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nord-sud

Après l’entretien que vous avez accordé au " Figaro " il y a tout juste un an, intitulé " La Troisième Guerre mondiale a commencé ". Vous constatez désormais la défaite de l’Occident. Mais la guerre n’est pas terminée.

La guerre n’est pas terminée mais l’Occident est sorti de l’illusion d’une victoire ukrainienne possible. Ce n’était pas encore clair pour tous quand j’écrivais, mais aujourd’hui, après l’échec de la contre-offensive cet été et le constat de l’incapacité des États-Unis et des autres pays de l’OTAN à fournir suffisamment d’armes à l’Ukraine, le Pentagone serait d’accord avec moi.

Mon constat de la défaite de l’Occident repose sur trois facteurs. D’abord, la déficience industrielle des États-Unis avec la révélation du caractère fictif du PIB américain. Dans mon livre, je dégonfle ce PIB et montre les causes profondes du déclin industriel: l’insuffisance des formations d’ingénieur et plus généralement le déclin du niveau éducatif, dès 1965 aux Usa.

Plus en profondeur, la disparition du protestantisme américain est le deuxième facteur de la chute de l’Occident. Mon livre est au fond une suite à " L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme ", de Max Weber. Celui-ci pensait, à la veille de la guerre de 1914, avec justesse, que l’ascension de l’Occident était en son cœur celle du monde protestant – Angleterre, États-Unis, Allemagne unifiée par la Prusse, Scandinavie. La chance de la France fut d’être géographiquement collée au peloton de tête. Le protestantisme avait produit un niveau éducatif élevé, inédit dans l’histoire humaine, l’alphabétisation universelle, parce qu’il exigeait que tout fidèle puisse lire lui-même les Écritures saintes. De plus, la peur de la damnation, le besoin de se sentir élu de Dieu induisaient une éthique du travail, une forte moralité individuelle et collective. Avec, au négatif, certains des pires racismes qui aient existé – anti-Noir aux États-Unis ou anti-juif en Allemagne – puisque, avec ses élus et ses damnés, le protestantisme renonçait à l’égalité catholique des hommes. L’avance éducative et l’éthique du travail ont produit une avance économique et industrielle considérable.

Aujourd’hui, symétriquement, l’effondrement récent du protestantisme a enclenché un déclin intellectuel, une disparition de l’éthique du travail et une cupidité de masse (nom officiel: néolibéralisme): l’ascension se retourne en chute de l’Occident.  

Cette analyse de l’élément religieux ne dénote chez moi aucune nostalgie ou déploration moralisante : c’est un constat historique. D’ailleurs le racisme associé au protestantisme disparaît aussi et les États-Unis ont eu leur premier président noir, Obama. On ne peut que s’en féliciter.

- Et quel est le troisième facteur ?

Le troisième facteur de la défaite occidentale est la préférence du reste du monde pour la Russie. Celle-ci s’est découvert partout des alliés économiques discrets. Un nouveau soft power russe conservateur (anti-lgbt) a fonctionné à plein régime lorsqu’il est devenu clair que la Russie tenait le choc économique. Notre modernité culturelle paraît en effet assez largement folle au monde extérieur, constatation d’anthropologue, pas de moraliste rétro. Et de plus, comme nous vivons du travail sous-payé des hommes, des femmes et des enfants de l’ancien tiers-monde, notre morale n’est pas crédible.

Dans ce livre je veux échapper à l’émotion et au jugement moral permanent qui nous enveloppent et proposer une analyse dépassionnée de la situation géopolitique. Attention, coming out intellectuel en approche : je m’intéresse dans mon livre aux causes profondes et de longue durée de la guerre d’Ukraine, je pleure la disparition de mon père spirituel en histoire, Emmanuel Le Roy Ladurie, et j’avoue tout : je ne suis pas un agent du Kremlin, je suis le dernier représentant de l’école historique française des Annales!



 

Auteur: Todd Emmanuel

Info: propos recueillis par Alexandre De­vec­chio, Le Figaro du 13 janvier 2024

[ historique ] [ christianisme ] [ géopolitique ]

 

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Ajouté à la BD par Le sous-projectionniste

