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USA

L'empire de Washington extrait ses ressources du peuple américain pour le bénéfice de quelques intérêts puissants qui dirigent l'Amérique. Le complexe militaro-sécuritaire, Wall Street, l'agro-industrie et le lobby israélien utilisent le gouvernement pour extraire des ressources des Américains dans le but de servir leurs profits et leur puissance. La constitution américaine a été extraite dans les intérêts de l'Etat sécuritaire, et les revenus des Américains ont été redirigés dans les poches des 1%.
Voilà comment fonctionne l'empire américain, au lieu de piller les ressources étrangères pour se financer, il cherche toujours à gonfler la prochaine bulle financière. Chacune de ces bulles en série a pour effet "d'extraire" la richesse des citoyens - en entraînant à la fois l'épargne et le crédit dans des classes d'actifs sur-gonflées et qui par la suite éclatent.
A mesure que la bulle enfle, les recettes fiscales entrent dans la poche du gouvernement fédéral. Lorsque la bulle éclate, les dollars des contribuables vont dans la poche des élites.

Auteur: Paul Craig Roberts

Info:

[ pouvoir ] [ oligarchie ] [ injustice ]

 

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pouvoir

Le gouvernement représentatif veut dire, essentiellement, la représentation des intérêts commerciaux. Le gouvernement travaille généralement dans l’intérêt des hommes d’affaires avec une unicité d’objectif assez constante. Et, dans sa sollicitude pour les intérêts des hommes d’affaires, il est soutenu par l’opinion publique, car il y a une certaine conviction naïve, inconditionnelle, répandue dans le peuple, selon laquelle les intérêts matériels de la population coïncident, d’une manière occulte, avec les intérêts pécuniaires des hommes d’affaires qui vivent à l’intérieur du champ d’action des mêmes règles gouvernementales.

Cette conviction est un article de métaphysique populaire, en ce qu’elle est fondée sur une solidarité d’intérêts présumée sans qu’aucune critique ne soit émise, plutôt que sur une lucidité à propos des relations entre l’entreprise commerciale et le bien-être matériel des classes qui ne sont pas composées essentiellement d’hommes d’affaires. Cette conviction est particulièrement bien ancrée dans la portion plus conservatrice de la population, ainsi que dans les classes professionnelles, contrairement aux portions vulgaires de la société qui sont empreintes de notions socialistes ou anarchistes.

Mais étant donné que l’élément conservateur comprend une masse substantielle de citoyens matériellement influents, et effectivement la majorité des honnêtes citoyens, il en découle que, avec l’assentiment de la majorité du peuple, même en y incluant ceux qui n’ont aucun intérêt pécuniaire à être d’accord, le gouvernement constitutionnel est devenu, globalement, un simple département de l’organisation commerciale et est guidé par les conseils des hommes d’affaires.

Auteur: Thorstein Bunde Veblen

Info: The Theory of Business Enterprise [1904]. Traduction française : Théorie de l’entreprise d’affaires, Pierre-Guillaume de Roux Editions, Trad. de l’anglais (États-Unis) par Anthony Valois, Préface de François Bousquet, 2018, p. 200

[ masque ] [ propagande ]

 

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taxinomie

Selon Leibniz, la philosophie se rattache aussi bien à la sagesse (par sa finalité pratique : le bonheur) qu’à la science (par la nécessité de disposer de connaissances sûres), sans pour autant se confondre avec l’érudition (qui en est plutôt la préparation). La métaphore retenue pour penser son organisation interne et les rapports entre ses parties n’est pas celle, lullienne et cartésienne, de l’arbre, mais plutôt celle de l’océan. Cette dernière illustre l’unité et la continuité du savoir, où les divisions sont arbitraires, et suggère une vision non strictement hiérarchique des disciplines. L’océan ouvre plusieurs voies d’exploration possibles, offre au voyageur philosophe des "itinéraires" multiples, selon ses intérêts et les buts qu’il poursuit. Le choix de la métaphore marine invite donc à considérer qu’il n’y a pas une manière unique de pratiquer la philosophie. La vérité peut se présenter différemment, occuper des places différentes selon l’ordre adopté (synthétique, analytique, terminologique) et servir diverses fins : car elle n’est jamais (seulement) cherchée par curiosité. Elle ne vaut pas pour elle-même mais pour le bonheur qu’elle promet, ou pour les autres vérités qu’elle permet de découvrir, et dont on peut espérer, finalement, tirer un certain bien.

L’image de l’océan ne suffit pourtant pas à décrire la nature particulière du savoir : il faut lui adjoindre celle du réseau. Les vérités dérivent les unes des autres, forment des chaînes, mais défient les tentatives de classement par les connexions multiples qu’elles établissent au-delà des frontières traditionnelles entre les disciplines. Cette structure réticulaire permet d’augmenter considérablement les usages et les applications possibles d’une vérité et, dans la cartographie du savoir, rend impossible toute assignation à un lieu unique, dans une science déterminée. La vérité est par définition "transdisciplinaire". Chacune est un nœud dans ce réseau universel, nœud par lequel on y pénètre et l’on y peut circuler de différentes manières.

Auteur: Rateau Paul

Info: https://www.cairn.info/ La philosophie et l’idée d’encyclopédie universelle des connaissances selon Leibniz. In Archives de Philosophie 2018/1 (Tome 81), pages 115 à 141. Début de la conclusion

[ taxonomie multidimensionnelle ] [ triades intriquées ] [ citation s'appliquant à ce logiciel ] [ phénétique-cladistique ]

