neige et va vérifier le harnais du cheval. Les partis métalliques cliquettent.

" Regardez ", dit-il.

Je termine mon café et obéis à l’injonction. Une souche grise se dresse dans la tourbière.

" Il y a un étang, là-bas. Poissonneux. "

Afin de secouer ma torpeur, je vais voir. Le gel a solidifié la tourbière, mais l’eau qui sort des mousses colore de noir l’empreinte de mes pas. Je m’arrête devant la souche. Derrière s’étend en effet un petit lac, un ovale où la neige est moins haute qu’alentour. La pointe du vieil arbre mort brisé à hauteur de poitrine a été sculptée en forme de nageoire. La surface est craquelée de rides verticales. Le bois est chaud et glissant.

Je retourne au traîneau où le cocher a déjà pris sa place. Je hoche le menton en direction du lac.

" Vous pouvez m’en dire plus ? "

Je me frotte les mains. Le bois y a laissé des traces huileuses.

" Non, je suis du village.

- Ce ne sont pas les habitants qui l’ont sculpté ?

- Ce n’est pas dans nos habitudes. Ce sont des Lapons.

- Le bois était bizarre, gras.

- Quelqu’un le nourrit s’en doute encore. C’est du saindoux, je pense, ils ont coutume de l’enduire. "

Je m’installe sous la couverture. Le cocher ordonne au cheval de se mettre en route. Les contours de son dos disparaissent peu à peu dans le crépuscule.

" Ca se dégage, constate-t-il par dessus son épaule. On arrivera avant la nuit à Sodankylä. "

Les nuages se déchirent et l’air fraîchit. Je tire ma chapka sur les oreilles. Une à une, les étoiles les plus hautes apparaissent, soleils sûrement déjà éteints, nous éclairant d’une lumière qui n’existe plus.

Je souffle sur mes moufles et gratte la glace de mes sourcils. Les patins du traîneau crissent, preuve que nous touchons encore terre. Le cosmos est clair et profond, paré d’argent et du vert d’une aurore boréale. Nous y flottons. Le monde entier flotte. La sculpture de bois se dresse dans les tourbières parce qu’il faut pouvoir s’appuyer sur quelque chose face à l’infini du ciel.

Auteur: Kytömäki Anni

Info: Gorge d'or

[ littérature ] [ crépuscule ] [ périple ]

 

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Ajouté à la BD par Le sous-projectionniste

