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usa

Des pays industrialisés, les États-Unis affichent:
-Le plus fort taux de pauvreté (générale et infantile).
-La plus forte disparité salariale.
-La plus faible part du PIB consacrée aux programmes d'aide des personnes défavorisées.
-Le nombre le plus faible de jours de congés payés annuels et de maternité.
-La plus mauvaise note des Nations-Unies concernant l'inégalité entre hommes et femmes.
-La plus faible mobilité sociale.
-La plus forte part du PIB consacrée aux dépenses (publiques et privées) en matière de soins de santé.
A cela s'ajoute:
-Le plus fort taux de mortalité infantile.
-La plus forte prévalence des problèmes de santé mentale.
-Le plus fort taux d'obésité.
-La plus forte proportion d'habitants vivant sans couverture médicale en raison de son coût.
-Le deuxième plus faible poids moyen des nouveau-nés, derrière le Japon.
-La plus forte consommation d'antidépresseurs par habitant.
-La troisième plus faible espérance de vie à la naissance, dernière le Danemark et le Portugal.
-Le plus fort taux d'émission de CO² et de consommation d'eau par habitant.
-L'avant-dernière note (devant la Belgique) attribuée par le forum économique mondial en terme de performance environnementale.
-La troisième plus forte empreinte écologique par personne, derrière la Belgique et le Danemark.
-Le nombre le plus élevé de traités internationaux non ratifiés.
-La plus faible part du PIB consacré au développement international et à l'aide humanitaire.
-La plus forte part du PIB consacrée aux dépenses militaires.
-La première place en matière de vente internationales d'armes.
-Le quatrième déficit de la balance des paiements, derrière la Nouvelle-Zélande, l'Espagne et le Portugal.
-La troisième plus mauvaise note s'agissant des performances scolaires en mathématiques, derrière le Portugal et l'Italie; le pays se classant très loin des meilleurs en sciences et en lecture.
-Le deuxième plus fort taux de décrochage scolaire derrière l'Espagne.
-Le plus fort taux d'homicides.
-La plus forte population carcérale par habitant.

Auteur: Sacco Joe

Info: Jours de destruction, jours de révolte, P11

[ vingtième siècle ] [ statistiques ]

 

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orgueil

Il n’y a rien de plus facile pour un homme "ordinaire" et "borné" que de croire à sa propre originalité, à sa supériorité, et d’en jouir sans aucune hésitation. Il a suffi à certaines de nos demoiselles de se couper les cheveux, de mettre des lunettes bleues et de prendre le nom de "nihilistes" pour se convaincre aussitôt d’avoir acquis des "convictions personnelles". Il a suffi à un tel d’éprouver dans son cœur un brin de sentiment humanitaire, quelque chose de vertueux, poru s’imaginer tout de suite que personne n’a jamais ressenti rien de semblable et qu’il se trouve ainsi à l’avant-garde de l’humanité. Ou à tel autre d’adopter une idée quelconque sans l’approfondir, ou de lire de tel ou tel ouvrage une seule page sans commencement ni fin, pour croire aussitôt que ce sont ses "propres idées" et qu’elles sont nées dans son cerveau. La présomption de la naïveté, si l’on peut s’exprimer ainsi, produit en pareil cas des résultats vraiment extraordinaires : tout cela est invraisemblable mais on le rencontre à chaque instant. Cette présomption naïve, cette assurance du sot qui se prend pour un génie, a été parfaitement reproduite par Gogol sous les traits de l’étonnant lieutenant Pirogov. Celui-ci ne doute même pas qu’il ne soit pas un génie, voire même supérieure à tout autre génie, au point même de ne jamais se poser une telle question. Il n’a d’ailleurs pas de questions à se poser. L’illustre écrivain a même été obligé de le faire fouetter à la fin pour donner satisfaction au lecteur, dont le sens moral se trouve révolté par tant de présomption ; mais voyant que le "grand génie" s’est contenté de se secouer et de manger un petit gâteau feuilleté en vue de restaurer ses forces après l’exécution, l’auteur a écarté les bras, à bout d’étonnement, en plantant là son lecteur révolté.