métaphysique

Les idées très développées de Bohm sur la globalité sont les plus étonnantes de toutes. Parce que tout dans le cosmos est fait du tissu holographique sans couture de l'ordre implicite, il pense qu'il est aussi insensé de considérer l'univers comme composé de "parties" que de considérer les différents geysers d'une fontaine comme séparés de l'eau dont ils jaillissent. Un électron n'est pas une "particule élémentaire". "C'est juste un nom donné à un certain aspect de l'holomouvement. Diviser la réalité en parties et ensuite les nommer est toujours arbitraire, une convention, parce que les particules subatomiques, et tout le reste de l'univers, ne sont pas plus séparés les uns des autres que les différents motifs d'un tapis ouvragé. C'est une suggestion profonde. Dans sa théorie générale de la relativité, Einstein stupéfia le monde en affirmant que l'espace et le temps ne sont pas des entités distinctes, mais sont liés de manière fluide et font partie d'un ensemble plus vaste qu'il a appelé le continuum espace-temps. Bohm pousse cette idée un pas de géant plus loin. Il affirme que tout dans l'univers fait partie d'un continuum. Malgré l'apparente séparation des choses au plan analytique, tout est une extension sans faille de tout le reste, et en fin de compte, même les ordres implicite et explicite se fondent l'un dans l'autre. Prenez un moment pour considérer ceci. Regardez votre main. Maintenant, regardez la lumière qui s'écoule de la lampe à côté de vous. Et regardez le chien qui se repose à vos pieds. Vous n'êtes pas simplement faits des mêmes choses. Vous êtes la même chose. Une seule chose. Ininterrompue. Une chose énorme qui a déployé ses innombrables bras et appendices dans tous les objets apparents, atomes, océans agités et étoiles scintillantes du cosmos. Bohm prévient que cela ne signifie pas que l'univers soit une masse géante indifférenciée. Les choses peuvent faire partie d'un tout indivisible tout en possédant leurs propres qualités spécifiques. Pour illustrer ce qu'il veut dire, il évoque les petits tourbillons qui se forment souvent dans une rivière. À première vue, ces tourbillons semblent être des choses distinctes et possèdent de nombreuses caractéristiques individuelles telles que la taille, la vitesse et la direction de rotation, etc. Mais un examen attentif révèle qu'il est impossible de déterminer où un tourbillon donné se termine et où la rivière commence. Ainsi, Bohm ne suggère pas que les différences entre les "choses" soient dénuées de sens. Il veut simplement que nous soyons constamment conscients que la division des divers aspects de l'holo-mouvement en "parties" est toujours une abstraction, manière de faire ressortir ces aspects dans notre perception via nos manières de voir ou façons de penser. Pour tenter de corriger cela, au lieu d'appeler les différents aspects de l'holo mouvement "choses", il préfère les nommer "sous-totalités relativement indépendantes". 

En effet, Bohm pense que notre tendance quasi universelle à fragmenter le monde et à ignorer l'interconnexion dynamique de toutes les choses est responsable d'un grand nombre de nos problèmes, non seulement en science mais aussi dans nos vies et notre société. Par exemple, nous croyons que nous pouvons extraire les parties précieuses de la terre sans affecter l'ensemble. Nous croyons qu'il est possible de traiter certaines parties de notre corps sans se préoccuper de l'ensemble. Nous pensons qu'il est possible de traiter divers problèmes de nos communautés, tels que la criminalité, la pauvreté et la toxicomanie, sans se préoccuper des problèmes de notre société dans son ensemble, et ainsi de suite. Dans ses écrits, Bohm soutient avec passion que notre façon actuelle de fragmenter le monde en parties non seulement ne fonctionne pas, mais pourrait même conduire à notre extinction.

Auteur: Talbot Michael Coleman

Info: The Holographic Universe. L'intégralité indivise de toutes les choses

[ source indiscriminée ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

amour

Des mots pour le dire
Un jour, un enseignant demanda à ses étudiants d'écrire les noms des autres étudiants dans la classe sur deux feuilles de papier et de laisser un espace entre chaque nom.
Puis, il leur dit de penser à la chose la plus agréable qu'ils pourraient dire de chacun de leurs camarades et de la noter.
Ça a pris le reste du cours pour finir leur tâche, et chaque étudiant quitta la salle en remettant leurs feuilles à l'enseignant.
Ce samedi-là, l'enseignant nota le nom de chaque étudiant sur une feuille individuelle et inscrivit ce que tout le monde avait dit de chacun.
Le lundi, elle a donné à chaque étudiant sa liste respective. Avant longtemps, la classe entière souriait. "Vraiment?" qu'elle entendit chuchoter. "Je ne savais pas que j'avais autant d'importance pour qui que ce soit!" et, "Je ne savais pas que les autres m'aimaient autant." furent la plupart des commentaires.
Personne n'a plus jamais parlé de ces papiers dans la classe à nouveau. Elle n'a jamais su s'ils en avaient discutés après la classe ou avec leurs parents, mais peu importe. L'exercice était arrivé à son but. Les étudiants étaient contents l'un de l'autre. Ce groupe d'étudiants termina finalement l'année.
Plusieurs années plus tard, un des étudiants fut tué au Viêt-nam et l'enseignant assista aux funérailles de cet étudiant spécial. Elle n'avait jamais vu un homme dans un cercueil militaire avant. Il avait l'air si élégant, si mature. L'église fut remplie par ses amis. Un à un, ceux qui l'avaient aimé sont allés pour une dernière fois le voir.
L'enseignant fut le dernier à y aller. Comme il se tenait là, un des soldats qui était porteur du cercueil est venu vers lui. Il lui demanda : "Étiez-vous l'enseignant de maths de Marc?". Il hocha la tête en signe de "oui." Alors il lui dit: "Marc m'a beaucoup parlé de vous."
Après les funérailles, la plupart des anciens camarades de classe de Marc sont allés déjeuner ensemble. Les parents de Marc étaient là, attendant de parler avec son enseignant de toute évidence. "Nous voulons vous montrer quelque chose," dit son père en sortant un portefeuille de sa poche. "Ils ont trouvé ça sur Marc quand il a été tué. Nous avons pensé que vous pourriez le reconnaître."
En ouvrant le portefeuille, il a soigneusement enlevé deux morceaux de papier qui avaient évidemment été collés, pliés et repliés plusieurs fois. L'enseignant a su sans même regarder que les papiers étaient ceux où il avait énuméré toutes les bonnes choses que chacun des camarades de Marc avait dit de lui. "Merci beaucoup pour avoir fait cela," dit la mère de la Marc. "Comme vous pouvez le voir, Marc l'a gardé précieusement."
Tous les anciens camarades de classe de Marc ont commencé à se rassembler autour de l'enseignant. Charlie (l'enseignant) sourit d'une façon plutôt gênée et dit, "J'ai toujours ma liste dans le tiroir du haut de mon bureau à la maison." La femme de Chulo (un ancien étudiant) dit : "Chuck m'a demandé de mettre le sien dans notre album de mariage." "J'ai le mien aussi," dit Marilyne. "Il est dans mon journal intime." Alors Vicky, une autre camarade de classe, prit son livre de poche, en sortit son fragile morceau de papier contenant la liste et le montra au groupe. Puis elle dit : "Je porte ceci avec moi tout le temps" et sans battre de l'oeil, elle poursuivit: "Je pense que nous avons tous gardé notre liste."
C'est à ce moment que l'enseignant s'est finalement assis et s'est mis à pleurer.

