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élément perturbateur

[…] Socrate, lui aussi, choisit de servir Eros pour s’en servir, en s’en servant. Cela l’a conduit très loin, remarquez-le – à un très loin que l’on s’efforce de camoufler en en faisant un pur et simple accident de ce que j’appelais tout à l’heure le fond grouillant de l’infection sociale. Mais n’est-ce pas lui faire injustice, ne pas lui rendre raison, que de le croire ? De croire qu’il ne savait pas parfaitement qu’il allait proprement à contre-courant de tout cet ordre social au milieu duquel il inscrivait sa pratique quotidienne ? Son comportement n’était-il pas véritablement insensé, et scandaleux, de quelque mérite que la dévotion de ses disciples ait entendu ensuite le revêtir en en mettant en valeur les faces héroïques ? Il est clair qu’ils n’ont pas pu faire que de ne pas enregistrer ce qui est une caractéristique majeure chez Socrate, et que Platon lui-même a qualifié d’un mot resté célèbre auprès de ceux qui se sont approchés du problème de Socrate – son atopia dans l’ordre de la cité.

Auteur: Lacan Jacques

Info: Dans le "Séminaire, livre VIII - Le transfert" pages 18-19

[ court-circuitage ] [ daïmon ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

dictature

Dans la maison de Mme Song, comme dans toutes les maisons du pays, des portraits du "cher dirigeant" sont accrochés aux murs à l'exclusion de toute autre décoration, car il est strictement interdit d'y suspendre autre chose, y compris des photographies de famille. Kim Il-sung incarnait la seule famille dont les Nord Coréens avaient besoin, jusque dans les années quatre-vingt, lorsque les portraits de Kim Jong-Il, nouveau secrétaire du parti, l'y rejoignirent. Ensuite arriva le troisième cliché officiel : le père et le fils réunis. Les quotidiens aiment à raconter des faits divers dans lesquels des citoyens héroïques perdent la vie en sauvant ces fameuses images des flots ou des flammes. Le Parti du Travail les distribue gratuitement. Derrière le cadre se cache une petit boîte dans laquelle se trouve le tissu blanc qui servira à épousseter et uniquement à l'épousseter. Ce qui devient crucial lors de la saison des pluies pour éviter que la moisissure s'infiltre sous le verre car, une fois par mois environ, des agents de la Police des normes publiques peuvent s'inviter à l'improviste afin de vérifier leur propreté.

Auteur: Demick Barbara

Info: Vies ordinaires en Corée du nord

[ terreur ] [ idolâtrie ]

 

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introspection

Chaque personne doit, à un certain niveau, se prendre comme point de référence pour la normalité, et assumer que l'espace de son propre esprit n'est pas, ne peut pas, lui être entièrement opaque. C'est peut-être ce que nous entendons par santé mentale: que, quelles que soient nos excentricités auto-admises, nous ne sommes pas les méchants de nos propres histoires. En fait, c'est bien le contraire: nous jouons, et jouons seulement, le héros, et dans le tourbillon des histoires des autres, dans la mesure où ces histoires ne nous concernent pas du tout, nous ne sommes jamais moins qu'héroïques. Qui, à l'époque de la télévision, ne s'est pas tenu devant un miroir et a imaginé sa vie comme un spectacle peut-être déjà observé par les multitudes? Qui n'a pas, avec cette idée à l'esprit, apporté quelque chose de performant dans sa vie quotidienne? Nous avons la capacité de faire le bien et le mal, et le plus souvent nous choisissons le bien. Quand nous ne le faisons pas, ni nous ni notre auditoire imaginaire ne sont troublés, parce que nous sommes capables de nous articuler à nous-mêmes, et parce que nous avons par nos autres décisions, mérité leur sympathie. Ils sont prêts à croire le meilleur de nous, et pas sans raison.

Auteur: Teju Cole

Info: Open city

[ équilibre ] [ refuge ] [ moi ] [ ego ]

 

