Citation
Catégorie
Tag – étiquette
Auteur
Info



nb max de mots
nb min de mots
trier par
Dictionnaire analogique intriqué pour extraits. Recherche mots ou phrases tous azimuts. Aussi outil de précision sémantique et de réflexion communautaire. Voir la rubrique mode d'emploi. Jetez un oeil à la colonne "chaînes". ATTENTION, faire une REINITIALISATION après  une recherche complexe. Et utilisez le nuage de corrélats !!!!..... Lire la suite >>
Résultat(s): 30
Temps de recherche: 0.0378s

pédagogie

L'enseignement n'est pas histoire d'information mais d'être dans un rapport intellectuel honnête avec les étudiants. Il n'exige aucune méthode, aucun outil, et aucune formation. Juste la capacité d'être vrai. Et si vous ne parvenez pas à être vrai, alors vous n'avez aucun droit de l'infliger à des enfants innocents.
En particulier, on ne peut enseigner l'enseignement. Les écoles d'éducation sont une connerie complète. Oh on peut prendre des classes de développement de l'enfance et être s être formé à utiliser un tableau noir "efficacement" afin de préparer un "plan de leçon" organisé (ce qui, d'ailleurs, assure que votre leçon sera planifiée, et donc fausse), mais tu ne seras jamais un vrai professeur si tu es peu disposé à être une vraie personne. Enseigner signifie franchise et honnêteté, une capacité à partager l'excitation, et un amour de l'étude. Sans ces derniers, tous les degrés d'éducation dans le monde ne t'aideront pas, et de fait, sont complètement inutiles.

Auteur: Lockhart Paul

Info: A Mathématician's Lament, p.46

[ ouverture ] [ passion partagée ]

 

Commentaires: 0

rite funéraire

L'interdiction de prononcer le nom du mort est généralement observée avec beaucoup de rigueur. C'est ainsi que certaines tribus sud-américaines considèrent que c'est infliger aux survivants la plus grave offense que de prononcer devant eux le nom du parent mort, et la punition qu'entraîne cette offense est la même que celle dont est frappé le meurtre. Il n'est pas facile de comprendre la raison de la sévérité de cette interdiction mais les dangers se rattachant à cet acte ont fait naître une foule d'expédients, intéressants et significatifs à beaucoup d'égards. C'est ainsi que les Massaï, de l'Afrique, ont eu recours au moyen qui consiste à changer le nom du décédé immédiatement après sa mort ; à partir de ce moment, il peut être nommé sans crainte, toutes les interdictions ne se rapportant qu'à son ancien nom. Ce faisant, on suppose que l'esprit ne connaît pas son nouveau nom et ne sait pas que c'est de lui qu'il s'agit.

Auteur: Freud Sigmund

Info: Totem et tabou

[ prohibition ]

 

Commentaires: 0

Ajouté à la BD par miguel

torture

Si, aux intellectuels de Tchekhov qui passaient leur temps à essayer de deviner ce qu'il adviendrait dans vingt, trente ou quarante ans, on avait répondu que, quarante ans plus tard, dans la Sainte Russie, on torturerait les inculpés pendant l'instruction, on leur comprimerait le crâne à l'aide d'un cercle de fer, on les plongerait dans des baignoires d'acide, on les attacherait nus pour les livrer en pâture aux fourmis ou aux punaises, on leur enfoncerait dans l'anus une baguette à fusil chauffée à blanc sur un réchaud (opération du "marquage secret"), on leur écraserait lentement les organes génitaux sous la semelle des bottes, et, en guise de traitement le plus bénin, on leur infligerait pendant une semaine d'affilée le supplice de l'insomnie et de la soif tout en les battant jusqu'à ce que leur chair ne soit plus qu'une bouillie sanglante, aucune des pièces de Tchekhov ne serait arrivée jusqu'à son dénouement et tous leurs héros auraient pris le chemin de l'asile.

