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système politique

Plus tard les historiens ont classé les régimes politiques du vingtième siècle en trois catégories totalitaire et autoritaire et démocratiques. Les régimes totalitaires étaient le communisme et le nazisme et les régimes autoritaires les dictatures fascistes et fascisantes apparue après la première guerre mondiale en Italie et en Espagne et au Portugal et en Bulgarie et en Grèce et en Pologne et en Roumanie et en Hongrie et en Estonie et en Lettonie etc. Les communistes disaient que le fascisme et le nazisme était la même chose mais la plupart des historiens ne partageaient pas cet avis et disaient que le fascisme était par nature universel et susceptible de s'implanter n'importe où en s'adaptant aussitôt aux conditions culturelles et historiques données tandis que le communisme et le nazisme étaient par essence inadaptables parce que la réalité des choses y était entièrement subordonnée à l'idéologie. Et que c'était justement en quoi ils étaient totalitaires. Et qu'au contraire le fascisme était adaptable et pouvait être de droite comme de gauche et destiné aux citoyens déjà âgés comme aux jeunes gens à tendance révolutionnaire et aux uns il promettait de rétablir l'ordre et aux autres d'instaurer un monde nouveau où tout resterait jeune à jamais.

Auteur: Ourednik Patrik

Info: Europeana : Une brève histoire du XXe siècle, P132

[ triade ] [ vingtième siècle ]

 

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médicaments

Au début, je prenais de la paroxétine et des benzodiazépines, pas plus de quinze milligrammes ; mais quinze milligrammes, pour moi, c'était comme un éternuement au coeur de l'ouragan, une quantité insignifiante et sans effet, autant vouloir cacher le soleil derrière sa main ou instaurer la justice au pays des réprouvés, voilà pourquoi les doses avaient augmenté, atteignant soixante milligrammes, à l'époque il n'y avait rien de plus fort sur le marché, à l'époque les médecins vous lançaient les mêmes regards que les éclaireurs conduisant les caravanes dans les westerns, quand ils déclarent qu'ils n'iront pas plus loin, car ils arrivent sur le territoire des Comanches, font demi-tour et éperonnent leur monture après un dernier regard pétri de honte et de pitié sur les gens de la caravane, sachant qu'ils ne les reverront plus. C'est là que je pris aussi des comprimés pour dormir ; je tombais alors dans un état proche de la mort et mon esprit était traversé par des mots comme "estomac", "lampe" ou "albinos", sans filiation logique. Je les notais parfois, le lendemain matin, si je m'en souvenais, mais en les relisant, j'avais l'impression de feuilleter un journal d'un pays plus triste que le Soudan ou l’Éthiopie, d'un pays pour lequel je n'avais pas de visa et ne voulais pas en avoir, et je croyais entendre un camion de pompiers qui filait éteindre ces putains de flammes de l'enfer, le réservoir plein de carburant.

Auteur: Pron Patricio

Info: L'Esprit de mes pères

[ antidépresseurs ] [ délire ]

 

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filles-garçons

Dès la maternelle je veux connaître le sexe des filles et j'invente des jeux et des gages afin de pouvoir glisser mes doigts dans les culottes en coton de mes camarades. Mes 5 ans caressent ainsi de curieux renflements doux, fendus en leur milieu par une ligne verticale et veloutée, frontière d'un pays aux marches duquel, prudent ou peut-être apeuré, je préfère me tenir sans poursuivre mon exploration. Joëlle, Christine, Véronique, compagnes sensuelles qui sentent la crème Nivéa, la tiédeur des peaux d'enfance et la lessive utilisée par leurs mères, Paic, Coral, Ariel. Il y a ensuite un grand vide. La pudeur, moins la mienne que celle de mes amies, ainsi que la séparation que l'école primaire instaure entre garçons et filles, nous éloignent les uns des autres. Le collège nous réunit, mais nous avons changé. Nous autres crânons dans des activités brutales, tandis que les filles forment dans la cour de petits cercles murmurants et nous lancent des regards moqueurs. "Sentir la fille" devient pour nous une insulte et nous colportons des plaisanteries que nous n'avons bien entendu jamais vérifiées sur la parenté olfactive de leur sexe avec l'odeur de la marée, celle du poisson peu frais, de la crevette rose ou grise. Dégoût affiché et brandi, d'autant que nous apprenons, sans vraiment comprendre, que, de temps à autre, du sang en flots épais souille leur entrejambe, s'écoulant de cette fente dont nous n'avons plus qu'un très vague souvenir.

