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tradition

L’unique préoccupation de René Guénon, entre 1905 et 1951, année de sa mort, a été l’initiation.

Il faut y insister parce que, ignorer cela, c’est se condamner à rester toujours à l’extérieur de son œuvre. Guénon se soucie fort peu de passer pour un historien, serait-ce celui de l’initiation elle-même, ce qui ne l’empêche pas d’exceller dans l’histoire, quand il s’agit pour lui de détruire le "théosophisme", qui est une fausse religion, et le spiritisme, qui est une mortelle erreur.

Son objet n’est pas davantage la philosophie ou quoi que ce soit d’autre ; c’est l’initiation, l’initiation qui confère, aux yeux de Guénon, la possibilité d’accéder à la "Délivrance" définitive si, du moins, l’initié a les qualités requises et s’il se plie à la discipline, surtout intellectuelle, que lui impose le maître spirituel de l’organisation au sein de laquelle il a été admis. Voilà pourquoi Guénon a écrit, et voilà seulement pourquoi.

L’unicité de cet objet assure à l’œuvre qui lui est consacrée une cohésion extraordinaire.

Elle avait été préparée de longue main puisque, la moisson ayant été engrangée entre 1905 et 1912 (année du rattachement de Guénon à l’islam), elle débute en 1921 par L’Introduction générale à l’étude des doctrines hindoues et finit en 1946 par La Grande Triade, si l’on ne compte pas les œuvres posthumes. D’un bout à l’autre, l’écriture est châtiée et la langue en impose par sa clarté, sa précision et une terminologie minutieuse, extrêmement élaborée. Cette œuvre se présente à nous comme le condensé d’un fond doctrinal qu’il faut avoir acquis avant de songer à entreprendre la moindre "réalisation spirituelle" au sein d’une organisation initiatique et sous le contrôle rigoureux d’un maître. Car là est l’essentiel : l’opération "trans-formatrice" ou, ce qui revient au même, "métamorphosante", au regard de laquelle l’œuvre guénonienne elle-même est secondaire. Elle informe seulement ; elle indique "la voie", ou plutôt les voies qui convergent toutes vers le même centre ; elle enseigne la nécessité d’une doctrine qu’il faut s’assimiler en vue de l’acquisition, par l’être qui est actuellement dans l’état humain, et s’il le peut, de l’état qui transcende tous les états concevables.

Toute la substance de l’œuvre de Guénon peut ainsi être résumée en ces termes : "Rattache-toi à une organisation initiatique véritable et, sans négliger l’exotérisme sur lequel elle repose, travaille sans relâche à acquérir la théorie métaphysique (nécessaire, mais non point suffisante) ; puis, sous le contrôle d’un maître spirituel autorisé, travaille encore sans relâche à “réaliser” celui que tu es de toute éternité et que te dérobe le voile de l’illusion, qui est ignorance".

Car devant "cela" qui est encore plus que l’Un absolu – c’est, dit Guénon, le Zéro métaphysique – toute la manifestation est "rigoureusement nulle".

Auteur: Allard l'Olivier André

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[ porte-parole ] [ objectif ] [ résumé ] [ non-discrimination ]

 