Auteur: Dostoïevski Fédor Mikhaïlovitch

Info: "L'idiot", traduit par Nicolas Poltavtzev Presses de la renaissance, Paris, 1974, pages 378-379

[ superficialité ] [ prétentieux ] [ personnage de roman ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

dévouement individualiste

L’intellectualisation consiste en somme dans le processus de diffusion de l’abstraction intellectuelle dans le comportement d’être qui ne sont pas des intellectuels, mais qui y sont devenus réceptifs par la vulgarisation de la pensée idéologique. Cette abstraction renonce au raisonnement, au contact des actions concrètes, pour envisager les choses essentiellement sous l’angle des intentions vagues, des velléités et des fins indéterminées, en entretenant une sourde révolte contre un monde considéré comme débile, en tout cas insensible à la gravité des idées abstraites. Il en résulte une insatisfaction contestataire, souvent ensevelies dans des âmes dépitées face à l’incompréhension prétendue des autres, sous prétexte qu’ils seraient insensibles aux immenses malheurs d’un monde à sauver. L’imagination se dépouille de toute ironie pour devenir sérieuse et compassée, comme s’il fallait par exemple être à tout instant à l’écoute du Tiers Monde, à l’affût des conversations pour débusquer les ombres du racisme, prêt à manifester en faveur de la paix ou disposé à libérer le genre humain chaque fois d’une autre aliénation. L’événement le plus insignifiant est interprété comme déterminant pour le destin du monde. Tout se passe comme si on voulait nous condamner à une existence chagrine, dépourvue de tout humour et de toute gaîté. En fin de compte tout sentiment s’épuise dans un sentimentalisme militant et toute émotion dans une dramatisation sentencieuse. L’insatisfaction se traduit le plus souvent par un ténébreux mécontentement pour la profession qu’on occupe. En effet on se plaît à rêver d’une profession seconde, sous la forme par exemple d’une velléité de s’engager aux côtés des médecins sans frontières, sans aucune qualification dans le domaine de la santé, rien que pour jouer avec son désir indistinct de dévouement dans toutes sortes d’associations humanitaires, fraternelles ou soi-disant culturellement libératrices (féminisme, écologisme, etc.). La priorité écologique par exemple n’est pas donnée à une réflexion sur les conditions de la sauvegarde de la nature, mais à la manifestation rhétorique* préconisant cette sauvegarde.

Auteur: Freund Julien

Info: Politique et impolitique, page 11

[ popularisation ] [ erreur catégorielle ] [ amateurisme ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

dubitation

« Doutez de tout et surtout de ce que je vais vous dire » (parole attribué au Bouddha)

C'est peu de dire que le doute est toujours plus fécond que toutes les certitudes. Le doute fait avancer, découvrir ; les certitudes étouffent. J’évoque ici, bien sûr, le doute constructif, celui qui pousse à vérifier, à mieux comprendre, à mieux décrire, pas le doute destructif qui rejette sans même examiner et sans souci de remplacer. Le doute est le premier moteur de la connaissance. En effet, pour connaître, il faut avoir trouvé ; pour trouver, il faut avoir cherché ; pour chercher, il faut avoir douté. Quand on croit savoir, on n’a plus envie de chercher et quand on ne cherche plus, on n’a plus aucune chance de trouver.

Le doute produit une instabilité qui force à avancer, à chercher, à progresser. C’est cette dynamique qui est à l’origine de tous les progrès dans la connaissance. La foi, au contraire, a tendance à bloquer la raison dans les croyances. Elle finit par inhiber l’esprit critique et peut conduire à l’intégrisme. Historiquement, les croyances de toutes sortes, qu’elles soient religieuses, traditionnelles, superstitieuses, nationalistes, raciales, idéologiques ont toujours été un frein au progrès vers plus d’humanité. C’est, par contre, la remise en question permanente suscitée par le doute qui a conduit à toutes les percées notables en matière de progrès aussi bien scientifique ou technologique que social ou humanitaire.

L’ascèse du doute

Seul le doute permet d’avancer pas à pas vers une connaissance sans cesse plus fine, plus complète, plus proche du réel. Il s’agit là de l’ascèse laborieuse et humble du vrai scientifique qui sait pourtant que la vérité absolue n’est pas atteignable par la raison, son seul outil de travail. Ce qui le conforte dans sa démarche c’est l’ouverture régulière du paysage cognitif qui s’offre à lui à chaque nouveau col passé.

