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débandade

[…] nous roulions !... ah le paysage charmant !... enfin, un peu flou... je dirais : poétique... les autres trimbalés derrière nous, des autres plates-formes, doivent trembler aussi... je les aperçois comme ci... comme ça... entre les bâches et les projecteurs, ils semblent comme nous recroquevillés et pas fiers... ils sont un peu plus vêtus que nous... enfin je crois... mais sûr il en reste sous les bâches, c'est pas tout du matériel... y a des planqués de la ferraille !... des resquilleurs de je ne sais où... des gens qui ne veulent pas être vus... nous sommes là à bringuebaler sur ces plates-formes avec plein de personnes invisibles... coexistence se dit maintenant... en avant donc, coexistants !... que nous roulions, l'essentiel !... même avec ces dissimulés nous arriverons à Hambourg, à moins que ce train saute !... ce qu'on ne voit pas qui compte dans la vie, ce qui se voit s'entend n'est que mascarade, coups de gueule, théâtre !... ce qui se passe au fond de votre prostate qu'est intéressant, ce millionième de gamète qui décide qu'il en a assez, qu'il obéit plus aux ordres, qu'il va travailler pour son compte, foutre des marquises et du petit ami ! qu'il va proliférer et hop ! vite, pour lui, lui-même ! vous à la fosse ! hop ! vous le verrez jamais ce millionième d'anarchiste gamète crasseux cancéreux !... vous sauriez même pas qu'il a existé !... hé là ! si je prolifère je vous perds de vue... oh là ! acré !... battre la campagne ?... je vous ai prévenu, certes !... ma tête !... ma tête fait aussi des siennes... oh, que je refuse !... et vous ramène à notre plate-forme... roulante... à tout cet énorme bastringue et tous ces gens repliés entre les dynamos... voilà ! pas à se plaindre, on avance... sous ces bâches sûr il y a du monde... j'insiste ! qui vivra verra !... Henri IV alors ? Romanoff ?... Louis XV ?... ils vivaient pas, et très bien, leurs assassins sous toutes les portes ?... à tous les coins de rues ?... ces choses-là, comme vous savez, regardent les Parques, pas du tout nous !... résumons : ce coup de brique m'a pas arrangé... soit ! mais nullement déprimé... du tout !... je dirais même, au contraire !... porté à une certaine gaieté !... un peu spéciale... ainsi les chaumières me semblent devenues assez artistes... des deux côtés du paysage... je dirais elles font tableaux, elles penchent et gondolent... surtout les cheminées... c'est une vision, c'est un style […]

Auteur: Céline Louis-Ferdinand

Info: Rigodon

[ soliloque ] [ voyage ] [ fuite ]

 
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Ajouté à la BD par Bandini

réminiscence

Déjà-vu ? Les scientifiques ont la réponse La plupart d'entre nous a éprouvé le "déjà-vu" au moins une fois. Sentiment inconfortable qu'on a été ici dans un endroit, dans une situation auparavant. Habituellement la sensation dure pendant un moment et est rapidement suivie de la réalisation qu'on a en fait pas éprouvé cette situation actuelle dans le passé, et qu'on ne peut simplement pas connaître cet endroit. Néanmoins, il y a le sentiment que quelque chose était là dans notre mémoire, en partie ou en entier.
La sensation de "déjà-vu", a été nommée ainsi au 19ème siècle, mais ce phénomène mental a fasciné et effrayé ceux qui l'éprouvent. depuis bien plus longtemps.
La Science eut peu à offrir comme explication, ajoutant au mystère.
Il y eut des tentatives pour éclaircir le phénomène, certains y voyant une évidence qu'après la mort l'âme passe à un autre corps, humain ou animal.
Un des point de départ pour les chercheurs est qu'une expérience de "déjà vu" est peut-être liée à l'expérience d'un rêve qui a été à demi ou totalement oublié.
Les auteurs français Marc Tadié et son frère Jean Yves, l'un directeur de faculté de neurochirurgie, l'autre professeur de littérature, pointent ceci dans en leur livre "Le sens de la mémoire ".
Il est caractéristique de l'expérience qu'on est sûr pendant un moment d'avoir vécu cette expérience auparavant mais qu'on ne peut simplement pas se rappeler ou dans le temps.
La description des rêves dans la littérature pourrait indiquer une manière pour comprendre ces expériences de "déjà-vu".
"Dans un rêve la conscience peut bouger librement dans un espace sans limites, où passé et futur se mélangent" disent les deux Tadié au sujet de descriptions de cette sorte.
Dans une contribution l'année dernière au magasine allemand "Gehirn und Geist" (cerveau et esprit, édités par Heidelberg référence est faite de recherches au sein des processus de mémoire conduits par John D.E. Gabrieli et son équipe à l'université de Stanford en Californie.
Leurs études indiquent que les structures cervicales de l'hippocampe et du cortex parahippocampien jouent des rôles différents dans ce processus.
Tandis que l'hippocampe permet sujet à se rappeler les événements consciemment, le cortex parahipppocampien peut faire la distinction entre des impulsions accoutumées ou inhabituelles, il fait ceci sans même se rapporter à une expérience concrète.
Josef Spatt de l'institut de Ludwig-Ludwig-Boltzmann à Vienne a basé son hypothèse sur cette idée, proposant que le "déjà vu" se produit quand le Parahippocampe, sans que l'hippocampe soit impliqué, émet un signal "accoutumé à", ou "confortable" lié avec telle ou telle sensation.
Ainsi une expérience peut-être considérée comme bien connue, quoiqu'elle ne puisse pas être placée à temps.
Comme Spatt, Uwe Wolfradt, qui fait des recherches sur la self aliénation et les phénomènes de mémoire à l'institut de psychologie de l'université de Halle-Wittenberg dit qu'il y a probablement beaucoup de régions du cerveau impliquées dans la sensations de "déjà vu".
"Les sentiments intensifs de self-aliénation et d'irréalité, couplés avec un sentiment du temps modifié, semblent indiquer une série complexe d'événements dans la conscience," dit-il.
Tandis que la personne éprouvant le "déjà vu" peut commencer à douter de sa prise sur la réalité pendant un moment, les neurologistes croient que cette "petite erreur" commise par notre conscience leur ouvre une fenêtre inhabituelle sur les processus de la conscience.
"Peut-être que la recherche à venir induite par le "déjà vu" expliquera non seulement comment les erreurs de mémoire se produisent, mais également comment le cerveau peut établir une image continue de le réalité " indique Wolfradt.

