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fausse subversion

Il y a un malentendu sur le mot "écologiste", avec lequel nous désignons aussi bien la grande multitude d’amoureux de la nature que les activistes politiques qui se font les portes drapeaux de la défense de l’environnement. Jaime n’a jamais été écologiste, et n’a jamais fait référence à l’environnementalisme dans un sens positif. La nature n’est pas distincte de la société. Pour défendre efficacement la nature, il est nécessaire de transformer radicalement la société.

En réalité, le mouvement écologiste, dès son origine, n’a cherché qu’à donner un prix à la destruction de l’environnement et, tout au plus, gérer la catastrophe, sans jamais bouleverser le cadre social existant. Mais dans ce cadre, il n’y a pas de solution possible aux problèmes de la vie concrète à commencer par la dégradation de la nature. Sur le marché de la pollution, les écologistes sont semblables aux militants syndicaux vis-à-vis du marché du travail : des intermédiaires intéressés par la régulation des contradictions causées par l’exploitation du territoire par les uns, et par l’exploitation de la force de travail par les autres. Leur existence est liée à la marchandisation de la nature en tant que négociateurs du degré de nuisance admissible.

La lutte contre les nuisances ne peut aboutir que comme mouvement anti-économique et antiétatique, et non en tant que parti "vert" réconcilié avec l’économie grâce aux formules du "développement durable".

Auteur: Amoros Miguel

Info: Sur Jaime Semprun, 2017

[ écologie ] [ perpétuation du système ] [ superficielle révolte ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

évanescence

Aucun moyen expérimental, commence par remarquer Schrödinger, ne nous donne accès à tous les points d'une trajectoire continue. Pour pouvoir parler malgré cela de la trajectoire parcourue par un certain corpuscule, il faut effectuer une interpolation unissant par des segments de courbes les positions et les temps effectivement mesurés. Mais cette méthode d'interpolation s'appuie sur l'hypothèse, que rien n'empêche en principe d'admettre, que des mesures intermédiaires nombreuses et précises auraient pu être effectuées sans remettre en cause la validité des résultats effectivement obtenus. Or, ainsi que l'expriment les relations de Heisenberg, cette hypothèse reste parfaitement injustifiée dans la situation quantique. Il est alors clair que "nous ne devons pas admettre la possibilité d'une observation continue", et que le concept de trajectoire doit corrélativement être abandonné.

On peut bien sûr se demander quelle est la pertinence de ce type d'argument dans la critique d'ensemble que Schrödinger met en oeuvre à l'égard du concept d' "objet réel". Il semble qu'ici, le résultat obtenu soit très partiel, puisqu'il consiste seulement à dénier tout sens à celles des observations virtuelles qui sont supposées sous-tendre le concept de trajectoire d'un "objet réel" de nature corpusculaire. Cet "objet réel" lui-même ne pourrait-il pas persister en dépit de la mise en cause de sa trajectoire ? Schrödinger ne le pense pas, et c'est probablement là l'une des options les plus cruciales de son interprétation de la mécanique quantique.

Auteur: Bitbol Michel

Info: "Esquisses, forme et totalité (Schrödinger et le concept d'objet)", in "Erwin Schrödinger, philosophy and the birth of quantum mechanics", éd. Frontières, p.67

[ physique fondamentale ] [ incertitude ] [ particules élémentaires ] [ nano-monde - macro-univers ]

 

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Ajouté à la BD par Benslama

éloignement du principe

[...] le fait que le premier cycle polaire était régi pleinement et réellement (et non plus virtuellement comme dans un cycle mineur), par le Brahâtma ou chef suprême de la hiérarchie initiatique, ce fait implique une société en quelque sorte initiatique, c'est-à-dire dont tous les hommes sont au-delà des castes ; ce que la tradition hindoue exprime en disant qu'il n'y avait alors qu'une seule caste "hamsa". Et comme une telle caste est adonnée essentiellement à la contemplation, il s'ensuit nécessairement qu'il ne subsistera d'elle aucune chronique guerrière, aucun récit glorieux de hauts faits d'armes ou de constructions de grands monuments, mais seulement le souvenir doré d'une ère de bonheur : "Les peuples heureux n'ont pas d'histoire".