Auteur: Soljenitsyne Alexandre

Info: L'archipel du goulag, tome 1, Seuil, p.78

 

Commentaires: 0

punition

34) A partir d'Abydos, deux ponts furent établis en direction de cette pointe par les équipes chargées de ce service, - l'un par les Phéniciens, avec des câbles de filasse, l'autre par les Égyptiens, avec des câbles de papyrus (il y a sept stades d'Abydos à l'autre rive) : mais, les ponts jetés sur le détroit, une violente tempête s'éleva, qui les rompit et les balaya.
35) A cette nouvelle Xerxès indigné ordonna d'infliger à l'Hellespont* trois cent coups de fouets et de jeter dans ses eaux une paire d'entraves. J'ai entendu dire aussi qu'il avait envoyé d'autres gens encore pour marquer l'Hellespont au fer rouge. En tout cas, il enjoignit à ses gens de dire, en frappant de verges l'Hellespont, ces mots plein de l'orgueil insensé d'un barbare : "Onde amère, notre maître te châtie, parce que tu l'as offensé quand il ne t'a jamais fait de tort. Le roi Xerxès te franchira, que tu le veuilles où non ; et c'est justice que personne ne t'offre de sacrifices, car tu n'est qu'un courant d'eau trouble et saumâtre".

Auteur: Hérodote

Info: L'Epopée, livre VII, p 194, Classique Folio. *Détroit des Dardanelles

[ mer ] [ océan ] [ absurde ]

 

Commentaires: 0

Ajouté à la BD par miguel

être humain

- Comment un homme s'assure-t-il de son pouvoir sur un autre, Winston?

Winston réfléchit:

- En le faisant souffrir répondit-il.

- Exactement. En le faisant souffrir. L'obéissance ne suffit pas. Comment, s'il ne souffre pas, peut-on être certain qu'il soit, non à sa volonté, mais à la vôtre? Le pouvoir est d'infliger des souffrances et des humiliations. Le pouvoir est de déchirer l'esprit humain en morceaux que l'on rassemble ensuite sous de nouvelles formes que l'on a choisies. Commencez vous à voir quelle sorte de monde nous créons? C'est exactement l'opposé des stupides utopies hédonistes qu'avaient imaginées les anciens réformateurs. Un monde de crainte, de trahison, de tourment. Un monde d'écraseurs et d'écrasés, un monde qui, au fur et à mesure qu'il s'affinera, deviendra plus impitoyable. Le progrès dans notre monde sera le progrès vers plus de souffrance. L'ancienne civilisation prétendait être fondée sur l'amour et la justice, la nôtre est fondée sur la haine. Dans notre monde, il n'y aura pas d'autres émotions que la crainte, la rage, le triomphe et l'humiliation. Nous détruirons tout le reste, tout. 

Auteur: Orwell George

Info: 1984, Ed.Folio, trad. Amelie Audiberti, p 376

[ bête politique ] [ pessimisme ]

 

Commentaires: 0

Ajouté à la BD par miguel

rationalisme

C’est pour cela, avons-nous dit, que la science moderne réussit dans ses applications pratiques, et c’est pour cela aussi que la réalité ambiante ne semble pas lui infliger de démentis trop éclatants. Il n’aurait pas pu en être de même à des époques antérieures, où le monde n’était pas aussi "solide" qu’il l’est devenu aujourd’hui, et où la modalité corporelle et les modalités subtiles du domaine individuel n’étaient pas aussi complètement séparées (bien que, comme nous le verrons plus loin, il y ait, même dans l’état présent, certaines réserves à faire en ce qui concerne cette séparation). Non seulement l’homme, parce que ses facultés étaient beaucoup moins étroitement limitées, ne voyait pas le monde avec les mêmes yeux qu’aujourd’hui, et y percevait bien des choses qui lui échappent désormais entièrement ; mais, corrélativement, le monde même, en tant qu’ensemble cosmique, était vraiment différent qualitativement, parce que des possibilités d’un autre ordre se reflétaient dans le domaine corporel et le "transfiguraient" en quelque sorte ; et c’est ainsi que, quand certaines "légendes" disent par exemple qu’il y eut un temps où les pierres précieuses étaient aussi communes que le sont maintenant les cailloux les plus grossiers, cela ne doit peut-être pas être pris seulement en un sens tout symbolique. Bien entendu, ce sens symbolique existe toujours en pareil cas, mais ce n’est pas à dire qu’il soit le seul, car toute chose manifestée est nécessairement elle-même un symbole par rapport à une réalité supérieure […].