Auteur: Nouvelles allemandes

Info: Hambourg 14 février 2005

[ paramnésie ]

 

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géopolitique

L’Allemagne était [au début du 16e siècle] un pays sans unité : voilà l’essentiel. Il y avait, nombreux, forts, actifs, des Allemands, beaucoup d’Allemands parlant des dialectes voisins les uns des autres, ayant dans une large mesure des mœurs, des usages, des façons d’être et de penser communes. Ces Allemands formaient une "nation" au sens médiéval du mot. Ils n’étaient point groupés, tous, solidement, dans un État bien unifié et centralisé, corps harmonieux aux mouvements commandés par un unique cerveau.

Dans une Europe qui, partout, s’organisait autour des rois, l’Allemagne restait sans souverain national. Il n’y avait pas de roi d’Allemagne, comme il y avait, et depuis bien longtemps, un roi de France, un roi d’Angleterre, riches, bien servis, prestigieux, et sachant rallier aux heures de crise toutes les énergies du pays autour de leur personne et de leur dynastie. Il y avait un empereur, qui n’était plus qu’un nom, et un Empire qui n’était plus qu’un cadre. Dans ce cadre démesuré, le nom, le trop grand nom écrasait de son poids un homme faible, un homme pauvre — parfois un pauvre homme — qu’un vote, disputé comme un marché de foire, élevait finalement à la dignité suprême, mais impuissante.

En un temps où se révélait la valeur de l’argent, au temps décrit dans le livre classique d’Ehrenberg, l’empereur en tant que tel était un indigent. De son Empire il ne tirait plus rien de substantiel. La valeur d’une noisette, disait Granvelle — moins que, de leur évêché, certains évêques allemands. Fondus, les immenses domaines impériaux qui avaient fait la force des Saxons et des Franconiens. Concédés, aliénés, usurpés les droits régaliens, les droits de collation, tout ce qui aurait pu nourrir un budget régulier. Et cependant, plus que tout autre souverain de son temps, le prince au titre retentissant mais à qui les diètes, s’ingéniant, refusaient tout subside, aurait eu pour agir besoin d’être riche. Car, titulaire d’une dignité éminente et qui ne se transmettait pas, comme un royaume, par hérédité ; né d’un vote en faveur d’un prince chrétien qui n’était pas plus obligatoirement allemand que le pape n’était forcément italien   — l’empereur, courbé sous le poids d’une couronne lourde d’un trop lourd passé, devait courir partout, et veiller au monde en même temps qu’à l’Allemagne. Si, dans ce pays, son autorité de jour en jour périclitait — c’est que sa grandeur même empêchait d’agir ce souverain d’un autre âge. Elle le tenait enchaîné devant les véritables maîtres des pays germaniques : les princes, les villes.

Les princes avaient sur l’empereur une grande supériorité. Ils étaient les hommes d’un seul dessein. Et d’une seule terre. Ils n’avaient pas de politique mondiale à suivre, eux — pas de politique "chrétienne" à conduire. L’Italie ne les sollicitait pas. Ils ne dédaignaient point, certes, d’y faire de temps à autre un voyage fructueux. Mais ils n’allaient point là-bas, comme les empereurs, poursuivre des chimères vieillies ou d’illusoires mirages. Tandis que les Césars fabriqués à Francfort par les soins diligents de quelques-uns d’entre eux, se ruinaient en de folles et stériles aventures, une seule chose tenait les princes en souci : la fortune de leur maison, la grandeur et la richesse de leur dynastie. Précisément, à la fin du XVe siècle, au début du XVIe siècle, on les voit opérer un peu partout, en Allemagne, un vigoureux effort de concentration politique et territoriale. Plusieurs d’entre eux, profitant de circonstances favorables, de hasards heureux, s’employaient à constituer des états solides, moins morcelés qu’auparavant. Dans le Palatinat, en Wurtemberg, en Bavière, en Hesse, dans le Brandebourg et le Mecklembourg, ailleurs encore, la plupart des maisons qui, à l’époque moderne, joueront dans l’histoire allemande un rôle de premier plan, affirment dès le début du XVIe siècle une vigueur nouvelle et unifient leurs forces pour de prochaines conquêtes.

On va donc vers une Allemagne princière. On y va seulement. N’ayant point à sa tête de chef souverain vraiment digne de ce nom, l’Allemagne paraît tendre à s’organiser sous huit ou dix chefs régionaux, en autant d’états solides, bien administrés, soumis à un vouloir unique. Mais cette organisation, elle n’existe point encore. Au-dessus des princes il y a toujours l’empereur. Ils ne sont souverains que sous sa souveraineté. Et au-dessous d’eux, ou plutôt, à côté d’eux, il y a (pour ne point parler des nobles indisciplinés et pillards), les villes.

