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nationalisme

Le droit romain, bien entendu, était rempli d’éthique patriotique. Les juristes ne pouvaient pas manquer de tomber, dans les Institutes, sur ce passage où il est affirmé que "ceux qui sont tombés [dans la bataille] pour la respublica vivront éternellement per gloriam", et de commenter ce passage dans lequel la renommée ou la gloire éternelle prennent de façon si frappante la place de la béatitude éternelle ou lui sont associées. Ils ne pouvaient pas non plus manquer de rencontrer dans le Digeste cette loi formulée par un jurisconsulte du temps d’Hadrien, qui déclarait que, pour l’amour de la patria, un fils pouvait tuer son père et un père son fils. Les juristes médiévaux, dans leur interprétation de cette loi, soulignaient qu’une action considérée comme un parricide était un acte louable quand elle était commise au nom de la patria seulement, toutefois, si elle était commise en légitime défense. Ils ne se grisaient pas de l’idée de massacre patriotique comme le faisaient à l’occasion des humanistes – par exemple Coluccio Salutati, qui s’exclamait :

"Tu ne sais pas combien est doux l’amor patriae ; si cela était utile à la protection et à l’agrandissement (sic !) de la patrie, il ne semblerait ni fâcheux, ni difficile, ni criminel de fendre d’une hache la tête de son père, d’écraser ses frères, d’arracher par le glaive le fœtus du ventre de sa propre femme."

Ce type de folie sanguinaire d’intellectuel et de patriotisme de bureau exacerbé n’était pas, dans l’ensemble, du goût de juristes à l’imagination plus sobre, qui auraient contredit Salutati sur presque tous les points. Cependant, des atrocités justifiées au nom de Dieu et de la patria ont toujours existé et existeront toujours. Balde pouvait parfaitement soutenir qu’un soldat tuant un ennemi au nom de la patria accomplissait une œuvre divine, mas oins, car il offrait un sacrifice au Créateur. Et cela était fait au nom de la caritas – non plus, certes, la vertu évangélique de la Charité, expression d’un amour fraternel actif, mais sa contrepartie séculière : une publica caritas, comme l’appelait Balde, pour la protection de la naturalis patria.

Auteur: Ernst Hartwig Kantorowicz

Info: Les Deux Corps du roi, pp. 180-181

[ justification ] [ historique ] [ barbarie ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

féminisme

Les récits de viols, de femmes battues, de grossesses forcées, de massacres médicaux, de meurtres motivés par le sexe, de prostitution contrainte, de mutilations physiques, d'abus psychologiques sadiques et autres lieux communs de l'expérience féminine devraient laisser le cœur brûlé, l'esprit angoissé et la conscience bouleversée. qui sont exhumés du passé ou racontés par des survivantes contemporaines devraient rendre le coeur lourd, l'esprit angoissé, la conscience bouleversée. Mais ce n'est pas le cas. Quelle que soit la fréquence à laquelle ces histoires sont racontées, quelle que soit la clarté ou l'éloquence, l'amertume ou la douleur, elles pourraient aussi bien avoir été murmurées dans le vent ou écrites dans le sable : elles disparaissent, comme si elles ne comptaient pas. Les personnes qui les racontent et leurs histoires sont ignorées ou ridiculisées, menacées de retour au silence ou détruites, et l'expérience de la souffrance féminine reste invisible et enterrée sous le mépris culturels... la réalité même de la violence subie par les femmes, malgré son omniprésence et sa constance accablantes, est niée. Niée dans les activités de la vie quotidienne, tout comme elle est niée dans les livres d'histoire, laissée de côté, et elle est aussi niée par ceux qui prétendent se soucier de la souffrance mais qui sont aveugles à cette souffrance.

Le problème, en termes simples, est qu'il faut croire en l'existence de la personne pour reconnaître l'authenticité de sa souffrance. Ni les hommes ni les femmes ne croient en l'existence des femmes en tant qu'êtres significatifs. Il est impossible de considérer comme réelle la souffrance de quelqu'un qui, par définition, n'a pas d'accès légitime à la dignité ou à la liberté, quelqu'un qui est en fait considéré comme une chose, un objet ou une absence. Et si une femme, une femme singulière multipliée par des milliards, ne croit pas en sa propre existence discrète et ne peut donc pas créditer l'authenticité de sa propre souffrance, elle est effacée, annulée, et le sens de sa vie, quelle qu'elle soit, quelle qu'elle ait pu être, est perdu. Cette perte ne peut être ni calculée ni comprise. Elle est vaste et terrible, et rien ne pourra jamais la compenser.