Auteur: Claudel Philippe

Info: Parfums

[ femmes-hommes ] [ adolescence ]

 

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personnalité

Une jeune fille a pris en toutes choses le contre-pied de sa mère, a cultivé toutes les qualités qu'elle ne trouvait pas en celle-ci et évité tout ce qui lui ressemblait. Ajoutons à cela que, comme toute autre petite fille, elle avait dans sa petite enfance commencé par s'identifier à sa mère, tandis que maintenant elle se révolte avec énergie contre cette identification. Une fois mariée cependant, devenue femme et mère, la même jeune personne, ne soyons pas surpris de le constater, ressemble de plus en plus à cette mère ennemie pour enfin s'identifier à elle, comme autrefois. Un fait analogue se produit chez les garçons et le grand Gœthe lui-même qui, dans sa jeunesse, avait certainement méprisé un père rigide et tatillon, développe, dans son vieil âge, certains traits de caractère de celui-ci. Ce résultat est plus frappant encore quand le contraste entre les deux personnes est plus marqué. Un jeune homme que le sort condamna à être élevé auprès d'un père indigne devint tout d'abord, par révolte contre lui, un garçon honnête, laborieux, plein de bonne foi. A l'âge adulte, son caractère se modifia et il se comporta dès lors comme s'il avait pris son père pour modèle. Afin de ne pas perdre de vue le lien qui unit ces faits à notre sujet, rappelons-nous qu'au début d'un pareil processus, il existe toujours une identification précoce avec le père. Cette identification se trouve ensuite abandonnée et même surcompensée pour finalement s'instaurer à nouveau.

Auteur: Freud Sigmund

Info: Dans "Moïse et le monothéisme", trad. Anne Berman, éditions Gallimard, 1948, page 168

[ retour du refoulé ] [ fatalité ] [ développement ] [ mimétisme ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

Grèce antique

Ayant étudié les institutions romaines, il formule dans la théorie de l'anacyclose - admise par Cicéron dans le De Republica et reprise par Machiavel - sa typologie des régimes politiques. Il considère qu'il y a six formes de gouvernement :
- la royauté (régime monarchique librement accepté, gouverne par persuasion, sans violence) ;
- l'autocratie ou despotisme (pouvoir personnel et absolu) ;
- l'aristocratie (régime dans lequel les plus justes et les plus sages sont au pouvoir) ;
- l'oligarchie (dans laquelle la plupart des pouvoirs sont détenus par une petite partie de la société) ;
- la démocratie (quand la volonté de la majorité est souveraine et qu'il y a obéissance aux lois) ;
- l'ochlocratie (si la masse a tous les pouvoirs pour imposer tous ses désirs).
Selon sa théorie cyclique de la succession des régimes politiques, le gouvernement d'un seul (royauté) dégénère en despotisme. Celui-ci entraîne le renversement de la royauté par une alliance entre le peuple et les puissants qui instaure l'aristocratie, qui dégénère elle-même en oligarchie, entraînant la colère du peuple, qui punit les abus et instaure une démocratie. Cette dernière dégénère en ochlocratie lorsque la majorité recours à la force pour imposer son point de vue, entraînant le recours à un homme fort qui instaure une royauté et inaugure un nouveau cycle.
Le meilleur régime, selon lui, est celui qui combine les caractéristiques des trois principaux. Pour Polybe, les consuls romains ont un pouvoir de type monarchique, le Sénat a un pouvoir de type aristocratique et le peuple des citoyens possède, lui, un pouvoir de type démocratique.

