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réminiscence

Et tout d'un coup le souvenir m'est apparu. Ce goût c'était celui du petit morceau de madeleine que le dimanche matin à Combray (parce que ce jour-là je ne sortais pas avant l'heure de la messe), quand j'allais lui dire bonjour dans sa chambre, ma tante Léonie m'offrait après l'avoir trempé dans son infusion de thé ou de tilleul. La vue de la petite madeleine ne m'avait rien rappelé avant que je n'y eusse goûté ; peut-être parce que, en ayant souvent aperçu depuis, sans en manger, sur les tablettes des pâtissiers, leur image avait quitté ces jours de Combray pour se lier à d'autres plus récents ; peut-être parce que de ces souvenirs abandonnés si longtemps hors de la mémoire, rien ne survivait, tout s'était désagrégé ; les formes - et celle aussi du petit coquillage de pâtisserie, si grassement sensuel, sous son plissage sévère et dévot - s'étaient abolies, ou ensommeillées, avaient perdu la force d'expansion qui leur eût permis de rejoindre la conscience. Mais, quand d'un passé ancien rien ne subsiste, après la mort des êtres, après la destruction des choses, seules, plus frêles mais plus vivaces, plus immatérielles, plus persistantes, plus fidèles, l'odeur et la saveur restent encore longtemps, comme des âmes, à se rappeler, à attendre, à espérer, sur la ruine de tout le reste, à porter sans fléchir, sur leur gouttelette presque impalpable, l'édifice immense du souvenir.

Auteur: Proust Marcel

Info: À la recherche du temps perdu, tome 1 : Du côté de chez Swann

[ parfum ] [ association ] [ classiques et poncifs ]

 

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Ajouté à la BD par Le sous-projectionniste

réveil

Comme tous les jours, il est 8 h 30 précises lorsque le premier valet de chambre par quartier, qui a dormi sur un lit de camp dans la somptueuse chambre du roi, tendue de soie rouge sur laquelle sont pendus des tableaux des plus grands maîtres, franchit la balustrade de bois doré derrière laquelle sommeille le souverain dans l'alcôve. S'il fait froid (et c'est souvent le cas à Versailles, même en dehors de l'hiver) un feu de bois a déjà été allumé dans la cheminée par l'un des nombreux feutiers du palais. Les officiers du gobelet sont eux aussi déjà en fonction avec le petit déjeuner du roi, c'est-à-dire un bouillon de viande et une tasse d'infusion à la sauge ou à la véronique.
Le premier valet de chambre ouvre les rideaux du lit de brocart surmonté de quatre bouquets de plumes d'autruche et prononce la formule traditionnelle : "Sire, voilà l'heure."
Le roi s'éveille, prend son bouillon, se laisse ausculter par son premier médecin et son premier chirurgien, qu'accompagne généralement son ancienne nourrice, Perrette Dufour, à qui il souhaite le bonjour. Commencent alors les premières entrées auxquelles assistent les princes du sang et les grands officiers de la Couronne, qui se sont donc éveillés et habillés une heure plus tôt, au moins. Le roi fait sa toilette devant eux, ce qui revient à dire qu'il se lave les mains avec un peu d'esprit de vin, tout en récitant quelques prières. Toujours en chemise, le roi sort de son lit, enfile une robe de chambre en brocart et va s'asseoir sur sa chaise percée dans laquelle, au su et à la vue de tous, il fait ses besoins matinaux, à moins qu'il ne fasse que semblant, puisque c'est la tradition, étant au préalable passé par son cabinet d'aisance.

Auteur: Saint-Bris Gonzague

Info: Louis XIV et le grand siècle, Pages 181-182

[ anecdote ]

 

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art religieux

Le genre français, c’est un Jésus glorieux, en robe de brocart pourpré, entr’ouvrant, avec une céleste modestie, son sein, et dévoilant, du bout des doigts, à une visitandine enfarinée d’extase, un énorme cœur d’or couronné d’épines et rutilant comme une cuirasse.

C’est encore le même Jésus plastronné, déployant ses bras pour l’hypothétique embrassement de la multitude inattentive ; c’est l’éternelle Vierge sébacée, en proie à la même recette de désolation séculaire, tenant sur ses genoux, non seulement la tête, mais le corps entier d’un minable Fils, décloué suivant de cagneuses formules. Puis, les innumérables Immaculées Conceptions de Lourdes, en premières communiantes azurées d’un large ruban, offrant au ciel, à mains jointes, l’indubitable innocence de leur émail et de leur carmin.