Les villes allemandes au seuil du XVIe siècle : une splendeur. Et telle, que les étrangers ne voient qu’elles lorsqu’ils visitent l’Allemagne, comme si l’éclat des cités éblouissait leurs yeux. Vingt capitales, chacune possédant en propre ses institutions, ses industries, ses arts, ses costumes, son esprit. Celles du Sud : l’Augsbourg des Fugger, porte d’entrée et de sortie du trafic italo-germain, préface pittoresque avec ses maisons peintes à fresque, du monde ultramontain. Mieux encore, Nuremberg, la patrie de Durer, de Fischer, d’Hans Sachs, de Martin Behaim, assise au pied de son Burg à mi-chemin entre Main et Danube. Mais celles du Nord aussi : l’industrieuse et réa-iste Hambourg, légère de scrupules et commençant sa magnifique ascension ; Lübeck, reine déjà déclinante de la Hanse ; Stettin, la ville du blé, et, tout au loin, Dantzig, ses vastes édifices, ses grandes églises de brique, enseignes d’une propriété sans défaillance. Sur le front oriental, Francfort-sur-l’Oder, entrepôt du trafic polonais ; Breslau, porte naturelle de la Silésie. Et à l’Ouest, sur le grand fleuve fougueux, la brillante pléiade des villes rhénanes, de Cologne à Bâle ; par-derrière, l’énorme marché francfortois ; et par-derrière encore Leipzig, un carrefour, au vrai cœur de cette Allemagne multiple. 

[…] Implantées au milieu des domaines princiers, elles [les villes] les trouent, les déchiquettent, limitent leur expansion, les empêchent de se constituer fortement. Elles-mêmes, peuvent-elles s’étendre ? Non. Se fédérer ? Non plus. Autour de leurs murailles, le plat pays : des campagnes soumises à un droit dont le droit de la ville est la négation. Là, sous des maîtres avides, des paysans incultes et grossiers, parfois misérables, prêts à se révolter et grondant sous le joug, étrangers en tout cas à la culture urbaine, si particuliers que les artistes peintres et graveurs ne se lassent pas de décrire leurs aspects sauvages, leurs mœurs primitives. Les villes veulent-elles s’entendre, collaborer ? Ce ne peut être que par-dessus de larges étendues, de vastes territoires hétérogènes qui contrastent avec elles, vigoureusement, en tout. Ces civilisations urbaines, si prestigieuses : des civilisations d’oasis. Ces villes : des prisonnières, vouées à l’isolement, et que guettent les princes, et qui se guettent l’une l’autre.

Leurs ressources, leurs richesses, à quoi vont-elles ? Aux arsenaux dont elles s’enorgueillissent, mais qui les ruinent. Aux canonniers, techniciens exigeants, qu’il faut payer très cher. Aux remparts, aux bastions sans cesse à réparer, parfois à modifier de fond en comble... Et encore, ces ressources, elles vont aux ambassades, aux missions diplomatiques lointaines, aux courriers sans cesse sur les hauts chemins et pour quelles randonnées furieuses ! Villes libres, elles payent leur liberté : trop cher. Car malgré tous les sacrifices, elles sont faibles, à la merci du prince qui s’installe sur le fleuve, en amont, en aval, pour barrer le trafic ; à la merci du hobereau qui les détrousse et les nargue, du haut de son nid d’aigle imprenable pour des milices bourgeoises, à la merci de la cité rivale, qui, rompant les accords, se retourne contre la voisine jalousée.

Faiblesse, sous des apparences de prospérité ; surprenante faiblesse politique contrastant avec tant de puissance économique. Ces cités si brillantes et qui offusquent de leur éclat nos villes françaises du temps, comme leurs bourgeois sont loin de ce sens national, de ce sens politique qui, aux époques de crise, groupe autour du roi toutes les bonnes villes de France empressées à maintenir Louis XI contre les hommes du Bien public, ou, contre les princes, Charles VIII ! Parties d’un tout bien ordonné, les cités françaises d’où la culture rayonne sur les campagnes qu’elles "urbanisent" à leur image. Les villes allemandes : des égoïsmes furieux, en lutte sans répit contre d’autres égoïsmes.

D’une telle situation, si fiers de leurs fortunes, de leur sens des affaires, de leurs belles réussites, les Allemands souffraient. Ils souffraient de ne former qu’un pays divisé, fait de pièces et de morceaux, sans chef, sans tête : un amalgame confus de villes autonomes et de dynasties plus ou moins puissants.

Auteur: Febvre Lucien

Info: Un destin : Martin Luther, PUF, 1968, pages 64 à 67

[ historique ] [ teutons ] [ renaissance ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

univers protonique

À l’intérieur du Proton, " la chose la plus complexe qu'on puisse imaginer "

La particule chargée positivement au cœur de l’atome est un objet d’une complexité indescriptible, qui change d’apparence en fonction de la manière dont elle est sondée. Nous avons tenté de relier les nombreuses faces du proton pour former l'image la plus complète à ce jour.

(image : Des chercheurs ont récemment découvert que le proton comprend parfois un quark charmé et un antiquark charmé, particules colossales puisqeu chacune est plus lourde que le proton lui-même.)

Plus d’un siècle après qu’Ernest Rutherford ait découvert la particule chargée positivement au cœur de chaque atome, les physiciens ont encore du mal à comprendre pleinement le proton.

Les professeurs de physique des lycées les décrivent comme des boules sans relief contenant chacune une unité de charge électrique positive – des feuilles parfaites pour les électrons chargés négativement qui bourdonnent autour d’elles. Les étudiants apprennent que la boule est en réalité un ensemble de trois particules élémentaires appelées quarks. Mais des décennies de recherche ont révélé une vérité plus profonde, trop bizarre pour être pleinement saisie avec des mots ou des images.