Auteur: Polybe

Info: sur wikipedia

[ historique ]

 

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hyperfestivité

La société de l'autonomie individuelle sécrète des solitaires dépressifs. Le processus est multiforme. L'individu, plus que jamais confronté à l'obligation de faire des choix en permanence, se sent pleinement responsable de ses échecs. Ce n'est évidemment pas un hasard si l'existentialisme s'est développé au moment de la révolution de l'autonomie : l'homme s'éprouve comme pure liberté, comme existant, élaborant son essence dans l'angoisse. L'individu a en outre le devoir de "s'accomplir". Dans une société où tout est affaire de séduction, il faut savoir se vendre, faire preuve de motivation, de dynamisme, donner une image positive de soi. Le culte du look et du corps, la hantise des signes de vieillissement et des traits disgracieux sont une obsession supplémentaire. Il faut à la fois être différent et reconnu de ses pairs. Et toutes ces obligations sont beaucoup plus pesantes que ne l'étaient les règles sociales d'autrefois, qui ne requéraient qu'obéissance et conformisme.

Aux contraintes de la société du narcissisme s'ajoutent les contraintes et frustrations de la société de consommation qui, pour écouler une production de masse, a besoin de consommateurs isolés. Tous pareils et tous différents. Créer des besoins massifs en profondeur et encourager la personnalisation superficielle ; faire croire à chacun qu'il est unique, tout en le réduisant à l'état de clone indifférencié. Pour cela, créer un climat hédoniste, encourageant la satisfaction immédiate des besoins et abolissant les interdits, ce qui suppose la disparition des valeurs transcendantales et de toute idée d'un sens de l'existence ; instaurer la liberté de choix, privilégier l'initiative individuelle, la nécessité pour chacun de s'affirmer, de se faire une place.

L'atmosphère euphorique est entretenue par les fêtes, célébrations, jeux, animations, émissions centrés sur le narcissisme. Tous ces éléments combinés créent un climat propice à une prise de conscience de la solitude individuelle.

Auteur: Minois Georges

Info: Histoire de la solitude et des solitaires, XXe siècle

[ vingtième siècle ] [ psycho-sociologie ] [ individualisme ] [ développement personnel ]

 
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Ajouté à la BD par miguel

femmes-hommes

La science de l'urinoir.
[...] Si vous avez lu le superbe tome 3 de cette série, vous savez tout du rapport des femmes avec les WC, tant est répandue la peur de poser ses fesses sur des toilettes inconnues. [...]
Qu'en est-il des hommes ?
L'homme n'a pas, pour ce qui est de la miction, le même problème que la femme : il n'y a pas de contact avec la lunette suspecte.
Vous me direz : 'Oui, mais l'homme touche son zboub !' C'est sale aussi. Eh bien là, il y a deux écoles :
1) Ceux qui disent que tout ce qui est au niveau du bassin est un nid à bactéries.
-> Il faut se laver les mains après être allé aux WC.
2) Et ceux qui disent : 'Le zizi, c'est de la peau, protégée par un slip. Le zboub n'est donc pas plus sale qu'une MAIN (et puis, on dit généralement que l'urine est stérile).'
En fait, niveau hygiène, c'est entre les deux écoles.
Mais ce n'est pas un souci de propreté qui bloque l'homme dans les WC publics.
C'est plus psychologique.
Stressés par la présence d'autres personnes, 90% des hommes se retrouvent atteints de 'parurésie', autrement appelée 'trouble de la vessie timide'.
[...]
Autant, chez les femmes, les WC sont un lieu de proximité, une véritable petite ruche...
autant, chez les hommes, ça ressemble plus à une réunion de gnous au bord d'un point d'eau rempli de crocodiles.
On a démontré que les hommes, dans les WC, instaurent une 'bonne conduite tacite' : on reste discret, on s'occupe de soi, on fait pas chier, on ne croise pas le regard de l'autre pour ne pas être pris pour un pervers... et provoquer l'agressivité des autres.
[et voilà pourquoi certains 'oublient' de se laver les mains en sortant, surtout s'ils sont beaux, célèbres, talentueux et hétéros...]