 
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Ajouté à la BD par miguel

pré-romantisme

La structure sociologique du "Sturm und Drang" était encore plus complexe que celle des formes de préromantisme d'Europe  occidentale, non seulement parce que la classe moyenne et l'intelligentsia allemandes ne s'étaient jamais identifiées assez étroitement aux Lumières pour garder les yeux fixés sur les objectifs du mouvement et ne pas s'en écarter, mais aussi parce que leur lutte contre le rationalisme du régime absolutiste était en même temps une lutte contre les tendances progressistes de l'époque. Ces classes n'ont jamais pris conscience du fait que le rationalisme des princes représentait un danger moins grave pour l'avenir que l'anti-rationalisme de leurs propres concurrents. D'ennemis du despotisme, elles sont donc devenues les instruments de la réaction et n'ont fait que promouvoir les intérêts des classes privilégiées en s'attaquant à la centralisation bureaucratique. Certes, leur lutte n'était pas dirigée contre les tendances au nivellement social du système, avec lesquelles les intérêts de l'aristocratie et de la haute bourgeoisie étaient en conflit, mais contre son influence généralisatrice et la violation de toute la diversité et de la distinction intellectuelles.  Elles défendaient les droits de la vie, de l'être individuel, de la croissance naturelle et du développement organique, contre le formalisme rigide de l'administration rationalisée, ce qui signifiait non seulement la négation de l'État bureaucratique avec sa généralisation mécanique et son enrégimentement, mais aussi la répudiation du réformisme planificateur et régulateur des Lumières. Et bien que l'idée de la vie spontanée et irrationnelle soit encore de nature indéfinie et fluctuante et certainement hostile aux Lumières, mais pas encore nettement conservatrice dans son objectif, elle contenait déjà l'essence de toute la philosophie du conservatisme. Il n'était pas nécessaire d'attribuer à ce principe de "vie" une surrationalité mystique, par rapport à laquelle le rationalisme de la pensée éclairée semblait contre nature, inflexible et doctrinaire, et de représenter la naissance des institutions politiques et sociales à partir de la "vie" historique comme une croissance "naturelle", c'est-à-dire surhumaine et surrationnelle, afin de protéger ces institutions contre toutes les attaques arbitraires et d'assurer la pérennité du système dominant.

Auteur: Hauser Arnold

Info: Histoire sociale de l'art, volume 3 : Rococo, classicisme et romantisme.

 

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Ajouté à la BD par Le sous-projectionniste

gangsters néolibéraux

Les démocraties occidentales, loin de combattre la mafia, la laissent au contraire croître, car les flux d’argent que le crime organisé reverse dans les secteurs clefs de l’économie libérale (banques, pétrole, armement, immobilier) permettent à cette économie de survivre à ses crises. L’accumulation du capital mafieux trouve ainsi sa justification dans les systèmes complexes que ces démocraties ont mis en place, de confiscation du pouvoir populaire par l’intermédiaire du droit législatif et procédural. Ce droit législatif n'est que poudre aux yeux, destinée à camoufler le vrai horizon de la logique néo-libérale, qui est la seule accumulation de Capital. Une accumulation qui a changé de nature ces dernières années. De vitesse plutôt, car dès la fin des Trente Glorieuses, le Capital sonnait déjà le glas des sociétés civiles. L’accumulation avait été telle, qu’il ne trouvait plus de lieux où s’investir : la société n’était pas assez riche, investir dans la santé, l’industrie ou les services ne pouvait suffire à résorber l’immense richesse dégagée.

Alors l’argent des riches trouva d’autres lieux où garantir sa croissance démesurée. Avec, en France par exemple, la complicité des socialistes dans les années 80, qui furent les premiers à "libérer" les marchés financiers pour permettre aux banques d’inventer les formes arithmétiques de gains colossaux. Les groupes de pression s’organisèrent, lobbies multiples, intellectuels, politiques, économiques, qui ne visaient qu’à aider le Capital à concentrer ses intérêts sur le court terme, au mépris du développement du Bien Commun.

Des flux de richesses colossales furent ainsi détournés de la société réelle vers le secteur financier, provoquant l’appauvrissement généralisé des économies - et de la citoyenneté, ne l’oublions jamais. Des milliers de milliards de dollars envolés, désertèrent brusquement le commerce et l’industrie, financiarisation de l’économie qui s'engagea vers la pure spéculation financière, par exemple via le vol des richesses naturelles du monde (aujourd’hui, le grand jeu est celui du rachat des terres cultivables à des fins de spéculation). Plutôt que la mondialisation, cet immense élan de destruction massive des économies mondiales conduisit d’abord à la désindustrialisation du monde occidental. Une désindustrialisation qui achevait en outre le grand rêve revanchard des capitalistes : écraser enfin, liquider les classes laborieuses, coupables désormais de s’accrocher aux piètres protections sociales qu’elles avaient gagnées…

Les villes elles-mêmes durent se plier à leurs nouvelles exigences de gentrification. Les quartiers de la classe ouvrière furent transformés en ghettos, tandis qu’une élite sans foi ni loi développait ses produits financiers, dérivés de dérivés de dérivés de la vraie richesse. L’industrie financière était née, où l’argent se reproduisait comme par miracle. Des générations d'économistes et de politiciens nous ont enseigné depuis plus de trente ans que ce modèle, seul, devait nous sauver. Un modèle mathématique élégant, qui n’a cessé depuis de ruiner nos vies. Mais un modèle dont les conséquences politiques ont été considérables et qui s’est traduit par une démocratie entièrement vidée de son sens. 

Auteur: Lecinsky Thelonious K.

Info: Democracy and Conspiracy, Samanthowatan University Press, 2010

[ argent nomade ] [ pouvoir occulte ]

 
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Ajouté à la BD par miguel

pouvoir

Lorsque tout effort politique vers la paix, de la part de gouvernements qui reflètent les aspirations les plus profondes de leurs peuples, s'avère vain, il est normal de chercher quelles raisons puissantes le font régulièrement échouer. On peut trouver une explication suffisante dans l'existence de ces individus et de ces groupes influents dont les convictions politiques, les intérêts professionnels ou les instincts commerciaux font des adversaires résolus de tout désarmement. Les militaristes sont parmi nous. Peu nombreux sont ceux qui jouent un rôle prépondérant sur la scène politique, pour la bonne raison qu'une attitude en faveur de la guerre rend impopulaire. Ce sont, comme Lord Robert Cecil disait dans une lettre au président Wilson en 1916 des hommes "capables et honorables", mais qui sont "passés maîtres dans l'art de l'obstruction". Et ils sont extrêmement puissants, comme le prouve l'histoire des échecs répétés des tentatives qui se fixaient pour but le désarmement et la fin des guerres.
Depuis cent ans du moins, les militaristes se recrutent toujours dans les mêmes milieux. Il y a d'abord les états-majors militaires qui sont profondément imbus de la croyance que les guerres sont inévitables, et que "la nature humaine ne change pas". Un autre groupe comprend les fabricants et les vendeurs de matériel de guerre qui, encouragés par leurs gouvernements nationaux à accepter un "devoir patriotique", trouvent un solide intérêt dans la préparation de la guerre et le développement de l'exportation des armes. Enfin il y a toujours eu les sociétés patriotiques dédiées à la propagation des idéaux nationalistes et à la glorification de la force militaire. De plus, l'influence des journaux techniques et commerciaux, avec leurs éditoriaux en faveur de l'utilisation militaire des ressources industrielles, ne doit pas être sous-estimée. Les activités de ces différents groupes se combinent pour créer le "complexe militaro-industriel" contre lequel le président Eisenhower mettait en garde ses concitoyens.
Il y a encore une classe de militaristes, la plus sinistre de toutes : les services secrets et les agences de renseignement qui opèrent en dehors du contrôle normal du gouvernement. Isolés dans leur clandestinité, ils sont laissés libres de poursuivre par des moyens souterrains ce qu'ils considèrent comme l'intérêt de leur pays. La mentalité nécessaire pour faire ce genre de travail en temps de paix veut que ces agences attirent au moins une certaine proportion d'hommes pour qui tous les étrangers sont des ennemis, et toute pensée libérale frappée d'anathème. La plus grande partie du travail des agents secrets reste toujours secret, mais ce qui en apparaît à la surface est de toute évidence hostile à la cause du désarmement et de la paix. Si l'on pense immédiatement à la CIA dans ce contexte, c'est seulement parce que des Américains consciencieux ont révélé à l'opinion publique quelques-unes de ses activités au cours des dernières années. Mais les autres nations, y compris la mienne, ont leurs services secrets, comme elles ont leurs "complexes militaro-industriels".