Auteur: Internet

Info:

[ communication ] [ émotion ] [ école ]

 

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propagande

Devant notre engouement pour les séries télévisées, notre imaginaire est ainsi condamné à rester borné et pauvre, délimité par les jalons capitalistes, et nous amène à reproduire encore et encore ce que nous vivons déjà. Pas d’imprévus, pas de bouleversements – ou alors du changement dans la norme. Une série qui traite, par exemple, du racisme, du sexisme ou des drogues d’un point de vue progressiste, le fait toujours de manière standardisée. C'est que le spectacle préfigure la réalité : les sujets sociétaux peuvent aller vers le mieux tant que le capitalisme reste la norme sociale; à la condition sine qua non qu’il soit l’unique base que jamais rien ne viendra remettre en question, tout peut être évoqué.

(…) D’ores et déjà nous pouvons reconnaître (et admettre), afin de la combattre, un certain conditionnement, auquel participent les séries. Elles décervellent, elles sont néfastes, comme toute industrie culturelle. Jean-Pierre Siméon l’a bien perçu : “ On dit à juste titre barbares les talibans qui détruisent des statues millénaires, mais quant à la destruction des langues patrimoniales, au clonage de l’imaginaire et au meurtre de l’art par le divertissement, à la sidération des consciences par le spectaculaire protéiforme, à la destitution du sensible au profit du sensationnel, à l’asservissement du vivant dans tous ses états, à l’absolutisme économique et financier, et quant à l’abolition de tout espoir que ces oppressions génèrent, qui sont les barbares”.

Se satisfaire des séries télévisées en les considérant comme un élément culturel anodin revient donc à se leurrer : elles sont un produit de masse accoutumant le téléspectateur à l’univers bien défini du capitalisme (…) véritable colonisation mentale, elles rendent le téléspectateur passif et incapable de produire une autre vision du monde – mais parfaitement apte à reconnaître et accepter les valeurs du mode de vie industriel, et à y adhérer (…) moins nous agissons et décidons de nos actes par nous-mêmes, plus le capitalisme et l’industrialisme les régissent et les organisent à leur gré : nous leur laissons le champ libre. “ Si notre société prétendument libérale ne se prive pas de promulguer à l’envi lois et décrets qui répriment notre comportement jusque dans nos actions les plus intimes (…) elle a trouvé dans le narratif généralisé auquel la technologie donne désormais les moyens d’une diffusion à laquelle nul ne peut échapper, un moyen non moins efficace et plus séduisant, d’anesthésier les consciences.” les séries télévisées divertissent, c’est à dire détournent l’attention, en procédant à une habile manœuvre de décervelage. Saturation sensorielle, passivité mentale et politique, installation dans nos cerveaux et nos vies de systèmes matriciels aliénants : tel est le bilan des séries télévisées.

Il ne peut pas y avoir de bonne série : en soi, par sa forme même, toute série est par principe vouée à formater l’imaginaire du téléspectateur. Une série, quelle qu’elle soit, est forcément aliénante. Et comme le disait déjà Guy Debord, on ne peut pas faire une critique de l’aliénation avec des moyens aliénés. Pour citer Marshall Mcluhan,” The medium is the message”. Comme le disait je ne sais plus qui, “ la révolution n’est pas au bout du chemin, elle est le chemin”. On ne peut pas se réapproprier la forme série télé, on ne peut pas la reproduire tout en la détournant de son usage initial : cette forme conservera toujours les propriétés avec lesquelles elle a été conçue - transformer les individus en consommateurs,(…) il nous faut rompre avec cette idée que ce qu’on nous donne est neutre et sans effet sur nos consciences, voire positif. Non. On nous le donne? C'est déjà trop, on n’a rien demandé. Ce qu’on veut, on le construira nous-mêmes.