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télévision

Toi qui a su ôter la vue aux aveugles, l’ouïe aux sourds, la signification à toute vie ; toi qui effaces les repères, démembres les langues, anéantis le sens de tout ; toi qui débarrasses en beauté les hommes de leurs illusions idéologiques, de leurs attentes utopiques, de leurs velléités critiques ; toi qui les soulages de leur entendement, de leur jugement et de leur raisonnement, ô pur Non-Esprit !
Méfie-toi.
O irréel miroir du monde imprésentable, on cherche de plus en plus à t’interpréter, à te comprendre, à t’analyser.
Sans doute même rêve-t-on de te moraliser ? […]
Terminées, la libre pensée et l’acidité ! Finis les "refus hautains". Honte aux méprisants de l’écran ! Aux intégristes aigris de l’écrit !
Et vive la langue miséreuse des stars inoubliables qui vous fondent sur la langue !
Et en avant, dans la foulée, le recyclage des formulations ridicules et des clichés conjuratoires.
En avant le "primat de visuel", la "spectacularisation de la réalité", le problème de la "déresponsabilisation du citoyen", l’ "idéologie dépolitisante", le "futile événementialisé".
En avant la "grammaire de l’image".
Noueuse masse d’ondes triomphantes ! Ayant fait le pari raisonnable que ton expansion était irréversible, ta croissance illimitée, ton paradis enviable et ton horizon indépassable, ils veulent croire maintenant ta connerie éducable.
[…]
Vérole sortant des ondes ! Ils voudraient te rendre "bonne". Et savante. Et informante.
Ils te désirent "de qualité" !
Pourquoi pas "intelligente", ô Gâteuse infaillible ?
[…]
Ils voudraient t’apprendre à parler, ô Borborygme !
Ils rêvent de te contrôler. Ils ont des opinions sur ton "statut". Ils croient savoir ce que tu devrais être. Généraliste ? Bas de gamme ? Intéressante ? Thématique ? Divertissante ? […]
Et pour commencer, ô Multinationale de l’oubli pestifère, ils prétendent que tu as une "histoire" ! Une histoire ! Toi ! Un passé ! Toi l’inconscient incarné qui ignore royalement le temps ! Et allez donc les anecdotes ! Les rappels d’âge d’or. Les souvenirs mouillés du temps où tu n’étais encore qu’une toute petite maladie bénigne, ô Compulsion digitale universelle, la "télé voix de France", tes vieux feuilletons noir et blanc, trois heures de programmes par jour et ces foules qui se poussaient aux vitrines des marchands de poste pour découvrir, ô maternelle Mutante, comme par une brèche minuscule, tes rares images qui tremblaient d’aise.
[…]
Œsophage du monde nouveau, ils te traitent de "lien social indispensable" !
Ô caniveau !
Poubelle irrévocable ! Ne les laisse pas faire !
Refuse de te laisser arranger le portrait !
Ne deviens pas, surtout leur Téléubu à visage humain ce serait ta fin.
Reste l’Inconnaissable, l’Obscure, l’Impénétrable.
Te voilà avertie, ô grande Cochonnerie obligatoire ! Sois de plus en plus bête, obscène, téléthonne, délatrice, morbide, chiotte, corrompue, infâme. Le troisième millénaire sera dégueulasse ou ne sera pas. Ô Parque à Thèmes ! L’avenir épouvantable des siècles est à toi.

Auteur: Muray Philippe

Info: Dans "Exorcismes spirituels I - Rejet de greffe", pages 403 à 406

[ ode ironique ] [ encouragement gouvernemental ] [ dénigrement ]

 

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vitesse

En plaçant l’allocation du temps au cœur du comportement de l’agent, Becker a ouvert une voie très prometteuse pour comprendre les comportements économiques et sociaux, mais aussi et surtout pour une économie politique en rupture avec le modèle des choix rationnels néo-classiques qui ne voient de la valeur que dans les activités marchandes et ignorent totalement toute autre contribution au progrès social, civique ou politique. Cette approche du temps économique constitue une rupture par rapport aux modèles économiques dominants (dans lesquels le temps est absent). Elle propose une nouvelle théorie de la consommation en fournissant la base d’une théorie de l’allocation optimale du temps. Dès lors que, à la suite de Becker, nous admettons que le temps est "un input" qui, au même titre que n’importe quel autre bien participe à la "production" de satisfaction, nous devons admettre l’idée de la substituabilité entre temps et dépense. Nous voyons ici que nous sommes très loin de la conception limitée du temps au simple facteur de production de bien marchands qui se retrouve dans le concept de temps abstrait. Dorénavant, selon le principe des courbes d’indifférence cher aux économistes, notre agent économique aura le choix entre acheter plus de biens ou utiliser plus de temps pour obtenir une même satisfaction en fonction des prix relatifs des biens et du temps. C’est ici que Becker aura été le plus visionnaire car, dès les années 1960 il imaginait que notre temps deviendrait rare et que, en conséquence, son prix allait augmenter. De mon point de vue, il a ainsi parfaitement décrit l’une des conséquences de ce que j’appelle l’accélération technocapitaliste : l’augmentation du prix du temps va entraîner un déplacement des productions à base de temps vers des productions à base de dépenses. Si l’on observe nos comportements de consommation, la plupart des produits et services que nous consommons aujourd’hui, notamment nombre d’objets que l’on considère a priori comme des gadgets, correspondent à une politique d’économie de temps. Le monde technocapitaliste est un monde d’hyper consommation qui s’explique non plus par l’apparition de besoins réellement nouveaux, mais bien plutôt par notre préférence à la dépense plutôt qu’au temps. Une autre conséquence majeure de cette accélération technocapitaliste est que le temps, devenant une ressource toujours plus rare, se transforme en un actif dont les entreprises vont chercher à s’emparer. Cette captation du temps que nous ressentons tous est l’une des causes de la grande transformation anthropologique à laquelle nous assistons : le remplacement d’homo œconomicus par un homme capable d’accepter nombre de limitations à sa liberté en échange de toujours plus de consommation, c’est cet homme que nous appelons homo festivus numericus. Comme les chimistes des cigarettiers étaient payés pour rendre les fumeurs de plus en plus dépendants, des milliers de chercheurs et d’ingénieurs le sont pour capter notre attention, pour transformer notre temps en un actif valorisable. Ainsi, à côté du marché des données, se crée le nouveau marché du temps.