(Après avoir parlé du processus de solidification du monde, qui devrait précéder le processus de dissolution)

Auteur: Guénon René

Info: Le règne de la quantité, chapitre "Les limites de l'histoire et de la géographie", pp 128-129

[ aveuglement ]

 

Commentaires: 0

Ajouté à la BD par miguel

ordre-désordre

Il ne convient pas de tirer notre idéal du principe de la nature pour la simple raison qu'il n'y a pas de principe dans la nature. Le vil antidémocrate d'aujourd'hui vous dira que l'égalité n'existe pas dans la nature. Il a raison, mais il ne voit pas ce qui en découle logiquement : si l'égalité n'existe pas dans la nature, alors l'inégalité non plus. L'inégalité, tout comme l'égalité, implique une échelle de valeurs. Voir de l'aristocratie dans l'anarchie du monde animal est tout aussi sentimental que d'y voir de la démocratie. Aristocratie et démocratie sont toutes deux des idéaux humains : l'une disant que tous les hommes ont de la valeur, l'autre que quelques hommes ont plus de valeur que les autres. Mais la nature ne dit pas que les chats ont plus de valeur que les souris : la nature ne fait aucune remarque à ce sujet. Elle ne dit même pas que le chat est enviable ou la souris digne de pitié. Nous pensons que le chat est supérieur parce que nous avons, du moins la plupart d'entre nous, une philosophie particulière qui nous fait dire que la vie est supérieure à la mort. Mais si la souris était une souris pessimiste allemande, elle pourrait croire qu'elle n'a pas du tout été vaincue par le chat : elle pourrait croire qu'elle a vaincu le chat en arrivant plus vite au tombeau ; ou elle pourrait s'imaginer qu'elle vient d'infliger au chat un terrible châtiment en lui permettant de se maintenir en vie. La souris pessimiste pourrait exulter à la pensée qu'elle renouvelle dans le chat la torture de l'existence consciente.


Auteur: Chesterton Gilbert Keith

Info: Orthodoxie

[ interdépendance ] [ complexité émergente ]

 

Commentaires: 0

Ajouté à la BD par Le sous-projectionniste

nécessité historique

Par tout ce que nous avons exposé jusqu’ici, il est facile de se rendre compte maintenant du sens général dans lequel s’effectuent ces changements : ce sens est celui que nous avons caractérisé comme la "solidification" du monde, qui donne à toutes choses un aspect répondant d’une façon toujours plus approchée (quoique pourtant toujours inexacte en réalité) à la manière dont les envisagent les conceptions quantitatives, mécanistes ou matérialistes ; c’est pour cela, avons-nous dit, que la science moderne réussit dans ses applications pratiques, et c’est pour cela aussi que la réalité ambiante ne semble pas lui infliger de démentis trop éclatants. Il n’aurait pas pu en être de même à des époques antérieures, où le monde n’était pas aussi "solide" qu’il l’est devenu aujourd’hui, et où la modalité corporelle et les modalités subtiles du domaine individuel n’étaient pas aussi complètement séparées (bien que, comme nous le verrons plus loin, il y ait, même dans l’état présent, certaines réserves à faire en ce qui concerne cette séparation). Non seulement l’homme, parce que ses facultés étaient beaucoup moins étroitement limitées, ne voyait pas le monde avec les mêmes yeux qu’aujourd’hui, et y percevait bien des choses qui lui échappent désormais entièrement ; mais, corrélativement, le monde même, en tant qu’ensemble cosmique, était vraiment différent qualitativement, parce que des possibilités d’un autre ordre se reflétaient dans le domaine corporel et le "transfiguraient" en quelque sorte ; et c’est ainsi que, quand certaines "légendes" disent par exemple qu’il y eut un temps où les pierres précieuses étaient aussi communes que le sont maintenant les cailloux les plus grossiers, cela ne doit peut-être pas être pris seulement en un sens tout symbolique. Bien entendu, ce sens symbolique existe toujours en pareil cas, mais ce n’est pas à dire qu’il soit le seul, car toute chose manifestée est nécessairement elle-même un symbole par rapport à une réalité supérieure […].