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être humain

En un certain sens, les humains, ceux de sexe masculin en tout cas, étaient comparables à des véhicules d'occasion. On pouvait reconnaître le modèle et évaluer le kilométrage. Un observateur averti était capable de dire si les amortisseurs étaient encore bons, si l'embrayage patinait, si les cylindres étaient usés. Les hommes étaient comme des poids lourds : les vieux comme de vieux camions et les jeunes comme des camions neufs. Mais il y en avait aussi qui ressemblaient plutôt à des mobylettes ou à des scooters des mers.
Les femmes, elles, à supposer qu'on puisse les comparer à des véhicules, étaient comme des voitures. Une femme jeune et jolie était une décapotable aux lignes fluides, mais si elle pratiquait avec trop d'ardeur la circulation nocturne, la carrosserie ne résistait pas : elle se couvrait de bosselures, la peinture s'écaillait, les béquets rouillaient. Un jour ou l'autre, pendant une marche arrière, un feu arrière se brisait et cela ne valait pas le coup de le changer. Il y avait aussi des voitures féminines qui ne vieillissaient jamais et restaient intemporelles année après année, tout au long de l'histoire de l'automobile. On les bichonnait avec amour et leurs formes suscitaient encore l'intérêt alors que les camions les plus robustes étaient partis à la casse depuis longtemps. Les héroïques mères de familles nombreuses, quant à elles, étaient des autobus parfaitement fiables, toujours à l'heure, qui ne laissaient jamais personne sur le bas-côté.

Auteur: Paasilinna Arto

Info: La cavale du géomètre, p.19, Éd. Folio n°3393

[ voiture ] [ véhicule ] [ automobile ]

 

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élément biographique

En 1914, une de ses lettres est publiée dans le courrier des lecteurs. Les nombreuses réponses qu'il reçoit à cette occasion lui font découvrir un monde qu'il ignorait, celui du "journalisme amateur", composé d'écrivains, poètes et essayistes en herbe publiant leurs propres petites revues et les diffusant par correspondance. Lovecraft adhère à l'une des deux grandes associations actives dans ce domaine, la United Amateur Press Association, par l’intermédiaire de laquelle il se fait de nombreux amis et correspondants. Voici Lovecraft brusquement tiré de son isolement et de sa dépression. Il sort de chez lui pour participer à des conventions ; il rencontre à ces occasions de nombreux autres membres de l'association, et dans certains cas ce sera le début d'une amitié durable. Ses nombreuses contributions sont publiées dans les journaux des autres amateurs, dans sa propre revue amateur, The Conservative, et dans l'organe de l'association, dont il deviendra même président. Les textes qu'il publie dans ces supports comprennent essentiellement des essais dans lesquels il expose des conceptions politiques rétrogrades, marquées par un conservatisme forcené, un militarisme ardent et une xénophobie qui fait plus que friser le racisme ; une poésie tout aussi passéiste (et indigeste), prenant pour référence absolue le XVIIIe siècle anglais et les "couplets héroïques" de Dryden et de Pope ; enfin, de nombreux textes pédagogiques où il tente d'élever le niveau littéraire de ses amis amateurs en leur donnant de véritables petits cours sur la grammaire, la description ou la narration.

Auteur: Thill Christophe

Info: Le guide Lovecraft. Deuxième partie - Biographie

[ réseau libérateur ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

accompagnement final

Naomi est tombée malade d'une encéphalomyélite myalgique/syndrome de fatigue chronique en 1980 et se retrouva  complètement alitée en 1983. Nous avons combattu les plus puissantes compagnies d'assurance américaines devant les tribunaux et dans la presse (voir Lemisch, "Do They Want my Wife to Die ?" New York Times, 15 avril 1992) et défendu ses soins à domicile 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, qui se sont poursuivis jusqu'au jour de sa mort. Parmi ses œuvres les plus héroïques figurent ses articles créatifs sur la science et le féminisme, écrits par elle à cette époque, entièrement depuis son lit. En mars 2015, on lui diagnostiqua un cancer des ovaires à l'hôpital Lenox Hill de New York. De mille manières LH montra ignorance et son mépris à son endroit et pour son EM/SFC (Syndrome de fatigue chronique) sous-jacent. (Voir "Doctors Strive to do Less Harm" de Gina Kolata, New York Times, 18 février 2015, qui, sans nommer Lenox Hill, explique précisément les préjudices commis par l'institution ; pas une âme rencontrée à LH n'a pris connaissance de cet article en première page, publié pendant l'hospitalisation de Naomi). Quelle que soit la résilience que Naomi avait accumulée au cours de ses 30 ans et plus de soins attentifs, elle fut victime des abus de Lenox Hill et de son inattention totale à l'égard de sa maladie sous-jacente. Sortie de l'hôpital le 17 mars dans un état lamentable, à l'agonie, elle ne fut hospitalisée que deux jours plus tard. Nous avions choisi l'hôpital Mount Sinai, une institution beaucoup plus humaine. Mais il était trop tard : elle est morte à 23 heures le jeudi 26 mars.  Alors que la mort approchait, j'ai chanté pour elle : "September Song", "Swing Low, Sweet Chariot", et, comme elle me l'avait toujours chanté lors de  temps troublés, "Hush, Little Baby, Don't You Cry".