Auteur: Vignes Renaud

Info: https://philitt.fr/2021/11/29/renaud-vignes-notre-temps-est-en-train-de-devenir-inhumain

[ loisirs ] [ travailleurs à domicile ]

 

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postmodernité

Tous les cliniciens témoignent d’un changement dans les comportements des enfants ces trente dernières années. Le changement est d’abord apparu chez les adolescents dans les années 1980 et c’est d’abord pour décrire leurs nouveaux modes d’être qu’ont été inventés les "états limites", l’adolescence prolongée, éternisée, et la difficulté rencontrée par un nombre grandissant de jeunes de structurer leur organisation psychique et donc de développer les troubles classiques de la souffrance psychique que sont les névroses "normales". Depuis le début des années 2000, le changement touche des enfants de plus en plus jeunes, d’abord les enfants d’âge scolaire avec la "disparition" de la période de latence, puis plus récemment les enfants d’âge préscolaire. Ces enfants présentent tous les mêmes symptômes comportementaux :

- une difficulté majeure à supporter les frustrations et donc les ordres émanant des adultes ;

- une propension massive à répondre par des agirs, parfois violents (crises de colères, crises clastiques allant parfois jusqu’au meurtre) ;

- une difficulté importante à mentaliser leurs éprouvés et leurs ressentis psychiques, ainsi qu’une absence de culpabilité face aux actes commis.

[...] La clinique quotidienne avec ces enfants montre que ceux-ci cherchent désespérément une limite à l’excitation pulsionnelle qu’ils n’arrivent pas à canaliser, ni à mettre en forme. Ces petits sujets soumis à l’excitation ne peuvent trouver à calmer celle-ci que par la présence ici et maintenant d’un objet de la réalité avec lequel satisfaire la pulsion. Pas de limite interne pour eux, la seule limite qu’ils trouvent est celle de l’épuisement corporel, la limite du corps. Les incarnations imaginaires de l’Autre que sont normalement les parents et les adultes ne font pas obstacle à la réalisation du plaisir pour ce type d’enfant.

Là où l’enfant pris dans la logique des discours situait normalement la limite par le ressenti de la culpabilité, comme nous l’avons vu plus haut, l’enfant des parlottes modernes ignore la "grosse voix" interdictrice et la limite ne peut venir que de lui-même, ou de la force réelle de l’autre. La psychopathologie des enfants a du coup évolué. L’enfant des discours souffrait de phobie, de la peur du loup représentant le père puissant de l’œdipe, par culpabilité. L’enfant moderne souffre d’une absence de limite posée par l’autre et cherche par tous les moyens à provoquer cet autre pour trouver enfin une limite rassurante à sa toute-puissance. Le remplacement des phobies infantiles, rares de nos jours au moins en tant que motif de consultations, par les TDHA signe le changement de construction subjectif lié à la bascule des discours de référence. Le discours libéral, en effet, est "sans limite" et les modalités éducatives issues de cette forme de parlottes sont celles de "l’épanouissement" et de "l’éveil" de l’enfant. Le retour de la limite fait alors retour, non plus dans la psyché sous la forme de la culpabilité, mais de la seule limite que connaisse le sujet, celle du corps.

Cette limite dans le corps et par le corps est d’ailleurs aujourd’hui celle qui prend une place fondamentale dans la psychopathologie du sujet et dans le lien social.