Auteur: Guénon René

Info: Dans "Le règne de la quantité" pages 128-129

[ homme-cosmos ] [ influences réciproques ]

 

Commentaires: 0

Ajouté à la BD par Coli Masson

littérature

En avril 2008, Simone Baulez avait été appelée pour débarrasser l'appartement de l'Odéon. Voyant une cruche sur laquelle était inscrit "Simone et Cioran", un de ses déménageurs lui a fait une plaisanterie. "Je ne connaissais que le nom de Mme Boué. Quand je me suis aperçu qu'il s'agissait de l'écrivain, nous avons redoublé de vigilance et conservé tous les papiers", raconte-t-elle. "L'appartement était encore jonché de livres et de feuilles." Dans la cave, elle a trouvé "des tableaux, un carton de dessins et un buste de l'écrivain". Ainsi que ses journaux, courant jusqu'en 1980, entreposés derrière des tuyaux.
Biffures. Un trésor. Trente-sept cahiers à spirales écrits en rouge et bleu, surchargés de corrections, de biffures et de volutes découragées. Plusieurs états de son oeuvre majeure, De l'Inconvénient d'être né. Qu'il trouve, à la parution, "raté". Un titre, abandonné : "Nostalgie du déluge". Un premier jet, surgi d'une insomnie : "L'obsession de la naissance est le fruit des mauvaises nuits..." Les esquisses d'Ecartèlement et d'Aveux et anathèmes, ponctuées de ses aphorismes : "Dieu est un tortionnaire hors classe. Comment peut-il infliger des heures pareilles." "Ahurissement perpétuel... Je n'ai jamais été à l'aise dans l'être... Ne me séduit que ce qui me précède, les instants sans nombre où je ne fus pas... Le non-né est mon refuge..." (rayés par l'auteur). Il s'étonne de passer sans émotion devant une bouche d'égout où il a jeté un jour un manuscrit.
Des années plus tard, un commissaire-priseur, Me Vincent Wapler, parle à Simone Baulez d'une vente de manuscrits de Céline. "Je lui ai dit que j'avais des cahiers de Cioran, il m'a proposé de les joindre." Pour le tribunal, elle en avait tous les droits, ayant été mandatée pour "débarrasser complètement l'appartement des meubles et objets." Les brocanteurs ont un droit d'aubaine. Ce que l'intéressée résume par : "Ils n'avaient qu'à y descendre, à la cave !"
En outre, la donation faite à Doucet était problématique. Aucun acte n'évoquait les cahiers disparus. Philosophe, son exécuteur testamentaire, Yannick Guillou, de Gallimard, a fait observer que "sans la brocanteuse, ces manuscrits seraient perdus corps et biens". Ses défenseurs, Mes Claire Hocquet et Roland Rappaport, se demandent si Cioran aurait perçu "une lueur démentant son pessimisme dans ce sauvetage de son oeuvre par une chiffonnière". La Roumanie a déjà pris contact pour les acheter.
L'expert Thierry Bodin avait estimé l'ensemble à 150 000 euros il y a trois ans. Avec toute cette ampleur médiatique, le prix ne peut que grimper. Il pense aujourd'hui plutôt à un million d'euros. Ils se trouvent toujours sous bonne garde à Drouot. Quand on dit à la brocanteuse que c'est sans doute sa plus belle découverte, elle se fait évasive : "Ah, cela... Vous savez, si on ne faisait pas de trouvaille, on ne ferait pas ce métier".

Auteur: Noce Vincent

Info: sur Internet

[ héritage ]

 

Commentaires: 0

dernières paroles

Léonie chérie

J'ai confié cette dernière lettre à des mains amies en espérant qu'elle t'arrive un jour afin que tu saches la vérité et parce que je veux aujourd'hui témoigner de l'horreur de cette guerre.

Quand nous sommes arrivés ici, la plaine était magnifique. Aujourd'hui, les rives de l'Aisne ressemblent au pays de la mort. La terre est bouleversée, brûlée. Le paysage n'est plus que champ de ruines. Nous sommes dans les tranchées de première ligne. En plus des balles, des bombes, des barbelés, c'est la guerre des mines avec la perspective de sauter à tout moment. Nous sommes sales, nos frusques sont en lambeaux. Nous pataugeons dans la boue, une boue de glaise, épaisse, collante dont il est impossible de se débarrasser. Les tranchées s'écroulent sous les obus et mettent à jour des corps, des ossements et des crânes, l'odeur est pestilentielle. Tout manque : l'eau, les latrines, la soupe. Nous sommes mal ravitaillés, la galetouse est bien vide ! Un seul repas de nuit et qui arrive froid à cause de la longueur des boyaux à parcourir. Nous n'avons même plus de sèches pour nous réconforter parfois encore un peu de jus et une rasade de casse-pattes pour nous réchauffer. Nous partons au combat l'épingle à chapeau au fusil. Il est difficile de se mouvoir, coiffés d'un casque en tôle d'acier lourd et incommode mais qui protège des ricochets et encombrés de tout l'attirail contre les gaz asphyxiants. Nous avons participé à des offensives à outrance qui ont toutes échoué sur des montagnes de cadavres. Ces incessants combats nous ont laissé exténués et désespérés. Les malheureux estropiés que le monde va regarder d'un air dédaigneux à leur retour, auront-ils seulement droit à la petite croix de guerre pour les dédommager d'un bras, d'une jambe en moins ? Cette guerre nous apparaît à tous comme une infâme et inutile boucherie.