Dans ces conditions, le passage du premier cycle polaire ou du Brahâtma au second cycle, régi à son tour par le Mahâtma ou Grand Prêtre (chef de la hiérarchie sacerdotale), suppose que la caste primordiale "Hamsa" est en train de se différencier en quatre castes, sacerdotale, royale, mercantile et servile, avec cette réserve qu'à l'origine les deux dernières castes sont encore "non manifestées". Au fond, le fait capital, ici, c'est que la caste sacerdotale a remplacé, sur la scène du monde, l'antique caste "Hamsa" dont le rôle était révolu, et cela parce que, les hommes ayant cessé de voir Dieu "face à face", ont besoin maintenant d'intermédiaires pour communiquer avec la divinité, d'où l'apparition du sacerdoce.

Auteur: Georgel Gaston

Info: Dans "Les Quatre Âges de l'Humanité", Archè Milano, 1976, page 95

[ conception védique du temps ] [ dégénérescence ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

archéologie mystérieuse

Pour nombre d’historiens, la découverte de mégalithes par les Hébreux aurait favorisé leurs légendes relatives aux Géants post-diluviens qui régnaient sur Canaan. Il existe en effet un site qui pourrait confirmer la présence, si ce n’est de géants au sens littéral, du moins de bâtisseurs de haute stature qui auraient érigé les mégalithes dans cette région au début de l’age du bronze, au milieu du troisième millénaire avant notre ère, le site de Rogem Hiri. Nommé ainsi par altération de l’arabe Rujm-el-Hiri, littéralement "le tas de pierres du chat sauvage", il est souvent appelé en hébreu Gilgal Rephaïm, la roue des géants. Il se compose d’un tumulus central entouré de trois anneaux concentriques de caillasse de basalte, figure parfaite de l’Omphalos et du Centre du Monde. Le cairn central mesure 20 à 25 m de diamètre pour 6 mètres de haut, il a la forme d’un tronc de cône, donc d’une sorte de tour, et renferme une chambre funéraire, ronde également, d’un diamètre de 2 mètres, couverte de plaques de basalte. Le cercle le plus extérieur, d’un diamètre de 156 mètres pour 3,5 mètres de hauteur, offre environ 500 m de périmètre. Les anneaux intermédiaires offrent respectivement, en allant vers le centre, 100, 65, et 45 m de diamètre pour le demi-cercle qui touche le monument central. Cet ensemble cyclopéen se trouve au milieu du plateau du Golan et pourrait rivaliser avec Stonehenge ou la cité perdue d’Arkaïm exhumée dans l’Oural.

Auteur: Anonyme

Info: Dans "Les magiciens du nouveau siècle" page 459

[ description ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

État-nation

Par économie-monde j'entends l'économie d'une portion seulement de notre planète, dans la mesure où elle forme un tout économique.
(...)
Il y a eu des économies-monde depuis toujours, du moins depuis très longtemps. De même qu'il y a eu des sociétés, des civilisations, des Etats, et même des empires.
(...)
Une économie nationale, c'est un espace politique transformé par l'Etat, en raison des nécessités et des innovations de la vie matérielle, en un espace économique cohérent, unifié, dont les activités peuvent se porter ensemble dans une même direction.
(...)
Une économie-monde peut se définir comme une triple réalité : elle occupe un espace géographique donné ; [...] une économie-monde accepte toujours un pôle, un centre [...] ; toute économie-monde se partage en zones successives. Le coeur, c'est à dire la région qui s'étend autour du centre [...] Puis viennent des zones intermédiaires autour du pivot central. Enfin, très larges, des marges, qui, dans la division du travail qui caractérise l'économie-monde, se trouvent subordonnées et dépendantes, plus que participantes.
(...)
La splendeur, la richesse, le bonheur de vivre se rassemblent au centre de l'économie-monde, en son coeur. C'est là que le soleil de l'histoire fait briller les plus vives couleurs, là que se manifestent les hauts prix, les hauts salaires, la banque, les marchandises "royales", les industries profitables, les agricultures capitalistes ; là que se situent le point de départ et le point d'arrivée des longs trafics, l'afflux des métaux précieux, des monnaies fortes et des titres de crédit.

Auteur: Braudel Fernand

Info: La dynamique du capitalisme, 1985

[ centralisation ] [ pouvoir ]

 

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ère numérique

"Ubérisation". Ce néologisme à la mode cache un bouleversement économique. Grâce à la démocratisation du haut débit, des smartphones et de la géolocalisation, des entrepreneurs lancent partout de nouvelles plateformes en ligne, le plus souvent des applications, qui mettent en relation des travailleurs freelance et leurs clients sans passer par les intermédiaires classiques. Transport, logistique, tourisme, services à la personne, restauration, banque. Cette nouvelle forme d’activité est en train de gagner du terrain de façon fulgurante dans presque tous les secteurs. Selon les experts du cabinet Deloitte (2015), qui la qualifient d’"économie à la demande", elle devrait peser 100 milliards de dollars d’ici trois ans. En revanche, l’uberisation est une bien mauvaise nouvelle. Cette nouvelle organisation du travail va conduire les salariés à adopter une posture de réflexivité permanente pour anticiper les évolutions du marché et gérer leurs compétences comme un patrimoine. Ce sont eux qui sont désormais sollicités et qui évalueront eux-mêmes l’évolution de leurs parcours, le calcul des risques et le coût de la correction. Il s’agira autant de se protéger de la perte d’emploi que de repérer les emplois satisfaisants. Les salariés seront ainsi ponctuellement confrontés à un marché d’emploi fluctuant dans lequel la flexibilité régit l’avenir des entreprises. Etre salarié devient une expérience individuelle selon Dubet (2011). En effet, le modèle intégré qui permettait à chaque acteur de trouver sa culture d’appartenance, les gammes de comportements adaptés et prescrits n’est plus. Son constat est que la structure sociale se fractionne en une multitude de composantes disjointes. Cette analyse nous amène à penser que chaque individu a pour travail de construire le sens de son appartenance, de son intégration et de sa subjectivité. La polyvalence, l’initiative et la responsabilité, jadis spécifiques au groupe des cadres, sont désormais attendues de tous.

Auteur: Pierron Claudine

Info: https://www.forbes.fr/management/l-avenir-du-travail-modifie-en-profondeur-par-le-numerique/#

[ précarité ] [ identité ] [ évolution ] [ technologie ] [ métiers précaires ] [ modularité ]

 
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historique

Le livre imprimé se détache de ses origines, il s'aère, il multiplie les blancs avec la baisse du prix du papier. L'objet précieux et rare prend l'aspect robuste et simple d'un objet courant accessible aux échelles intermédiaires d'une élite de l'intelligence et de l'aisance.
Il faudra poursuivre une histoire quantitative du livre. Henri-Jean Martin l'a entreprise au niveau de la production. On peut la concevoir également à l'arrivée. Les inventaires après décès, le contenu des bibliothèques, ce que nous entrevoyons nous permet de de supposer, entre 1680 et 1780, dans l'Europe de l'Ouest, où l'implantation est ancienne, un décuplement du stock existant. Cette multiplication se fait par deux voies. Dans le milieu aisé et qui lit, là où l'on trouvait avant cinquante livres, on en trouve facilement deux cent cinquante. Le livre est un objet qui s'use peu et qui se conserve facilement. Avec l'extension et la modification du contenu de l'alphabétisation, le livre franchit pour la première fois des portes closes. Les bibliothèques bleues, les contes, qui foisonnent fin XVIIe, sont le signe de conquête culturelle et sociale. La lecture qui est ainsi diffusée à travers les bibliothèques populaires est une culture de rêve, archaïsante et rétrograde. On regrette le livre de la piété populaire du XVIe, qui s'adressait, il est vrai, à une autre couche. Et pourtant, même la bibliothèque bleue est un instrument de progrès ; elle contribue au perfectionnement de la lecture par récompense immédiate, elle dégage peu à peu, parmi les lisants déchiffrant, des lisants capables d'une utilisation difficile du langage écrit, dans la catégorie des lecteurs à haute voix, notamment à la veillée collective au coin du feu, éclairée par les cosses de haricots, chandelle du pauvre. Pour cela, il fallait un outil abondant, bon marché. Voyez les coûts. L'étude, pour l'essentiel reste à faire.