Auteur: Lesourd Serge

Info: Dans "Comment taire le sujet ?", éditions Érès, 2010, pages 217 à 219

[ psychanalyse ] [ transformations ] [ structures incorporées du langage ]

 
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fictions

Lorsque les gens parlent de fantasy - qu'il s'agisse de lecteurs grand public ou de lecteurs de SF - ils parlent presque toujours d'un sous-genre de la littérature fantastique. Ils parlent de Tolkien, et de ses innombrables héritiers. Qu'on l'appelle "épopée", ou "de genre", c'est ce que fantasy a fini par signifier. Ce qui est à la fois trompeur et malheureux.

Tolkien est la bête de somme de la littérature fantastique. Son œuvre est massive et contagieuse - on ne peut l'ignorer, alors n'essayez même pas. Le mieux que vous puissiez faire est d'essayer d'enlever ce furoncle avec précaution. Et il y a beaucoup de choses à détester : sa pompe wagnérienne, son côté "garçon aventurier" qui se glorifie dans la guerre, son amour étroit et réactionnaire pour le statu quo hiérarchique, sa croyance en une moralité absolue qui brouille la complexité morale et politique. Les clichés de Tolkien - les elfes, les nains et les anneaux magiques - se sont répandus comme des virus. Il a écrit que la fonction de la fantaisie était "de consoler", faisant ainsi de l'écrivain de fantaisie un principe de base d'une politique destinée à dorloter le lecteur.

C'est une idée révoltante, et heureusement, beaucoup de fantaisistes l'ont ignorée. Des surréalistes aux pulps - en passant par Mervyn Peake, Mikhael Boulgakov, Stefan Grabiński, Bruno Schulz, Michael Moorcock, M. John Harrison et j'en passe - les meilleurs écrivains ont utilisé l'esthétique fantastique précisément pour défier, aliéner, subvertir et saper les attentes.

Bien sûr, je ne dis pas qu'un fan de Tolkien ne peut faire parei de mes amis - cela réduirait considérablement mon cercle social. Je ne prétends pas non plus qu'il est impossible d'écrire un bon livre de fantasy contenant des elfes et des nains - le superbe Iron Dragon's Daughter de Michael Swanwick dément cette affirmation. Mais puisque le plaisir de la fantasy est censé résider dans sa créativité illimitée, pourquoi ne pas essayer de trouver des thèmes différents, ainsi que des monstres non conventionnels ? Pourquoi ne pas utiliser la fantasy pour remettre en question les mensonges sociaux et esthétiques ?

Heureusement, la tradition alternative de la fantasy n'est jamais morte. Et elle ne cesse de se renforcer. Chris Wooding, Michael Swanwick, Mary Gentle, Paul di Filippo, Jeff VanderMeer, et bien d'autres, produisent tous des œuvres qui s'articulent sur le radicalisme de la fantasy. Alors que la fantasy traditionnelle était rurale et bucolique, celle-ci est souvent urbaine et souvent brutale. Les personnages sont plus que des silhouettes en carton, et ils ne sont pas définis par la race ou le sexe. Les choses sont sordides et délicates, comme dans la vie réelle. La fantaisie n'est pas un aliment réconfortant, mais un défi.

Le critique Gabe Chouinard a déclaré que nous entrons dans une nouvelle période, une renaissance du radicalisme créatif de la fantasy qui n'a pas été vue depuis la nouvelle vague des années 60 et 70, et qu'il a baptisée la prochaine vague. Je ne sais s'il a raison, mais je suis enthousiaste. C'est une littérature radicale. C'est la littérature que nous méritons le plus.

Auteur: Mieville China Tom

Info:

[ styles littéraires ] [ ouverture ] [ vingtième siècle ] [ mondes imaginaires ] [ merveilleux ]

 