Auteur: Montaigne Marion

Info: Tu mourras moins bête, tome 4 : Professeur Moustache étale sa science, p. 113-118

[ water-closets ] [ cabinets ] [ chiottes ]

 

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totalitarisme

Il me semble de plus en plus vain de critiquer les mesures "liberticides" portant atteinte, au nom de la santé, à nos droits individuels, à la culture et à la liberté d’expression. Pourquoi ? me demanderez-vous peut-être. La réponse est évidente : nous sommes entrés dans une ère nouvelle que je qualifierais volontiers de biocratie, biocratie qui est par ailleurs largement plébiscitée par la population. La démocratie était à bout de souffle, flirtant tantôt avec un populisme inspirant la terreur, tantôt avec un socialisme devenu obsolète. La démocratie avait eu son heure de gloire, mais comme l’aristocratie avant elle, le déclin la guettait. Plus personne n’y croyait vraiment : le désarroi de ses dirigeants le disputait à leur peur panique d’être trainé devant des tribunaux, populaires ou médiatiques.

En revanche, la biocratie qui n’aspire qu’à préserver la vie – que ce soit celle de la planète ou celle des individus -était visiblement attendue, aussi bien par les écologistes que par des populations vieillissantes plus soucieuses d’une retraite confortable que d’utopies politiques dont elles avaient été gavées et qui ne suscitaient plus que des sourires attendris ou narquois. Le Covid 19 est arrivé à point nommé pour semer la frayeur dans le monde entier et instaurer cette biocratie qui imposa aussitôt ses nouvelles règles – hygiénistes bien sûr – et son administration reposant sur un ordre médical prêt à se déchirer pour des miettes de pouvoir et les profits qu’il en tirerait.

La biocratie qu’on peut définir comme la santé plus la surveillance de tous par chacun, est une forme de gouvernance presque impossible à combattre. Elle ressemble à une dictature, sans en être une. Son modèle pourrait être chinois. Au fait, qui a dit que quand la Chine s’éveillera, le monde tremblera. Oui, le monde tremble, mais de peur. Tout en étant soulagé que tant d’experts en santé publique veillent à sa protection et nous débarrassent incidemment de ce poids qu’on appelait autrefois la liberté. Il ne nous en reste plus que le goût, mais il est amer.

Auteur: Jaccard Roland

Info: https://leblogderolandjaccard.com/2020/12/22/lavenement-de-la-biocratie/

[ transhumanisme ] [ mutation sociétale ] [ dictature sanitaire ]

 
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géopolitique

En 1050 av. J.-C., les Zhou, originaires de l’ouest de la Chine (actuelle province du Shanxi), renversent la première dynastie chinoise des Shang. Tout en restant très proches, culturellement, de leurs prédécesseurs, les Zhou instaurent un système de contrôle de leur nouveau territoire différent de celui de la dynastie des Shang. Alors que l’État-domaine des Shang ne s’étendait guère au-delà de quelques centaines de kilomètres autour de leur dernière capitale Anyang, les Zhou mettent en place un système de fiefs qui leur permet d’asseoir leur pouvoir sur un territoire beaucoup plus vaste.  [...]

Les princes auxquels sont octroyés les premiers fiefs sont des membres proches de la famille royale. Plus tard, d’autres fiefs seront octroyés aux chefs des familles ayant combattu aux côtés des Zhou, mais qui ne porteront pas le même nom que la famille régnante. Une hiérarchie de cinq titres nobiliaires est instaurée. Le rang de chacun est lié au nombre de générations d’ancêtres Zhou auxquelles ils peuvent rendre un culte. Seul le roi (wang) a le privilège de célébrer le culte de l’ancêtre divin, fondateur de la dynastie. [...]

Le contrôle exercé par la dynastie des Zhou sur les fiefs octroyés se relâche progressivement. Ce relâchement se fait d’abord sentir dans les territoires les plus éloignés du domaine royal. Les liens familiaux entre le clan des Zhou et les seigneurs feudataires sont de plus en plus ténus. [...]

Sans cesse obligés de faire appel à l’aide des seigneurs feudataires pour résister aux agressions des peuples nomades, les Zhou se trouvent rapidement à la merci des plus puissants d’entre eux. [...]

Alors que les fiefs étaient accordés par le roi Zhou en récompense, ils deviennent, rapidement, possessions héréditaires des familles des seigneurs feudataires. Le chef de la dynastie des Zhou a cessé d’être la source unique et sacrée du pouvoir, chaque famille possède désormais sa propre légitimité. [...]