"C'est la chose la plus compliquée que l'on puisse imaginer", a déclaré Mike Williams, physicien au Massachusetts Institute of Technology. "En fait, on ne peut même pas imaginer à quel point c'est compliqué."

Le proton est un objet de mécanique quantique qui existe sous la forme d’un brouillard de probabilités jusqu’à ce qu’une expérience l’oblige à prendre une forme concrète. Et ses formes diffèrent radicalement selon la manière dont les chercheurs mettent en place leur expérience. Relier les nombreux visages de la particule a été l’œuvre de plusieurs générations. "Nous commençons tout juste à comprendre ce système de manière complète", a déclaré Richard Milner , physicien nucléaire au MIT.

Alors que la poursuite se poursuit, les secrets du proton ne cessent de se dévoiler. Plus récemment, une analyse monumentale de données publiée en août a révélé que le proton contient des traces de particules appelées quarks charmés, plus lourdes que le proton lui-même.

Le proton " a été une leçon d’humilité pour les humains ", a déclaré Williams. " Chaque fois qu'on pense pouvoir maîtriser le sujet, il nous envoie des balles à trajectoires courbées (en référence aux Pitchers du baseball)

Récemment, Milner, en collaboration avec Rolf Ent du Jefferson Lab, les cinéastes du MIT Chris Boebel et Joe McMaster et l'animateur James LaPlante, ont entrepris de transformer un ensemble d'intrigues obscures qui compilent les résultats de centaines d'expériences en une série d'animations de la forme -changement de proton. Nous avons intégré leurs animations dans notre propre tentative de dévoiler ses secrets.

Ouvrir le proton

La preuve que le proton contient de telles multitudes est venue du Stanford Linear Accelerator Center (SLAC) en 1967. Dans des expériences antérieures, les chercheurs l'avaient bombardé d'électrons et les avaient regardés ricocher comme des boules de billard. Mais le SLAC pouvait projeter des électrons avec plus de force, et les chercheurs ont constaté qu'ils rebondissaient différemment. Les électrons frappaient le proton assez fort pour le briser – un processus appelé diffusion inélastique profonde – et rebondissaient sur des fragments ponctuels du proton appelés quarks. "Ce fut la première preuve de l'existence réelle des quarks", a déclaré Xiaochao Zheng , physicien à l'Université de Virginie.

Après la découverte du SLAC, qui remporta le prix Nobel de physique en 1990, l'examen minutieux du proton s'est intensifié. Les physiciens ont réalisé à ce jour des centaines d’expériences de diffusion. Ils déduisent divers aspects de l'intérieur de l'objet en ajustant la force avec laquelle ils le bombardent et en choisissant les particules dispersées qu'ils collectent par la suite.

En utilisant des électrons de plus haute énergie, les physiciens peuvent découvrir des caractéristiques plus fines du proton cible. De cette manière, l’énergie électronique définit le pouvoir de résolution maximal d’une expérience de diffusion profondément inélastique. Des collisionneurs de particules plus puissants offrent une vision plus nette du proton.

Les collisionneurs à plus haute énergie produisent également un plus large éventail de résultats de collision, permettant aux chercheurs de choisir différents sous-ensembles d'électrons sortants à analyser. Cette flexibilité s'est avérée essentielle pour comprendre les quarks, qui se déplacent à l'intérieur du proton avec différentes impulsions.

En mesurant l'énergie et la trajectoire de chaque électron diffusé, les chercheurs peuvent déterminer s'il a heurté un quark transportant une grande partie de l'impulsion totale du proton ou juste une infime partie. Grâce à des collisions répétées, ils peuvent effectuer quelque chose comme un recensement, déterminant si l'impulsion du proton est principalement liée à quelques quarks ou répartie sur plusieurs.

(Illustration qui montre les apparences du proton en fonction des types de collisions)

Même les collisions de division de protons du SLAC étaient douces par rapport aux normes actuelles. Lors de ces événements de diffusion, les électrons jaillissaient souvent d'une manière suggérant qu'ils s'étaient écrasés sur des quarks transportant un tiers de l'impulsion totale du proton. Cette découverte correspond à une théorie de Murray Gell-Mann et George Zweig, qui affirmaient en 1964 qu'un proton était constitué de trois quarks.

Le " modèle des quarks " de Gell-Mann et Zweig reste une façon élégante d'imaginer le proton. Il possède deux quarks " up " avec des charges électriques de +2/3 chacun et un quark " down " avec une charge de −1/3, pour une charge totale de protons de +1.

(Image mobile : Trois quarks sont présents dans cette animation basée sur les données.)

Mais le modèle avec des quarks est une simplification excessive qui présente de sérieuses lacunes.

Qui échoue, par exemple, lorsqu'il s'agit du spin d'un proton, une propriété quantique analogue au moment cinétique. Le proton possède une demi-unité de spin, tout comme chacun de ses quarks up et down. Les physiciens ont initialement supposé que — dans un calcul faisant écho à la simple arithmétique de charge — les demi-unités des deux quarks up moins celle du quark down devaient être égales à une demi-unité pour le proton dans son ensemble. Mais en 1988, la Collaboration européenne sur les muons a rapporté que la somme des spins des quarks était bien inférieure à la moitié. De même, les masses de deux quarks up et d’un quark down ne représentent qu’environ 1 % de la masse totale du proton. Ces déficits ont fait ressortir un point que les physiciens commençaient déjà à comprendre : le proton est bien plus que trois quarks.