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biophysique

Un champignon capable d'apprendre sans neurones
Des chercheurs toulousains montrent que le "Physarum polycephalum", un champignon jaune des sous-bois, peut apprendre à ignorer un obstacle de caféine sur son chemin, alors qu'il est unicellulaire et dépourvu de système nerveux.
Un champignon est-il capable d'apprendre ? De retenir une leçon et d'en tirer des conclusions ? De ne pas refaire la même erreur ou de changer son comportement pour s'adapter à une situation ? Indice : il n'a pas de cerveau ni même de système nerveux. Et pourtant, la réponse aux questions est oui... Le Physarum polycephalum, une sorte de champignon - un protiste - jaune citron qui vit dans les sous-bois, large de plusieurs centimètres et pourtant composé d'une unique cellule avec des milliers de noyaux, fait preuve d'étonnantes capacités sous l'oeil des chercheurs.
L'étude a été publiée ce mercredi par la Royal Society : une équipe du Centre de recherches sur la cognition animale, à l'université Toulouse III, s'est amusée à proposer une course d'obstacles à notre champignon jaune. Certains individus avaient un accès direct à leur nourriture (spores et bactéries, miam miam) tandis que d'autres devaient traverser un endroit imprégné de caféine ou de quinine (beurk beurk). "Au tout début réticents à franchir les substances amères", résume le CNRS, les champignons "ont appris au fur et à mesure des jours qu'elles étaient inoffensives et les ont traversées de plus en plus rapidement, se comportant au bout de six jours de la même façon que le groupe témoin".
Les chercheurs ont mesuré la largeur du pseudopode (excroissance de la cellule) utilisé pour rejoindre la nourriture. Un pseudopode étroit est synonyme d'un comportement de répulsion, un pseudopode large représente quant à lui un comportement normal.
Au début réticent à passer sur la quinine, Physarum polycephalum apprend par habituation à ignorer la substance. L'organisme se déplace en avançant vers la nourriture une excroissance appelée pseudopode.
Les chercheurs sont convaincus qu'il ne s'agit pas simplement d'une "adaptation sensorielle" ou d'une "fatigue motrice", qui auraient également pu affecter leur vitesse de déplacement, car la réponse des champignons était spécifique à la substance : les habitués à la caféine restaient réticents à la quinine, et inversement. En outre, si on faisait disparaître la substance désagréable pendant deux jours, Physarum polycephalum réussissait à l'"oublier" et fournissait à nouveau une réponse négative à la prochaine rencontre. Ce sont les signes typiques d'une forme d'apprentissage qu'on appelle habituation, en biologie.
"L'apprentissage, défini comme un changement de comportement provoqué par l'expérience, a jusqu'à présent été étudié seulement chez les organismes multicellulaires dotés d'un système nerveux", écrivent Audrey Dussutour, Romain Boisseau et David Vogel. L'apprentissage est une modification comportementale à l'échelle d'une vie, donc différentes des adaptations biologiques au fil des générations, qui relèvent plutôt de l'évolution.
Physarum polycephalum avait déjà fait le malin lors de précédentes expériences, prouvant par exemple sa capacité à résoudre un labyrinthe (en privilégiant le chemin le plus court) ou de se nourrir de manière "réfléchie", en piochant des protéines et du sucre en certaines proportions jusqu'à reconstituer son régime alimentaire idéal. L'étude de ces mécanismes est cruciale pour "comprendre quand et où, dans l'arbre de l'évolution, les premières manifestations de l'apprentissage sont apparues".

Auteur: Internet

Info: http://www.liberation.fr/futurs/2016/04/27

 

