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rupture

Je t’ai aimée follement et jalousement ; mon amour a réduit toute autre passion en moi et, pour compenser, j’ai essayé de justifier cet amour en te donnant toutes les occasions qui étaient en mon pouvoir d’exploiter ce qui était intéressant en toi. Plus tu progressais, plus mon amour était justifié, et moins je regrettais tous les efforts vains de ma part. […] J’ai essayé de faire de toi un complément de ma propre personne, mais ces escapades t’ont fait chanceler, douter de toi, et voilà que tu veux, seule, retrouver ton assurance. Mais tu ne fais que passer sous le contrôle d’un autre, un contrôle encore plus subtil et tyrannique. […] Tu le sais bien, depuis le début j’ai mis à profit tout ce qui pouvait contribuer à ton talent, à ton bonheur, même quand je courais le danger de te perdre ; je ne me suis jamais permis d’intervenir qu’après coup, afin d’empêcher toute rupture brutale, afin que nous puissions revenir ensemble, car toutes les disputes et les réconciliations sont une étape vers la rupture finale, et je ne voulais pas te perdre.

Auteur: Ray Man

Info: Lettre à Lee Miller, sa muse et amante, tombée amoureuse de Zizi Svirsky. Naïvement, elle emmena Man Ray à l’une des soirées de Ziv sans rien lui dire, mais Man Ray devina tout. In Man Ray par Serge Sanchez, Folio biographies

[ épistole ] [ couple ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

être humain

Se lamenter sur un cadavre est aussi inconséquent que de verser des larmes sur une fleur qu'on vient de couper. L'horreur, ce n'est pas la mort mais la vie que mènent les gens avant de rendre leur dernier soupir. Ils n'ont aucune considération pour elle et ne cessent de lui pisser, de lui chier dessus. Des copulateurs sans conscience. Ils ne s'obsèdent que sur la baise, le cinoche, le fric, la famille, tout ce qui tourne autour du sexe. Sous leur crâne, on ne trouve que du coton. Ils gobent tout, Dieu comme la patrie, sans jamais se poser la moindre question. Mieux, ils ont vite oublié ce que penser voulait dire, préférant abandonner à d'autres le soin de le faire. Du coton, vous dis-je, plein le cerveau ! Ils respirent la laideur, parlent et se déplacent de manière tout aussi hideuse. Faites-leur donc entendre de la bonne musique, eh bien ils se gratteront l'oreille. La majeure partie des morts l'étaient déjà de leur vivant. Le jour venu, ils n'ont pas senti la différence.
Vous voyez, sans les chevaux je perds mon sens de l'humour.

Auteur: Bukowski Charles

Info: Le capitaine est parti déjeuner et les marins se sont emparés du bateau, pp 17,18

[ détestable ] [ haine ] [ abrutissement ]

 
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capitalisme

Les trente dernières années ont vu la construction d'un vaste appareil bureaucratique destiné à la création, et à la maintenance, du désespoir. Une machine géante conçue en premier afin de détruire n'importe quel espoir d'avenir alternatif possible. À sa racine il y a l'obsession véritable de la part des dirigeants du monde - en réponse aux bouleversements des années 1960 et 1970 - afin de s'assurer que l'on ne puisse plus jamais voir grandir et fleurir de mouvements sociaux qui proposeraient des alternatives et que ceux qui défient les dispositions des pouvoir existants ne puissent jamais, en aucune circonstance, être perçus comme des vainqueur potentiels. Tout ceci exige ainsi la création d'un appareil énorme : armées, prisons, police, et toutes formes d'autres solutions diverses proposées par les sociétés de sécurité privée. Et bien sûr les outils de propagande de toutes les sortes imaginables, qui pour la plupart n'attaquent pas les alternatives directement, mais plutôt créent un climat pénétrant de crainte, de conformisme chauvin et de simple résignation, qui font que chaque pensée sujette à vouloir changer le monde ressemble à une fantaisie vide de sens.

