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La langue semble représenter, pour la pensée judaïque, une essence sur-réelle, extra-subjective, puissante et active dont le statut s’égale à celui de Dieu. Instance d’autorité et d’inhibition pour le sujet parlant (Moïse), cette langue rend difficile la pratique de la parole par ce sujet. La parole se déroule sur le fond inaccessible de l’essence langagière divine. Il existe deux moyens pour rompre ce barrage et pour accéder au savoir de la langue, à sa pratique maîtrisée, et, par là, au pouvoir réel (terrestre, social). Le premier est le déclenchement d’une chaîne symbolique, c’est-à-dire d’une juxtaposition d’éléments verbaux (mots) qui désignent, par une sorte de tabou, un seul réfèrent dont la réalité est ainsi censurée et innommée, et par conséquent prend, en dernière instance, le nom de Dieu. Tel peut être le sens du "miracle" de la verge "se transformant" en serpent qui, à son tour, touché à la queue, redevient verge. (Insistons sur l’implication sexuelle, phallique, de cet enchaînement de symboles.) Le second moyen qui décale le sujet de la parole et lui fait entrevoir le fonctionnement de [ses] lois internes ["divines"], c’est la mutation de la parole en écriture. Une écriture qui n’est qu’une transcription de la parole divine, ou encore une écriture du doigt de Dieu, mais en tout cas une copie, un double d’une parole existant déjà sans cette écriture, elle-même dédoublée sur les deux tables et leurs deux faces comme pour indiquer son caractère de calque, de répétition, de copie. Sa fonction est de rendre stable, durable et obligatoire la parole de Dieu, d’être sa loi.

S’approprier l’écriture équivaut à incarner, au sens strict du mot, le langage, c’est-à-dire à donner corps à la Langue divine en l’absorbant dans le corps humain, en l’introjectant dans la chair. L’écriture dans la Bible s’avale et se mange : pour qu’elle devienne loi il lui faut s’inscrire dans la chair, être assimilée par le corps humain [social] :

“Toi, fils d’homme, écoute ce que je te dis, ne sois pas rebelle à ton tour. Ouvre la bouche, mange ce que je vais te donner.” Je regardai, je vis se tendre une main qui tenait le rouleau d’un livre. Ce rouleau fut déployé devant moi, était écrit au recto et au verso, n’était que lamentations, plaintes et gémissements. “Fils d’homme, mange ceci, mange ce livre, tu parleras à la race d’Israël.” J’ouvris la bouche, il me le fit manger. “Fils d’homme, nourris-toi, rassasie-toi de ce livre.” Je le mangeai. Dans ma bouche il fut doux comme du miel.

Auteur: Kristeva Julia

Info: Le langage, cet inconnu, pp. 102-103

 

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Ajouté à la BD par miguel

anthropocentrisme

Les évolutionnistes, qui n’ont aucune idée de l’éternité, non plus que de tout ce qui est de l’ordre métaphysique, appellent volontiers de ce nom une durée indéfinie, c’est-à-dire la perpétuité, alors que l’éternité est essentiellement la "non-durée" ; cette erreur est du même genre que celle qui consiste à croire que l’espace est infini, et d’ailleurs l’une ne va guère sans l’autre ; la cause en est toujours dans la confusion du concevable et de l’imaginable. En réalité, l’espace est indéfini, mais, comme toute autre possibilité particulière, il est absolument nul par rapport à l’Infini ; de même, la durée, même perpétuelle, n’est rien au regard de l’éternité. Mais le plus singulier, c’est ceci : pour ceux qui, étant évolutionnistes d’une façon ou d’une autre, placent toute réalité dans le devenir, la soi-disant éternité temporelle, qui se compose de durées successives, et qui est donc divisible, semble se partager en deux moitiés, l’une passée et l’autre future. […]. Le mot d’"évolution" n’est pas dans le passage que nous venons de citer, mais c’est évidemment cette conception, exclusivement basée sur l’"idée de succession", qui doit remplacer "l’ancienne théorie d’une création faite une fois pour toutes", déclarée impossible en vertu d’une simple "croyance" (le mot y est). Du reste, pour l’auteur, Dieu lui-même est soumis à la succession ou au temps ; la création est un acte temporel : "aussitôt que Dieu existe, il crée" ; c’est donc qu’il a un commencement, et probablement doit-il aussi être situé dans l’espace, prétendu infini. Dire que "l’idée de Dieu est synonyme de l’idée de Créateur", c’est émettre une affirmation plus que contestable : osera-t-on soutenir que tous les peuples qui n’ont pas l’idée de création, c’est-à-dire en somme tous ceux dont les conceptions ne sont point de source judaïque, n’ont par là même aucune idée qui corresponde à celle de la Divinité ? C’est manifestement absurde ; et que l’on remarque bien que, quand il s’agit ici de création, ce qui est ainsi désigné n’est jamais que le monde corporel, c’est-à-dire le contenu de l’espace que l’astronome a la possibilité d’explorer avec son télescope ; l’Univers est vraiment bien petit pour ces gens qui mettent l’infini et l’éternité partout où il ne saurait en être question ! S’il a fallu toute l’"éternité passée" pour arriver à produire le monde corporel tel que nous le voyons aujourd’hui, avec des êtres comme les individus humains pour représenter la plus haute expression de la "vie universelle et éternelle", il faut convenir que c’est là un piteux résultat ; et, assurément, ce ne sera pas trop de toute l’"éternité future" pour parvenir à la "perfection", si relative pourtant, dont rêvent nos évolutionnistes. Cela nous rappelle la bizarre théorie de nous ne savons plus trop quel philosophe contemporain (si nos souvenirs sont exacts, ce doit être Guyau), qui se représentait la seconde "moitié de l’éternité" comme devant se passer à réparer les erreurs accumulées pendant la première moitié ; et voilà les "penseurs" qui se croient "éclairés", et qui se permettent de tourner en dérision les conceptions religieuses !