L’apprentissage du doute dès le plus jeune âge est le meilleur rempart contre toutes les formes d’intégrisme et de fanatisme. Pour toujours plus d’humanité, c’est le doute (et la réflexion qu’il engendre) qu’il faut conforter chez les jeunes au lieu d’une quelconque croyance ou obéissance irréfléchie.

Auteur: Santarini Gérard

Info: Extrait de "Croire ou savoir ? Petites graines de réflexion pour un monde meilleur", Librinova, 2019

[ réflexion ]

 
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psycho-sociologie post-industrielle

La croyance qui règne aujourd'hui est que la proximité entre les personnes est un bien moral. Le credo en cours aujourd'hui c'est de développer la personnalité individuelle au travers d'expériences de proximité et de chaleur avec les autres. Le mythe qui prévaut aujourd'hui est que les maux de la société peuvent tous être compris comme des problèmes d'impersonnalité, d'aliénation et de froideur. La somme de ces trois éléments consiste en une sorte d'idéologie de l'intimité : les relations sociales de toutes sortes sont réelles, crédibles et authentiques plus elles se rapprochent des préoccupations psychologiques intérieures de chaque personne. Cette idéologie transforme les catégories politiques en catégories psychologiques. Cette idéologie de l'intimité définit l'esprit humanitaire d'une société sans dieux : ce qui est chaleureux représente la divinité. L'histoire de la montée et de la chute de la culture publique remet pour le moins en question cet esprit humanitaire. La croyance en la proximité entre les personnes en tant que bien moral est en fait le produit d'une profonde dislocation que le capitalisme et la croyance laïque ont généré au siècle dernier. Du à cette dislocation les gens ont voulu trouver des significations personnelles au sein de situations impersonnelles, dans des objets ou dans les conditions objectives de la société elle-même. 

Ne parvenant plus à trouver ces significations, à mesure que le monde devenait psychomorphe et donc mystificateur, ils ont alors cherché à fuir, et à trouver dans les domaines privés de la vie, en particulier dans la famille, un principe d'ordre dans la perception de la personnalité. Ainsi, le passé a construit un désir caché de stabilité dans ce désir manifeste de proximité entre  êtres humains. Même si nous nous sommes révoltés contre les rigidités sexuelles sévères de la famille victorienne, nous continuons à faire peser sur les relations étroites avec les autres ces désirs cachés de sécurité, de repos et de permanence. Lorsque les relations ne peuvent supporter ces fardeaux, nous concluons qu'il y a quelque chose qui ne va pas dans la relation, plutôt que dans les attentes non exprimées. Parvenir à un sentiment de proximité avec les autres est donc souvent le résultat d'un processus de mise à l'épreuve ; la relation est à la fois proche et fermée. Si elle change, si elle doit changer, il y a un sentiment de confiance trahi. La proximité chargée d'attente de stabilité rend la communication émotionnelle - déjà assez dure en elle-même - plus difficile d'une marche. L'intimité en ces termes peut-elle vraiment être une vertu ? 

 

Auteur: Sennett Richard

Info: The Fall of Public Man

 
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géopolitique

Le grand paradoxe des bombardements de l’OTAN en Yougoslavie n’a donc pas été celui dont se sont plaints les pacifistes occidentaux (en bombardant la Yougoslavie dans le but d’empêcher la purification ethnique du Kosovo, l’OTAN a en réalité déclenché une purification à grande échelle et a ainsi créé la catastrophe humanitaire même qu’elle était censée prévenir), mais un plus grand paradoxe encore, inclus dans l’idéologie victimaire : le fait que l’OTAN a privilégié la faction kosovar "modérée" d’Ibrahim Rugova, désormais discréditée, au détriment de l’Armée de libération du Kosovo "radicale" (UCK). Cela signifie que l’OTAN a volontairement bloqué la résistance armée des Albanais eux-mêmes. [...] Après l’accord sur le retrait de l’armée serbe du Kosovo, cette méfiance à l’égard de l’UCK a refait surface de plus belle : une fois encore était évoqué le "danger" que représenterait l’accession au pouvoir de l’UCK – comme les sources de l’OTAN et les médias ont aimé à le répéter – la "place étant libre" depuis le retrait de l’armée serbe du Kosovo. Le contenu réel de cette méfiance n’aurait pas pu être plus clair : d’accord pour défendre les Albanais sans défense face aux monstres serbes, mais à la condition qu’ils ne puissent en aucune manière se défendre eux-mêmes en s’affirmant comme sujets politiques autonomes et souverains, des sujets n’ayant aucun besoin du parapluie bienveillant du "protectorat" de l’OTAN...