Auteur: Graeber David

Info: Dette, les 5000 premières années

[ oppression ] [ abrutissement ] [ pouvoir ]

 

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brocante

Ces temps-ci, son boulot, à défaut de son gagne-pain, consistait à revendre de l’illusion, en chiffonnier hardi. Avec Bessie, il écumait les territoires les moins substantiels du comté, et récupérait les artefacts-fantômes qu’il dénichait en chemin? Il pouvait s’agir de vieilles nippes spectrales, ou d’un souvenir encore vif d’une caisse à thé datant de l’enfance, ou bien de trucs qui n’avaient aucun sens, des vestiges d’un rêve quelconque. Freddy se rappelait la fois où Jem avait trouvé une sorte de pommeau de canne recourbé, sculpté pour ressembler à un poisson allongé et minutieusement chantourné, mais doté d’une trompe évoquant celle d’un éléphant avec des trucs qui ressemblaient à des yeux de verre tout le long des deux côtés. Ils avaient essayé d’en jouer, mais le tube était bourré de sciure toute tassée avec, enfouis dedans, de drôles de bidules en plastique. L’instrument avait dû rejoindre les autres curiosités là-bas dans la pièce principale du fantôme de la maison de Jem, parce qu’on ne savait jamais, le pommeau-poisson devait sûrement trôner dans la vitrine de Jem avec l’uniforme de grenadier fantôme et des souvenirs de chaises.

Auteur: Moore Alan

Info: Jérusalem

[ marché aux puces ]

 

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vélo

Le cyclisme, en tant que sport de compétition, a toujours été laid, et tout spécialement le Tour de France, qui depuis toujours, mais aujourd'hui plus que jamais, déverse le long des routes qu'il sillonne ses traînées de détritus, de gobelets et de pare-soleils publicitaires, de musiquette, de gueulantes et de criailleries, souillant souvent pour des semaines les plus beaux sites. Illustrations supplémentaire de la théorise qui m'est chère selon laquelle l'esthétique est un révélateur en général très précieux et relativement exact de la qualité morale et intellectuelle, cette manifestation si vilaine, le Tour de France, s'affiche depuis plusieurs années, mais tout spécialement cet été, comme la plus irrémédiablement pourrie jusqu'au fond des moelles. Cette activité qui ne fait rien pour le corps et sans doute fort peu pour l'intelligence, disputer des courses cyclistes, se révèle de la façon la plus criante (le vainqueur américain du Tour de France est déchu de son titre, dans des conditions où la farce joue un rôle essentiel) inséparable d ela tricherie, du mensonge, de l'association de malfaiteurs, de la compromission profonde des régulateurs eux-mêmes, des soigneurs et des médecins.

Auteur: Camus Renaud

Info: L'Isolation : Journal 2006, p. 331

[ vacherie ]

 

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sciences

Tout comme il était parvenu à allumer les lampes à fluorescence en utilisant sa bobine à haute fréquence et à haute tension sans fil, l'un des rêves de Tesla était d'éclairer l'atmosphère terrestre la nuit. Son projet, qui ne s'est jamais concrétisé, était dans un premier temps d'ioniser la haute atmosphère en utilisant un faisceau ultraviolet pour qu'elle devienne conductrice, avant d'envoyer de l'énergie électrique à très haute fréquence et tension pour "allumer l'atmosphère elle-même", exactement comme elle s'éclaire lorsqu'elle est touchée par les particules solaires qui provoquent les aurores polaires. Tesla tenait beaucoup à ce projet parce qu'il souhaitait aider les navigateurs la nuit, dans des conditions difficiles. A ce propos il déclara : "L'éclairage de l'océan... n'est que l'un des résultats les moins importants que l'on puisse obtenir avec cette invention. J'ai déjà planifié nombre des détails d'une centrale de transmission qui pourrait être érigée dans les Açores et qui suffirait amplement à éclairer tout l'océan afin que des désastres comme celui du Titanic ne se reproduisent plus. La lumière sera douce et d'intensité très faible, mais assez bien adaptée au but recherché."

Auteur: Teodorani Massimo

Info: Tesla, l'éclair du génie

[ anecdote ] [ marine ]

 

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vieillir

J'ai les moyens d'acheter des livres, mais moins de temps pour les lire. En contemplant les piles qui encombrent l'appartement, j'essaie d'évaluer de combien leur volume dépasse déjà la somme de temps que j'aurai jamais à leur consacrer. Je découvre avec soulagement qu'en japonais il existe un mot pour cela : tsundoku ("acheter des livres et ne pas les lire; les laisser s'empiler sur le sol, les étagères ou la table de nuit"). Auparavant, aucun essai ne me semblait trop ardu si le sujet m'intéressait: je m'installais à la table du salon et je laissais les heures s'écrouler sereinement, soulignant avec soin les passages marquants au crayon et à la règle. En protégeant ma concentration, la pièce autour de moi semblait me seconder dans mes efforts et partager l'émerveillement des révélations qu'ils me valaient. Désormais, la journée ayant épuisé mon énergie intellectuelle, je suis trop fatiguée le soir pour faire autre chose que regarder des séries télévisées. J'aime beaucoup les séries, mais je reste à la porte des révélations. Et un peu à la porte de chez moi aussi.