Le 16 avril, le général Nivelle a lancé une nouvelle attaque au Chemin des Dames. Ce fut un échec, un désastre ! Partout des morts ! Lorsque j'avançais les sentiments n'existaient plus, la peur, l'amour, plus rien n'avait de sens. Il importait juste d'aller de l'avant, de courir, de tirer et partout les soldats tombaient en hurlant de douleur. Les pentes d'accès boisées, étaient rudes .Perdu dans le brouillard, le fusil à l'épaule j'errais, la sueur dégoulinant dans mon dos. Le champ de bataille me donnait la nausée. Un vrai charnier s'étendait à mes pieds. J'ai descendu la butte en enjambant les corps désarticulés, une haine terrible s'emparant de moi. Cet assaut a semé le trouble chez tous les poilus et forcé notre désillusion. Depuis, on ne supporte plus les sacrifices inutiles, les mensonges de l'état major. Tous les combattants désespèrent de l'existence, beaucoup ont déserté et personne ne veut plus marcher. Des tracts circulent pour nous inciter à déposer les armes.

La semaine dernière, le régiment entier n'a pas voulu sortir une nouvelle fois de la tranchée, nous avons refusé de continuer à attaquer mais pas de défendre. Alors, nos officiers ont été chargés de nous juger. J'ai été condamné à passer en conseil de guerre exceptionnel, sans aucun recours possible. La sentence est tombée : je vais être fusillé pour l'exemple, demain, avec six de mes camarades, pour refus d'obtempérer. En nous exécutant, nos supérieurs ont pour objectif d'aider les combattants à retrouver le goût de l'obéissance, je ne crois pas qu'ils y parviendront. Comprendras-tu Léonie chérie que je ne suis pas coupable mais victime d'une justice expéditive ? Je vais finir dans la fosse commune des morts honteux, oubliés de l'histoire. Je ne mourrai pas au front mais les yeux bandés, à l'aube, agenouillé devant le peloton d'exécution.

Je regrette tant ma Léonie la douleur et la honte que ma triste fin va t'infliger. C'est si difficile de savoir que je ne te reverrai plus et que ma fille grandira sans moi. Concevoir cette enfant avant mon départ au combat était une si douce et si jolie folie mais aujourd'hui, vous laisser seules toutes les deux me brise le cœur. Je vous demande pardon mes anges de vous abandonner. Promets-moi mon amour de taire à ma petite Jeanne les circonstances exactes de ma disparition. Dis-lui que son père est tombé en héros sur le champ de bataille, parle-lui de la bravoure et la vaillance des soldats et si un jour, la mémoire des poilus fusillés pour l'exemple est réhabilitée, mais je n'y crois guère, alors seulement, et si tu le juges nécessaire, montre-lui cette lettre. Ne doutez jamais toutes les deux de mon honneur et de mon courage car la France nous a trahi et la France va nous sacrifier. Promets-moi aussi ma douce Léonie, lorsque le temps aura lissé ta douleur, de ne pas renoncer à être heureuse, de continuer à sourire à la vie, ma mort sera ainsi moins cruelle. Je vous souhaite à toutes les deux, mes petites femmes, tout le bonheur que vous méritez et que je ne pourrai pas vous donner. Je vous embrasse, le cœur au bord des larmes. Vos merveilleux visages, gravés dans ma mémoire, seront mon dernier réconfort avant la fin.

Eugène ton mari qui t'aime tant.

Auteur: poilu anonyme

Info: Lettre à sa femme, Le 30 mai 1917

[ ww1 ] [ couple ]

 

Commentaires: 0