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besoin de transcendance

A leur parler, on ressent souvent qu’il y a en un déprimé un grand virage non encore négocié, ainsi que l’attente d’un basculement radical de valeurs, avec un appel fervent envers une autre forme de vie. En attendant, les déprimés sont de la nuit, et dans la nuit. Mais tous ceux qui désirent atteindre une manière nouvelle doivent passer par la nuit et par l’obscur. On appelle cela parfois : la traversée du désert, la nuit des sens. Et on pourrait également appeler la dépression : la nuit du Sens.
Au commencement de toute rénovation de l’esprit et de l’âme, se trouve la "mort", qui est le détachement et l’arrachement ultimes des anciennes visions, des anciennes valeurs, des anciennes façons de vivre. C’est l’arrachement de l’absurde et du non-sens, comme on arracherait une vieille peau. C’est la mue de l’âme. Mais tant que les lumières nouvelles n’ont pas jailli, cet abandon des choses anciennes est ressenti comme une nuit. Car l’être humain ne peut approcher son "noyau* profond qu’après avoir rejeté ce qui n’’est pas essentiel pour lui, et que ne correspond pas à son organisation et son ordre intérieurs.
L’alchimie passe, elle aussi, par la nuit. Après le mariage du souffre et du mercure, apparaît la couleur noire. C’est la phase de "putréfaction", mais aussi de promesse. Puis la pierre devient progressivement blanche ; c’est la résurrection. La matière noire renaît, perd de sa noirceur, jusqu’à atteindre le rouge de la rubification, que l’on peut symboliser par un jeune roi couronné. Ainsi, "l’or philosophal" se trouve enclos dans le noir de l’âme, et dans la promesse de la nuit du Sens…
On a tendance à cloisonner le déprimé dans l’ "anormal". Mais est-ce aussi anormal qu’on voudrait le dire ? Et anormal par rapport à quoi ? Par rapport à la vie courante ? C’est-à-dire ? N’existe-t-il pas un "endroit" de cet "envers" qui est le sien ? Et cet envers sur lequel il marche ne marque-t-il pas une frontière entre ce qu’il parait être pour l’instant et l’appel qui se trouve en lui ? Posons même la question : paradoxalement, n’est-il pas plus profondément normal que la plupart des gens dits normaux ?
La dépression fait songer à ces états de personnes ayant frôlé la mort et qui en reviennent en décrivant des images de tunnel au bout duquel se trouvaient d’intenses lumières. Cependant, en cloisonnant les déprimés dans l’anormal, on les étiquette, on les bourre de médicaments. Mais on ignore qu’il y a en eux "autre chose", qui n’est deviné que d’eux seuls. Qu’il y a en eux un profond secret, et un mystère central. Alors, ne faut-il pas retourner, faire basculer, la notion de dépression ? Comme on doit le faire avec tant de choses ? Au lieu de se trouver "en-bas", ils sont probablement, au contraire, proches d’un "en-haut" qu’ils ne peuvent temporairement atteindre. En attendant, leur nuit est un retour au sein maternel…
Cette "anormalité" de la dépression ne serait-elle pas le chemin vers une supra-normalité ? Ne serait-il pas une démarche vers un "quelque chose" que la plupart ignorent ? Dit autrement : la dépression n’est-elle pas le canal, le tunnel vers une lumière, et vers une haute valeur ignorée ou refoulée chez la plupart ?

Auteur: Daco Pierre

Info: Dans "Psychologie et liberté intérieure"

[ nouveau regard ] [ adéquation au monde ] [ toucher le fond ]

 
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réforme religieuse

Kant nous paraît un bon luthérien lorsqu'il décrit une "religion dans les limites de la simple raison" (et non de la raison critique). En faisant servir la raison au travail théologique, saint Thomas la soumet à la foi et la surnaturalise. En excluant la raison du seul domaine de la foi, Luther lui donne la liberté de régner en maîtresse dans tout le reste et, en particulier, dans tout ce qui, de la religion, ne relève pas de la foi purement subjective. C'est pourquoi l'oecuménisme ne consiste pas en un effort de rencontre entre deux religions soeurs, entre deux formes du christianisme de même "pression religieuse" (comme on parle de pression atmosphérique), mais entre deux formes du catholicisme, l'une de forte pression, l'autre de basse pression. Et la météorologie nous apprend en quel sens souffle le vent. Ainsi la balance n'est pas égale, le déséquilibre est évident, cela, quelles que soient la bonne volonté et la prudence des intervenants, en vertu de la seule nature des choses. Congédions toute prévention et tout ressentiment, et posons les termes de la rencontre oecuménique de la façon la plus neutre, la plus "indifférente".

Qu'est-ce que la religion protestante doit abandonner d'elle-même pour rencontrer le catholicisme ?

Rien. Il faudrait au contraire qu'elle s'accroisse d'une multitude d'éléments, de croyance et de pratique. Seul celui qui a plus peut abandonner ce plus pour rencontrer celui qui a moins.

On soutiendra peut-être que ce moins, en soi, vaut plus. Admettons-le, cela ne change rien à la chose. Seul le catholicisme peut devenir le protestantisme, parce que le protestantisme est, en fait, un catholicisme transformé et réduit.

Comment la communication oecuménique pourrait elle fonctionner en sens inverse ? A-t-on jamais vu un fleuve remonter sa pente ?

Mais il nous faut maintenant précisément nous interroger sur la nature du principe interne et constitutif du luthéranisme : la justification par la foi. Nous voudrions simplement rappeler que ce principe ne représente pas seulement une hérésie au regard de la théologie, mais encore de la simple philosophie. Le cinq-centième anniversaire de la naissance du Réformateur a d'ailleurs donné lieu à de curieuses manifestations, visant à le transformer en une sorte de Père de l'Église.

Certains le considèrent même comme le plus grand génie du christianisme, comme celui qui a le plus génialement "repensé" la totalité de la religion chrétienne selon sa vérité unifiante la plus authentique. La "révélation" que Luther a eue du Christ constitue, selon eux, la découverte (ou la redécouverte) de la "vraie foi chrétienne".

Les catholiques n'ont que deux choses à faire : demander pardon pour l'inqualifiable conduite d'une Église dont ils sont hélas ! les héritiers, en se débarrassant des "carcans confessionnels" ; et se mettre enfin à l'écoute de ce moine en qui retentit la Parole authentique. Ces procédés, sans effet sur un théologien compétent, sont tout-puissants sur le peuple catholique de bonne volonté, et même sur de nombreux prêtres enclins à ignorer l'importance du savoir doctrinal au nom de la charité. C'est pourquoi nous devons préciser ce qui fait le fond de la théologie luthérienne, savoir, la justification par la foi, apprécier la solidité de son fondement scripturaire*, énoncer les conséquences qui en résultent.

Auteur: Borella Jean

Info: Le sens du surnaturel *Prophète dont les paroles, mises par écrit, appartiennent au canon biblique

[ historique ] [ différences ] [ libéralisme ] [ sentimentalisme ]

 

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étude comportementale

J'ai cette idée que, lorsqu'un homme rit, la plupart du temps il est répugnant à regarder. Le rire manifeste d'ordinaire chez les gens je ne sais quoi de vulgaire et d'avilissant, bien que le rieur presque toujours ne sache rien de l'impression qu'il produit. Il l'ignore, de même qu'on ignore en général la figure qu'on a en dormant. Il est des dormeurs dont le visage reste intelligent, et d'autres, intelligents d'ailleurs, dont en dormant le visage devient très bête et partant ridicule. J'ignore d'où cela vient : je veux dire seulement que le rieur, comme le dormeur, le plus souvent ne sait rien de son visage. Il est une multitude extraordinaire d'hommes qui ne savent pas du tout rire. Au fait, il n'y a pas à savoir : c'est un don qui ne s'acquiert pas. Ou bien, pour l'acquérir, il faut refaire son éducation, se rendre meilleur et triompher de ses mauvais instincts : alors le rire d'un pareil homme pourrait très probablement s'améliorer. Il est des gens que leur rire trahit : vous savez aussitôt ce qu'ils ont dans le ventre. Même un rire incontestablement intelligent est parfois repoussant. Le rire exige avant tout la franchise : où trouver la franchise parmi les hommes ? Le rire exige la bonté, et les gens rient la plupart du temps méchamment. Le rire franc et sans méchanceté, c'est la gaieté : où trouver la gaieté à notre époque et les gens savent-ils être gais ? (Pour ce qui est de la gaieté à notre époque, c'est une remarque de Versilov et je l'ai retenue.) La gaieté de l'homme, c'est son trait le plus révélateur, avec les pieds et les mains. Il est des caractères que vous n'arrivez pas à percer : mais un jour cet homme éclate d'un rire bien franc, et voilà du coup tout son caractère étalé devant vous. Il n'y a que les gens qui jouissent du développement le plus élevé et le plus heureux qui peuvent avoir une gaieté communicative, c'est-à-dire irrésistible et bonne. Je ne veux pas parler du développement intellectuel, mais du caractère, de l'ensemble de l'homme. Ainsi : si vous voulez étudier un homme et connaître son âme, ne faites pas attention à la façon dont il se tait, ou dont il parle, ou dont il pleure, ou même dont il est ému par les plus nobles idées. Regardez-le plutôt quand il rit. S'il rit bien, c'est qu'il est bon. Et remarquez bien toutes les nuances : il faut par exemple que son rire ne vous paraisse bête en aucun cas, si gai et si naïf qu'il soit. Dès que vous noterez le moindre trait de sottise dans son rire, c'est sûrement que cet homme est d'esprit borné, quand même il fourmillerait d'idées. Si son rire n'est pas bête, mais si l'homme, en riant, vous a paru tout à coup ridicule, ne fût-ce qu'un tantinet, sachez alors que cet homme ne possède pas le véritable respect de soi-même, ou du moins ne le possède pas parfaitement. Enfin, si ce rire, quoique communicatif, vous paraît cependant vulgaire, sachez que cet homme a une nature vulgaire, que tout ce que vous aviez remarqué chez lui de noble et d'élevé était ou bien voulu et factice, ou bien emprunté inconsciemment, et que fatalement il tournera mal plus tard, s'occupera de choses "profitables" et rejettera sans pitié ses idées généreuses comme des erreurs et des engouements de jeunesse.