Auteur: Baker Philip Noël

Info: extrait d'un article de 1968 publié dans un ouvrage collectif Unless Peace Comes comprenant des textes réunis par Nigel Calder, en français sous le titre Les Armements Modernes

[ occulte ] [ armée ]

 

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pouvoir

Cela porte un nom: ploutocratie
L'interventionnisme sert à enrichir les riches et appauvrir les pauvres; le non-interventionnisme sert à enrichir les riches et appauvrir les pauvres.
Face à l'interventionnisme sans précédent des Etats pour sauver un secteur financier en échec depuis 2008, d'aucuns ont cédé à la tentation facile d'une critique libérale qui a identifié son unique coupable: l'Etat. Ainsi, l'étatisme serait le responsable de tous les maux actuels. Mais ces penseurs, hors de la réalité, ne voient que la partie du problème qui les arrange. Car la critique libérale de l'interventionnisme échoue totalement à expliquer le non-interventionnisme obstiné par lequel, l'autre moitié du temps, ce même Etat faillit entièrement dans la régulation et l'imposition de sanctions un tant soit peu opérantes contre les abus du système financier.
J'ai écrit ici en août dernier que le capitalisme de marché n'a jamais existé, car il n'existe qu'à temps partiel: uniquement quand ses promoteurs, l'élite de la finance, en retirent d'énormes profits. Et qu'il cesse d'exister quand ces derniers en retirent des pertes. Le capitalisme libéral s'avère donc aussi utopique que le communisme sous l'URSS.
Un "libre marché" subventionné
Aux Etats-Unis, lorsque la période est à l'euphorie boursière, le système se fait ultra-libéral et dérégulateur pour permettre aux acteurs des marchés de maximiser leurs gains, libres de toute contrainte réglementaire. L'Etat et les autorités de surveillance démissionnent, les standards de l'éthique s'effondrent, comme ce fut le cas aux Etats-Unis avant 2000 (crise des valeurs technologiques), avant 2002 (scandales comptables) et avant 2008 (crise des subprimes). Aux Etats-Unis, quelque 250 lois et réglementations fédérales et étatiques favorisant la protection de l'épargne ont ainsi été démantelées depuis les années 1980 à la demande des banques, ouvrant l'ère du crédit prédateur qui a mené à la crise des subprimes.
Mais lorsque la période est au krach boursier, la finance sollicite l'interventionnisme maximal de l'Etat et des banques centrales, sommés de subventionner les chantres du non-interventionnisme. Le système se fait étatiste au plus haut degré pour protéger les acteurs du "libre marché" de toute perte ou sanction, alors qu'ils ont échoué. Ainsi, quand l'Etat intervient, c'est pour enrichir les riches, et quand il s'abstient d'intervenir, c'est aussi pour enrichir les riches. Le système s'autorise à être ultra libéral à la hausse et hyper interventionniste à la baisse, opérant dans les deux cas une redistribution dans un seul sens: de la base vers le haut. Il ne s'agit donc pas d'être pour ou contre l'interventionnisme étatique, mais contre le mélange prédateur des deux, savamment organisé pour n'agir que dans l'intérêt du secteur financier. Un interventionnisme qui agirait pour sauver à la fois les banques et les plus démunis de la société serait plus défendable que le présent système. Un non-interventionnisme qui laisserait les banques faillir, et priverait aussi de protection les moins favorisés, serait plus défendable que le présent système.
Mais le système actuel, où l'élite gagne à tous les coups, porte un nom. Et ce n'est pas l'étatisme. C'est la ploutocratie (gouvernement par la classe des riches). Les Etats-Unis, modèle dominant de notre ère, ne sont pas une démocratie, mais une ploutocratie. Nous vivons en ploutocratie. Francis Fukuyama, auteur de La fin de l'histoire, a récemment écrit plusieurs essais sur la ploutocratie américaine. D'après le magazine The American Interest, les Etats-Unis, qui étaient une ploutocratie industrielle en 1890-1920, sont devenus une ploutocratie financière dès les années 1990. L'élite de la finance, lobby désormais plus puissant que celui de la défense, sponsorise aujourd'hui l'Etat afin qu'il serve ses intérêts. C'est ainsi qu'aucun dirigeant financier n'a eu à répondre des abus sans précédent de la spéculation sur les subprimes, alors que 50 millions d'Américains sont à la soupe populaire. Les amendes payées par Wall Street représentent moins de 5% des profits engrangés durant la bulle. Et des scandales outranciers comme les manipulations du taux LIBOR resteront probablement impunis. A chaque euphorie, le non-interventionnisme de l'Etat aboutit à sur enrichir les élites financières (25 gérants de hedge funds ont gagné, sur la seule année 2006, autant que le PIB de l'Islande), et à chaque crise l'interventionnisme appauvrit les pauvres: entre 1970 et 2008, le revenu de 0,1% des plus riches a progressé de 385%, tandis que le revenu de 90% de la population n'a pas bougé. L'impunité fait partie de la ploutocratie, tout comme le non-interventionnisme, dans la mesure où c'est un non-interventionnisme acheté.

Auteur: Zaki Myret

Info: 28 octobre 2012

[ fric ] [ injustice ] [ avidité ] [ société ] [ USA ]

 

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fausse viande

La Décroissance : Pour vous, l'abolition de l'élevage fait le jeu du capital : il y a une collusion d'intérêts entre ceux qui la prônent et la science, l'industrie, les start-up des biotechnologies, les investisseurs qui se saisissent du marché en plein essor des substituts alimentaires...