Beaucoup plus que trois quarks

L'accélérateur annulaire de hadrons et d'électrons (HERA), qui a fonctionné à Hambourg, en Allemagne, de 1992 à 2007, a projeté des électrons sur des protons avec une force environ mille fois supérieure à celle du SLAC. Dans les expériences HERA, les physiciens ont pu sélectionner les électrons qui avaient rebondi sur des quarks à impulsion extrêmement faible, y compris ceux transportant aussi peu que 0,005 % de l'impulsion totale du proton. Et ils les ont détectés : Les électrons d'HERA ont rebondi sur un maelström de quarks à faible dynamique et de leurs contreparties d'antimatière, les antiquarks.

(Photo image animée : De nombreux quarks et antiquarks bouillonnent dans une " mer " de particules bouillonnantes."

Les résultats ont confirmé une théorie sophistiquée et farfelue qui avait alors remplacé le modèle des quarks de Gell-Mann et Zweig. Développée dans les années 1970, il s’agissait d’une théorie quantique de la " force forte " qui agit entre les quarks. La théorie décrit les quarks comme étant liés par des particules porteuses de force appelées gluons. Chaque quark et chaque gluon possède l'un des trois types de charges "colorées ", étiquetées rouge, verte et bleue ; ces particules chargées de couleur se tirent naturellement les unes sur les autres et forment un groupe – tel qu’un proton – dont les couleurs s’additionnent pour former un blanc neutre. La théorie colorée est devenue connue sous le nom de chromodynamique quantique, ou QCD.

Selon cette QCD, les gluons peuvent capter des pics d’énergie momentanés. Avec cette énergie, un gluon se divise en un quark et un antiquark – chacun portant juste un tout petit peu d’impulsion – avant que la paire ne s’annihile et ne disparaisse. C'est cette " mer " de gluons, de quarks et d'antiquarks transitoires qu'HERA, avec sa plus grande sensibilité aux particules de faible impulsion, a détecté de première main.

HERA a également recueilli des indices sur ce à quoi ressemblerait le proton dans des collisionneurs plus puissants. Alors que les physiciens ajustaient HERA pour rechercher des quarks à faible impulsion, ces quarks – qui proviennent des gluons – sont apparus en nombre de plus en plus grand. Les résultats suggèrent que dans des collisions à énergie encore plus élevée, le proton apparaîtrait comme un nuage composé presque entièrement de gluons. (Image)

Les gluons abondent sous une forme semblable à un nuage.

Ce pissenlit de gluon est exactement ce que prédit la QCD. "Les données HERA sont une preuve expérimentale directe que la QCD décrit la nature", a déclaré Milner.

Mais la victoire de la jeune théorie s'est accompagnée d'une pilule amère : alors que la QCD décrivait magnifiquement la danse des quarks et des gluons à durée de vie courte révélée par les collisions extrêmes d'HERA, la théorie est inutile pour comprendre les trois quarks à longue durée de vie observés suite à un plus léger bombardement du SLAC.

Les prédictions de QCD ne sont faciles à comprendre que lorsque la force forte est relativement faible. Et la force forte ne s'affaiblit que lorsque les quarks sont extrêmement proches les uns des autres, comme c'est le cas dans les paires quark-antiquark de courte durée. Frank Wilczek, David Gross et David Politzer ont identifié cette caractéristique déterminante de la QCD en 1973, remportant le prix Nobel 31 ans plus tard.

Mais pour des collisions plus douces comme celle du SLAC, où le proton agit comme trois quarks qui gardent mutuellement leurs distances, ces quarks s'attirent suffisamment fortement les uns les autres pour que les calculs de QCD deviennent impossibles. Ainsi, la tâche de démystifier plus loin une vision du proton à trois quarks incombe en grande partie aux expérimentateurs. (Les chercheurs qui mènent des " expériences numériques ", dans lesquelles les prédictions QCD sont simulées sur des superordinateurs, ont également apporté des contributions clés .) Et c'est dans ce genre d' images à basse résolution que les physiciens continuent de trouver des surprises.

Une charmante nouvelle approche

Récemment, une équipe dirigée par Juan Rojo de l'Institut national de physique subatomique des Pays-Bas et de l'Université VU d'Amsterdam a analysé plus de 5 000 instantanés de protons pris au cours des 50 dernières années, en utilisant l'apprentissage automatique pour déduire les mouvements des quarks et des gluons à l'intérieur du proton via une procédure qui évite les conjectures théoriques.

Ce nouvel examen a détecté un flou en arrière-plan dans les images qui avait échappé aux chercheurs antérieurs. Dans des collisions relativement douces, juste capables d'ouvrir à peine le proton, la majeure partie de l'impulsion était enfermée dans les trois quarks habituels : deux ups et un down. Mais une petite quantité d’impulsion semble provenir d’un quark " charmé " et d’un antiquark charmé – particules élémentaires colossales dont chacune dépasse de plus d’un tiers le proton entier.

(Image mobie : Le proton agit parfois comme une " molécule " de cinq quarks.)

Ces charmés de courte durée apparaissent fréquemment dans le panorama " mer des quarks " du proton (les gluons peuvent se diviser en six types de quarks différents s'ils ont suffisamment d'énergie). Mais les résultats de Rojo et de ses collègues suggèrent que les charmés ont une présence plus permanente, ce qui les rend détectables lors de collisions plus douces. Dans ces collisions, le proton apparaît comme un mélange quantique, ou superposition, d'états multiples : un électron rencontre généralement les trois quarks légers. Mais il rencontrera occasionnellement une " molécule " plus rare de cinq quarks, comme un quark up, down et charmé regroupés d'un côté et un quark up et un antiquark charmé de l'autre.

Des détails aussi subtils sur la composition du proton pourraient avoir des conséquences. Au Grand collisionneur de hadrons, les physiciens recherchent de nouvelles particules élémentaires en frappant ensemble des protons à grande vitesse et en observant ce qui en ressort ; Pour comprendre les résultats, les chercheurs doivent commencer par savoir ce que contient un proton. L’apparition occasionnelle de quarks charmés géants rendrait impossible la production de particules plus exotiques.