Auteur: Lemisch Jesse

Info: 29 mars 2015. A propos de sa compagne Naomi Weisstein

[ couple ] [ fidélité ] [ femme-par-homme ]

 
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Ajouté à la BD par miguel

protestantisme

1525. — La révolte des paysans. Un brusque éclair déchirant les nuées d’illusion. Et Luther vit, tel qu’il était réellement, il vit, sa faux en mains, son épieu levé, l’homme du peuple misérable, inculte, grossier. Et qui n’acceptait pas, mais de toute sa force sauvage ébranlait furieusement les parois de sa cellule. Lui promettre les fruits magnifiques de la liberté chrétienne ? Dérision trop forte. Prendre part à ses peines, épouser ses revendications ? Jamais. C’était contre Dieu. Et d’ailleurs, le raisonnement que Luther oppose aux iconoclastes : "Les images sont sans vertu ? pourquoi donc s’insurger contre elles ?" — ce raisonnement s’appliquait trop bien aux princes : "Quel pouvoir possèdent-ils sur les âmes ? Aucun. Pourquoi donc se dresser contre une tyrannie qui ne mord pas sur la vraie personne ?" Non, pas de collaboration avec les mutins. Les réprimer, durement. Cogner sans scrupules sur ces museaux insolents.

À ce prix, toutes choses redeviendraient claires. Tout s’ordonnerait à nouveau, de façon satisfaisante. D’un côté, les héros. Quelques rares génies, quelques puissantes individualités, acceptant avec indifférence les contraintes extérieures, subissant sans prendre la peine de protester ou de résister, toutes les gênes et toutes les mesquineries, mais connaissant au-dedans d’eux-mêmes la véritable liberté, la joie surhumaine d’échapper aux servitudes, de tenir les lois pour nulles, de conduire contre les nécessités mécaniques la révolte du libre esprit. De l’autre côté, la masse, soumise aux contraintes, éprouvant leurs rigueurs salutaires, possédant elle aussi en théorie sa liberté intérieure, mais incapable d’en user et menant sa vie dans les cadres d’un état patriarcal agissant et prévoyant pour tous, appliquant à son cheptel humain les recettes d’un despotisme plus ou moins éclairé...

Contraste brutal d’une société luthérienne se développant dans sa médiocrité avec son moralisme pharisaïque et timoré, sa parfaite réussite dans les petites choses, sa passivité et sa lâcheté dans les grandes, et d’une foi visionnaire animant quelques génies héroïques à qui rien ni personne n’en impose, et dont l’esprit parcourt des espaces infinis : mais leur corps reste à terre, dans la boue commune. Des citoyens ? Oui, de la cité céleste. La cité terrestre, ils n’aspirent ni à la diriger ni à l’améliorer. Sujets dociles, fonctionnaires modèles, ils donnent l’exemple de la soumission parfaite aux ordres d’un Prince, qui finalement, se dressant au-dessus de toutes les têtes courbées, détient seul un pouvoir que nul ne lui conteste.

C’était toute l’histoire, toute la philosophie de l’Allemagne luthérienne qui se dessinait ainsi, au printemps de 1525, dans les rêveries sans doute, dans les exhortations en tout cas d’un Luther, troublé au fond de son cœur et d’autant plus fort criant ses certitudes.

Auteur: Febvre Lucien

Info: Un destin : Martin Luther, PUF, 1968, pages 166-167

[ éternel-temporel ] [ obéissance ] [ politique ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

inversion des valeurs

La vraie raison de l’euthanasie, en réalité, c’est que nous ne supportons plus les vieux, nous ne voulons même pas savoir qu’ils existent, c’est pour ça que nous les parquons dans des endroits spécialisés, hors de la vue des autres humains. La quasi-totalité des gens aujourd’hui considèrent que la valeur d’un être humain décroît au fur et à mesure que son âge augmente ; que la vie d’un jeune homme, et plus encore d’un enfant, a largement plus de valeur que celle d’une très vieille personne ; je suppose que vous serez également d’accord avec moi là-dessus ?

— Oui, tout à fait.