Enfin, la tourbe polychrôme des subalternes élus : les saints Joseph, nourriciers et frisés, généralement vêtus d’un tartan rayé de bavures de limaces, offrant une fleur de pomme de terre à un poupon bénisseur ; les saints Vincent de Paul en réglisse, ramassant, avec une allégresse réfrénée, de petits monstres en stéarine, pleins de gratitude ; les saints Louis de France ingénus, porteurs de couronnes d’épines sur de petits coussins en peluche ; les saints Louis de Gonzague, chérubinement agenouillés et cirés avec le plus grand soin, les mains croisées sur le virginal surplis, la bouche en cul de poule et les yeux noyés ; les saints François d’Assise, glauques ou céruléens, à force d’amour et de continence, dans le pain d’épice de leur pauvreté ; saint Pierre avec ses clefs, saint Paul avec son glaive, sainte Marie-Madeleine avec sa tête de mort, saint Jean-Baptiste avec son petit mouton, les martyrs palmés, les confesseurs mitrés, les vierges fleuries, les papes aux doigts spatulés d’infaillibles bénédictions, et l’infinie cohue des pompiers de chemins de croix.

Tout cela conditionné et tarifé sagement, confortablement, commercialement, économiquement. Riches ou pauvres, toutes les paroisses peuvent s’approvisionner de pieux simulacres en ces bazars, où se perpétue, pour le chaste assouvissement de l’œil des fidèles, l’indéracinable tradition raphaélique. Ces purgatives images dérivent, en effet, de la grande infusion détersive des madonistes ultramontains. Les avilisseurs italiens du grand Art mystique furent les incontestables ancêtres de ce crépi. Qu’ils eussent ou non le talent divin qu’on a si jobardement exalté sur les lyres de la rengaine, ils n’en furent pas moins les matelassiers du lit de prostitution où le paganisme fornicateur vint dépuceler la Beauté chrétienne. Et voilà leur progéniture !

Auteur: Bloy Léon

Info: Dans "Le Désespéré", Livre de poche, 1962, pages 229-230

[ critique ] [ description dégoûtée ] [ christianisme édulcoré ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

protestantisme

Un homme du tempérament de Luther, s’il ouvre un livre : il n’y lit qu’une pensée, la sienne. Il n’apprend rien qu’il ne porte en lui. Un mot, une phrase, un raisonnement le frappent. Il s’en empare. Il le laisse descendre en lui, profond, plus profond, jusqu’à ce que, par-dessous les surfaces, il aille toucher quelque point secret, ignoré jusqu’alors du lecteur lui-même, et d’où, brusquement, jaillit une source vive — une source qui dormait, attendant l’appel et le choc du sourcier : mais les eaux étaient là, et leur force contenue. N’ayons donc point scrupule à négliger ici tout un monde de recherches patientes et méritoires. Ne retenons qu’un fait, parmi tant d’autres.

Luther, semble-t-il, a peu étudié à Erfurt les grands systèmes scolastiques du XIIIe siècle. Le thomisme en particulier paraît lui être demeuré étranger : rien d’étonnant, et s’il l’avait connu, il n’en aurait tiré qu’un profit violemment négatif. Ce qu’il a lu, en dehors de quelques mystiques et, notamment, de Tauler (dont on nous dit d’ailleurs, qu’il le comprit mal et qu’il en dénatura la pensée sans scrupule : entendons qu’il en fit librement son profit, sans se soucier de savoir si ses interprétations s’accordaient, ou non, avec la doctrine du disciple d’Eckhart ; il lui suffisait qu’elles rentrassent dans les cadres de sa spéculation à lui, Luther) — ce qu’il lisait, c’était surtout le Commentaire sur les Sentences du nominaliste Gabriel Biel († 1495), l’introducteur principal de l’occamisme en Allemagne, le "roi des théologiens"... tout au moins de Tübingen, l’ami de Jean Trithème et de Geiler de Kaisersberg. Vieilli, Luther se vantera de savoir encore par cœur des pages entières du célèbre docteur.