Et lorsque des protons appelés rayons cosmiques déferlent ici depuis l'espace et percutent les protons de l'atmosphère terrestre, des quarks charmés apparaissant au bon moment inonderaient la Terre de neutrinos extra-énergétiques, ont calculé les chercheurs en 2021. Cela pourrait dérouter les observateurs à la recherche de neutrinos à haute énergie provenant de tout le cosmos.

La collaboration de Rojo prévoit de poursuivre l'exploration du proton en recherchant un déséquilibre entre les quarks charmés et les antiquarks. Et des constituants plus lourds, comme le quark top, pourraient faire des apparitions encore plus rares et plus difficiles à détecter.

Les expériences de nouvelle génération rechercheront des fonctionnalités encore plus inconnues. Les physiciens du Laboratoire national de Brookhaven espèrent lancer le collisionneur électron-ion dans les années 2030 et reprendre là où HERA s'est arrêté, en prenant des instantanés à plus haute résolution qui permettront les premières reconstructions 3D du proton. L'EIC utilisera également des électrons en rotation pour créer des cartes détaillées des spins des quarks et des gluons internes, tout comme le SLAC et HERA ont cartographié leurs impulsions. Cela devrait aider les chercheurs à enfin déterminer l'origine du spin du proton et à répondre à d'autres questions fondamentales concernant cette particule déroutante qui constitue l'essentiel de notre monde quotidien.

 

