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lectures

Ils offraient matière à s’émerveiller, ces romans, car ils possédaient aucune espèce de saveur distinctive. Henry les assimilait dans son esprit à des tasses de thé versé d'une théière où l'on avait par inadvertance omis de mettre des feuilles de thé, et servies à des personnes qui étaient trop polies pour se permettre une remarque, ou en réalité qui n'aimaient pas le thé. La théière et les tasses étaient d'un modèle irréprochable, l'eau avait la température parfaite, et coulait librement du bec de la théière, mais le breuvage était absolument incolore et insipide. C'étaient des romans faits pour ceux qui aimaient en avoir toujours un sous la main, mais n'avaient guère le goût de la lecture en soi. On pouvait les refermer aussi facilement qu'on les ouvrait, et cinq minutes après en avoir fini un, on ne se souvenait pas d'un traitre mot. Bien entendu il n'avait jamais communiqué cette opinion à Norris.

Auteur: Lodge David

Info: L'Auteur ! L'Auteur !  p 406

[ fades ] [ ternes ] [ clichés ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

langage

Ce qui nous environne, nous le supportons d’autant mieux que nous lui donnons un nom – et passons outre. Mais embrasser une chose par une définition, si arbitraire soit-elle, et d’autant plus grave qu’elle est plus arbitraire, puisque l’âme y devance alors la connaissance, - c’est la rejeter, la rendre insipide et superflue, l’anéantir. L’esprit oisif et vacant – et qui ne s’intègre au monde qu’à la faveur du sommeil – à quoi pourrait-il s’exercer sinon à élargir le nom des choses, à les vider et à leur substituer des formules ? Ensuite il évolue sur leurs décombres ; plus de sensations ; rien que des souvenirs. Sous chaque formule gît un cadavre : l’être ou l’objet meurt sous le prétexte auquel ils ont donné lieu. C’est la débauche frivole et funèbre de l’esprit. Et cet esprit s’est gaspillé dans ce qu’il a nommé et circonscrit. Amoureux de vocables, il haïssait le mystère des silences lourds et les rendait légers et purs : et il est devenu léger et pur, puisque allégé et purifié de tout. Le vice de définir a fait de lui un assassin gracieux, et une victime discrète.

Auteur: Cioran Emil Michel

Info: Précis de décomposition, in Œuvres, éditions Gallimard, 1995, page 585

[ nommer ] [ abstraction dévitalisante ] [ mots ] [ tiercités fuites ] [ emprisonnement linguistique ]

 
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Ajouté à la BD par Coli Masson

écriture

- Je suis lassée de baiser, je me sens frigide.. . toutes ces personnes si insipides, j'aspire à autre chose.
- Ah (fit il la saisissant par la nuque doucement, la caressant de son pouce) tu es blasée?
Il se relève et défait doucement sa ceinture, la fixant du regard.
- Donc tu me dis, que tu n'as plus goût à ça, ceci ne t'évoque plus rien ?
Il lui tend au bord des lèvres son chibre en demi dur.
- Tu ne la laverais pas comme à ton habitude avec délice ? Ose la mordre tiens...
- Hum je sais pas, je...
Elle hésite et ne peut s'empêcher, commence à le sucer avec délectation et application. Elle se gave, il la freine.
- Laisse- moi vérifier si ta chatte est encore étroite et sèche, que ça ne te fait rien (il la retourne à genoux et lui relève sa robe, lui écarte les lèvres, trempe ses doigts, elle soupire, il écarte, tâte, lèche , lèche ses doigts et les enfonce, la titille, elle gémit) alors tu es sûre d'être lassée de baiser, tiens prends ma bite chaude et dis- moi que tu n'aimes plus ça, que tu n'es plus inspirée...

Auteur: Morfent Apolonide

Info: la conception des succubes

[ érotisme ] [ porno ]

 

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styles

Je pensais au pouvoir trompeur de la musique, à cette sorte de romantisme exacerbé qu'elle pouvait inspirer. Si on écoutait les Stones à un volume très élevé pendant assez longtemps, on finissait invariablement par ressentir une sorte de sympathie pour le diable. Et il suffisait d'entendre ce duo entre Bob Dylan et Johnny Cash pour avoir envie de filer vers le Nord et chercher une fille dans une foire de campagne. La chanson préférée de Tim était apparemment "Get It While You Can" de Janis Joplin, que je commençais à redouter. Le désespoir profond que cet air instillait semblait inégalé dans la musique moderne. [...] Mais souvent, il semble que la passion nous plonge dans l'excès et la musique traduit si fidèlement la passion qu'on ne peut qu'être convaincu et qu'il est impossible de lui résister. Merle Haggard me donnait toujours envie de me saouler à mort. Les Cream ou les Who, ou les Grateful Dead me donnaient envie d'être défoncé, tandis qu'avec Dolly Parton j'avais envie de tomber amoureux. June Carter semblait me faire signe depuis Jackson, Mississippi, et Patsy Cline m'invitait à Nashville. Pas étonnant que la plupart des gens préfèrent une musique insipide et faiblarde.