Jocelyne Porcher: [...] Ce qui se développe aujourd'hui, le véganisme, la revendication d'en finir avec l'élevage, cela sert des intérêts économiques. L'agriculture cellulaire qui arrive, en collusion avec les défenseurs des animaux au nom d'une agriculture sans élevage, s'inscrit dans la continuité du processus d'industrialisation de la production alimentaire. On passe de la production de matière animale à partir d'animaux à la production de matière animale sans les animaux, avec les mêmes acteurs : c'est-à-dire la science, l'industrie, la banque. [...] Avec l'agriculture cellulaire, on change le niveau d'extraction : au lieu d'extraire la matière animale à partir de la vache, du cochon, etc., l'extraction se fait à un niveau plus resserré, au niveau de la cellule. On est bien dans la même logique de pensée, complètement inscrite dans le système capitaliste. Ce qui explique à la fois le soutien financier accordé aux associations véganes, type L214, qui reçoit directement de l'argent d'une fondation américaine et qui a une surface médiatique sans commune mesure avec ce qu'elle fait réellement, c'est-à-dire de la communication au service d'une agriculture sans élevage. [...]

LD : En quoi consiste la viande "propre" que les start-up veulent produire ?

JP : Mark Prost, un des premiers biologistes a avoir travaillé là-dessus, celui qui a présenté le premier hamburger in vitro en 2013, disait : "La viande in vitro est 100% naturelle, la seule différence c'est qu'elle est produire en dehors de la vache..." C'est ça l'idée: ils considèrent que la vache, ce n'est que de la ressource de matière animale. [...] L'idée de certaines start-up, c'est de faire l'équivalent du produit industriel en se passant d'animaux : selon eux, la multiplication de cellules de poulet va donner la même chose que le poulet qu'on achète actuellement dans les supermarchés, au moins visuellement...

LD: On a l'impression qu'ils n'en sont qu'au stade expérimental. Ce marché est-il appelé à grandir ?

JP: [...] Il y a des milliards investis là-dedans, des dizaines de start-up qui se développent, le potentiel du marché est énorme, non seulement en ce qui concerne la viande in vitro, mais aussi l'ensemble des substituts: le faux lait, les faux oeufs, le faux cuir... le faux tout. D'un point de vue technique, ce qu'on réussit à faire dans un incubateur, on peut réussir à le faire dans cent incubateurs. [...] Après il y a le volet sanitaire : ce sera peut-être un peu plus compliqué de garantir l'innocuité de ces produits. Mais aux Etats-Unis, cette viande in vitro est déjà autorisée à la vente, comme si c'était un produit ordinaire. La deuxième limite, c'est le consentement des gens à manger ces produits. C'est pourquoi, en plus de l'aspect production, les start-up des biotechnologies font un travail de fond pour préparer les consommateurs, construire la demande. De ce point de vue, des associations comme Peta aux Etats-Unis, L214 en France et Gaïa en Belgique, préparent vraiment le terrain pour que le marché des substituts se développe.

LD: Pour vendre ces substituts, l'industrie des biotechnologies affirme qu'elle oeuvre pour un monde meilleur. Vous, au contraire, vous montrez qu'elle signe le triomphe de la société industrielle et technicienne.

JP : Non seulement c'est l'industrialisation complète du vivant, mais c'est aussi la réduction de la vie au vivant. [...] On produit un amas de cellules qui se multiplient, c'est du vivant biologique, mais il n'y a pas de vie. C'est effectivement le triomphe de la technique, en tant qu'elle est complètement mortifère. Je le dis en citant Michel Henry, qui l'explique dans son livre La Barbarie : le triomphe de la technique sur la vie, c'est une destruction de la vie même, des affects, de la culture, du lien, de tout ce qui fait que la vie, c'est autre chose que du vivant.

LD: Le mouvement de la "libération animale" a l'air plus implanté dans les métropoles que dans les campagnes. Est-ce que vous pensez que ce type de préoccupation relève d'une civilisation très urbanisée comme l'est la nôtre, hors-sol, où on n'a plus de contact avec la terre, l'élevage et la production alimentaire en général ?

JP : Quand on est dans un milieu rural où il y a encore des vaches dans les champs, où les gens peuvent encore croiser des agriculteurs, des éleveurs, avoir un rapport à la vie et à la mort, les revendications d'en finir avec l'élevage passent beaucoup moins facilement que dans un milieu urbain, où les gens sont complètement déconnectés de la production, de ce que c'est qu'un champ, une prairie, de ce qui fait la relation de travail entre les humains et les animaux, et plus largement entre les agriculteurs et la nature. [...] Toute la propagande abolitionniste leur dit qu'élevage et production animale, c'est pareil. Ils sont dans la compassion, l'émotion. Des visions d'animaux maltraités leur arrivent sur leurs smartphones, et ils ont des réactions binaires : "la viande c'est mal, c'est affreux, je n'en mange plus." [...]

LD: Marx ironisait au XIXe sur les bourgeois qui se préoccupaient de protection animale mais qui ne se souciaient pas de la dégradation des conditions de vie dans les cités industrielles. Dans votre livre, vous notez aussi qu'une certaine protection animale, contemporaine de l'industrialisation et de l'urbanisation, parle de "bien-être animal" en dépolitisant la question.

JP : C'est aussi ce qu'a souligné l'historien Maurice Agulhon à la suite de Marx : le fait qu'au XIXe siècle, la protection animale vise d'abord à pacifier les classes populaires, avec l'hypothèse que la violence commise envers les animaux est de leur fait, et qu'au-delà couve le risque d'une violence contre l'ordre social, contre la bourgeoisie. Toute cette bourgeoisie, qui tient les transformations sociales, veut pacifier les mœurs après les révolutions de 1830 et 1848. Et l'un de ses moyens, c'est de pacifier les rapports envers les animaux, avec l'idée qu'il y a une violence atavique des classes populaires contre les animaux, que les gens ordinaires sont des brutes épaisses qu'il faudrait maîtriser, former, éduquer, civiliser. La loi Grammont, votée en 1850, [...] condamne le cocher qui malmène son cheval, mais pas le bourgeois propriétaire de la mine où descendent des chevaux et des enfants. On condamne la violence des personnes, des paysans, des ouvriers, mais on ne remet pas en cause les énormes bouleversements qu'engendre l'industrialisation [...] : la violence inouïe contre les enfants, les femmes et les hommes, mais aussi contre les animaux qui sont tous prolétarisés. Aujourd'hui, les défenseurs du "bien-être animal" sont toujours dans cette vision individuelle et dépolitisée : il suffit de voir une association comme PETA appeler à éduquer les gens, les rendre moraux, en leur donnant de la viande in vitro s'ils tiennent absolument à en manger, alors qu'elle occulte complètement les rapports sociaux et l'organisation du travail pensée par la bourgeoisie. Pourtant, la question, c'est bien la place des animaux dans les rapports sociaux, la violence faite aussi bien aux humains qu'aux animaux. Dans les porcheries industrielles par exemple, les gens subissent les mêmes conditions de vie au travail que les bêtes : on est enfermé du matin au soir, dans la poussière, le bruit, les odeurs infectes, c'est le même univers concentrationnaire pour les uns et pour les autres.