Bref, alors que l’OTAN intervenait pour protéger les victimes kosovars, elle prenait bien soin par ailleurs qu’ils restent des victimes, les habitants d’un pays dévasté à la population passive et non pas une force politico-militaire capable de se défendre elle-même. La stratégie de l’OTAN a ainsi été perverse au strict sens freudien du terme : elle s’est rendue elle-même (co)responsable des calamités qu’elle était censée combattre [...]. C’est ce même paradoxe victimaire que l’on rencontre ici : l’Autre ne doit être défendu que s’il demeure victime (c’est la raison pour laquelle nous fûmes bombardés d’images de mères kosovars sans défense, de récits émouvants de la souffrance d’enfants et de vieillards). Et c’est au moment où la victime cesse de se comporter comme une victime, en voulant répliquer en son nom, qu’elle se transforme magiquement et immédiatement en un Autre terroriste, intégriste ou trafiquant de drogue... Il s’agit donc, et cela est crucial, de reconnaître sans détour dans cette idéologique victimaire mondiale, dans cette identification du sujet humain lui-même à "quelque chose qui peut être blessé", le mode idéologique typique du capitalisme mondial contemporain. Cette idéologie victimaire est le mode même par lequel s’exerce le règne du Capital, et ce d’autant plus implacablement qu’il s’exerce la plupart du temps de façon invisible à l’œil nu.

Auteur: Zizek Slavoj

Info: Dans "Fragile absolu", éditions Flammarion, 2010, pages 87 à 89

[ interprétation psychanalytique ] [ instrumentalisation ] [ manipulation affective ] [ domination américaine ]

 

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moraline littéraire

M. Zola est le Christophe Colomb, le Vasco de Gama, le Magellan, le grand Albuquerque du Lieu Commun. Il équipe une flotte de trois cents navires et presse une armée navale de trente mille hommes téméraires pour découvrir que "tout n'est pas rose dans la vie", qu’on n'est pas toujours jeune" ou que "l’argent ne fait pas le bonheur". — Ce continent m’appartient ! s’écrie-t-il alors, en piaffant de son pied vainqueur, et il déploie, au nom du Positivisme, l’étendard couleur de bran des documentaires. Le Lieu Commun s’échappe sans interruption de ce Découvreur conquérant, comme l’eau des sources miraculeuses. Dans les livres effroyablement copieux qui précédèrent la trilogie dont il nous offre aujourd’hui le premier chant, les lieux communs, toujours canalisés avec méthode, avaient coulé dans les diverses vallées de l’Amour, du Rêve, de la Politique, de la Crapule, de l’Art, de la Haute Noce, du Haut Commerce, de la Vie rustique, de la Finance ou de la Guerre ; car le fleuve jaune avait paru former un delta, aux embouchures innombrables. Lourdes, sujet religieux, est le grand estuaire et les autres bras n’ont plus l’air de rien. Il ne fallait pas moins que les Pyrénées pour lancer sur nous ce torrent de rinçures philosophiques et humanitaires : "La foi aveugle, — l’obéissance sans examen, — le total abandon de la raison, — la foi qui étouffe le torturant besoin de la vérité, — les phénomènes prouvés qui démolissent les dogmes, — la dévotion étroite, — le miracle par suggestion, — la volonté de croire, — la tristesse de ne plus croire, — la divine ignorance, — la dévorante illusion de l’amour divin, — les exagérations !!! — le bonheur par la foi qui est dans l’ignorance et le mensonge, — les prêtres qui ne sont plus des hommes, — les prêtres châtrés, — le suicide volontaire, la vie libre et virile du dehors" ; etc., etc., etc. Je vous dis qu’il n’en a pas raté un seul. Tout ce qui se débagoule de plus médiocre, de plus bête, de plus ignare, de plus malpropre chez les commis-voyageurs ou dans les bas feuilletons anticléricaux rédigés pour des cordonniers impies ; tous les résidus des vieilles opinions fétides, vomies autrefois par les renégats eux-mêmes, goulûment réavalées par des cuistres abominables et revomies à longs flots dans la gueule des derniers chiens du Matérialisme ; — M. Zola les a recueillis comme de très-précieux condiments et les a jetés à brassées dans son chaudron. Et des phrases telles que celles-ci : "L’histoire ne retourne pas en arrière, l’humanité ne peut revenir à l’enfance. — L’inexpliqué seul constitue le miracle. — À quoi bon croire aux dogmes ? ne suffit-il pas de pleurer et d’aimer ?" Enfin, il y en a six cents pages ! Il est vrai que les habitués de cette cuisine peuvent, sans déchet notable, se contenter de lire avec le couteau à papier. Je l’ai dit plus haut, on y rencontre trop de vieilles connaissances et les pourceaux même se lassent de ne jamais obtenir d’excréments nouveaux.