Auteur: Biagini Cédric

Info: Divertir pour dominer 2, la culture de masse toujours contre les peuples, coécrit avec Patrick Marcolini

[ préparation psychologique à l'acceptation ] [ banalisation ] [ culture pop ] [ soft power ] [ banalisation ]

 
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Ajouté à la BD par Coli Masson

outil technologique

Là où manque l'occasion d'extérioriser un talent, continue Feuerbach, le talent manque aussi ; (là où il n’y a pas d’espace pour l’action, il n'y a pas non plus d’impulsion : l’espace est la condition fondamentale de la vie de l’esprit : où l’espace manque pour extérioriser une capacité, manque aussi la capacité elle-même, etc.) ; et par suite, en conséquence, chaque nouvel appareil ou machine électrique dont la commodité s’installe dans notre privauté ou l’organisation sociale fait la dispense d’une capacité, d’un talent, d’une faculté que nous possédions auparavant ; opère une diminution fatale, une soustraction : chaque progrès technique abêtit la partie correspondante de l'homme, ne lui en laissant que la rhétorique, ainsi que Michelstaedter le rédigeait en 1910 à la lueur d’une lampe à huile : tous les progrès de la civilisation sont autant de régressions de l'individu (et qui se suicidait le lendemain). Nous autres dont la vie se déroule au crépuscule de ce long désenchantement à quoi le principe de rationalisme étroit et positif nous a réduits – régression qui “est essentielle au développement conséquent de la domination”, précise Adorno dans une annotation au Meilleur des mondes – pourrions être les témoins étonnés de ce processus de déperdition parvenu à son terme, si nous n’en étions pas, en notre personne, aussi le résultat.

C’est par définition qu’une victime d’un rétrécissement de la conscience n’en est pas consciente ; (d’où l’intérêt de ces tests de dépistage précoce de l’ESB humaine ou de l’Alzheimer pour en informer l’usager pendant qu’il comprend encore ce qu’on lui dit).

Suivons néanmoins cette idée (que notre conscience est conditionnée par notre présence physique dans le monde, que c’est l’obligation d'être là en personne qui nous fait conscients ; et qu’aussi bien c’est seulement par la conscience que nous pouvons être là en personne) : les appareils et machines de la vie facile, de la satisfaction immédiate et sans peine ne nous dépouillent donc pas seulement des facultés, talents et capacités qu’ils remplacent, mais, en même temps que de la fatigue à les employer, de l'effort et de l'attention indispensables, de la contrainte d’être là en personne ; et donc aussi de la conscience de soi, qui était seulement à l’occasion de cet exercice.

& c'est ici que je vous prie de renouveler votre attention : quand, fatigué, on prend l’ascenseur pour gagner son étage, qu’on est transféré directement de la rue à l’étage, on a forcément moins conscience de rentrer chez soi (et l’on ne peut pas se rendre compte de combien c’en est peu un) ; et l’on n’est pas seulement privé du temps passé avec soi-même en montant l’escalier, et avec la fatigue, du plaisir d’y atteindre, mais aussi bien de l’emploi de ses jambes : de la faculté de rentrer chez soi par ses propres moyens.

(Et c’est pourquoi ce sont des imbéciles ou des inconscients, ceux qui disent : c’est la même chose de recevoir des e-mails que des lettres dans la boîte au rez-de-chaussée : des malheureux surtout qui resteront toute leur existence dans l’ignorance de ce que c’est de remonter l’escalier dans la solitude de cette lettre qui n’est toujours pas venue, ou, enfin, un jour, qui est là avec son écriture dessus. Leur âme restera toujours vide de ces minutes-là, qui sont toute la clarté, toute la lumière, etc., “et nous restons sous leur emprise notre vie durant” ; de ces brefs moments “qui pourtant nous suffisent pour l’éternité” : par où notre existence est à elle-même sa propre éternité ; leur âme restera vide de cet escalier et un jour le néant les avalera comme se referme la porte automatique de l’ascenseur.)

Auteur: Bodinat Baudouin de pseudo

Info: La vie sur terre. Paris : Éditions de l’Encyclopédie des nuisances

[ critique ] [ réducteur d'expérience humaine ] [ appauvrissement sensible ] [ perte du poids de l'incarnation ]

 
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totalitarisme

Il faut donc repousser toutes les légendes qui tendent à représenter le Léviathan comme un être fabuleux, doué de passions et de vices, comme un animal méchant, broyant volontairement les êtres humains et se les incorporant pour son seul plaisir.

Sans doute, dans ce corps gigantesque, les hommes ne furent plus que de simples cellules ; mais ce fut avec joie qu’ils acceptèrent cette diminution de leur propre individualité.