Auteur: Chaunu Pierre

Info: , Les grandes Civilisations, t. 11 : La Civilisation de l'Europe des Lumières, p. 243-247

[ imprimerie ] [ occident ]

 
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philosophe-sur-psychanalyste

L'idée d'une position de classe, d'effet de parti, l'appartenance à un groupe, l'appartenance à une école, l'initiation, la formation de l'analyste, etc., tout ceci nous renvoie bien à ces questions de la formation du sujet pour l'accès à la vérité, mais on les pense en termes sociaux, en termes d'organisation. On ne les pense pas dans le tranchant historique de l'existence de la spiritualité et de ses exigences. Et en même temps d'ailleurs, le prix à payer pour transposer, pour rabattre ces questions "vérité et sujet" sur des problèmes d'appartenance ( à un groupe, à une école, à un parti, à une classe, etc.), le prix payé ça a été bien entendu l'oubli de la question des rapports entre vérité et sujet. Et il me semble que ce ce qui fait tout l'intérêt, toute la force des analyses de Lacan, c'est précisément ceci : c'est que Lacan a été , me semble-t-il, le seul depuis Freud à vouloir recentrer la question de la psychanalyse sur cette question précisément des rapports entre sujet et vérité. En des termes qui sont bien entendu absolument étranger à la tradition historique de cette spiritualité, que ce soit celle de Socrate ou de Grégoire de Nysse, et de tous leurs intermédiaires, en des termes qui étaient ceux du savoir analytique lui-même, il a essayé de poser la question qui est historiquement, proprement spirituelle : la question du prix que le sujet a à payer pour dire le vrai, et la question de l'effet sur le sujet du fait qu'il a dit, qu'il peut dire et qu'il a dit le vrai sur lui-même. En faisant resurgir cette question , je crois qu'il a effectivement fait resurgir à l'intérieur même de la psychanalyse la plus vieille tradition, plus vieille interrogation, la plus vieille inquiétude de cette "epimeleia heautou" (souci de soi), qui a été la forme la plus générale de la spiritualité.

Auteur: Foucault Michel

Info: L'herméneutique du sujet, Cours au Collège de France. 1981-1982- EHESS GALLIMARD SEUIL , page31

[ inconscient ] [ apport philosophique ] [ éloge ] [ diachronie ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

recherche scientifique

Supposons qu'un physicien imaginaire, élève de Niels Bohr, se voit présenter une expérience dans laquelle une particule de virus pénètre dans une cellule bactérienne et, 20 minutes plus tard, la cellule bactérienne est lysée et 100 particules de virus sont libérées.  Il dira : "Comment se fait-il qu'une particule ait pu pénétrer dans une cellule bactérienne ? "Comment se fait-il qu'une particule soit devenue 100 particules du même type en 20 minutes ? C'est très intéressant. Voyons comment cela se passe ! Comment la particule pénètre-t-elle dans la bactérie ? Comment se multiplie-t-elle ? Se multiplie-t-elle comme une bactérie, en se développant et en se divisant, ou se multiplie-t-elle par un mécanisme totalement différent ? Doit-elle se trouver à l'intérieur de la bactérie pour se multiplier, ou peut-on détruire la bactérie et faire en sorte que la multiplication se poursuive comme avant ? Cette multiplication est-elle une astuce de la chimie organique que les chimistes organiciens n'ont pas encore découverte ? Nous allons le découvrir. Il s'agit d'un phénomène si simple que les réponses ne peuvent être difficiles à trouver. Dans quelques mois, nous le saurons. Il suffit d'étudier comment les conditions influencent la multiplication. Nous ferons quelques expériences à différentes températures, dans différents milieux, avec différents virus, et nous saurons. Peut-être devrons-nous pénétrer dans les bactéries à des stades intermédiaires entre l'infection et la lyse. Quoi qu'il en soit, les expériences ne prennent que quelques heures chacune, de sorte que le problème ne sera pas long à résoudre".