Auteur: Harrison Jim

Info: Un bon jour pour mourir

[ vingtième siècle ] [ usa ] [ rock ]

 

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indiscrétion séditieuse

Avoir une âme tendancieusement rebelle ; haïr convulsivement les injustices à l’œuvre sous le soleil ; trembler devant le souffle bestial de ses semblables ; être étranglé par le ricanement assassin de la créature et maudire la Création, solidification trop visible de l'idée d'injustice...

Et être empêché par un reste de philosophie et par les enseignements de l'expérience de faire quoi que ce soit, renoncer à l'acte de révolte, capituler dans l'inconsolation ou dans le dans le réconfort de la vacuité.

C'est là toute la contradiction entre la réaction spontanée de ton être et la pétrification qui résulte d'une réflexion désabusée. — Lucifer a été le moins philosophe d'entre tous les anges. Ses ailes n'ont pas connu l'éreintement d'un vol lucide ; ses connaissances n'ont pas épuisé sa fraîcheur, dont émane la naïveté sublime de n'importe quelle contestation. Un ange sans expérience, noble proie de quelque amertume qui n'est pas incurable. Car croire que l'on peut améliorer quelque chose, que la créature et la Création peuvent figurer dans un meilleur ordre, c'est ne connaître la temporalité que dans ce qu'elle a d'amer, et imaginer à son terme une issue qui ne serait pas illusoire. Ses camarades qui sont restés au sein du Tout-Puissant ce sont eux qui ont tout su, parce qu'ils ont connu la vanité de toute tentation : ce sont eux qui se reposent dans le doux sommeil de l'irréparable éternité, gouvernés par la chaleur à jamais insipide, mais sûre, de leurs ailes réactionnaires. Ils logent encore dans le vieux bien divin, qui est notre mal.

Renverser le monde, impossible ; l'accepter, encore moins. Ce conflit est la formule qui résume la vie terrestre, dont le caractère irréparable fait figure de seule solution.

Auteur: Cioran Emil Michel

Info: Divagations

[ dualité ] [ monothéisme ] [ connaissance interdite ] [ fruit défendu ] [ rebelle curiosité ]

 
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Ajouté à la BD par miguel

verbe routine

Alors maintenant, ce qui parle, ce qui parle, maintenant, ce n'est plus vraiment quelqu'un de particulier. Si c'est une "personne", avec un peu de chance, elle est présente en chacun de nous. (...)

Cette voix, en fait c'est nôtre voix, sauf que nous l'avons perdue. Cette voix, c'est celle qui fait de chacun d'entre nous autre chose qu'une routine dans un programme, autre chose qu'une boîte dans un ensemble infini de boîtes, autre chose qu'une machine dans une mégamachine. Cette voix, c'est tout ce que l'humanité n'ose pas se dire, tout ce dont l'humain ne veut pas entendre parler, c'est-à-dire lui-même et ses atroces défaillances, ses immondes dysfonctionnements, sa monstruosité non assumée.

Cette voix, si elle se trouve probablement en chacun de nous, ne peut pourtant être exprimée que par quelques-uns. Les plus faibles d'entre tous. Pourtant, paradoxalement, leur faiblesse même les empêche de parler, ils ouvrent la bouche et aucun son n'en sort. Mais ce silence, terrifiant, c'est ce qui vient recouvrir de sa ténèbre lumineuse le tumulte insipide des bavardages, la clameur atroce des tueries et le vacarme tonitruant des foules livrées à elles-mêmes.

Cette voix, qui en fait n'est plus qu'un souffle expiré par quelques bouches hurlant silencieusement leur cri ineffable à la face des étoiles, sous les voûtes célestes australe et boréale qui viendront couronner l'extinction de l'homme par l'homme, cette voix, c'est un très ténu fil de lumière qui semble monter de la ceinture Van Halen en direction de l'Anneau orbital, telle une volute monoclonée de vapeur d'or. Cette voix, cette voix qui déjà retourne vers celui qui la possède en propre, bien au-delà même de cette Terre et de cet Univers, cette voix, c'est elle qui permet au monde de se faire, c'est par elle que ce monde se transcrit dans la Création.