Dès les origines du monde moderne, Montaigne, sous la signature de La Boëtie, avait observé cette tendance qu’éprouvent tous les hommes à la servitude volontaire. Les plus grands empires sont basés sur cette joie naturelle qu’éprouvent les individus à se sentir dominés, groupés et conduits. Les révolutions mêmes, qui se sont accomplies dans l’histoire du monde, ne démentent point ces principes absolus. On peut croire, tout d’abord, que ce sont les éléments asservis d’un pays qui se révoltent contre les dirigeants, mais si l’on examine les choses d’un peu plus près, on ne tarde point à reconnaître qu’un mouvement révolutionnaire a toujours pris sa source dans les classes dirigeantes et que c’est de là que vint, comme toujours, l’ordre qui poussa les masses en avant.

Il suffit, en effet, de jouir d’une chose pour n’y plus tenir, qu’il s’agisse de la fortune ou de la vie. C’est ainsi que l’on a observé de tout temps qu’un certain degré de santé était nécessaire pour se tuer, et que les gens qui se suicident ne veulent point se faire de mal ; on se jette à l’eau en été, mais presque jamais en hiver.

En politique, il en va de même ; un bien-être relatif est nécessaire pour organiser des réformes ou des révolutions et ce sont en général les dirigeants qui sont les premiers lassés de privilèges qu’ils abandonnent volontiers.

Lorsque le Léviathan commença à se former, il trouva un appui immédiat auprès des penseurs et des artistes, auprès de tous ceux qui passaient cependant, jusque-là, pour représenter les idées individualistes. On commença à se spécialiser chaque jour davantage, la servitude volontaire aux fonctions sociales fut consentie joyeusement.

On parla bien de neurasthénie, de maladies de la volonté, il n’en fut rien : ce fut le plus consciemment du monde que l’élite se désintéressa la première des idées générales, de la direction des affaires et cantonna chacun chez soi, dans la sphère d’action où il se trouvait placé. Cent cinquante ans après la proclamation des droits de l’homme, parut la proclamation des devoirs qui asservissait l’autorité individuelle de chacun aux conditions de l’ensemble et qui reconnaissait l’indiscutable supériorité de l’organisme scientifique qui gouvernait le monde.

[...]

Ce fut par des mouvements sourds, par des idées générales inexplicables, que se révéla, pour la première fois, l’existence de l’être nouveau. Lorsque, petit à petit, tous les hommes comprirent que ce n’était point pour eux-mêmes, pour leur propre bonheur, qu’ils travaillaient, mais pour un sombre et mystérieux inconnu, lorsque la distinction s’accentua, toujours davantage, entre leur propre bonheur et le bonheur social auquel ils coopéraient, il y eut alors comme de sourdes révoltes individuelles, comme un désespoir effrayant qui s’empara de l’humanité tout entière. Mais à ce moment-là, la spécialisation et l’organisation scientifiques avaient déjà fait leur œuvre. En dehors des fonctions sociales et de l’organisme économique, la vie ne semblait plus possible à ces hommes spécialisés ; et, lentement, en désespérés, sans but possible, désolés, ils poursuivirent leur besogne obscure, comme des mineurs au fond d’une mine, comme des globules fonctionnant automatiquement, se nourrissant, se défendant ou succombant à l’intérieur du sang, pour un être qu’ils ne connaissaient point, qu’ils ne comprendraient jamais et qui les ignorait lui-même comme l’homme ignore le travail de la chair dont il vit.

Auteur: Pawlowski Gaston de

Info: Voyage au pays de la quatrième dimension, Flatland éditeur, 2023, pages 79-84

[ indifférenciation ]

 