sciences

Les effets de la musique sur le cerveau et la santé
On dit que la musique élève l'âme, mais elle élève aussi... le cerveau ! En effet, une étude récente réalisée par des chercheurs membres du Centre de recherche sur le cerveau, le langage et la musique (CRBLM) rapporte que l'apprentissage de la musique avant l'âge de sept ans influence positivement le développement du cerveau. Plus précisément, la formation musicale pendant l'enfance favorise des connexions plus fortes entre les régions sensorielles et motrices de notre matière grise, l'aidant ainsi à mieux orchestrer la planification et l'exécution de nos mouvements.
Plus encore, des données indiquent que les enfants qui suivent des leçons de musique réussissent mieux certains types de tests, particulièrement ceux de lecture et de concentration. D'autres recherches démontrent qu'une formation musicale développe les capacités auditives, notamment dans un contexte bruyant. Pareillement, l'apprentissage de plusieurs langues pendant l'enfance procure des avantages cognitifs qui peuvent ralentir la sénescence.
Le CRBLM a été créé en 2011, il réunit les forces vives de la recherche sur l'organisation, le fonctionnement et le dysfonctionnement des systèmes nerveux musical et linguistique. Etabli à l'Université McGill et financé par le FRQNT, ce regroupement stratégique rassemble des ingénieurs, des neuroscientifiques, des linguistes, des experts en vieillissement et des psychologues provenant aussi de diverses universités - Université de Montréal, Université Concordia, Université Laval, Université du Québec à Montréal - et de l'INRS.
Par exemple, l'axe de recherche sur les neurosciences se penche sur la capacité d'apprentissage de plusieurs langues. Il tente aussi de mieux comprendre comment nos méninges interagissent avec la musique pour, à long terme, mieux cerner et peut-être traiter des problèmes de langage. Car langage et musique partagent certaines zones du cerveau. C'est ce qui explique que, souvent, un accident cérébral perturbe nos facultés musicales et verbales. Par contre, musique et paroles utilisent également des circuits neuronaux séparés et peuvent donc être perturbés isolément. Les chercheurs ont constaté que beaucoup de patients atteints d'Alzheimer semblent conserver la capacité de reconnaître la musique alors qu'ils n'identifient plus les membres de leur famille et que leur discours est embrouillé.
Une grande partie des travaux sur la musique se fait dans le Laboratoire international de recherche sur le cerveau, la musique et le son (BRAMS), situé à l'Université de Montréal. Cette importante infrastructure est intégrée au CRBLM et dispose notamment de dix salles de test insonorisées à la fine pointe de la technologie et d'un système vidéo 3D d'enregistrement de mouvements.
La compréhension des effets du langage et de la musique sur le cerveau représente tout un défi. En effet, il n'y aurait pas de centre musical et langagier unique dans le cerveau. Comme pour la compréhension du langage, la musique est traitée par différents chefs d'orchestre. Ainsi, chez un musicien, une partie de la matière grise se concentre sur le mouvement des mains, tandis qu'une autre partie s'efforce de déchiffrer les notes de la partition. Par des techniques de neuro-imagerie fonctionnelle, les scientifiques enregistrent les réponses du cerveau et les mouvements de l'interprète à l'aide d'un système de senseurs. Ils combinent ensuite ces données dans des modèles théoriques neurophysiologiques et mathématiques pour comprendre comment le système nerveux permet à une personne de produire de la musique rapidement et facilement. Des chercheurs comme les codirecteurs du BRAMS - Isabelle Peretz, professeure au Département de psychologie de l'Université de Montréal, et Robert Zatorre, professeur à l'Institut neurologique de Montréal (MNI) - ont ainsi établi que certains réseaux neuronaux sont tout de même exclusivement dédiés au traitement de la musique.
Selon certaines études, compte tenu du fait que la musique et la zone de commande du mouvement partagent des circuits neuronaux, l'art musical peut aider les patients atteints de Parkinson ou ceux qui ont subi un accident vasculaire cérébral à améliorer - ou à retrouver - la mobilité. Les personnes qui ont des problèmes de cognition ou de langage profiteraient également des bienfaits d'une mélodie. Les prescriptions pour une thérapie musicale, c'est pour bientôt...

Auteur: Internet

Info: http://www.bulletins-electroniques.com/actualites/73014.htm

[ thérapie ]

 

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réseaux sociaux

Le shadow banning et son rôle dans la censure moderne

Les médias sociaux nous observent et contrôlent ce que nous voyons.

Ce n'est pas un secret, les algorithmes dominent nos vies sociales en ligne - ce n'est pas comme si nous ne prenions pas nos propres décisions lorsqu'il s'agit de savoir à qui nous parlons ou quels médias nous consommons, mais ce serait faire preuve d'une vraie ignorance qu'ignorer comment les systèmes ont été programmés pour catégoriser, collecter et suggérer des données simplement en fonction de nos goûts et de nos suivis. Cela nous expose à des contenus, des personnes et des idées que nous n'aurions pas trouvés par nous-mêmes, mais cela soulève la question du degré de contrôle que ces systèmes exercent sur ce que nous voyons. Voilà qui nous amène au shadow banning. 

Le shadow banning est la décision d'une plateforme de médias sociaux d'empêcher partiellement ou totalement l'interaction avec le contenu d'une personne - empêcher de nouvelles personnes de rechercher votre contenu, s'assurer que vous n'apparaissez pas sous les hashtags ou même limiter la fréquence à laquelle vous êtes suggéré comme personne à suivre... ne sont que quelques exemples de la façon dont cela peut être réalisé. Les plateformes telles qu'Instagram et Tiktok reconnaissent rarement les allégations de cette nature, mais soulignent plutôt leur droit de supprimer les publications qui ne sont pas conformes à leurs directives communautaires et le fait qu'en acceptant d'utiliser la plateforme, vous consentez à leur pouvoir de le faire. 

D'une manière générale, le fait que vos vidéos soient supprimées ou que moins de personnes puissent y accéder n'est pas le plus grand préjudice du monde, mais il faut noter que les personnes qui font l'objet d'un bannissement caché présentent un profil significatif. Si je me réfère aux directives de la communauté Tiktok, il est dit que sont mises au rebut les vidéos créées dans le but de nuire à autrui. Mais dans ces directives, ils s'efforcent de répéter que sont autorisés "les contenus éducatifs, historiques, satiriques, artistiques et autres qui peuvent être clairement identifiés comme des contre-discours ou qui visent à sensibiliser aux dommages causés par des individus et/ou des organisations dangereuses". Cette citation et leur déclaration de soutien au mouvement Black Lives Matter surprendront surtout tous les de créatifs noirs qui ont vu leur taux de fréquentation chuter et leurs vidéos être retirées de leur profil. 

Instagram s'est montré tout aussi complice dans cette affaire - il y a eu un retour de bâton significatif de la part des travailleurs du sexe, des éducateurs sexuels et souvent des espaces inclusifs, queer et sexuellement positifs sur cette application. Dans son article publié dans le Guardian, Chante Joseph a exposé la zone grise qui n'est pas aussi clairement définie que la politique de non-nudité d'Instagram, où les administrateurs peuvent signaler un contenu comme étant "sexuellement suggestif" ; beaucoup de gens affirment que c'est nécessaire afin de s'assurer que les enfants ne sont pas exposés à des contenus inappropriés - plutôt que de responsabiliser les parents ou que les plateformes de médias sociaux tentent au moins d'introduire une forme de restriction d'âge, la charge est donc placée sur les créateurs. Mais considérons, par exemple, les créateurs LGBTQIA+ ; leurs comptes fournissent des informations auxquelles des jeunes qui n'ont peut-être même pas fait leur coming out pourraient avoir accès afin de pouvoir traiter et comprendre leurs sentiments dans un espace sain qui ne leur était pas accessible il y a seulement dix ans. En substance, ces directives sur ce qu'une personne est autorisée à partager sont définies par une norme morale arbitraire où les discussions sur le sexe, en particulier celles qui se situent en dehors du domaine de l'hétéronormatif, sont quelque chose dont il faut se protéger, même s'il y a très peu d'espaces qui les autorisent dans la vie réelle.

Instagram, Twitter, TikTok, Facebook ont tous la réputation d'être superficiels et de reposer sur l'auto-gratification des gens qui veulent exister et être vus (ce qui n'est même pas une mauvaise chose en soi), mais à côté de cela, ils peuvent être utilisés pour partager des idées, des pensées politiques et des savoirs. Ainsi, lorsque des créateurs noirs qui tentent d'informer les masses sont empêchés de partager des informations ou lorsque des messages de travailleurs du sexe sur la misogynie sont inaccessibles parce que leur page est considérée comme trop "sexuellement suggestive" (terme indéfini et donc difficile à traiter), le silence est assourdissant. Le shadowbanning est une menace pour nous tous car il maintient l'illusion du contrôle. Or, cette idée est synonyme de censure et d'obstruction à l'information. De plus, cette obstruction est dictée par ce que les plateformes considèrent comme approprié, de sorte que le pouvoir que nous supposions avoir dans nos voix peut constamment être réduit au silence.

Auteur: Oluwakemi Agunbiade

Info: https://cherwell.org/, 3 septembre 2020

[ pouvoir numérique ]

 

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Ajouté à la BD par miguel