Auteur: Chollet Mona

Info: Chez soi

[ affaiblissement ]

 

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Ajouté à la BD par Le sous-projectionniste

événements urbains

Transformer les Parisiens en patinants hallucinés sur des plans de glace fabriqués à coups d’eau glycolée n’a rien de plus sorcier que d’en faire des baigneurs virtuels dans le béton des berges de la Seine ou des participants hébétés de Nuits Blanches. Dans tous les cas, il ne s’agit jamais que d’orchestrer du mieux possible un travail du deuil heureux, celui de la réalité citadine de naguère, avec ses aventures non programmées (et d’ailleurs plus ou moins agréables) et de fugitifs moments de socialité qui ne s’appelaient pas ainsi parce que personne ne savait encore qu’il s’agissait de cela. Plus la ville disparaît de manière irrémédiable, et plus elle se couvre de petits théâtres de consolation où l’on peut faire tout ce que l’on n’avait encore jamais fait : disposer son transat en bordure d’atoll, pique-niquer sur un trottoir comme si c’était de l’herbe, skier sur le parvis de la Défense, bronzer sur des rives inexistantes sous des soleils conceptuels, aller là-bas vivre ensemble au pays qui te ressemble, etc. ; sans quitter notre ordinateur, nos parts de marché, nos maladies de science-fiction et notre stock d’anxiolytiques.

Auteur: Muray Philippe

Info: Dans "Exorcismes spirituels, tome 4", Les Belles Lettres, Paris, 2010, pages 1565-1566

[ déréalisation ] [ échappatoires imaginaires ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

océanique

Dans cette île, nous n'avons jamais beaucoup aimé la mer, persuadés qu'elle nous a amené tous nos malheurs. Je ne suis donc allée qu'une ou deux fois m'y baigner, cet été là, mais j'ai longtemps imaginé ses grondements durant le jour et les soirs sa plainte hagarde roulant dans l'épaisseur de la nuit. J'aimais marcher le long de la dentelle des algues sur le sable et sentir la mer me lécher les pieds. J'aimais la mer comme la danse, j'aimais le risque physique et le plaisir. J'aimais ses mystères d'écume, de sel et d'eau. Les yeux grands ouverts je rêvais de son désordre fantasque et violent tout au loin. De sa poésie si amère. De son ventre d'eau pleine de toutes sortes d'animaux vivants et morts, de vieilles carcasses à la dérive, de sables mouvants et fins, d'algues de toutes les couleurs, de coraux étranges. L'idée de la vie et de la mort dans ce ventre d'eau du monde devenait un songe bienfaisant qui m'enchantait. Et quand le songe ne trouvait plus où s'arrêter, je le laissais filer au-dessus de l'eau, m'enivrant d'air et de sel.

Auteur: Lahens Yanick

Info: Dans la maison du père

[ amniotique ]

 

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judaïsme

Comme les Juifs aiment le Livre d'Esther, qui correspond si bien à leur appétit de vengeance, à leurs espoirs meurtriers ! Le soleil n'a jamais brillé sur un peuple plus assoiffé de sang, plus vindicatif que celui-ci, qui se prend pour le peuple élu afin d'avoir licence d'assassiner et d'étrangler les Gentils. Il n'y pas de créatures, sous le soleil, plus avides qu'ils sont, ont été, et seront - il n'est que de les voir pratiquer leur maudite usure. - Ils se flattent de l'espoir que lorsque le messie viendra, il rassemblera tout l'or et tout l'argent du monde et le leur partagera. Je suis d'avis qu'on brûle leurs synagogues, ce qui ne pourra pas brûler qu'on le couvre de terre afin qu'on n'en puisse plus rien voir... On devrait détruire tous leurs livres de prières, tous les exemplaires de leur Talmud où ils apprennent tant d'impiétés, tant de mensonges, de malédictions et de blasphèmes... Aux jeunes Juifs et aux jeunes Juives il faudrait donner le pic et la houe, la quenouille et le fuseau afin qu'ils gagnent leur pain à la sueur de leur nez...

Auteur: Luther Martin

Info:

 

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