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communisme

Le nom de Gramsci revient sans cesse depuis plusieurs mois, dans les médias, sur les réseaux sociaux, il est cité en permanence. Qui est-il et quelle est sa pensée?
Gramsci distingue deux types de sociétés. Pour faire simple, celles où il suffit, comme en Russie, de prendre le central téléphonique et le palais présidentiel pour prendre le pouvoir. La bataille pour "l’hégémonie" vient après, ce sont les sociétés "orientales" qui fonctionnent ainsi… Et celles, plus complexes, où le pouvoir est protégé par des tranchées et des casemates, qui représentent des institutions culturelles ou des lieux de productions intellectuelles, de sens, qui favorisent le consentement. Dans ce cas, avant d’atteindre le central téléphonique, il faut prendre ces lieux de pouvoir. C’est ce que l’on appelle le front culturel, c’est le cas des sociétés occidentales comme la société française, italienne ou allemande d’alors.
Au contraire de François Hollande et de François Lenglet, Antonio Gramsci ne croit pas à l’économicisme*, c’est-à-dire à la réduction de l’histoire à l’économique. Il perçoit la force des représentations individuelles et collectives, la force de l’idéologie… Ce refus de l’économicisme mène à ouvrir le "front culturel", c’est-à-dire à développer une bataille qui porter sur la représentation du monde tel qu’on le souhaite, sur la vision du monde…
Le front culturel consiste à écrire des articles au sein d’un journal, voire à créer un journal, à produire des biens culturels (pièces de théâtre, chansons, films etc…) qui contribuent à convaincre les gens qu’il y a d’autres évidences que celles produites jusque-là par la société capitaliste.
L’hégémonie, c’est l’addition de la capacité à convaincre et à contraindre
La classe ouvrière doit produire, selon Gramsci, ses propres références. Ses intellectuels, doivent être des "intellectuels organiques", doivent faire de la classe ouvrière la "classe politique" chargée d’accomplir la vraie révolution: c’est-à-dire une réforme éthique et morale complète. L’hégémonie, c’est l’addition de la capacité à convaincre et à contraindre.
Convaincre c’est faire entrer des idées dans le sens commun, qui est l’ensemble des évidences que l’on ne questionne pas.
La crise (organique), c’est le moment où le système économique et les évidences qui peuplent l’univers mental de chacun "divorcent". Et l'on voit deux choses: le consentement à accepter les effets matériels du système économique s’affaiblit (on voit alors des grèves, des mouvements d’occupation des places comme Occupy Wall Street, Indignados, etc); et la coercition augmente: on assiste alots à la répression de grèves, aux arrestations de syndicalistes etc…
Au contraire, un "bloc historique" voit le jour lorsqu’un mode de production et un système idéologique s’imbriquent parfaitement, se recoupent: le bloc historique néolibéral des années 1980 à la fin des années 2000 par exemple. Car le néolibéralisme n’est pas qu’une affaire économique, il est aussi une affaire éthique et morale.
A travers ces écrits, il devient le grand penseur des crises, casquette qui lui donne tant de pertinence aujourd’hui, et surtout depuis 2007 et 2008 que la crise financière propage ses effets. Dans ces Cahiers, il apporte à l’œuvre de Marx l'une des révisions ou l’un des compléments les plus riches de l’histoire du marxisme. Pour beaucoup de socialistes, il faut attendre que les lois de Marx sur les contradictions du capitalisme se concrétisent pour que la Révolution advienne. La Révolution d’Octobre, selon Gramsci, invalide cette thèse. Elle se fait "contre le Capital", du nom du grand livre de Karl Marx.
Le penseur italien fait partie du patrimoine intellectuel de l’Europe. Il a forgé des outils qui sont utiles aujourd’hui pour analyser le monde, comprendre comment les gens le voient et participent à la vie sociale, comment individus et médias interagissent, comment les représentations et les identités se forment continuellement et magmatiquement. Il a donné naissance à des écoles de pensée foisonnantes et utiles pour qui veut agir sur le monde.

Auteur: Brustier Gaël

Info: *Doctrine visant à considérer l'économie comme centrale dans le fonctionnement

[ socialisme ]

 

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psycho-sociologie

Les mathématiques expliquent pourquoi les non-conformistes finissent toujours par se ressembler

Les anticonformistes ont une drôle de façon de finir par se ressembler.

Nous sommes ici pour si peu de temps, et nous aimerions penser que nous comptons. "Je ne suis pas juste une personne de plus - je suis différent." C'est vrai, et aussi… non. Nous nous ressemblons beaucoup, bien que les détails particuliers de nos vies soient, bien sûr, assez uniques. Pourtant, en particulier dans le monde occidental, nous aimons être considérés comme séparés de - et meilleurs que? - le troupeau. Beaucoup d'entre nous font tout leur possible pour avoir l'air différent d'"eux", en déclarant notre unicité dans notre apparence.

Alors, comment se fait-il que tant d'anticonformistes individuels finissent par se ressembler ? C'est ce qu'on appelle "l'effet hipster", et voilà  comment cela se produit.

Ce n'est pas seulement une question de mode visuelle, soit dit en passant. "Au-delà du choix du meilleur costume à porter cet hiver, cette étude peut avoir des implications importantes dans la compréhension de la synchronisation des cellules nerveuses, des stratégies d'investissement en finance ou des dynamiques émergentes en sciences sociales."

Le but de l'étude

Alors que les anti-conformistes peuvent, dans un premier temps, réussir à concevoir leur propre marque personnelle de rébellion vestimentaire, elle est suivie d'une synchronisation inévitable, bien qu'involontaire, autour d'une seule apparence. Notre étude  examine comment ces personnes semblent inévitablement se synchroniser. Nous soupçonnons qu'une influence majeure sur la manière dont cela se produit vient peut être de la vitesse de propagation des styles à travers une culture.

Tout le monde n'apprend pas ou n'adopte pas de nouveaux styles de la même manière. Certains suivent la mode de près, certains utilisent le bouche à oreille et certains imitent l'apparence d'individus bien connus qu'ils admirent. Dans ce dernier cas, le point de basculement peut se produire après qu'une célébrité mutuellement vénérée adopte une nouvelle mode.

Modélisation de l'individualité

Dans notre modèle simple, on est soit un membre du courant dominant, soit un hipster (sans connotation sarcastique), et nous  explorons différents ratios hipster/courant dominant. Tenant également compte du temps qu'il faut à un hipster pour détecter un nouveau style et y répondre.

Aussi simple que soit ce modèle nous constatons que l'expérimentation de ces deux facteurs produit un ensemble de comportements étonnamment complexe, bien que la synchronisation se produise toujours. Même lorsqu'nous révisons le modèle pour tenir compte de plus de deux types de personnes, la synchronisation se produit toujours.