Auteur: Bloy Léon

Info: Dans "Je m'accuse", sur Emile Zola

[ vacherie ] [ critique littéraire ] [ prêt-à-penser ]

 

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évolution moderne

Il n’est que trop évident qu’il y a actuellement deux religions dans l’Église : d’une part la religion catholique, dont les enjeux sont célestes – le salut éternel –, et d’autre part une religion séculière très proche d’elle sur le plan moral – la religion des droits de l’homme ou religion humanitaire –, dont les préoccupations sont exclusivement terrestres.

Pendant plus de mille ans religion identitaire des Européens, puis étendu par eux à travers le monde, le christianisme s’est aujourd’hui jeté tête baissée dans un délire universaliste qui se marque notamment par l’injonction adressée par le pape aux pays d’Europe d’accueillir sans limite sur leur territoire toute l’immigration illégale en provenance de l’Afrique et de l’Asie, ainsi que par une bienveillance chrétienne envers l’islam qui tranche avec une traditionnelle volonté de résistance aux entreprises conquérantes musulmanes, voire de reconquête sur l’islam des régions où était né le christianisme et dont s’étaient emparés les conquérants arabes. En faisant de l’universalisme sa seule raison d’être, le christianisme tend à apparaître comme un doublon de la religion des droits de l’homme.

Cette actuelle obsession universaliste du christianisme n’est effectivement pas sans évoquer Marcion, prédicateur gnostique du IIe siècle qui avait complètement trahi le christianisme en prétendant l’arracher à ses racines juives. Pour Marcion, le Dieu de la Bible – qu’il appelle le Dieu juste – est une divinité subalterne et grossière qui a créé un monde raté et instauré une justice impitoyable. Au dessus de lui est un Dieu suprême caché – le Dieu bon – qui s’est rendu visible en la personne de Jésus pour libérer les hommes du Dieu de la Bible. Rejetant radicalement le Dieu juste et ne voulant connaître que le Dieu bon, Marcion invitait ses disciples à faire table rase de la Bible et du passé juif pour ne garder que le message d’amour de l’Évangile dans une version au demeurant largement falsifiée. En rejetant le Dieu juste et l’Ancien Testament, Marcion rejetait non seulement la justice, l’ordre social, le mariage, la famille, mais encore l’idée de nation.

Aujourd’hui, en prétendant présenter exclusivement le christianisme comme un universalisme abstrait, l’Église adopte une démarche marcionite qui arrache au christianisme son substrat biblique, lequel légitime les identités particulières. Car le christianisme, du fait qu’il est né d’une religion nationale – le judaïsme – et que ses perspectives sont célestes et non terrestres, a pu aisément, en dépit de son ambition de s’adresser à la généralité humaine, jouer le rôle d’une religion particulière pour les peuples qui se réclamaient de lui. Au lieu de quoi, en ne voulant connaître du christianisme que son appel à la fraternité universelle, on nie la réalité du christianisme comme symbiose entre l’Évangile et la Bible. Prendre dans le Nouveau Testament une idée ou une valeur en la coupant de l’Ancien Testament revient à faire du Marcion. Cette idée ou cette valeur n’est alors plus chrétienne : elle est marcionite, elle est gnostique. Il y a manifestement quelque chose de marcionite dans les prises de position immigrationnistes de l’Église catholique.