Huit ans plus tard, il n'a pas réussi à résoudre le problème qu'il s'était fixé. Mais il pourra vous dire "Eh bien, j'ai fait une petite erreur.  Ce n'était pas faisable en quelques mois. Peut-être qeu ça va prendre quelques décennies, et peut-être faudra-t-il l'aide de quelques dizaines d'autres personnes. Mais voyez un peu ce que j'ai trouvé, peut-être aurez-vous envie de vous joindre à moi."

Auteur: Delbrück Max Ludwig Henning

Info: In "Experiments with Bacterial Viruses (Bacteriophages)", Harvey Lecture (1946), 41, 161-162. Cité dans Robert Olby, The Path of the Double Helix : The Discovery of DNA (1974, 1994), 237.

[ point d'entrée ] [ complexité ] [ détail ] [ intriguant phénomène ]

 

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coup d'oeil

Installé au premier rang, je me retournai pour observer en douce les gens. Je notai toutes les nuances de couleur. Toutes les teintes que j'avais pu voir auparavant étaient quelque part dans cette pièce. Les visages derrière moi offraient une palette de dégradés, des coloris fragmentés se reflétant telles les incrustations d'une mosaïque éclaboussée de lumière. Chacune insistant sur sa propre spécificité. Des éclats de chair en tous sens, acajou par ici, noix ou pin par là. Des bouquets de bronze et de cuivre, des étendues de pêche, ivoire et nacre. De temps en temps, des extrêmes : la pâte décolorée des pâtisseries danoises, ou bien la cendre nuit noire de la salle des machines d'un paquebot de l'histoire. Mais dans le milieu du spectre, majoritaire, toutes les traces et les nuances imaginables de marron s'entassaient sur les chaises pliantes. Ils se révélaient mutuellement, par contraste. Le brun-gris taupe révélant l'ambre, l'ocre révélant le fauve, les roses, les roux et les teks faisant mentir tous les noms dont on les avait toujours affublés. Toutes les proportions de miel, de thé, de café, de crème – fauve, renard, ivoire, chamois, beige, baie : j'étais incapable de distinguer un marron d'un autre. Marron comme les épines de pin. Marron comme le tabac séché. Des tons qu'il aurait sans douté été impossible de distinguer à la lumière du jour – châtaigne, roux, rouan – devenaient perceptibles grâce à ceux à côté desquels ils se trouvaient sous les lampes basses.

L'Afrique, l'Asie, l'Europe et l'Amérique se percutaient et ces nuances éclatées constituaient les incrustations de cet impact. Jadis, il y avait eu autant de couleurs de peau qu'il y avait de coins isolés sur terre. À présent, les combinaisons s'étaient multipliées. Combien de gradations un être humain pouvait-il percevoir ? Ce morceau polytonal et polyharmonique joué pour un public sourd comme un pot, qui n'entendait que les toniques et les dominantes, et tremblait même à l'idée de distinguer entre les deux. Il n'empêche, pour ma mère, toutes les notes de la gamme chromatique étaient présentes, et bon nombre de microtons intermédiaires.

Voilà pour le regard furtif que je lançai à la dérobade.

Auteur: Powers Richard

Info: Le temps où nous chantions

[ temps dilaté ] [ littérature ]

 
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