Souvent, bien sûr, les rôles peuvent s'échanger lorsqu'il y a tellement de hipsters qu'ils deviennent le courant dominant. Par exemple, si une majorité d'individus se rase la barbe, alors la plupart des hipsters voudront se laisser pousser la barbe, et si cette tendance se propage à une majorité de la population, cela conduira à de nouveaux changements synchronisés vers rasage. Un échange soudain et étrange se produit lorsque le nombre de mainstreams et de hipsters est à peu près égal - les deux faces se retrouvent à basculer ensemble vers différentes tendances.

Prochaine étape

Nous estimons qu'il convient d'étudier plus avant les raisons de ce dernier phénomène. en précisant que ce genre de modélisation ne fonctionne pas uniquement avec les hipsters, mais également quant à la manière dont n'importe quel groupe de personnes décide soudainement d'agir à contre-courant du courant dominant. Par exemple au sein des marchés boursiers, où un certain nombre d'investisseurs peuvent soudainement conclure qu'il y a de l'argent à gagner en agissant à l'encontre de l'attitude de la majorité.

Il sera évidemment utile de mieux cerner la dynamique sous-jacente à de tels mécanismes, ce que de nouvelles recherches permettront, espérons-le, de comprendre. 

Auteur: Touboul Jonathan

Info: https://bigthink.com/ 2 janvier 2023

[ attracteurs ] [ égoïsmes ] [ mimétisme ] [ homothétique ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

ésotérisme

Question : - Je reviens avec Andromède et Orion, est-ce qu’on parle des extraterrestres ? Parce qu’on sait qu’il y a des communications d’Orion qui arrivent en Suisse…

- Non ! Je vais vous dire une chose, votre entendement, votre conception, ou votre… concernant le phénomène extraterrestre, ça m’a toujours fasciné parce que… il y a des êtres dans le cosmos qui ont différents niveaux vibratoires, il y a des êtres qui ont une capacité de matérialiser leur corps, il y a des êtres qui n’ont pas cette capacité, il y a des êtres qui n’ont pas de corps, donc, qu’est-ce que ça veut dire ce fameux terme extraterrestre ? Pour moi ça ne veut pas dire grand-chose, pour la simple raison qu’un extraterrestre dans le contexte de votre vocabulaire, de votre conception, c’est un être qui, dépendant de son origine a le pouvoir de se manifester, d’instruire, d’envahir, de détruire, pour le besoin de sa propre gouverne, de sa propre organisation, de son propre gouvernement, à court ou à long terme. Les extraterrestres, ces intelligences qui viennent d’ailleurs, doivent protéger la séclusion de leurs oasis cosmiques, (Séclusion - Adaptation physiologique par laquelle un être, un animal ou une plante, s'isole du milieu, empêchant passivement les actions défavorables de s'exercer sur lui.) parce que nous, sur notre planète, nous avons des sciences qui sont extrêmement enfantines, extrêmement bénignes, bien qu’elles soient radioactives, mais dans le Cosmos, au large, sur les autres plans, dans les autres mondes la science est très avancée, et ces êtres-là ont des sciences, des technologies immatérielles, donc, ayant des technologies immatérielles qu’ils peuvent matérialiser, à quel niveau se situe la définition spirituelle, mécaniste ou psychique du terme extraterrestre ?

Est-ce qu’un extraterrestre est un être spirituel, est-ce un être mécaniste, est-ce un être biologique, est-ce un être psychique, qu’est-ce que c’est ? Donc, les extraterrestres ou les intelligences qui viennent d’ailleurs, sont de différents niveaux, de différentes races, ils ont différentes congrégations, différents gouvernements, et ils travaillent avec un pôle de l’énergie ou un autre, ils travaillent soit avec ce que nous appelons sur notre planète - dans un terme spirituel - les Forces involutives Ahrimaniennes, Lucifériennes, ou ils travaillent avec les Forces de la Lumière, et en ce qui me concerne, les Forces dites extraterrestres qui travaillent avec la Lumière ne sont pas encore sur la planète ici.

Donc, ce qui reste du phénomène extraterrestre dans le monde, c’est un phénomène qui fait partie des grandes puissances océaniques, des grandes puissances scientifiques dans le Cosmos, qui viennent vers la planète pour regarder ce qu’il s’y passe, pour étudier l’être humain, mais ça ne fait pas partie du cycle où, les extraterrestres ou ces Êtres de Lumière, viendront vers l’humanité pour entrer en contact avec l’être humain individuellement, au lieu de venir en contact avec l’humain sur le plan collectif. Il y a eu dernièrement aux Etats-Unis un type qui a publié un livre, qui est un phénomène… un livre qu’il a bien écrit d’ailleurs, d’ailleurs il l’a tellement bien écrit son livre et il semble tellement sincère dans son livre, que le Time et les grandes chaînes Américaines ont dit : "Si ce type dit la vérité - parce que le terme de vérité est encore aujourd’hui pour nous important - si ce type dit la vérité, nous avons réellement des choses à étudier et à regarder de près" et c’était le "Number One", le Best-seller et…

Richard Glenn : - Vous parlez de Communion (De Whitley Strieber )?