De nouvelles principautés, situées aux marches du vieux berceau de la civilisation chinoise et beaucoup plu vaste que les anciens fiefs, montent en puissance, à l’instar des principautés de Wu [...], de Chu [...], de Yue [...] ou de Qin [...]. [...]

L’enrichissement des principautés et la montée en puissance de certaines d’entre elles, joints à la chute de prestige de la dynastie des Zhou, favorisent la multiplication des conflits. La guerre, désormais, domine les affaires de l’État. Il ne s’agit plus uniquement de lutter contre les incursions barbares, mais d’attaquer et de se défendre contre les principautés voisines dans un processus continu d’absorption et d’expansion qui se poursuit jusqu’à l’unification de l’empire, en 221 av. J.-C. De 722 à 453 av. J.-C., le nombre de principautés passe de 150 à 12.

Auteur: Niquet Valérié

Info: Introduction à "L'art de la guerre" de Sun Zi, éditions de la Martinière, 2022, pages 12 à 14

[ historique ] [ orient ]

 
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confusion

Il est pensif, sans doute, mais cela n'a rien d'exceptionnel chez lui, car c'est un homme qui aime penser méthodiquement, lucidement, en distinguant finement les concepts qu'il manie avec une compétence de vrai professionnel. D'un certain point de vue, ce qui le laisse aujourd'hui pensif, c'est le fait d'être pensif, car sa réflexion vient d'aborder un thème qui lui semble globalement inadéquat, ou plutôt qui lui paraît invalidé par la réticence foncière dont il fait montre à l'égard des idées claires et précises ; un léger malaise commence en fait à l'atteindre, il serait préférable de l'apaiser. Le thème en question est l'amour. Il ne fait pas de doute qu'il éprouve un vif intérêt pour une jeune femme qui, au dire des experts, est amoureuse - leur avis se fonde sur des signes manifestes. Or lui est tout à fait certain que son intérêt aussi vif qu'indubitable relève d'une variante de l'amitié, de la participation, de la collaboration affective - c'est là un terme qu'il trouve très satisfaisant - mais qu'il est absolument étranger à l'amour. Il a cependant l'impression que la jeune femme, chez qui il ne nie pas un certain prestige tant physique que moral, a tendance à proposer une interprétation peu claire, inadéquate, insuffisamment et injustement réfléchie de leur relation. La chose l'embarrase, car il ne fait aucun doute par ailleurs qu'il considère sous un jour sincèrement favorable la présence de la jeune femme dans sa vie. Mais aussi, par respect pour sa propre probité mentale, il ne peut accepter que la jeune femme, d'un caractère sans doute un peu irréfléchi, ait le sentiment d'être plus ou moins au seuil d'une relation, ou encore qu'elle lui prête des pensées peu claires et puisse imaginer, par exemple, qu'il n'instaure pas une rigoureuse frontière lexicale entre "violente affection" et "amour". Il est on ne peut plus conscient de ne pas être amoureux, de n'avoir aucune disposition pour une relation privée, et de ne pouvoir envisager une telle chose dans un futur concevable. Sa position lui semble claire, honnête, explicite. Il ne comprend pas pourquoi la jeune femme a tant de peine à saisir des propos si lucides, pourquoi elle reste interloquée devant sa proposition de relation non relationnelle, sans amour mais affectueuse, chaude mais détachée, ce qui lui semble à lui une suggestion claire et utile. Il ne nie pas, d'un autre côté, que l'amour de la jeune femme le flatte énormément, et si la jeune femme abandonnait de tels sentiments, cela serait de sa part un signe d'inconstance ; et il lui serait difficile d'être l'ami de quelqu'un d'inconstant et de peu clair. A ce point de sa réflexion, le voilà de nouveau pensif. Il a l'impression d'être tombé dans un piège tendu par le "peu clair", l'anxiété qui commence à le ronger ne cessera que lorsqu'il en sera totalement, irrémédiablement sorti.

Auteur: Manganelli Giorgio

Info: "TRENTE HUIT" - In "Centurie", éd. Christian Bourgois, p. 71, trad. par J.B. Para - un des cent "mini romans-fleuves qui composent ce livre

[ logique ] [ catastrophe ] [ entêtement ] [ gamberge ] [ femmes-hommes ]

 
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