monastère
J’habite un pays barbare dont la langue m’est inconnue et en horreur ; je n’ai de commerce qu’avec des peuples féroces ; mes promenades sont les bords inaccessibles d’une mer agitée ; mes moines n’ont d’autre règle que de n’en point avoir. Je voudrais que vous vissiez ma maison ; vous ne la prendriez jamais pour une abbaye ; les portes ne sont ornées que de pieds de biches, de loups, d’ours, de sangliers, de dépouilles hideuses de hiboux. J’éprouve, chaque jour, de nouveaux périls ; je crois, à tout moment, voir sur ma tête un glaive suspendu.
Auteur:
Abélard Pierre
Années: 1079 - 1142
Epoque – Courant religieux: moyen-âge
Sexe: H
Profession et précisions: théologien, philosophe et compositeur breton
Continent – Pays: Europe - France
Info:
Lettre à Héloïse alors qu’il est retiré à l’abbaye de St-Gildas (Morbihan)
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superstitions
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subversion
Aujourd’hui, j’habite en Bretagne et je suis dans la culture des poireaux, avant, j’habitais Paris et j’étais dans la culture tout court. La culture avec un grand Cul. J’habitais Paris… Pour être précis, je cultivais des pauvres. Essentiellement. J’étais dans la culture des pauvres, et maintenant dans celle des poireaux et je connais beaucoup plus de succès dans la culture des poireaux que dans celle des pauvres ! j’ai considéré qu’il y avait assez de pauvres comme cela et que ça n’était plus la peine de les cultiver. J’avais compris que la culture, ça sert à reproduire les pauvres, pas à les supprimer. On dit aussi que la culture ça sert à reproduire les rapports sociaux. Moi j’en eu ai marre de les reproduire.
Auteur:
Lepage Franck
Années: 1954 -
Epoque – Courant religieux: récent et libéralisme économique
Sexe: H
Profession et précisions: militant de l'éducation populaire
Continent – Pays: Europe - France
Info:
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éducation
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spectateur
On m’entoure, on me questionne,
Des gens que je croise à la promenade, qui veulent connaître l’influence de ma petite enfance sur ma vie, ou bien du quartier, de la ville, de la nation que j’habite,
Mes dernières rencontres, découvertes, inventions, fréquentations, auteurs jeunes ou vieux,
Ce que je mange au dîner, ma façon de me vêtir, mes amis, mers opinions, mes préférences, mes frais,
L’indifférence réelle ou imaginaire d’un tel ou d’une telle de mes amis à mon égard,
La maladie d’un de mes proches ou de moi-même, un malheur, une perte, un manque d’argent, une dépression, un enthousiasme,
Les affres d’une querelle fratricide, l’exagération d’une rumeur, l’ironie des évènements ;
Toutes ces questions m’assaillent nuit et jour puis s’en vont comme elles viennent,
Mais cela n’est pas moi, le Moi réel.
Celui que je suis est toujours à l’écart de la mêlée,
Regarde d’un air amusé, éprouve de la connivence, de la compassion, ne fait rien, se solidarise,
Méprise de toute sa hauteur, se raidit, s’accoude sur le premier support ferme venu,
Tourne son profil de trois quarts, curieux de voir la suite,
A la fois dans le jeu et hors du jeu, simultanément, qu’il contemple avec stupeur.
Du fond du passé me reviennent mes laborieux efforts pour sortir du brouillard à l’aide des sophistes et des linguistes,
Je ne critique ni ne moque personne, je suis un témoin impassible.
Auteur:
Whitman Walt
Années: 1819 - 1892
Epoque – Courant religieux: industriel
Sexe: H
Profession et précisions: poète
Continent – Pays: Amérique du nord - Usa
Info:
Dans "Feuilles d'herbe", Chanson de moi-même, traduction Jacques Darras, éditions Gallimard, 2002, pages 67-68
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distanciation
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persona
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