- Oui, Communion. Mais, son phénomène extraterrestre, il se situe à quel niveau ? Est-ce qu’il se situe au niveau éthérique ? Est-ce qu’il se situe au niveau astral ? C’est très important de savoir si le phénomène extraterrestre se situe au niveau éthérique ou au niveau astral.

Auteur: Montréal Bernard de

Info: Interview par Richard Glenn, 1989

[ post-théosophique ] [ aliens ] [ syncrétisme ]

 

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éléments biographiques

Vers 1937-1938, à la cime du triomphe des Hommes de bonne volonté, Jules Romains devait rappeler doucement à des journalistes (il l'a raconté à André Bourin dans Connaissance de Jules Romains), qu'il n'était pas seulement un romancier, et qu'entre 1922 et 1932 il avait été un des auteurs dramatiques les plus joués non seulement en France, mais en Europe . Il leur montrait une caricature d'une grande feuille satirique où la situation d u théâtre en Europe était symbolisée par un triangle avec une tête à chacun des angles : Bernard Shaw, Pirandello , Jules Romains. Jules Romains n'est pas seulement philosophe parce qu'il est agrégé de philosophie. L'unanimisme est plus qu'une école littéraire en isme, comme le romantisme, le symbolisme, le naturalisme. Il est aussi une doctrine philosophique , une vision du monde, un système de pensée fortement lié, fondement de toute son œuvre. Entre le passé, le présent, l'avenir, Jules Romains prend conscience d'un continu psychique. Il communie "avec l'âme diffuse qui relie et soutient les âmes particulières. L'individu fondu dans l'unanimisme (à quoi l'aideront le Rire et l'Aventure), se sentira devenir dieu, fuira le néant, sera assuré de survivre." (Madeleine Berry, Jules Romains.) Comme beaucoup de systèmes philosophiques l'unanimisme est né d'une illumination : celle qui embrasa l'âme du lycéen de dix-huit ans, un soir d'octobre 1903 où, avec son ami Georges Chennevière, il remontait la rue d'Amsterdam, au retour du lycée Condorcet, pour regagner l'appartement de ses parents, à Montmartre. Jules Romains est aussi un homme de science. Quand il entra à Normale Supérieure, il était déjà pourvu de sa licence ès lettres. A l'Ecole, il passa sa licence de sciences naturelles avec trois certificats : physiologie générale, histologie, botanique. Pour son mémoire d'études supérieures il choisit un sujet de biologie : L'état individu de la matière vivante. Ce mémoire familiarisait le normalien des Lettres avec le laboratoire, le microscope, la bactériologie . En outre, a confessé Jules Romains à André Bourin, il avait pour lui, "en secret, le mérite de rejoindre les préoccupations centrales de l'unanimisme. Tout problème concernant la formation de groupes, et les formes de passage, dans les deux sens, entre le groupe et l'individu, est essentiel à la pensée unanimiste". C'est avec cette idée de derrière la tête qu'il étudia des végétaux inférieurs et des colonies bactériennes, et qu'il fit des expériences sur l'autonomie du cœur de la grenouille. Plus tard, pendant cinq ans, Jules Romains faillit basculer tout à fait du côté des Sciences. Il entreprit des recherches sur la Vision extra-rétinienne et le sens paroptique. Certains animaux se dirigent sans voir. Les poissons y réussissent grâce à une particularité anatomique dite ligne latérale. Pourquoi l'homme ne posséderait-il pas un sens aussi mystérieux ? Pourquoi n'aurait-il pas été doué, à l'origine, d'un sens paroptique, qui, dans l'histoire de l'humanité, aurait précédé le sens optique ? Jules Romains essaya de rééduquer quelques aveugles. Il ne put rééduquer certains pontifes de la médecine qui dressèrent contre lui le barrage de leurs diplômes que leurs ancêtres avaient dressé contre Pasteur. Il abandonna ses recherches et reprit la plume de l'écrivain. Il publia le compte rendu de ses expériences : La vision extra-rétinienne et le sens paroptique (1920). Ces expériences seront poursuivies victorieusement par René Maublanc , qui publia ses résultats, en collaboration avec Leïla Holteroff : Une éducation paroptique. La découverte du monde visuel par une aveugle (Gallimard, 1926). Plus récemment des savants soviétiques et des savants américains confirmèrent la vérité des hypothèses de Romains. Mais, au temps où il les formulait, il se heurta à la cabale des officiels bardés de leurs peaux d'ânes. Ils l'accusèrent d'avoir monté un canular. Ils ne pouvaient pas admettre qu'ils avaient devant eux un génie universel, comme ceux de la Renaissance, et que le même homme pût écrire les Copains et faire des découvertes de laboratoire. On succombait déjà sous l'éteignoir de la spécialisation. Dans les Lettres et les Arts, il était interdit déjà d'être grand et de dépasser le gabarit du produit de série.

Auteur: Guth Paul

Info: Hommage à jules Romains

[ éloge ] [ polymathe ]

 
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