Et cette voix, non seulement plus personne ne l'entend, mais plus personne n'oserait se risquer à l'écouter. Ce langage, non seulement plus personne ne le parle, mais tout le monde s'est mis d'accord pour qu'il disparaisse. Alors comment s'étonner désormais que le monde ne tienne plus, comment s'étonner qu'il s'effondre sur lui-même comme le coeur d'une étoile qui va devenir, qui devient trou noir, comment s'étonner qu'il n'ait plus en lui la moindre force capable d'être the glue that sticks the things altogether ?

Regardez-les, ces singes savants doués d'une parole qu'ils ont travestie en tautologies comptables, en cultures d'apparat, en linguistique de foire, cette parole qu'ils ont laissé devenir une vulgaire machine de communication ! Les voilà dorénavant laissés seuls avec le langage-machine brut, avec le monde-machine dans sa désolante nudité, lorsque enfin il atteind son but et qu'il peut tout comachiniser, y compris le néant qu'il porte en lui.

Alors cette voix, si c'est celle d'un être humain sur cette Terre, cette voix, c'est celle du dernier écrivain vivant, pas encore remplacé par une Intelligence Artificielle, cette voix vient de circonscrire ce monde dans sa bouche.

Cette voix, il est clair que maintenant elle va se taire.

Auteur: Dantec Maurice

Info: Cosmos incorporated

[ pessimisme ]

 
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Ajouté à la BD par Neshouma

littérature

Les 19 lois du bon polar, selon Borges.

Le grand écrivain argentin s'était amusé à codifier la narration policière. En partenariat avec le magazine BoOks.

Dans son article "Lois de la narration policière" (1), de 1933, Jorge Luis Borges propose quelques règles élémentaires, ou "commandements", pour le récit policier classique. Ces conventions, comme il le remarque avec esprit, "ne visent pas à éluder les difficultés, mais plutôt à les imposer". Borges énonce explicitement les six règles suivantes:

1 : Une limite facultative de ses personnages

Les personnages doivent être peu nombreux et bien définis, de façon que lecteur puisse les connaître et les distinguer. "La téméraire infraction à cette loi est responsable de la confusion et de l'ennui fastidieux de tous les films policiers."

2 : Exposition de toutes les données du problème

On doit mettre toutes les cartes sur la table, sans as sortis de la manche à la dernière minute. À partir d'un certain point, le lecteur devra disposer de toutes les pistes nécessaires pour trouver lui-même la solution. "L'infraction répétée de cette deuxième loi est le défaut préféré de Conan Doyle. Il s'agit parfois de quelques imperceptibles particules de cendre, ramassées dans le dos du lecteur par ce privilégié d'Holmes. Parfois l'escamotage est plus grave. Il s'agit du coupable, terriblement démasqué au dernier moment, qui s'avère être un inconnu : une insipide et maladroite interpolation."

3 : Avare économie de moyens

Qu'un personnage se dédouble, on peut l'admettre, dit Borges. Mais que deux individus en contrefassent un troisième pour lui conférer un don d'ubiquité "court le risque incontestable de paraître une surcharge". La solution doit être la plus claire et nette possible, sans lourdeurs techniques, artifices improbables ou déploiements accablants de mouvements et de détails. La solution doit aussi pouvoir se déduire des ressources déjà mises en jeu, comme réorganisation des éléments connus.

4 : Primauté du comment sur le qui

Le véritable mystère d'un bon whodunit(2) n'est pas le nom de celui qui a commis le crime, mais ce que sera le nouvel ordre logique, plus subtil, la vérité souterraine qui éclaire le récit d'un nouveau jour.

5 : Pudeur de la mort

À la différence des thrillers du cinéma contemporain, où l'imagination cherche à concevoir des crimes de plus en plus sanglants et des cadavres de plus en plus choquants, dans le récit policier classique, la mort est comme une ouverture au jeu d'échecs et n'a pas en soi beaucoup d'importance. "Les pompes de la mort n'ont pas leur place dans la narration policière dont les muses glaciales sont l'hygiène, l'imposture et l'ordre", écrit Borges.

On trouve une transgression exemplaire de cette loi dans "le Noël d'Hercule Poirot"(3), d'Agatha Christie. Ce roman, comme on le comprend dans la dédicace, est conçu comme un défi, son beau-frère lui ayant reproché d'éviter le sang dans ses crimes. "Vous y déploriez que mes meurtres deviennent trop épurés - exsangues, pour parler net. Vous y réclamiez un de ces bons vieux meurtres bien saignants. Un meurtre qui, sans l'ombre d'un doute, en soit bien un." Le plus remarquable est peut-être que, dans ce crime esthétiquement opposé aux précédents, Agatha Christie reste elle-même: le cri terrifiant, la scène brutale du meurtre, le sang abondamment répandu sont des clés de l'élucidation finale.