Auteur: Dworkin Andrea

Info: Right-Wing Women

[ patriarcat omnipotent ]

 

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Ajouté à la BD par Le sous-projectionniste

colonialisme

L'homme blanc, dans son indifférence pour la signification de la nature, a profané la face de notre Mère la Terre. L'avance technologique de l'homme blanc s'est révélée comme une conséquence de son manque d'intérêt pour la voie spirituelle, et pour la signification de tout ce qui vit. L'appétit de l'homme blanc pour la possession matérielle et le pouvoir l'a aveuglé sur le mal qu'il a causé à notre Mère la Terre, dans sa recherche de ce qu'il appelle les ressources naturelles. Et la voie du Grand Esprit est devenue difficile à voir pour presque tous les hommes, et même pour beaucoup d'Indiens qui ont choisi de suivre la voie de l'homme blanc.
Aujourd'hui, les terres sacrées où vivent les Hopis sont profanées par des hommes qui cherchent du charbon et de l'eau dans notre sol, afin de créer plus d'énergie pour les villes de l'homme blanc. On ne doit pas permettre que cela continue. Sans quoi notre Mère la Nature réagirait de telle manière que presque tous les hommes auraient à subir la fin qui a déjà commencé. Le Grand Esprit a dit qu'on ne devait pas laisser cela arriver, même si la prédiction en a été faite à nos ancêtres. Le Grand Esprit a dit de ne pas prendre à la terre, de ne pas détruire les choses vivantes.
Aujourd'hui, presque toutes les prophéties se sont réalisées. Des routes grandes comme des rivières traversent le paysage; l'homme parle à travers un réseau de téléphone et il voyage dans le ciel avec ses avions. Deux grandes guerres ont été faites par ceux qui arborent le swastika ou le soleil levant.
Le Grand Esprit a dit que si une gourde de cendres était renversée sur la terre, beaucoup d'hommes mourraient, et que la fin de cette manière de vivre était proche. Nous interprétons cela comme les bombes atomiques lancées sur Hiroshima et Nagasaki. Nous ne voulons pas que cela se reproduise dans aucun autre pays pour aucun autre peuple; cette énergie devrait servir à des fins pacifiques, non pour la guerre.
Nous, les chefs religieux et porte-parole légitimes du peuple indépendant des Hopis, avons été chargés par le Grand Esprit d'envoyer au président des Etats-Unis et à tous les chefs spirituels une invitation à nous rencontrer pour discuter du salut de l'humanité, afin que la Paix, l'Unité et la Fraternité règnent partout où il y a des hommes.

Auteur: Anonyme

Info: Lettre des Indiens Hopis au président Nixon en 1970, sagesse amérindienne

[ usa ] [ progrès ]

 