Auteur: Harouel Jean-Louis

Info: Interview 2017

[ coupure historique ] [ gnosticisme ] [ théologie ]

 

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vingt-et-unième siècle

Le XXIe siècle invente une nouvelle territorialité : le camp de réfugiés,
Qui peut croire que les flux migratoires vont se réduire dans les prochaines décennies ? Et nous, que ferions-nous si nous résidions dans un espace social et économique sans issue, dévoyé par la violence, comme en Syrie, en Irak, en Érythrée, en Libye, en Palestine, en Afghanistan, au Soudan, en République Centrafricaine, en Somalie, en République Démocratique du Congo, au Pakistan, au Nigeria, au Yemen, en Colombie... ?
Pour répondre à ce défi, le XXIe siècle est en train d'inventer une nouvelle territorialité : le camp de réfugiés. Les camps "officiels", répartis à travers le monde, sont mis en place, financés et gérés par le HCR (Haut commissariat pour les réfugiés), émanation des Nations-Unies siégeant à Genève. 17 millions d'hommes, de femmes et d'enfants y sont nourris, "logés" et souvent enfermés, comme dans beaucoup de pays où les autorités locales interdisent aux populations "accueillies" d'en sortir. Ces camps, dont certains abritent jusqu'à 400.000 personnes, n'apparaissent sur aucune carte, bien qu'ils soient parfois pérennisés par nécessité durant des décennies. On y constate aussi la disparition d'autres droits fondamentaux, comme celui de travailler pour sa subsistance.
La journaliste Anne Poiret, dans son documentaire sur le sujet, établit à 17 années la durée moyenne de résidence dans un camp. On a le temps d'y naître et d'y grandir, ou d'y vieillir et d'y mourir, sans droit, sans liberté, sans "chez-soi".
Mais l'innovation n'y est pas en reste : on teste des formes d'auto-organisation entre les réfugiés, la distribution des aides alimentaires en argent et non en nature, l'installation de campements "verts" (éoliennes, panneaux solaires, financés par des ONG dédiées), et même l'accès à son compte en banque par un distributeur de billets mobile à reconnaissance digitale et rétinienne (il va de soi que tout le monde est fiché). C'est un mode de vie en développement, et comme toute courbe qui monte, il est porteur d'opportunités, sujet à ce "progrès" qui fait tellement défaut dans les pays riches. Les camps de réfugiés font objectivement partie de l'avenir.
Notons que la notion de camp de réfugiés peut être appliquée sans abus de langage aux bidonvilles qui grossissent continûment les villes, impasses sociales et humanitaires qui aspirent les "migrants" de tous ordres, les expropriés des campagnes, les sans-terre, sans-eau, sans-récoltes ou sans-emploi, ceux qui décident que l'insécurité de l'inconnu est au moins porteuse d'une possibilité de numéro gagnant, même à un cent contre un. C'est à ce niveau qu'ils mettent en jeu leur existence. Les migrants sont des "espérants".
Les Occidentaux et les riches des centre-villes leur brandissent des statistiques : scientifiquement, votre espoir est fou, votre espoir est vain. Ne venez pas. Les migrants sourient d'un air gêné, comme tous les humains qui ont une faveur à obtenir. Ils préfèrent un asservissement qu'ils croient provisoire à l'enfermement par le dénuement ou la violence dans leur communauté d'origine. C'est un raisonnement qui ne vaut pas de l'autre côté de la grille : le rapprochement physique des riches et des pauvres est malsain, souvent dangereux. "Incertain", comme dirait la bourse. La présence de ces foules compactes et déracinées dans des contrées plus pacifiées fait tache. L'abordage désordonné des pauvres dans les quartiers riches n'est pas convenable.
Ça, tous les Européens le disent, maintenant, de "gauche" comme de droite : Ça fait des Brexit, après.
Vous savez, le Brexit : cet "événement historique" dont on a tant parlé.