Auteur: Porcher Jocelyne

Info: Dans "La décroissance" N°165, décembre 2019, pages 26-27

[ enjeux économiques ] [ lobbies ] [ nourriture ]

 
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Ajouté à la BD par Coli Masson

capitalisme

Les élites ne nous sauveront pas
L’attaque, qui dure depuis quatre décennies contre nos institutions démocratiques par les grandes entreprises, les a laissé faibles et largement dysfonctionnelles. Ces institutions, qui ont renoncé à leur efficacité et à leur crédibilité pour servir les intérêts des entreprises, auraient dû être notre pare-feu. Au lieu de quoi, elles chancellent sous l’assaut.
Les syndicats sont une force du passé. La presse est transformée en industrie et suscite la méfiance. Les universités ont été purgées des chercheurs dissidents et indépendants qui critiquent le néolibéralisme et dénoncent la décomposition des institutions démocratiques et des partis politiques. La radio-télévision publique et les arts ne sont plus financés et sont laissés moribonds. Les tribunaux ont été noyautés par des juges dont la carrière juridique s’est passé à servir le pouvoir des grandes sociétés, une tendance dans les nominations qui s’est poursuivie sous Barack Obama. L’argent a remplacé le vote, ce qui explique comment quelqu’un d’aussi non qualifié comme Betsy DeVos peut s’acheter un siège dans un ministère. Le parti démocrate, plutôt que de rompre ses liens avec Wall Street et les grandes entreprises, attend naïvement en coulisse de profiter d’une débâcle de Trump.
"Le plus grand atout de Trump est un parti démocrate décadent, désemparé, narcissique, inféodé aux entreprises et belliciste, m’a dit Ralph Nader lorsque je l’ai joint au téléphone à Washington. Si la stratégie démocrate est d’attendre Godot, attendre que Trump implose, nous sommes en difficulté. Et tout ce que vous dites des démocrates, vous pouvez aussi le dire de l’AFL-CIO [le principal regroupement syndical américain, NdT]. Ils ne contrôlent pas le train."
La perte de crédibilité dans les institutions démocratiques a jeté le pays dans une crise tant existentielle qu’économique. Des dizaines de millions de gens ne font plus confiance aux tribunaux, aux universités et à la presse, qu’ils voient avec raison comme les organes des élites des grandes sociétés. Ces institutions sont traditionnellement les mécanismes par lesquels une société est capable de démasquer les mensonges des puissants, de critiquer les idéologies dominantes et de promouvoir la justice. Parce que les Américains ont été amèrement trahis par leurs institutions, le régime de Trump peut attaquer la presse comme le "parti d’opposition", menacer de couper le financement des universités, se moquer d’un juge fédéral comme d’un "soi-disant juge" et dénoncer une ordonnance d’un tribunal comme "scandaleuse".
La dégradation des institutions démocratiques est la condition préalable à la montée de régimes autoritaires ou fascistes. Cette dégradation a donné de la crédibilité à un menteur pathologique. L’administration Trump, selon un sondage de l’Emerson College, est considérée comme fiable par 49% des électeurs inscrits tandis que les médias ne sont tenus pour fiables que par 39% des électeurs inscrits. Une fois que les institutions démocratiques américaines ne fonctionnent plus, la réalité devient n’importe quelle absurdité que publie la Maison Blanche.
La plupart des règles de la démocratie ne sont pas écrites. Ces règles déterminent le comportement public et garantissent le respect des normes, des procédures et des institutions démocratiques. Le président Trump, à la grande joie de ses partisans, a rejeté cette étiquette politique et culturelle.
Hannah Arendt, dans Les origines du totalitarisme, notait que lorsque les institutions démocratiques s’effondrent, il est "plus facile d’accepter des propositions manifestement absurdes que les anciennes vérités qui sont devenues de pieuses banalités". Le bavardage des élites dirigeantes libérales ["progressistes", NdT] sur notre démocratie est lui-même une absurdité. "La vulgarité, avec son rejet cynique des normes respectées et des théories admises", écrit-elle, infecte le discours politique. Cette vulgarité est "confondue avec le courage et un nouveau style de vie".
"Il détruit un code de comportement après l’autre, dit Nader de Trump. Il est rendu si loin dans cette façon de faire sans en payer le prix. Il brise les normes de comportement – ce qu’il dit des femmes, la commercialisation de la Maison Blanche, "je suis la loi"."
Nader m’a dit qu’il ne pensait pas que le parti républicain se retournera contre Trump ou envisagera la destitution, à moins que sa présidence ne semble menacer ses chances de conserver le pouvoir aux élections de 2018. Nader voir le parti démocrate comme "trop décadent et incompétent" pour contester sérieusement Trump. L’espoir, dit-il, vient des nombreuses protestations qui ont été organisées dans les rues, devant les mairies par les membres du Congrès et sur des points chauds comme Standing Rock. Il peut aussi venir des 2.5 millions de fonctionnaires du gouvernement fédéral si un nombre significatif d’entre eux refuse de coopérer avec l’autoritarisme de Trump.
"Le nouveau président est tout à fait conscient du pouvoir détenu par les fonctionnaires civils, qui prêtent serment d’allégeance à la constitution des États-Unis, et non à un président ou à une administration", écrit Maria J. Stephan, co-auteure de Why Civil Resistance Works dans le Washington Post. "L’un des premiers actes de Trump en tant que président a été un gel général du recrutement fédéral qui touche tous les nouveaux postes et les postes existants exceptés ceux liés à l’armée, à la sécurité nationale et à la sécurité publique. Même avant l’investiture de Trump, la Chambre des représentants dominée par les Républicains a réinstauré une obscure règle de 1876 qui autoriserait le Congrès à réduire les salaires des employés fédéraux individuels. C’était un avertissement clair à ceux qui sont au service du gouvernement de garder le profil bas. Le licenciement très médiatisé par Trump du procureur général par intérim Sally Yates, qui a refusé de suivre l’interdiction d’immigration du président, a envoyé des ondes de choc dans la bureaucratie."
Un soulèvement populaire, soutenu à l’échelle nationale, d’obstruction et de non-coopération non violente est la seule arme qui reste pour sauver la république. Les élites répondront une fois qu’elles auront peur. Si nous ne leur faisons pas peur, nous échouerons.
"La résilience des institutions démocratiques a été encourageante – les tribunaux, les manifestations, dit Nader. Trump se retourne contre lui-même. Il outrage les gens dans tout le pays sur la base de la race, du genre, de la classe, de la géographie, de ses mensonges, ses fausses déclarations, son narcissisme, son manque de connaissances, sa désinvolture et son désir morbide de répondre aux insultes avec des tweets. Il n’est pas un autocrate intelligent. Il s’affaiblit chaque jour. Il permet à l’opposition d’avoir plus d’effet que d’ordinaire."
"La plupart des chefs d’État dictatoriaux s’occupent d’idéologies abstraites – la patrie et ainsi de suite, poursuit Nader. Il n’en fait pas beaucoup sur ce plan. Il attaque personnellement, vise bas sur l’échelle de la sensualité. Vous êtes un faux. Vous êtes un perdant. Vous êtes un escroc. Cela pique davantage les gens, en particulier lorsqu’il le fait en se basant sur le genre, la race et la religion. Donald Trump est ce qu’il y a de mieux pour le réveil démocratique."
Nader dit que Trump sera pourtant capable de consolider son pouvoir si nous subissons un nouvel attentat terroriste catastrophique ou s’il y a une débâcle financière. Les régimes dictatoriaux ont besoin d’une crise, qu’elle soit réelle ou fabriquée, pour justifier la suspension totale des libertés civiles et exercer un contrôle incontesté.
"S’il y a un attentat terroriste apatride sur les États-Unis, il est capable de concentrer une quantité de pouvoir dans la Maison Blanche contre les tribunaux et contre le Congrès, avertit Nader. Il fera des boucs émissaires de ceux qui s’opposent à lui. […] Cela affaiblira toute résistance et toute opposition."
La tension entre la Maison Blanche de Trump et des segments de l’establishment, y compris les tribunaux, la communauté du renseignement et le Département d’État, a été mal interprétée comme une preuve que les élites veulent éloigner Trump du pouvoir. Si les élites peuvent établir des relations avec le régime de Trump pour maximiser leurs profits et protéger leurs intérêts personnels et de classe, elles supporteront volontiers l’embarras d’avoir un démagogue dans le bureau ovale.
L’État des grandes entreprises, ou l’État profond, n’a pas non plus d’engagement à l’égard de la démocratie. Ses forces ont évidé les institutions démocratiques pour les rendre impuissantes. La différence entre le pouvoir des entreprises et le régime de Trump est que le pouvoir des entreprises a cherché à maintenir la fiction de la démocratie, y compris la déférence polie accordée en public aux institutions démocratiques. Trump a effacé cette déférence. Il a plongé le discours politique dans les égouts. Trump ne détruit pas les institutions démocratiques. Elles avaient été détruites avant qu’il entre en fonction.
Même les régimes fascistes les plus virulents ont construit des alliances fragiles avec les élites conservatrices et d’affaires traditionnelles, qui considéraient souvent les fascistes comme maladroits et grossiers.
"Nous n’avons jamais connu un régime fasciste idéologiquement pur", écrit Robert O. Paxton dans The Anatomy of Fascism. "En effet, la chose semble à peine possible. Chaque génération de chercheurs sur le fascisme a noté que les régimes reposaient sur une sorte de pacte ou d’alliance entre le parti fasciste et des forces conservatrices puissantes. Au début des années 1940, le réfugié social-démocrate Franz Neumann a soutenu dans son classique Behemoth qu’un ‘cartel’ formé du parti, de l’industrie, de l’armée et de la bureaucratie régnait sur l’Allemagne nazie, tenu ensemble uniquement par ‘le profit, le pouvoir, le prestige et, surtout, la peur’."
Les régimes fascistes et autoritaires sont gouvernés par de multiples centres de pouvoir qui sont souvent en concurrence les uns avec les autres et ouvertement antagonistes. Ces régimes, comme l’écrit Paxton, reproduisent le "principe du chef" de manière à ce qu’il "descende en cascade le long de la pyramide sociale et politique, créant une foule de petits Führer et Duce en état de guerre hobbesienne de tous contre tous."
Les petits Führer et Duce sont toujours des bouffons. Des démagogues aussi plastronnant ont consterné les élites libérales dans les années 1930. Le romancier allemand Thomas Mann a écrit dans son journal deux mois après l’arrivée des nazis au pouvoir qu’il avait assisté à une révolution "sans idées qui la fondaient, contre les idées, contre tout ce qui est plus noble, meilleur, décent, contre la liberté, la vérité et la justice". Il déplorait que la "lie commune" ait pris le pouvoir "accompagnée de la grande joie d’une bonne partie des masses". Les élites d’affaires en Allemagne n’ont peut-être pas aimé cette "lie", mais elles étaient disposées à travailler avec elle. Et nos élites d’affaires feront la même chose aujourd’hui.
Trump, un produit de la classe des milliardaires, conciliera ces intérêts privés, parallèlement à la machine de guerre, pour construire une alliance mutuellement acceptable. Les laquais au Congrès et dans les tribunaux, les marionnettes des grandes entreprises, seront, je m’y attends, pour la plupart dociles. Et si Trump est destitué, les forces réactionnaires qui cimentent l’autoritarisme en place trouveront un champion dans le vice-président Mike Pence, qui place fiévreusement des membres de la droite chrétienne dans tout le gouvernement fédéral.
"Pence est le président parfait pour les chefs républicains qui contrôlent le Congrès, dit Nader. Il est juste hors du casting principal. Il regarde la partie. Il parle de la partie. Il joue son rôle. Il a connu la partie. Ça ne les dérangerait pas si Trump quittait sa fonction subitement ou s’il devait démissionner. […]"
Nous sommes aux stades crépusculaires du coup d’État permanent des grandes entreprises entamé il y a quarante ans. Il ne nous reste pas grand-chose pour travailler. Nous ne pouvons pas faire confiance à nos élites. Nous devons nous mobiliser pour mener des actions de masse répétées et soutenues. Attendre que l’establishment décapite Trump et restaure la démocratie serait un suicide collectif.

Auteur: Hedges Chris

Info: 12 février 2017, Source Truthdig

[ Usa ] [ vingt-et-unième siècle ]

 

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nord-sud

L’Âge de la colère Parfois, après une longue attente, apparaît un livre qui écorche l’esprit du temps, brillant comme un diamant fou. Age of Anger, de Pankaj Mishra, auteur aussi du livre fondateur From the Ruins of Empire, pourrait bien en être le dernier avatar.

Pensez à ce livre comme à une ultime arme – conceptuelle – mortelle, fichée dans les cœurs et les esprits d’une population dévastée d’adolescents cosmopolites déracinés 1 qui s’efforcent de trouver leur véritable vocation, au fur et à mesure que nous traversons péniblement la plus longue période – le Pentagone dirait infinie – de guerres mondiales ; une guerre civile mondiale – que dans mon livre 2007 Globalistan j’ai appelée " Liquid War " : Guerre nomade.

L’auteur, Mishra, est un pur produit, subtil, de East-meets-West 2. Il soutient, pour l’essentiel, qu’il est impossible de comprendre le présent si nous ne reconnaissons pas la prégnance souterraine de la nostalgie du mal du pays, qui contredit l’idéal du libéralisme cosmopolite, incarné dans une " société commerciale universelle d’individus rationnels, conscients de leurs intérêts personnels ", conceptualisée par les Lumières via Montesquieu, Adam Smith, Voltaire et Kant.

Le vainqueur de l’histoire est finalement le récit aseptisé des Lumières bienveillantes. La tradition du rationalisme, de l’humanisme, de l’universalisme et de la démocratie libérale était censée avoir toujours été la norme. Il était " manifestement trop déconcertant ", écrit Mishra, " de reconnaître que la politique totalitaire cristallisait des courants idéologiques – racisme scientifique, rationalisme chauvin, impérialisme, technicisme, politique esthétisée, utopie, ingénierie sociale " qui bouleversaient déjà l’Europe à la fin du XIXe siècle. Ainsi, évoquant " le regard furtif en arrière, au-dessus de l’épaule, vers la terreur primitive ", de T.S. Eliot –, qui a finalement conduit l’Ouest à se dresser contre Le Reste du Monde –, nous devons regarder les précurseurs. Fracasser le Palais de Cristal

Entre en scène Eugène Onéguine de Pouchkine, " le premier d’une grande lignée d’hommes inutiles dans la fiction russe ", avec son chapeau de Bolivar, tenant une statue de Napoléon et un portrait de Byron, allégorie de la Russie essayant de rattraper l’Occident, " une jeunesse spirituellement déchaînée avec une conception quasi-byronienne de la liberté, encore pleine du romantisme allemand ". Les meilleurs critiques des Lumières devaient être Allemands et Russes, derniers venus à la modernité politico-économique. Deux ans avant de publier ses étonnants Carnets du sous-sol, Dostoïevski, dans sa tournée en Europe occidentale, voyait déjà une société dominée par la guerre de tous contre tous, où la plupart étaient condamnés à être perdants.

À Londres, en 1862, à l’Exposition internationale au Palais de Cristal, Dostoïevski eut une illumination : " Vous prenez conscience d’une idée colossale […] qu’il y a ici la victoire et le triomphe. Vous commencez même vaguement à avoir peur de quelque chose. " Tout stupéfié qu’il était, Dostoïevski, plutôt astucieux, a pu observer comment la civilisation matérialiste était tout autant renforcée par son glamour que par sa domination militaire et maritime.

La littérature russe a finalement cristallisé le crime de hasard comme le paradigme de l’individualité savourant son identité et affirmant sa volonté – thème repris plus tard, au milieu du XXe siècle, par l’icône de la Beat Generation William Burroughs, qui prétendait que tirer au hasard était son frisson ultime.

Le chemin avait été tracé pour que le festin des mendiants commence à bombarder le Palais de Cristal – même si, comme Mishra nous le rappelle : " Les intellectuels du Caire, de Calcutta, de Tokyo et de Shanghai lisaient Jeremy Bentham, Adam Smith, Thomas Paine, Herbert Spencer et John Stuart Mill " pour comprendre le secret de la bourgeoisie capitaliste en perpétuelle expansion.

Et ceci après que Rousseau, en 1749, a posé la pierre angulaire de la révolte moderne contre la modernité, aujourd’hui éparpillée dans un désert où les échos se répondent, le Palais de Cristal est de facto implanté dans des ghettos luisants partout dans le monde.

Le Bwana des Lumières : lui mort, Missié

Mishra crédite l’idée de son livre à Nietzsche, en commentant la querelle épique entre l’envieux plébéien Rousseau et Voltaire, l’élitiste serein – qui a salué la Bourse de Londres, quand elle est devenue pleinement opérationnelle, comme l’incarnation laïque de l’harmonie sociale.

Mais ce fut Nietzsche qui finit par devenir l’acteur central, en tant que féroce détracteur du capitalisme libéral et du socialisme, faisant de la promesse séduisante de Zarathoustra un Saint Graal attractif pour les bolcheviks – Lénine le haïssait –, le gauchiste Lu Xun en Chine , les fascistes, anarchistes, féministes et hordes d’esthètes mécontents.

Mishra nous rappelle également comment " les anti-impérialistes asiatiques et les barons voleurs américains empruntent avec empressement " à Herbert Spencer, " le premier penseur véritablement mondial " qui a inventé le mantra de " la survie du plus apte " après avoir lu Darwin.

Nietzsche était le cartographe ultime du ressentiment. Max Weber a prophétiquement décrit le monde moderne comme une " cage de fer " dont seul un leader charismatique peut permettre l’évasion. De son côté, l’icône anarchiste Mikhaïl Bakounine avait déjà, en 1869, conceptualisé le révolutionnaire coupant " tout lien avec l’ordre social et avec tout le monde civilisé […] Il est son ennemi impitoyable et continue de l’habiter avec un seul but : Détruire ".

S’échappant du " cauchemar de l’histoire " du suprême moderniste James Joyce – en réalité la cage de fer de la modernité – une sécession, viscéralement militante, hors " d’une civilisation fondée sur un progrès éternel sous l’administration des libéraux-démocrates " est en train de faire rage, hors de contrôle, bien au-delà de l’Europe.

Des idéologies, qui pourraient être radicalement opposées, ont néanmoins grandi en symbiose avec le tourbillon culturel de la fin du XIXe siècle, depuis le fondamentalisme islamique, le sionisme et le nationalisme hindou jusqu’au bolchevisme, au nazisme, au fascisme et à l’impérialisme réaménagé.

Dans les années trente, le brillant et tragique Walter Benjamin, avait non seulement prophétisé la Seconde Guerre mondiale mais aussi la fin de la partie, alors qu’il était déjà en train d’alerter sur la propre aliénation de l’humanité, enfin capable " d’expérimenter sa propre destruction comme un plaisir esthétique du premier ordre ". La version pop actuelle en live-streaming, style bricolage, comme ISIS, essaie de se présenter comme la négation ultime des piétés de la modernité néolibérale.

L’ère du ressentiment

Tissant les fils savoureux de la politique et de la littérature par pollinisation croisée, Mishra prend son temps pour poser la scène du Grand Débat entre ces masses mondiales en développement, dont les vies sont forgées par " l’histoire largement reconnue de la violence " de l’Occident atlantiste, et des élites modernes nomades (Bauman) tirant profit du rendement de la partie – sélective – du monde qui a fait les percées cruciales depuis les Lumières dans la science, la philosophie, l’art et la littérature.

Cela va bien au-delà d’un simple débat entre l’Orient et l’Occident. Nous ne pouvons pas comprendre la guerre civile mondiale actuelle, ce " mélange intense d’envie, de sentiment d’humiliation et d’impuissance post-moderniste et post-vérité ", si nous n’essayons pas de " démanteler l’architecture conceptuelle et intellectuelle des gagnants de l’histoire en Occident ", issue du triomphalisme des exploits de l’histoire anglo-américaine. Même au summum de la Guerre froide, le théologien américain Reinhold Niebuhr se moquait des " ternes fanatiques de la civilisation occidentale " dans leur foi aveugle selon laquelle toute société est destinée à évoluer exactement comme une poignée de nations occidentales – parfois – l’ont fait.

Et cela – ironie ! – tandis que le culte internationaliste libéral du progrès imitait le rêve marxiste de la révolution internationaliste.

Dans sa préface de 1950 aux Origines du totalitarisme – un méga best-seller ressuscité –, Hannah Arendt nous a essentiellement dit d’oublier la restauration éventuelle du Vieil ordre mondial. Nous avons été condamnés à voir l’histoire se répéter, " l’itinérance à une échelle sans précédent, l’absence de racines à une profondeur sans précédent ".

Pendant ce temps, comme Carl Schorske l’a noté dans son spectaculaire Fin-de-Siècle à Vienne : Politique et Culture, l’érudition américaine a " coupé le lien de conscience " entre le passé et le présent, carrément aseptisé l’Histoire, des siècles de guerre civile, de ravage impérial, de génocide et d’esclavage en Europe et en Amérique ont ainsi tout simplement disparu. Seul le récit TINA (il n’y a pas d’alternative) a été autorisé, voici comment les atlantistes, avec le privilège de la raison et l’autonomie de la personne, ont fait le monde moderne.

Entre maintenant en scène Jalal Al-e-Ahmad, né en 1928 dans le sud pauvre de Téhéran, et l’auteur de Westoxification (1962), un texte majeur de référence sur l’idéologie islamiste, où il écrit que " l’Érostrate de Sartre tire au revolver, avec les yeux bandés, sur les gens dans la rue ; le protagoniste de Nabokov précipite sa voiture dans la foule ; et l’Étranger, Meursault, tue quelqu’un en réaction à un mauvais coup de soleil ". Vous pouvez parler d’un croisement mortel – l’existentialisme rencontre les bidonvilles de Téhéran pour souligner ce que Hanna Arendt a appelé la " solidarité négative ".

Arrive ensuite Abu Musab al-Suri, né en 1958 – un an après Osama ben Laden – dans une famille de la classe moyenne dévote, à Alep. C’est Al-Suri, et non l’Égyptien Al-Zawahiri, qui a conçu une stratégie de djihad mondial sans leader dans The Global Islamic Resistance Call, basée sur des cellules isolées et des opérations individuelles. Al-Suri était le " choc des civilisations " de Samuel Huntington appliqué à al-Qaïda. Mishra le définit comme le " Michel Bakounine du monde musulman ".

Cette " syphilis des passions révolutionnaires

Répondant à cette ridicule affaire néo-hégélienne de " fin de l’histoire ", après la Guerre froide, Allan Bloom a averti que le fascisme pourrait être l’avenir ; et John Gray a télégraphié le retour des " forces primordiales, nationalistes et religieuses, fondamentalistes et bientôt, peut-être, malthusiennes ".

Et cela nous amène à expliquer pourquoi les porteurs exceptionnels de l’humanisme et du rationalisme des Lumières ne peuvent expliquer l’agitation géopolitique actuelle – de ISIS au Brexit et à Trump. Ils ne peuvent jamais arriver à penser quelque chose de plus sophistiqué que l’opposition binaire de libre et non libre ; les mêmes clichés occidentaux du XIXe siècle sur le non-Occident ; et la diabolisation incessante de cet éternel Autre arriéré : l’islam. De là la nouvelle " longue guerre " (terminologie du Pentagone) contre l’islamofascisme. Ils ne pourraient jamais comprendre, comme le souligne Mishra, les implications de cette rencontre d’esprits dans une prison de Supermax au Colorado entre l’auteur de l’attentat d’Oklahoma City, l’Américain pur jus Timothy McVeigh et le cerveau de la première attaque contre le World Trade Center, Ramzi Yousef (musulman normal, père pakistanais, mère palestinienne).

Ils ne peuvent pas comprendre comment les concepteurs d’ISIS arrivent à enrégimenter, en ligne, un adolescent insulté et blessé d’une banlieue parisienne ou d’un bidonville africain et le convertir en narcissique – baudelairien ? – dandy fidèle à une cause émergente, pour laquelle il vaut la peine de se battre. Le parallèle entre le bricolage djihadiste et le terrorisme russe du XIXe siècle – incarnant la " syphilis des passions révolutionnaires ", comme l’a décrit Alexander Herzen – est étrange.

Le principal ennemi du djihad de bricolage n’est pas même chrétien; c’est le shi’ite apostat. Les viols massifs, les meurtres chorégraphiés, la destruction de Palmyre, Dostoïevski avait déjà tout identifié. Comme le dit Mishra, " il est impossible pour les Raskolnikov modernes de se dénier quoi que ce soit, mais il leur est possible de justifier tout ".

Il est impossible de résumer tous les feux croisés rhizomatiques – salut à Deleuze et Guattari – déployés à l’Âge de la colère. Ce qui est clair, c’est que pour comprendre la guerre civile mondiale actuelle, la réinterprétation archéologique du récit hégémonique de l’Occident des 250 dernières années est essentielle. Sinon, nous serons condamnés, comme des gnomes de Sisyphe, à supporter non seulement le cauchemar récurrent de l’Histoire, mais aussi son coup de fouet perpétuel.

Auteur: Escobar Pepe

Info: Février 2017, CounterPunch. Beaucoup d'idées sont tirées de son ouvrage : Globalistan, How the Globalized World is Dissolving into Liquid War, Nimble Books, 2007

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