6 : Nécessité et merveilleux dans la solution

"La première implique que le problème soit un problème précis susceptible d'une seule réponse, l'autre requiert que cette réponse puisse émerveiller le lecteur." Cette sensation de merveilleux, précise Borges, ne doit pas faire appel au surnaturel. La solution d'une énigme policière doit être comme la démonstration d'un théorème complexe: difficile à imaginer à partir des prémisses, mais dont la nécessité s'impose par la rigueur d'une explication parfaitement logique. En plus de ces six axiomes déclarés, Borges en postule indirectement certains autres dans son article: Le véritable récit policier repousse - ai-je besoin de le préciser - avec le même dédain les risques physiques et la justice distributive. Il fait abstraction, avec sérénité, des cachots, des escaliers secrets, des remords, de la voltige, des barbes postiches, de l'escrime, des chauves-souris, de Charles Baudelaire et même du hasard. Il découle de ce passage trois règles supplémentaires :

7 : Dédain des risques physiques

Dans ce dédain des risques physiques réside l'une des principales différences avec le roman noir ou le thriller cinématographique. Borges observe que, dans les premiers exemples du genre, "l'histoire se limite à la discussion et à la résolution abstraite d'un crime, parfois à cent lieues de l'événement ou bien éloignée dans le temps". Isidro Parodi, le détective qu'il imagina avec Bioy Casares, résout les énigmes alors qu'il est enfermé dans une prison. Dans les aventures de Sherlock Holmes comme dans celles d'Hercule Poirot, la vie du détective est parfois en danger imminent, mais ces risques sont éphémères et ne constituent jamais la matière narrative principale, sauf peut-être dans leurs dernières enquêtes. C. Auguste Dupin, la vieille Miss Marple, le père Brown et Perry Mason(4) sont tous des exemples de détectives à l'abri des risques physiques.

8 : Renoncement aux considérations ou jugements moraux

Sur la question de la "justice distributive", "la Huella del crimen" de Raúl Waleis, premier roman policier argentin (il date de 1877 et a été récemment réédité - (5)), avait l'intention déclarée de favoriser une nouvelle législation, à travers l'exposé d'une affaire mettant en évidence une faille dans la justice: "Le droit est la source où je puiserai mes arguments. Les mauvaises lois doivent être dénoncées pour les effets que produit leur application. Je crée le drame auquel j'applique la loi en vigueur. Ses conséquences fatales prouveront la nécessité de la réformer. " Les enquêtes de Perry Mason et les récits de Chesterton témoignaient peut-être d'un certain attachement aux canons de la justice et aux considérations morales sur les innocents et les coupables.

9 : Rejet du hasard

À cet égard, citons les intéressantes réflexions de Patricia Highsmith, qui ne craint pas de mettre à l'épreuve la crédulité du lecteur: " J'aime beaucoup qu'il y ait dans l'intrigue des coïncidences et des situations presque (mais pas entièrement) incroyables comme par exemple le plan audacieux qu'un homme propose à un autre qu'il connaît depuis deux heures à peine dans "L'Inconnu du Nord-Express". [...] L'idéal est que les événements prennent une tournure inattendue, en gardant une certaine consonance avec le caractère des personnages. La crédulité du lecteur, son sens de la logique - qui est très élastique -, peut être étirée au maximum, mais il ne faut pas la rompre " ("L'Art du suspense" (6), chap. 5). Le hasard peut survenir dans la narration comme ellipse, tout comme, dans les comédies, on accepte qu'une porte s'ouvre pour laisser sortir un personnage et qu'un autre apparaisse aussitôt. Ou comme le catalyseur d'une circonstance propice à l'accomplissement d'un crime quand le mobile n'est pas très affirmé. C'est ce qui arrive, par exemple, avec l'apparition d'un parent éloigné, dans "Paiement différé" (7) de Cecil Scott Forester. En revanche, le hasard ne devrait pas jouer un rôle décisif dans l'explication finale. À noter que, dans la nouvelle de Borges "la Mort et la Boussole", c'est un accident fortuit, une mort inattendue, qui donne à l'assassin l'idée de la série de meurtres qu'il va commettre. D'autres règles peuvent encore être tirées de l'article de Borges :

10 : Méfiance ou rejet des procédures de l'investigation policière

"Les démarches quotidiennes des investigations policières - empreintes digitales, torture et délation - sembleraient ici des solécismes." L'enquête policière appartient à l'ordre prosaïque des faits et du bon sens. C'est ce qui établit la différence entre le plan de l'enquête officielle de la justice et l'enquête parallèle, de l'ordre de la fiction - à l'écart des critères et des paramètres usuels -, que mène le détective. Dans "la Mort et la Boussole", ironiquement, le policier et le détective ont tous deux raison, mais chacun à sa manière.