Auteur: Internet

Info: https://www.quantamagazine.org/ - Charlie Bois, 19 octobre 2022

[ univers subatomique ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

USA

Le paysage médiatique en Amérique est dominé par les "fausses nouvelles". Depuis des décennies. Ces fausses nouvelles n’émanent pas du Kremlin. C’est une industrie de plusieurs milliards de dollars par an, qui est habilement conçue et gérée par des agences de relations publiques, des publicistes et des services de communications au nom d’individus précis, du gouvernement, et des sociétés pour manipuler l’opinion publique.
Cette industrie de la propagande met en scène des pseudo-événements pour façonner notre perception de la réalité. Le public est tellement inondé par ces mensonges, livrés 24 heures par jour à la radio, à la télévision et dans la presse écrite, que les téléspectateurs et les lecteurs ne peuvent plus distinguer entre la vérité et la fiction.
Donald Trump et les théoriciens racistes-conspirateurs, les généraux et les milliardaires autour de lui, ont hérité et exploité cette situation, tout comme ils ont hérité et exploiteront la destruction des libertés civiles et l’effondrement des institutions démocratiques. Trump n’a pas créé ce vide politique, moral et intellectuel. C’est l’inverse. Ce vide a créé un monde où les faits changent avec l’opinion, où les célébrités ont d’énormes mégaphones tout simplement parce que ce sont des célébrités, où l’information doit être divertissante et où nous avons la possibilité de croire ce que nous voulons, indépendamment de la vérité. Un démagogue comme Trump est le résultat que vous obtenez quand la culture et la presse tournent au burlesque.
Les journalistes ont depuis longtemps renoncé à décrire un monde objectif ou à donner la parole aux hommes et aux femmes ordinaires. Ils ont été conditionnés pour répondre aux demandes des entreprises. Les personnalités de l’actualité, qui gagnent souvent des millions de dollars par an, deviennent courtisanes. Elles vendent des commérages. Elles favorisent le consumérisme et l’impérialisme. Elles bavardent sans cesse au sujet des sondages, des stratégies, de la présentation et des tactiques ou jouent à des jeux de devinettes sur les rendez-vous présidentiels à venir. Elles comblent l’absence de nouvelles avec des histoires triviales, conduites émotionnellement, qui nous font sentir bien dans notre peau. Ils sont incapables de produire de véritables reportages. Elles s’appuient sur des propagandistes professionnels pour encadrer toute discussion et débat.
Il y a des journalistes établis qui ont passé toute leur carrière à reformuler des communiqués de presse ou à participer à des séances d’information officielles ou à des conférences de presse – j’en connaissais plusieurs lorsque j’étais au New York Times. Ils travaillent comme sténographes des puissants. Beaucoup de ces reporters sont très estimés dans la profession.
Les entreprises qui possèdent des médias, contrairement aux anciens empires de presse, voient les nouvelles comme simplement une autre source de revenus publicitaires. Ces revenus concourent au bénéfice de l’entreprise. Lorsque le secteur des nouvelles ne produit pas ce qui est considéré comme un profit suffisant, la hache tombe. Le contenu n’est pas pertinent. Les courtisans de la presse, redevables à leurs seigneurs dans l’entreprise, s’accrochent férocement à des places privilégiées et bien rémunérées. Parce qu’ils endossent servilement les intérêts du pouvoir des entreprises, ils sont haïs par les travailleurs américains, qu’ils ont rendus invisibles. Ils méritent la haine qu’ils suscitent.
La plupart des rubriques d’un journal – "style de vie", voyages, immobilier et mode, entre autres – sont conçues pour s’adresser au 1%. Ce sont des appâts pour la publicité. Seulement environ 15% de la surface rédactionnelle de n’importe quel journal est consacrée aux nouvelles. Si vous supprimez de ces 15% le contenu fourni par l’industrie des relations publiques à l’intérieur et à l’extérieur du gouvernement, le pourcentage de nouvelles tombe à un seul chiffre. Pour les nouvelles diffusées par les ondes et le câble, le pourcentage des nouvelles véritables, rapportées de façon indépendante, serait proche de zéro.
L’objet des fausses nouvelles est de façonner l’opinion publique, en créant des personnalités fantoches et des réponses émotionnelles qui submergent la réalité. Hillary Clinton, contrairement à la façon dont elle a souvent été dépeinte lors de la récente campagne présidentielle, n’a jamais combattu dans l’intérêt des femmes et des enfants – elle avait défendu la destruction d’un système d’aide sociale dans lequel 70% des bénéficiaires étaient des enfants. Elle est un outil des grandes banques, de Wall Street et de l’industrie de guerre. De pseudo-événements ont été créés pour maintenir la fiction de son souci pour les femmes et les enfants, de sa compassion et de ses liens avec les gens ordinaires. Trump n’a jamais été un grand homme d’affaires. Il a une longue histoire de faillites et de pratiques commerciales obscures. Mais il a joué le rôle fictif d’un titan de la finance dans son émission de télé-réalité, L’Apprenti.
"Les pseudo-événements qui inondent notre conscience ne sont ni vrais ni faux, dans le vieux sens familier", écrit Daniel Boorstin dans son livre L’image : un guide des pseudo-événements en Amérique : "Les mêmes progrès qui les ont rendues possibles, ont aussi rendu les images plus réalistes, plus attirantes, plus impressionnantes et plus convaincantes que la réalité elle-même, bien que planifiées, artificielles ou déformées."
La réalité est consciemment prémâchée en récits faciles à digérer. Ceux qui sont impliqués dans les relations publiques, les campagnes politiques et le gouvernement ressassent implacablement le message. Ils ne s’écartent pas du simple slogan criard ou du cliché qu’ils sont invités à répéter. C’est une espèce de conversation continue avec des bébés.
"Les raffinements de la raison et les nuances d’ombre de l’émotion ne peuvent pas atteindre un public considérable", a noté cyniquement Edward Bernays, le père des relations publiques modernes.
Le rythme trépidant et le format abrégé de la télévision excluent les complexités et les nuances. La télévision est manichéenne, bien et mal, noir et blanc, héros et méchant. Elle nous fait confondre les émotions induites avec la connaissance. Elle renforce le récit mythique de la vertu et de la bonté américaines. Elle rend hommage à des experts et spécialistes soigneusement sélectionnés par les élites du pouvoir et l’idéologie régnante. Elle discrédite ou ridiculise tous ceux qui s’opposent.
Le Parti démocrate est-il assez stupide pour croire qu’il a perdu l’élection présidentielle à cause des courriels fuités de John Podesta et de la décision du directeur du FBI, James Comey, peu de temps avant le vote, d’envoyer une lettre au Congrès à propos du serveur de messagerie privé de Clinton ? La direction du parti démocrate ne peut-elle pas voir que la cause première de la défaite est qu’elle a abandonné les travailleurs pour promouvoir les intérêts des entreprises ? Ne comprend-t’elle pas que, bien que ses mensonges et sa propagande aient fonctionné pendant trois décennies, les Démocrates ont fini par perdre leur crédibilité auprès de ceux qu’ils avaient trahis ?
L’indignation de l’establishment démocratique, au sujet de la fuite de courrier électronique vers le site de WikiLeaks, ignore le fait qu’une telle divulgation d’information dommageable est une tactique employée couramment par le gouvernement des États-Unis et d’autres, y compris la Russie, pour discréditer des individus et des entités. Cela fait partie intégrante de la presse. Personne, même au sein du parti démocrate, n’a fait valoir de façon convaincante que les emails de Podesta étaient fabriqués. Ces courriels sont réels. Ils ne peuvent pas être étiquetés fausses nouvelles.
En tant que correspondant à l’étranger, j’ai reçu régulièrement des informations divulguées, parfois confidentielles, de divers groupes ou gouvernements cherchant à endommager certaines cibles. L’agence de renseignement nationale d’Israël, le Mossad, m’avait parlé d’un petit aéroport appartenant au gouvernement iranien à l’extérieur de Hambourg, en Allemagne. Je suis allé à l’aéroport et j’ai publié une enquête qui a constaté que, comme les Israéliens m’en avaient correctement informé, l’Iran l’utilisait pour démonter du matériel nucléaire, l’expédier en Pologne, le remonter et l’envoyer vers l’Iran par avion. L’aéroport a été fermé après mon article.
Dans un autre cas, le gouvernement des États-Unis m’a remis des documents montrant qu’un membre important du parlement chypriote et son cabinet d’avocats blanchissaient de l’argent pour la mafia russe. Mon histoire a paralysé les affaires légitimes du cabinet d’avocats et a incité le politicien à poursuivre The New York Times et moi. Les avocats du journal ont choisi de contester la poursuite devant un tribunal chypriote, en disant qu’ils ne pouvaient pas obtenir un procès équitable là-bas. Ils m’ont dit que, pour éviter l’arrestation, je ne devais pas retourner à Chypre.
Je pourrais remplir plusieurs colonnes avec des exemples comme ceux-ci.
Les gouvernements n’organisent pas des fuites parce qu’ils se soucient de la démocratie ou d’une presse libre. Ils le font parce qu’il est dans leur intérêt de faire tomber quelqu’un ou quelque chose. Dans la plupart des cas, parce que le journaliste vérifie l’information divulguée, la nouvelle n’est pas un faux. C’est lorsque le journaliste ne vérifie pas l’information – comme ce fut le cas lorsque le New York Times a rapporté sans scrupule les accusations de l’administration Bush prétendant faussement que Saddam Hussein avait des armes de destruction massive en Irak – qu’il participe à la vaste industrie des fausses nouvelles.
De fausses nouvelles sont maintenant utilisées pour dépeindre des sites d’information indépendants, y compris Truthdig, et des journalistes indépendants, comme des informateurs ou des agents involontaires de la Russie. Les élites des partis républicain et démocrate utilisent des fausses nouvelles dans leur tentative pour présenter Trump comme une marionnette du Kremlin et invalider l’élection. Aucune preuve convaincante de telles accusations n’a été rendue publique. Mais la fausse nouvelle est devenue un bélier dans la dernière série de diffamations russophobes.
Dans une lettre à Truthdig, datée du 7 décembre, l’avocat du Washington Post (qui a publié un article le 24 novembre à propos d’allégations selon lesquelles Truthdig et quelque 200 autres sites Web étaient des outils de propagande russe), disait que l’auteur de l’article, Craig Timberg connaissait l’identité des accusateurs anonymes de PropOrNot, le groupe qui a fait les accusations. [Note de la rédaction de Truthdig : l’avocat a écrit, en partie, au sujet de l’article du 24 novembre et de PropOrNot, "La description de l’article repose sur des rapports substantiels de M. Timberg, y compris de nombreuses entrevues, des vérifications d’antécédents de personnes spécifiques impliquées dans le groupe (dont les identités étaient connues de Timberg, contrairement à vos spéculations). […]"]. Le Washington Post dit qu’il doit protéger l’anonymat de PropOrNot. Il a transmis une fausse accusation sans preuve. Les victimes, dans ce cas, ne peuvent pas répondre adéquatement, parce que les accusateurs sont anonymes. Ceux qui sont diffamés sont informés qu’ils devraient faire appel à PropOrNot pour obtenir que leurs noms soient retirés de la liste noire du groupe. Ce procédé de raisonnement circulaire donne de la crédibilité aux groupes anonymes qui établissent des listes noires et propagent des fausses nouvelles, ainsi qu’aux mensonges qu’ils répandent.
La transformation culturelle et sociale du XXe siècle, dont E.P. Thompson a parlé dans son essai Time, Work-Discipline, and Industrial Capitalism, s’est avérée être beaucoup plus que l’étreinte d’un système économique ou la célébration du patriotisme. Cela fait partie, a-t-il souligné, d’une réinterprétation révolutionnaire de la réalité. Elle marque l’ascendant de la culture de masse, la destruction de la culture authentique et de la véritable vie intellectuelle.
Richard Sennett, dans son livre The Fall of the Public Man, a identifié la montée de la culture de masse comme l’une des forces principales derrière ce qu’il a appelé une nouvelle "personnalité collective […] engendrée par un fantasme commun". Et les grands propagandistes du siècle sont non seulement d’accord, mais ajoutent que ceux qui peuvent manipuler et façonner ces fantasmes déterminent les directions prises par la "personnalité collective".
Cette énorme pression interne, cachée à la vue du public, rend la production d’un bon journalisme et d’une bonne érudition très, très difficile. Les journalistes et les universitaires qui se soucient de la vérité, et ne reculent pas, sont soumis à une coercition subtile, parfois ouverte, et sont souvent purgés des institutions.
Les images, qui sont le moyen par lequel la plupart des gens ingèrent maintenant les informations, sont particulièrement enclines à être transformées en fausses nouvelles. La langue, comme le remarque le critique culturel Neil Postman, "ne fait sens que lorsqu’elle est présentée comme une suite de propositions. La signification est déformée lorsqu’un mot ou une phrase est, comme on dit, pris hors contexte. Quand un lecteur ou un auditeur est privé de ce qui a été dit avant et après". Les images n’ont pas de contexte. Elles sont "visibles d’une manière différente". Les images, surtout lorsqu’elles sont livrées en segments longs et rapides, démembrent et déforment la réalité. Le procédé "recrée le monde dans une série d’événements idiosyncrasiques".
Michael Herr, qui a couvert la guerre du Vietnam pour le magazine Esquire, a observé que les images de la guerre présentées dans les photographies et à la télévision, à la différence du mot imprimé, obscurcissent la brutalité du conflit. "La télévision et les nouvelles ont toujours été présentées comme ayant mis fin à la guerre, a déclaré M. Herr. J’ai pensé le contraire. Ces images ont toujours été vues dans un autre contexte – intercalées entre les publicités – de sorte qu’elles sont devenues un entremet sucré dans l’esprit du public. Je pense que cette couverture a prolongé la guerre."
Une population qui a oublié l’imprimerie, bombardée par des images discordantes et aléatoires, est dépouillée du vocabulaire ainsi que du contexte historique et culturel permettant d’articuler la réalité. L’illusion est la vérité. Un tourbillon d’élans émotionnels fabriqués nourrit notre amnésie historique.
Internet a accéléré ce processus. Avec les nouvelles par câble, il a divisé le pays en clans antagonistes. Les membres d’un clan regardent les mêmes images et écoutent les mêmes récits, créant une réalité collective. Les fausses nouvelles abondent dans ces bidonvilles virtuels. Le dialogue est clos. La haine des clans opposés favorise une mentalité de troupeau. Ceux qui expriment de l’empathie pour l’ennemi sont dénoncés par leurs compagnons de route pour leur impureté supposée. C’est aussi vrai à gauche qu’à droite. Ces clans et leurs troupeaux, gavés régulièrement de fausses nouvelles conçues pour émouvoir, ont donné naissance à Trump.
Trump est habile à communiquer à travers l’image, les slogans tapageurs et le spectacle. Les fausses nouvelles, qui dominent déjà la presse écrite et la télévision, définiront les médias sous son administration. Ceux qui dénonceront les mensonges seront vilipendés et bannis. L’État dévoué aux grandes entreprises multinationales a créé cette machine monstrueuse de propagande et l’a léguée à Trump. Il l’utilisera.

Auteur: Hedges Chris

Info: Internet, Truthdig, 18 décembre 2016

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