Auteur: Dostoïevski Fédor Mikhaïlovitch

Info: "L'Adolescent", éditions Gallimard, 1998, traduit par par Pierre Pascal, page 382

[ déductions ] [ observations ] [ rigoler ]

 
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moyen âge

Or, au cours du XIIe siècle, et plus encore au XIIIe siècle, il s’est produit un événement d’une portée incalculable et dont les conséquences n’ont pas fini de se faire sentir ; il s’agit de l’arrivée en Occident des écrits d’Aristote.

Ce qui était connu d’Aristote avant le XIIe siècle, c’est ce qu’on a appelé la Logique ancienne, c’est-à-dire les deux traités des Catégories et de L’Interprétation, communiqués aux Latins par Boèce, philosophe et homme politique mort martyr en 525. Tout le reste est inconnu. La philosophie avec laquelle s’est élaborée la pensée chrétienne, dès les origines, c’est le platonisme dont le représentant le plus éminent en Occident est S. Augustin, auquel il faut joindre Denys l’Aréopagite. C’est Platon qui a régné à peu près sans partage sur la pensée chrétienne durant douze cent ans. Mais c’est un Platon dont les œuvres sont ignorées. On ne connaît à cette époque que le Phédon et le Ménon, et une petite partie du Timée dont la cosmogonie inspirera l’Ecole de Chartres. Platon n’est pas une œuvre ou des textes, c’est une doctrine, une vision du monde et de Dieu qui enseigne une certaine idée de la création du monde, d’un Dieu-Providence et de l’immortalité de l’âme.

L’arrivée d’Aristote en Europe chrétienne est toute différente : c’est l’arrivée de textes. La thèse la plus répandue soutient que les œuvres d’Aristote, la Métaphysique, l’Ethique, la Physique, le Traité de l’âme, les Traités de sciences naturelles, etc., sont arrivés par l’intermédiaire des Arabes qui avaient traduit ces œuvres du grec en arabe, mais aussi du syriaque, traductions d’ailleurs exécutées à la demande des autorités musulmanes, par des savants chrétiens orientaux. Les chrétiens d’Occident entrent en contact avec cette littérature en Espagne, lors des débuts de la Reconquista, principalement à Tolède où, à l’instigation de l’archevêque Raymond et de Dominique de Gonsalvi, est créé un collège de traducteurs où collaborent les juifs, les arabes musulmans et les chrétiens. [...] L’arrivée des textes d’Aristote en Europe chrétienne provoqua une crise culturelle majeure qui concerne toute la civilisation européenne, et pas seulement le monde restreint des philosophes. Voici pourquoi.

Aristote révélait aux chrétiens l’existence d’un mode de pensée dont ils n’avaient eu jusqu’alors aucune expérience et qu’on peut désigner d’un mot : un mode de pensée scientifique. Autant qu’un métaphysicien, Aristote est apparu – et est en réalité – un physicien, un philosophe de la physis, de la nature. Comme l’ont reconnu les historiens de la science, la physique d’Aristote est un des chefs-d’œuvre de l’esprit humain : c’est une admirable construction rationnelle. Or, la puissance de conviction de la raison est peu résistible. Ce qu’on a appelé la "crue aristotélicienne" faillit tout emporter et même la foi chrétienne. C’est qu’en effet [...] cette philosophie d’Aristote mettait en question trois dogmes fondamentaux de la révélation : le monde n’est pas créé, mais il existe depuis toujours ; Dieu n’est pas provident, il ignore le monde et ne connaît que lui-même ; enfin l’âme n’est pas immortelle, semble-t-il – car les textes d’Aristote à ce sujet sont ambigus. [...] C’est pourquoi l’Eglise ne pouvait accepter l’aristotélisme. A l’exception de la logique, tous les textes d’Aristote furent interdits de lecture à Paris en 1210, en 1215 puis, de la part de la papauté, en 1231, 1241, 1261, jusqu’à la condamnation du 7 mars 1277 [...]. Six ou sept condamnations portées au long du XIIIe siècle par l’autorité suprême, mais leur réitération même prouve leur inefficacité.

Auteur: Borella Jean

Info: "Situation du catholicisme aujourd'hui", éditions L'Harmattan, Paris, 2023, pages 191-192

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