Or que trouvait Luther dans les écrits de Biel, lorsqu’il les relisait avec l’ardent souci d’y découvrir une solution aux difficultés dont il ne savait sortir ? Deux théories, entre beaucoup, et qui, lorsqu’on les énonce à la suite l’une de l’autre, paraissent contradictoires : ce n’est pas le lieu ici, ni le moment d’exposer comment, pour qui connaît même sommairement la pensée d’Occam, cette contradiction s’évanouit. Biel prétendait d’abord que, les suites du péché originel s’étant fait sentir surtout dans les régions basses, sur les puissances inférieures de l’âme humaine, la raison et la volonté demeurent, au contraire, à peu près telles qu’avant la faute — l’homme pouvant, par les seules forces de sa nature, observer la loi et accomplir les œuvres prescrites sinon "selon l’intention du législateur", du moins suivant "la substance du fait". Et ensuite que, par ces seules et mêmes forces, la volonté humaine étant capable de suivre le commandement de la droite raison, l’homme peut aimer Dieu par-dessus toutes choses. Cet acte d’amour suprême et total crée en lui une disposition suffisante pour qu’il puisse obtenir, tout pécheur qu’il soit, la grâce sanctifiante et la rémission des péchés.

Seulement, en même temps et puisqu’il rattachait sa pensée à celle d’Occam, Biel réservait les droits de la Toute-Puissance divine. Droits absolus, sans bornes ni limitations, étendus jusqu’à l’arbitraire. Et, par exemple, enseignait le théologien de Tübingen, du vouloir divin et de lui seul, les lois morales tiraient sens et valeur. Les péchés étaient péchés et non pas bonnes actions, parce que Dieu le voulait ainsi. Dieu voudrait le contraire, le contraire serait ; le vol, l’adultère, la haine de Dieu même deviendraient des actions méritoires. Dieu n’a donc, en l’homme, à punir ou à récompenser ni fautes propres ni mérites personnels. Les bonnes actions, pour qu’elles obtiennent récompense, il faut seulement que Dieu les accepte. Et il les accepte quand il lui plaît, comme il lui plaît, s’il lui plaît, pour des raisons qui échappent à la raison des hommes. Conclusion : la prédestination inconditionnelle et imprévisible...

Ainsi avait professé, ainsi professait toujours après sa mort, par ses livres et par ses disciples, Gabriel Biel le révéré. Qu’on se représente maintenant, en face de ces ouvrages, soumis à ces doctrines, ce Luther ardent, épris d’absolu, inquiet par ailleurs et tourmenté, qui cherchait partout à étancher son ardente soif de piété, mais à se délivrer également de ses scrupules et de ses angoisses. On lui disait, avec Biel : Efforce-toi. Tu le peux. Dans le plan humain, l’homme, par ses seules forces naturelles, par le jeu de sa volonté et de sa raison peut accomplir la loi ; il peut parvenir, finalement, à aimer Dieu par-dessus toutes choses. — Et Luther s’efforçait. Il faisait le possible, selon sa nature, et l’impossible, pour que naisse en lui cette dispositio ultimata et sufficiens de congruo ad gratiae infusionem dont parle Biel en son langage. En vain. Et quand, après tous ses efforts, son âme anxieuse de certitude ne trouvait point d’apaisement ; quand la paix implorée, la paix libératrice ne descendait point en lui — on devine quel sentiment d’amère impuissance et de vrai désespoir le laissait prostré devant un Dieu muet — comme un prisonnier au pied d’un mur sans fin...

Peu à peu, dans sa tête qui s’égarait, d’autres pensées surgissaient. Les bonnes actions pour qu’elles fussent méritoires, Biel l’enseignait : il faut simplement, et il suffit, que Dieu les accepte. Était-ce donc que Dieu n’acceptait point ses bonnes actions à lui ? qu’il le rejetait au nombre des réprouvés par un décret incompréhensible et irrévocable de sa volonté ? Ah ! comment savoir et quelle atroce angoisse naissait d’un tel doute !

Ainsi la doctrine dont on le nourrissait, cette doctrine des gabriélistes issue de l’occamisme et dont Denifle le premier a marqué avec force et vigueur l’influence tenace et persistante sur Luther   — cette doctrine qui, tour à tour, exaltait le pouvoir de la volonté humaine puis l’humiliait en ricanant devant l’insondable Toute-Puissance de Dieu : elle ne tendait les forces d’espérance du moine que pour les mieux briser, et le laisser pantelant, dans l’impuissance tragique de sa débilité.

Auteur: Febvre Lucien

Info: Un destin : Martin Luther, PUF, 1968, pages 25 à 27

[ origines ] [ inspirateur ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson