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éloge

Dans Mère Courage, la fatalité est sur la scène, la liberté est dans la salle, et le rôle de la dramaturgie, c’est bien de couper l’une de l’autre. Mère Courage, elle, est dans la fatalité, elle croit que la guerre est inévitable, nécessaire à son commerce, à sa vie, elle n’en fait même pas question. Mais ceci posé devant nous se passe hors de nous. Et au moment même où ce recul nous est donné, nous voyons, nous savons que la guerre n’est pas fatale : nous le savons, non par l’effet d’une prédication ou d’une démonstration, mais par cette espèce d’évidence viscérale qui naît de la confrontation du regardant et du regardé, et qui est la fonction constitutive du théâtre. ("C'est là le grand apport de Brecht, son théâtre fait l'économie d'un prêche et il est bien plus puissant." Arte, soirée Brecht, 23 mars 2019)
C’est ce dédoublement de la fatalité du spectacle et de la liberté du spectateur qui constitue la révolution théâtrale de Brecht.
Un nouveau style est né, celui d’une pure narration, où le spectateur lui-même apporte la dimension de sa liberté : il comprend qu’il a lui aussi ses innombrables guerres de Trente Ans, qu’il y est, comme Mère Courage, aveugle, conscient de perdre à chaque bataille un peu plus de ce qu’il aime ; mais il comprend aussi qu’il lui suffit de voir cette fatalité pour qu’il ne reste plus d’elle qu’un malheur remédiable.

Auteur: Barthes Roland

Info: France-Observateur, 8 juillet 1954, Admirables représentations de Mutter Courage par le Berliner Ensemble

 

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éloge

La traduction d’Eugène Onéguine, c’est, oui, de loin, de loin, de loin, la chose la plus importante que j’aie faite de ma vie – et je ne dis pas que l’intégrale de Dostoïevski, ce n’est rien du tout… Et je ne peux pas expliquer pourquoi, parce que, soit on comprend, soit on ne comprend pas. Je le dis souvent : une fois qu’on est entré dans Onéguine, qu’on a, non pas "compris" (il n’y a rien à comprendre, pas de sens caché, rien – tout est à la surface), mais "senti", alors, vraiment, votre vie change, et vous vivez dans ce sourire, ce sourire d’une tristesse infinie, mais dont émane une lumière étonnante : quelque chose d’intime (je veux dire que ça parle à chacun de nous différemment, selon sa vie, son enfance, ses propres souvenirs) et de totalement universel. Et, je le redis, léger. Et je repense, une fois encore, à cette phrase d’Alexandre Blok, en 1921, avant de se laisser mourir : "Notre mémoire conserve depuis l’enfance un nom joyeux : Pouchkine. Ce nom, ce son emplit de nombreux jours de notre vie. Les sombres noms des empereurs, des chefs de guerre, des inventeurs d’armes de destruction, des bourreaux et des martyrs de la vie. Et, à côté d’eux, ce nom léger : Pouchkine."

Cette légèreté-là, c’est ce qui fait que j’aime si fort la langue russe, et la Russie (et que je suis tellement blessé par son histoire).

Auteur: Markowicz André

Info: Partages

[ écrivain-sur-écrivain ] [ humus linguistique ] [ patrie idiomatique ] [ littérature ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

violées

Vocable pour suggérer le viol, ou pour le contourner : après le passage des soldats près de la rivière, eux que la jeune femme, cachée durant des heures, n'a pu éviter. A rencontrés. A subis. "J'ai subi la France", aurait dit la bergère de treize ans, Chérifa, elle qui justement n'a rien subi, sinon, aujourd'hui, le présent étale.

Les soldats partis, une fois qu'elle s'est lavée, qu'elle a réparé son désordre, qu'elle a renoué sa natte sous le ruban écarlate, tous ces gestes reflétés dans l'eau saumâtre de l'oued, la femme, chaque femme, revient, une heure ou deux après, marche pour affronter le monde, pour éviter que le chancre ne s'ouvre davantage dans le cercle tribal - vieillard aveugle, gardiennes attentives, enfants silencieux avec des mouches sur les yeux, garçonnets déjà soupçonneux :

- Ma fille, y a-t-il eu "dommage" ?

L'une ou l'autre des aïeules posera la question, pour se saisir du silence et construire un barrage au malheur. La jeune femme, cheveux recoiffés, ses yeux dans les yeux sans éclat de la vieille, éparpille du sable brûlant sur toute parole : le viol, non dit, ne sera pas violé. Avalé. Jusqu'à la prochaine alerte.

Vingt ans après, puis-je prétendre habiter ces voix d'asphyxie ? Ne vais-je pas trouver tout au plus de l'eau évaporée ? Quels fantômes réveiller, alors que, dans le désert de l'expression d'amour (amour reçu, "amour" imposé), me sont renvoyées ma propre aridité et mon aphasie.

Auteur: Djebar Assia

Info: L'amour, la fantasia

[ guerre ] [ forcées ] [ colonialisme ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

ennui

Le 11 avril 1954 fut il le jour le plus ennuyeux dans l'histoire ?
La prochaine fois que vous entendrez un ami se plaindre qu'il vient de passer le jour le plus ennuyeux de sa vie, vous pourrez lui parler de ceci.
Un scientifique de Cambridge a développé un programme informatique afin de calculer quel fut le jour le plus casse-pied depuis 1900, rapporte le "Télégraph". Verdict : le 11 avril 1954.
Pour les événements internationaux de ce jours on a : une élection générale en Belgique et la naissance d'Abdullah Atalar, un Turc. La couverture du New York Post affichait deux flics en train de suivre une conférence sur la délinquance juvénile.
Le programme de William Tunstall Pedoe, appelé True Knowledge, utilise des algorithmes qui assortissent 300 millions de faits sur des gens, des endroits et des événements. Il est conçu pour constituer une nouvelle manière de surfer l'Internet.
"L'ironie est donc que - après avoir fait le calcul - ce jour soit intéressant car il fut particulièrement ennuyeux" a dit Tunstall-Pedoe au Télégraph. "à moins que vous ne soyez vous-même Abdullah Atalar." Tunstall-Pedoe a aussi déclaré au "Toronto Star" : "Pour le jour le plus passionnant c'est beaucoup plus difficile.. après tout, on a deux guerres mondiales, des assassinats, bombes nucléaires, des gars qui débarquent sur la lune. Il est bien plus facile de calculer le jour avec le moins d'activité. Comment comparer la conquête de la lune avec Pearl Harbor ?"

Auteur: Pace Gina

Info:

[ anecdote ]

 

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existence

Ce n'est pas de la maîtrise, ma petite, c'est une lutte à mort, quotidienne. La vie est une guerre. Non, la vie, c'est comme avancer dans un pays inconnu. Il faut que tu sois sans arrêt sur tes gardes et à l'affût... Et chaque jour qui passe, les choses empirent, parce que tu pénètres de plus en plus dans le pays des méchants, de plus en plus seul, de plus en plus cerné. Et toi, tu essaies de te battre ici ou là, à l'intérieur de la forêt, comme Rambo, l'armoire à glace des films. Regarde ma maison, je viens de la repeindre. Je l'ai peinte moi-même, avec un rouleau, et les portes avec de la laque. Eh bien ça, c'est lutter comme un brave au milieu de la forêt. Parce que ce qui te vient tout de suite à l'esprit, c'est de tout envoyer au diable. Que le plafond s'écroule et que la cuisine se remplisse de merde. Des fois, il te faut beaucoup de courage rien que pour remonter la fermeture Eclair de tes chaussures. Pourquoi nettoyer, pourquoi se laver? Pourquoi faire l'horrible effort de vivre... pour aller passer dix heures au Hawaï? Et demain je n'y serai plus, je serai dans un autre club, encore plus minable. Puis dans la rue. Ensuite, avec de la chance, une institution de charité. Mais je suis là, tu vois. En train de peindre la maison. Parce que, malgré tout, nous ne sommes pas des animaux.

Auteur: Montero Rosa

Info: Le Territoire des Barbares

[ combat ] [ pensée-de-femme ]

 

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fascisme

C'était des mots qui l'avaient décidé (à rejoindre la poignée d'hommes décidés à trahir et tenter de renverser Hitler), de simples mots qui avaient résonné en lui plus fortement encore que le goût de la vengeance, des mots prononcés pendant la guerre civile espagnole, un jour d'octobre 1936, par le recteur de l'université de Salamanque. Karlheinz voyait encore la frêle silhouette de Miguel de Unamuno se dresser dans l'amphithéâtre bondé de nationalistes vociférant leur amour de la mort en conspuant cet esprit libre. -
Je viens d'entendre le cri nécrophile "Viva la muerte !" qui sonne à mes oreilles comme "À mort la vie !" s'était écrié le philosophe, avant d'ajouter : - Vous vaincrez mais vous ne convaincrez pas. Vous vaincrez parce que vous possédez une surabondance de force brutale, vous ne convaincrez pas parce que convaincre signifie persuader. Et pour persuader il vous faudrait avoir ce qui vous manque : la raison et le droit dans votre combat... Ses adversaires, fous de rage, avaient hurlé : "À mort l'intelligence !" À ce moment précis, Karlheinz avait choisi son camp. Comment peut-on insulter l'intelligence et rester vivant ? Il avait donc fait le choix de la vie, mais aussi de la raison et du droit, deux valeurs qu'il avait longtemps délaissées, tout entier consumé par sa haine du communisme et son mépris pour les démocraties corrompues. Des valeurs qui avait été celles de son père et qu'il lui avait fallu retrouver pour ne pas perdre son âme.

Auteur: Révay Theresa

Info: La vie ne danse qu'un instant, p 372

[ violence ] [ révolte ]

 
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idiomes musiques

Au commencement était le verbe nous disent les anciens. Pour moi, celui du commencement fut roumain. Le médecin et ceux qui avaient veillé sur ma difficile naissance parlaient le roumain. Chez moi, on parlait roumain, je passais la majeure partie de mon temps avec Maria, la jolie fille de paysans qui s’occupait de moi et m’adorait en roumain. Ce n’était, certes, pas la seule phonétique de mon environnement. Dans la Bucovine d’avant la dernière guerre mondiale, on parlait l’allemand, le yiddish, l’ukrainien, le polonais et un étrange mélange de slave, caractéristique des Ruthènes. La grande guerre fratricide entre le yiddish, la langue de l’exil, plébéienne, laïque, et l’hébreu sacré, élitiste, connut, ne l’oublions pas, son heure dramatique à la Conférence de Czernowitz en 1908, quand la victoire solennelle du yiddish (" les Juifs sont un seul peuple, leurs langues est le yiddish") ne pouvait laisser augurer la suprématie spectaculaire et définitive que la création de l’État d’Israël allait assurer quatre décennies plus tard à la langue hébraïque. Lorsque mon grand-père demanda si j’avais des ongles, afin d’évaluer les chances du nouveau-né, je suppose qu’il le fit en yiddish, bien qu’il sût l’hébreu, parlât couramment le roumain, et que dans sa librairie on vendît essentiellement des livres roumains.

À 5 ans, déporté en Transnistrie avec toute la population juive de Bucovine, je ne connaissais que le roumain. Lors de mon premier exode au-delà du Dniestr, la langue roumaine subit l’exil en même temps que moi.

Auteur: Manea Norman

Info: La cinquième impossibilité, p. 45, première page du texte "La langue exilée", 2002

[ judaïsme ] [ enfance ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

océan

Quand ils reprirent la mer, ils essuyèrent une tempête d'une violence telle que, lorsque le cinquième jour se leva sur la lutte fantastique que soutenait le Saltash contre les flots déchaînés pour arriver seulement jusqu'au sud de l'Islande, Ericson se dit que c'était le pire temps de toute la guerre, le pire du monde entier. La mer était devenue comme un champ de bataille rugissant, où l'ouragan chassait et soulevait les navires comme des bouts de papier. Le convoi n'avait plus la forme d'un convoi ; un bateau était à peine un bateau dans cette immensité hurlante. Ce tumultueux coup de vent du sud, croissant en furie de jour en jour, semblait animé d'une méchanceté à laquelle on ne pouvait échapper ; chaque navire était comme un fugitif désespéré, condamné à être lynché par une foule dont les mouvements avaient passé d'une mauvaise humeur maladroite à une rage aveugle. De gigantesques vagues se précipitaient en grondant sur les pygmées qui devaient être leurs proies ; parfois la surface tout entière de la mer se soulevait d'un coup, et le navire qui se trouvait sur le chemin son assaut tremblait et chancelait tandis que des tonnes d'eau verte s'écroulaient sur son pont et dévalaient en torrent sur toute sa longueur. Les embarcations étaient fracassées, les cheminées bosselées, les passerelles et les roufs écrasés; des hommes disparaissaient par-dessus bord sans une trace, sans un cri, balayés de la vie comme des images effacées d'un tableau noir par un impérieux coup d'éponge.

Auteur: Monsarrat Nicholas

Info: La Mer cruelle

 

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fantasme

Il [Jung] déclare qu’ "il est seulement nécessaire de retourner en arrière de quelques centaines d’années, pour atteindre le niveau conscient comparable à celui de notre contenu inconscient (collectif)". Bien loin de sauvegarder ses positions, Jung par cet argument même sape ses propres valeurs psychologiques à la base. Car, si les archétypes recèlent des éléments datant de la Conspiration des Poudres, nous pouvons à juste titre nous demander si le terme "collectif" a réellement une signification précise et d’ailleurs, pour quelle raisons les archétypes seraient considérés comme dotés de tant de sagesse, de puissance, et dignes de tant de vénération. Nous pouvons également nous demander quelle influence cosmique existait au temps de la Guerre des Roses, capable de modifier la libido de telle façon qu’elle pût donner naissance à de nouvelles tendances héréditaires. Quoi qu’il en soit, Jung semble incapable de saisir que ce qui est phylogénétiquement vieux, a été ontogénétiquement jeune, et même mal dégrossi. De plus, de par son propre aveu, les apports reçus par l’inconscient sont minimes ; et comme il soutient que ce qui est héréditaire est une tendance à penser sur un mode archaïque, il est évident que les résultats de cette tendance ne peuvent être que répétitifs et non cumulatifs. Ils ne peuvent s’améliorer eux-mêmes ; ils doivent, ontogénétiquement parlant, toujours être jeunes et mal dégrossis. Vue sous cet angle, l’action de l’inconscient collectif devrait être – en termes de mécanique – de "gripper" l’ensemble de l’appareil psychique, et non d’assurer son fonctionnement harmonieux. 

Auteur: Glover Edward

Info: Dans "Freud ou Jung ?", trad. Lucy Jones, P.U.F., Paris, 1954, page 52

[ mythe du vieux sage ] [ contradictions ] [ critique ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

encoléré

La Bêtise publique me submerge. Depuis 1870, je suis devenu patriote. En voyant crever mon pays, je sens que je l'aimais. La Prusse peut démonter ses fusils. Pas n'est besoin d'elle pour nous faire mourir. La Bourgeoisie est tellement ahurie qu'elle n'a plus même l'instinct de se défendre. — Et ce qui lui succédera sera pire ! J'ai la tristesse qu'avaient les patriciens romains au IVème siècle. Je sens monter du fond du sol une irrémédiable Barbarie. — J'espère être crevé avant qu'elle n'ait tout emporté. Mais en attendant, ce n'est pas drôle. Jamais les intérêts de l'esprit n'ont moins compté. Jamais la haine de toute grandeur, le dédain du Beau, l'exécration de la littérature enfin n'a été si manifeste. J'ai toujours tâché de vivre dans une tour d'ivoire. Mais une marée de merde en bat les murs, à la faire crouler. [...] Je ne peux plus causer avec qui que ce soit sans me mettre en colère. Et tout ce que je lis de contemporain me fait bondir. Joli état ! — ce qui ne m'empêche pas de préparer un bouquin où je tâcherai de cracher ma bile. Je voudrais bien en causer avec vous. Je ne me laisse donc pas abattre, comme vous voyez. Si je ne travaillais pas, je n'aurais plus qu'à piquer une tête dans la rivière avec une pierre au cou. — 1870 a rendu beaucoup de gens fous, ou imbéciles, ou enragés. Je suis dans cette dernière catégorie. C'est là le vrai.

Auteur: Flaubert Gustave

Info: extrait d'une lettre adressée à Ivan Tourguéniev, 13 novembre 1872

[ guerre ] [ nationalisme ]

 

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Ajouté à la BD par Bandini