Auteur: Gaufrès Stéphane

Info:

[ guerre ] [ surpopulation ] [ nord-sud ]

 

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partisanerie

Il y a [...] l'intellectuel de gauche et l'intellectuel de droite.

Je voudrais vous donner des formules qui, pour tranchantes qu'elles puissent paraître au premier abord, peuvent tout de même nous servir à éclairer le chemin.

Le terme de sot, de demeuré, qui est un terme assez joli pour lequel j'ai quelques penchants, tout ceci n'exprime qu'approximativement un certain quelque chose pour lequel je dois dire assurément la langue et la tradition, l'élaboration de la littérature anglaise, me paraît nous fournir un signifiant infiniment plus précieux.

Une tradition qui commence à Chaucer, mais qui s'épanouit pleinement dans le théâtre du temps d'Elisabeth ; qu'une tradition dis-je nous permette de centrer autour du terme de fool -- le fool est effectivement un innocent, un demeuré, mais par sa bouche sortent des vérités qui ne sont pas seulement tolérées, que parce que ce fool est quelquefois revêtu, désigné, imparti, des fonctions du bouffon.

Cette sorte d'ombre heureuse, de foolery fondamentale, voilà ce qui fait à mes yeux le prix de l'intellectuel de gauche.

À quoi j'opposerai [...] un terme employé d'une façon conjuguée [...] c'est le terme de knave.

Le knave, c'est-à-dire quelque chose qui se traduit à un certain niveau de son emploi par le valet, est quelque chose qui va plus loin.

Ce n'est pas non plus le cynique, avec ce que cette position comporte d'héroïque.

C'est à proprement parler ce que Stendhal appelle le coquin fieffé, c'est-à-dire après tout Monsieur Tout-le-Monde, mais Monsieur Tout-le-Monde avec plus ou moins de décision.

Et chacun sait qu'une certaine façon même de se présenter qui fait partie de l'idéologie de l'intellectuel de droite est très précisément de se poser pour ce qu'il est effectivement, un knave.

Autrement dit, à ne pas reculer devant les conséquences de ce qu'on appelle le réalisme, c'est-à-dire, quand il le faut, de s'avouer être une canaille.

Le résultat de ceci n'a d'intérêt que si l'on considère les choses au résultat.

Après tout, une canaille vaut bien un sot, au moins pour l'amusement, si le résultat de la constitution des canailles en troupe n'aboutissait infailliblement à une sottise collective.

C'est ce qui rend si désespérante en politique l'idéologie de droite.

Observons que nous sommes sur le plan de l'analyse de l'intellectuel et des groupes articulés comme tels.

Mais ce qu'on ne voit pas assez, c'est que par un curieux effet de chiasme, la foolery, autrement dit ce côté d'ombre heureuse qui donne le style individuel de l'intellectuel de gauche, aboutit elle fort bien à une knavery de groupe, autrement dit, à une canaillerie collective. [...]

Ce qui me fait le plus jouir, je l'avoue, c'est la face de la canaillerie collective.

Autrement dit, cette rouerie innocente, voire cette tranquille impudence qui leur fait exprimer tant de vérités héroïques sans vouloir en payer le prix.

Grâce à quoi ce qui est affirmé comme l'horreur de Mammon à la première page se finit à la dernière dans les ronronnements de tendresse pour le même Mammon.

Ce que j'ai voulu ici souligner, c'est que Freud n'est peut-être point un bon père, mais en tous cas, il n'était ni une canaille, ni un imbécile.

C'est pourquoi nous nous trouvons devant lui devant cette position déconcertante qu'on puisse en dire également ces deux choses déconcertantes dans leur lien et leur opposition : il était humanitaire, qui le contestera à pointer ses écrits, il l'était et il le reste, et nous devons en tenir compte, si discrédité que soit par la canaille de droite ce terme.

Mais d'un autre côté, il n'était point un demeuré, de sorte qu'on peut dire également, et ici nous avons les textes, qu'il n'était pas progressiste.

Auteur: Lacan Jacques

Info: L’éthique de la psychanalyse - 23 mars 1960

[ retour du refoulé ] [ hommage ] [ gauche-droite ] [ bêtise réductrice ]

 
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