11 : L'assassin doit appartenir à la distribution initiale des personnages

"Dans les récits honnêtes, écrit Borges, le criminel est l'une des personnes qui figurent dès le début."

12 : La solution doit éviter le recours au surnaturel, qui ne peut être invoqué que comme une conjecture transitoire à écarter

La réponse doit émerveiller le lecteur "sans faire appel bien sûr au surnaturel, dont l'usage dans ce genre de fiction est un alanguissement et une félonie. Chesterton réalise toujours le tour de force de proposer une explication surnaturelle et de la remplacer ensuite, sans perdre au change, par une autre, toute naturelle."

13 : La solution ne peut comporter des éléments inconnus du lecteur

"Sont également prohibés [...] les élixirs d'origine inconnue." Voici donc les règles énoncées par Borges dans son article. Nous pourrions en rajouter quelques autres :

14 : Omission de la vie privée du détective et de ses aventures sentimentales ou sexuelles

Règle enfreinte dans tous les films policiers, où immanquablement l'enquêteur divorce, mène une existence malheureuse et a une liaison avec l'actrice principale.

15 : Dans le cas d'un double ou triple dénouement, il doit y avoir une progression, chaque fin surpassant la précédente en ingéniosité et en rigueur

Comme dans la règle des trois adjectifs que mentionne Proust à propos des salons de la bonne société française, le troisième est tenu de surpasser les deux premiers.

16 : Le meurtrier ne peut être le majordome (à moins d'être dans un congrès de majordomes)

L'assassin ne peut être un personnage trop secondaire, maintenu en permanence caché, comme une carte que l'on garde pour la fin.

17 : L'assassin ne peut être l'immigré ou le fanatique religieux ou le suspect d'extrémisme politique

Règle toujours soigneusement respectée par Agatha Christie. Les mobiles du meurtre doivent être intimes et le meurtrier doit appartenir au noyau dur de l'histoire. Cette règle est négligée de manière particulièrement décevante dans "Meurtriers sans visage", de Henning Mankell.

18 : L'assassin ne doit pas être le narrateur

Règle admirablement transgressée par Agatha Christie dans "le Meurtre de Roger Ackroyd" et, de manière plus prévisible, par Tchekhov dans "la Confession".

19 : L'assassin ne doit pas être l'enquêteur

Règle non respectée par Agatha Christie dans "le Noël d'Hercule Poirot" et par Juan José Saer dans "l'Enquête". Pourrait-on encore allonger cette liste ? Assurément. Mais cela créerait peut-être une fausse illusion, l'illusion que le genre peut être circonscrit et réduit à un formalisme d'axiomes, à une liste de règles et de procédés. Une illusion symétrique et tout aussi erronée - bien que prisée dans les tables rondes, car elle permet la pose iconoclaste et les métaphores guerrières - veut que le genre doit être dynamité, qu'il faut faire voler en éclats toutes les règles, que les lois sont faites pour être violées. Quiconque s'y est essayé sait en tout cas qu'il est difficile, sinon impossible, de se défaire de toutes à la fois, et qu'il y a dans le genre policier une tension extraordinaire entre ce qui a déjà été dit, entre la rhétorique accumulée dans des milliers de romans, et ce qui reste encore à dire, à la limite des règles. Les lois sont, en ce sens, comme une barrière que l'astuce et la créativité doivent franchir. Dans une des très rares occasions où Borges conçoit un projet de roman (dans l'article "è vero, ma non troppo", paru en 1938 dans la revue "El Hogar") ce n'est pas un hasard s'il choisit, entre tous les genres littéraires, le roman policier. Le sien serait, dit-il, "un peu hétérodoxe". Et il souligne que c'est là un point important, car "le genre policier, comme tous les genres, vit de l'incessante et délicate infraction à ses lois". Oui, la délicate infraction à ses lois.

Auteur: Martinez Guillermo

Info: Texte paru dans le quotidien argentin La Nación, le 15 août 2009, traduit de l'espagnol par François Gaudry

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