— Eh bien ça, c’est un retournement complet, une mutation anthropologique radicale. Bien sûr, du fait que le pourcentage de vieillards dans la population ne cesse d’augmenter, c’est assez malencontreux. Mais il y a autre chose, de beaucoup plus grave… 

Dans toutes les civilisations antérieures, dit-il finalement, ce qui déterminait l’estime, voire l’admiration qu’on pouvait porter à un homme, ce qui permettait de juger de sa valeur, c’était la manière dont il s’était effectivement comporté tout au long de sa vie ; même l’honorabilité bourgeoise n’était accordée que de confiance, à titre provisoire ; il fallait ensuite, par toute une vie d’honnêteté, la mériter. En accordant plus de valeur à la vie d’un enfant – alors que nous ne savons nullement ce qu’il va devenir, s’il sera intelligent ou stupide, un génie, un criminel ou un saint – nous dénions toute valeur à nos actions réelles. Nos actes héroïques ou généreux, tout ce que nous avons réussi à accomplir, nos réalisations, nos œuvres, rien de tout cela n’a plus le moindre prix aux yeux du monde – et, très vite, n’en a pas davantage à nos propres yeux. Nous ôtons ainsi toute motivation et tout sens à la vie ; c’est, très exactement, ce que l’on appelle le nihilisme. Dévaluer le passé et le présent au profit du devenir, dévaluer le réel pour lui préférer une virtualité située dans un futur vague, ce sont des symptômes du nihilisme européen bien plus décisifs que tous ceux que Nietzsche a pu relever – enfin maintenant il faudrait parler du nihilisme occidental, voire du nihilisme moderne, je ne suis pas du tout certain que les pays asiatiques soient épargnés à moyen terme. Il est vrai que Nietzsche ne pouvait pas repérer le phénomène, il ne s’est manifesté que largement après sa mort. Alors non, en effet, je ne suis pas chrétien ; j’ai même tendance à considérer que c’est avec le christianisme que ça a commencé, cette tendance à se résigner au monde présent, aussi insupportable soit-il, dans l’attente d’un sauveur et d’un avenir hypothétique ; le péché originel du christianisme, à mes yeux, c’est l’espérance.

Auteur: Houellebecq Michel

Info: Anéantir, p.453

[ assurances-vie ]

 
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Ajouté à la BD par Bandini

psychanalyse

Il vous suffit d’ouvrir ce petit livre qui s’appelle Moïse et le monothéisme sur lequel FREUD, après l’avoir mijoté depuis quelques dix ans - à partir de Totem et Tabou il ne pensait qu’à ça, à cette histoire de Moïse et de la religion de ses pères - articule ce qui concerne le monothéisme. [...]

Rien ne me paraît en tout cas plus fermement articulé, plus conforme à toute la pensée antérieure de FREUD que ce Moïse et le monothéisme. Autour de quoi porte la question de Moïse et le monothéisme ? Il s’agit évidemment, de la façon la plus claire, du message monothéiste comme tel. C’est cela qui intéresse FREUD. C’est cela d’ailleurs qui d’emblée n’a pas besoin pour lui d’être discuté dans l’ordre de la connotation de valeur.

Je veux dire que pour lui il ne fait pas de doute que le message monothéiste comporte en soi-même un accent incontestable de valeur supérieure à tout autre. Le fait que FREUD soit athée ne change rien à ceci. Il reste que pour un athée, celui qui est FREUD - je ne dis pas pour tout athée : c’est à voir - en tout cas pour lui la visée du message monothéiste saisie dans son fondement radical, est quelque chose qui a une valeur décisive. [...]

[...] dans l’atmosphère païenne, alors qu’on ne l’appelait pas comme cela, qu’elle était en pleine floraison, le numen surgit à chaque pas, si l’on peut dire, à tous les coins des routes, surgit dans la grotte, à la croisée des chemins. Ce numen tisse l’expérience humaine. Nous pouvons encore apercevoir les traces de ce mode de véhicule, beaucoup de champs en existent encore dans l’existence humaine. C’est là quelque chose qui, par rapport à la manifestation, à la profession monothéiste, est dans un certain rapport de contraste. Je dis que le "numineux" surgit à chaque pas et inversement je dirais que chaque pas du "numineux" laisse une trace, engendre, si je puis dire, un mémorial.

Il n’en faut pas beaucoup pour qu’un temple s’élève, qu’un nouveau culte s’instaure. Le "numineux" pullule et agit de partout dans l’existence humaine, si abondant d’ailleurs que quelque chose à la fin doit se manifester tout de même par l’homme de maîtrise qui ne se laisse pas déborder. C’est ce formidable enveloppement, et en même temps une dégradation dans la fable, ces fables antiques, si riches de sens, dont nous pouvons encore nous bercer, et dont nous avons peine à concevoir comment elles étaient compatibles avec quoi que ce soit qui comportât une foi à ces dieux, puisqu’aussi bien ces fables, qu’elles soient héroïques, épiques ou vulgaires sont tout de même marquées : de je ne sais quel désordre, de je ne sais quelle ivresse, de je ne sais quel anarchisme, si l’on peut dire, des passions divines. [...]

En face de cela qu’avons-nous ? Nous avons donc le message monothéiste et c’est à cela que FREUD consacre son examen.

Auteur: Lacan Jacques

Info: 16 mars 1960

[ paganisme ] [ résumé ] [ contextualisation ]

 
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Ajouté à la BD par Coli Masson

écrivain-sur-philosophe

Avec Nietzsche apparaît pour la première fois sur les mers de la philosophie allemande le pavillon noir du corsaire et du pirate : un homme d’une autre espèce, d’une autre race, une nouvelle sorte d’héroïsme, une philosophie qui ne se présente plus sous la robe des professeurs et des savants, mais cuirassée et armée pour la lutte. Les autres avant lui, également hardis et héroïques navigateurs de l’esprit, avaient découvert des continents et des empires ; mais c’était en quelque sorte dans une intention civilisatrice et utilitaire, afin de les conquérir pour l’humanité, afin de compléter la carte philosophique en pénétrant plus avant dans la terra incognita de la pensée. Ils plantent le drapeau de Dieu ou de l’esprit sur les terres nouvelles qu’ils ont conquises, ils construisent des villes, des temples et de nouvelles rues dans la nouveauté de l’inconnu et derrière eux viennent les gouverneurs et administrateurs, pour labourer le terrain acquis et pour en tirer une moisson, — les commentateurs et les professeurs, les hommes de la culture.

Mais le sens dernier de leurs fatigues est toujours le repos, la paix et la stabilité : ils veulent augmenter les possessions du monde, propager des normes et des lois, c’est-à-dire un ordre supérieur. Nietzsche, au contraire, fait irruption dans la philosophie allemande comme les flibustiers à la fin du XVIe siècle faisaient leur apparition dans l’empire espagnol, — un essaim de Desperados sauvages, téméraires, sans frein, sans nation, sans souverains, sans roi, sans drapeau, sans domicile ni foyer. Comme eux, il ne conquiert rien pour lui ni pour personne après lui, ni pour un Dieu, ni pour un roi, ni pour une foi ; il lutte pour la joie de la lutte, car il ne veut rien posséder, rien gagner, rien acquérir. Il ne conclut pas de traité et ne bâtit pas de maison ; il dédaigne les lois de la guerre établies par les philosophes et il ne cherche pas de discipes ; lui, le passionné trouble-fête de tout "repos brun", de tout établissement confortable, désire uniquement piller, détruire l’ordre de la propriété, la paix assurée et jouisseuse des hommes ; il ne veut que propager par le fer et le feu cette vivacité de l’esprit toujours en éveil qui lui est aussi précieuse que le sommeil morne et terne l’est aux amis de la paix. Il surgit audacieusement, renverse les forteresses de la morale, les barrières de la loi ; nulle part il ne fait quartier à personne ; aucune excommunication venue de l’Église ou de la Couronne ne l’arrête. Derrière lui, comme après l’incursion des flibustiers, on trouve des églises violées, des sanctuaires millénaires profanés, des autels écroulés, des sentiments insultés, des convictions assassinées, des bercails moraux mis à sac, un horizon d’incendie, un monstrueux fanal de hardiesse et de force. Mais il ne se retourne jamais pour jouir de ses triomphes : l’inconnu, ce qui n’a jamais été encore ni conquis, ni exploré, est sa zone infinie ; son unique plaisir, c’est d’exercer sa force, de "troubler les endormis". N’appartenant à aucune croyance, n’ayant prêté serment à aucun pays, ayant à son mât renversé le drapeau noir de l’amoraliste et devant lui l’inconnu sacré, l’éternelle incertitude dont il se sent démoniaquement le frère, il appareille continuellement pour de nouvelles et périlleuses traversées. Le glaive au poing, le tonneau de poudre à ses pieds, il éloigne son navire du rivage et, solitaire dans tous les dangers, il se chante à lui-même, pour se glorifier, son magnifique chant de pirate, son chant de la flamme, son chant du destin :

"Oui, je sais d’où je viens ;

Irrassasié comme la flamme,

Je brûle et je me consume ;

Tout ce que je touche devient lumière

Et tout ce que je laisse devient charbon,

A coup sûr, je suis flamme..."

Auteur: Zweig Stefan

Info: Le Combat avec le Démon : Kleist, Hölderlin, Nietzsche

[ poème ]

 

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Ajouté à la BD par Le sous-projectionniste