Auteur: Guénon René

Info: L'Erreur spirite, deuxième partie, ch. IX, pp. 294 à 298, éd. Éditions Traditionnelles, 1977

[ contradictions ] [ évolution spirituelle ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

christianisme-protestantisme

En 1504, il [Erasme] avait publié pour la première fois un traité destiné à éclairer ceux qui, "faisant consister la religion en cérémonies et en observances judaïques de choses matérielles, négligeaient la véritable piété". C’était l’Enchiridion Militis Christiani, livre hardi qui contenait en substance tout le programme des réformes souhaitées par Érasme. […] Dans l’été de 1518, Érasme chargeait Froben de le publier à nouveau et composait pour cette réédition une longue préface dédiée à un abbé alsacien, Paul Volz. C’était un manifeste. Avec prudence, à son ordinaire, mais avec décision, Érasme y conduisait une opération fort adroite. Il couvrait Luther, tout à la fois, de son autorité et de sa modération. Il se gardait de nommer le fougueux Augustin ; mais dans un passage semé d’allusions, il s’instituait l’avocat d’une liberté de critique qu’il revendiquait et pour lui et, visiblement, pour Luther. "De même, voilà quelqu’un qui nous avertit : mieux vaut se fier à de bonnes actions qu’aux grâces octroyées par le pape. Veut-il dire qu’il condamne absolument ces grâces ? Non, mais qu’il leur préfère les voies que l’enseignement du Christ indique comme plus certaines." Traduction assez libre des opinions de Luther ; mais la manœuvre était pleine d’adresse. "Cet homme est de mes hommes, semblait dire l’humaniste en désignant le moine. C’est une tête chaude, sans doute ; mais écoutez : je vais vous présenter, à ma mode, ses griefs et ses objections ; quand il parlera par ma bouche, vous direz tout d’une voix : il a raison. Au reste, ses critiques, préface d’un programme complet de réforme et de rénovation. Ce programme, dès 1504, je l’ai présenté à la chrétienté. Je le lui présente à nouveau, en 1518, dans cette édition revue et corrigée de l’Enchiridion." Tactique habile, intelligente et souple. Elle montre jusqu’à l’évidence qu’en 1518, Érasme connaissait encore bien mal Luther.

Qui l’aurait pu d’ailleurs avertir de son erreur ? Un seul homme, Luther, en rendant publics des griefs qu’il n’avait confiés qu’à des amis choisis, dans des lettres privées. Mais cette révélation brutale, encore qu’elle fût fort dans son tempérament, Luther pour cent raisons ne pouvait la faire. C’eût été la rupture. Or Luther ne pouvait pas rompre avec Érasme. Seul, il n’aurait peut-être pas hésité à le faire. Il n’était pas, il n’était plus seul. Des hommes l’entouraient, des amis, des partisans, dévots à lui mais dévots à Érasme, incapables de jeter l’anathème sur l’un pour demeurer fidèles à l’autre. Des hommes l’entouraient, qui pesaient sur lui, l’amenaient doucement à faire le geste nécessaire, celui qu’il accomplit le 28 mars 1519 lorsqu’il rédigea, à l’adresse d’Érasme, une lettre, la première, pleine d’humilité et de soumission extérieure, très orgueilleuse au fond et très brutale : une mise en demeure ; avec ou contre moi ?

Mais Érasme non plus n’était pas libre. Pas libre de dire, sinon de voir, que Luther n’était pas un de ses tenants ; pas libre de dénoncer les fautes qu’il lui voyait commettre : énormes cependant, de son point de vue à lui. C’est que tout de suite, avec leur flair grossier, ses ennemis, entre lui et Luther, avaient noué un lien direct. Luther, un suivant ; qui sait, un prête-nom d’Érasme ? L’humaniste avait dû comprendre que dès lors, toute condamnation de Luther serait sa condamnation à lui ; un coup mortel porté à la cause même de la réforme humaniste, à sa cause... A tout prix, il fallait empêcher les moines haineux de rejeter Luther comme hérétique. A tout prix, il fallait protéger Luther, intercéder pour lui auprès des princes, des prélats, des grands esprits ; faire l’opinion et la rendre intangible. A tout prix enfin, il fallait peser sur Luther, obtenir de lui qu’il usât de prudence sans se laisser pousser à l’irréparable. Besogne énorme. Érasme s’y attela virilement, habilement. Ainsi s’établit entre deux hommes munis de viatiques empruntés, l’un à cette antiquité païenne dont Érasme se nourrissait avec délices et qui l’aidait sans doute à comprendre Jésus ; l’autre, à la doctrine paulinienne et à la tradition augustinienne — ainsi s’établit entre Luther, uniquement et passionnément chrétien, et Érasme, adepte infiniment intelligent d’une philosophie du Christ toute saturée de sagesse humaine, une sorte de compromis qui permettait l’action. Ainsi, dans l’opinion des lettrés, naquit ce préjugé si fort qu’il vit toujours : Luther ? le fils spirituel et l’émule d’Érasme — le réalisateur de ses velléités réformatrices.

Une équivoque. Une première équivoque.

Auteur: Febvre Lucien

Info: Un destin : Martin Luther, PUF, 1968, pages 85-86

[ affiliation ] [ malentendu ]

 

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