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histoire d'amour

Noble espagnole, Inés de Castro 1320 - 1355, émigre au Portugal en 1340 pour suivre Constance de Castille, l'épouse du prince Pierre de Portugal, dont elle est dame de compagnie. Le prince tombe rapidement amoureux fou d'elle, au point de négliger sa femme, ce qui a pour effet de rapprocher du trône les nobles castillans (le propre frère d'Inés devient l'ami et le confident du prince), et de favoriser l'émergence d'un parti dit des Castro à la cour royale portugaise.
Le roi Alphonse IV de Portugal, père de Pierre, désapprouve l'influence d'Inés et de sa famille sur son fils mais décide d'attendre que leur passion s'éteigne d'elle-même. Cette passion restera néanmoins forte et constante, malgré la désapprobation royale. Inés est exilée en Castille.
Après la mort de la princesse Constance en 1345, Inés revient d'exil, pendant que le roi cherche en vain à remarier son fils, celui-ci refusant tout projet d'union matrimoniale. Dans le même temps, le fils légitime de Pierre, (le futur roi Ferdinand Ier) est un garçon chétif et frêle alors que les quatre enfants illégitimes de Pierre et d'Inés prospèrent au désespoir de la noblesse portugaise inquiète de l'influence du parti des Castro sur Pierre.
Après plusieurs tentatives pour séparer le couple, et soucieux de l'éventualité de voir le Prince Pierre prendre parti dans la crise politique castillane, le roi ordonne l'exécution d'Inés. Pêro Coelho, Álvaro Gonçalves et Diogo Lopes Pacheco sont désignés pour cela et partent pour le monastère de Santa Clara à Coimbra, où réside Inés, et la tuent le 7 janvier 1355. À cette nouvelle, Pierre se rebelle contre son père et engage le pays dans une courte guerre civile.
Quelques temps après être devenu roi du Portugal en 1357, Pierre annonce au pays, par la proclamation de Cantanhede qu'il a secrètement épousé Inés, faisant ainsi d'elle la reine de Portugal. La parole du roi, confirmée par quelques témoins de son entourage, est alors, et reste de nos jours, la seule preuve de ce mariage. Toutefois les enfants de cette union s'en trouvent de ce fait reconnus comme légitimes, ce qui peut avoir constitué le motif principal d'une telle proclamation.
Selon la légende, il fait déterrer le corps d'Inés, la fait revêtir d'un manteau de pourpre. Assise sur le trône de la reine, Inés est couronnée et Pierre oblige tous les grands du royaume à lui baiser la main. Il fait poursuivre les trois assassins d'Inés ; deux d'entre eux sont capturés et mis à mort. Les bourreaux leur arrachent le coeur, à l'un par la poitrine et à l'autre par le dos, ils sont ensuite brûlés.

Auteur: Wkipedia

Info:

 

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insoumis

Il s’appelle Heinz Buchmann. Ce lieutenant de la police allemande refusera en 1943 de participer aux massacres de juifs, en Pologne. Il s’appelle Noël Favrelière. Ce sergent de l’armée française déserte le 26 août 1956, pour ne pas être complice de l’exécution de suspects algériens. Il s’appelle Hugh Thomson. Ce lieutenant de l’armée américaine, pilote d’hélicoptère interviendra pour faire cesser le massacre des habitants du village de My Laï, le 16 mars 1968. Il s’appelle Jean-Baptiste Munyankore. En avril 2004, cet instituteur refusera de se joindre à son directeur et son inspecteur scolaire, pour massacrer les Tutsis. Ces hommes ne sont pas des justes, des planqués ou des héros. Ils n’ont pas agi par conviction politique, religieuse ou humaniste, leur acte étant individuel. Ils s’intéressaient plus à eux-mêmes, qu’à leurs victimes. Exécuteurs virtuels, ils n’ont simplement pas accompli ce qu’on attendait d’eux. L’histoire accorde beaucoup de compassion pour les victimes, beaucoup d’admiration pour les résistants, un mélange de répulsion/fascination pour les bourreaux. Mais pour ces criminels potentiels qui ont refusé de le devenir, il n’y a, à ce jour, aucune étude. Philippe Breton a comblé ce manque, en écrivant cet essai tout à fait passionnant sur ceux qu’il nomme les refusants. Pour mieux comprendre leurs motivations, l’auteur s’intéresse tout d’abord au mode de fonctionnement des exécutants. Il discute plusieurs hypothèses permettant d’expliquer leur comportement : celle de sadiques (10% seulement des SS étaient des psychopathes), celle de la soumission à l’autorité (le criminel n’est pas soumis, pas plus que le refusant n’est un insoumis), celle du racisme (les nazis ont massacré leurs compatriotes, bien avant de s’en prendre aux juifs et aux tziganes), celle de la brutalité pulsionnelle (les massacreurs sont bien plus conscients qu’on ne le pense de l’humanité de ceux qu’ils abattent). Aucun de ces arguments ne le satisfait. L’axe de réflexion qu’il retient est celui du principe archaïque de la vengeance qui légitime le meurtre sans jugement. Ce serait le sens principal de l’action de tueurs qui se perçoivent comme des victimes agressées, ne faisant que défendre leurs biens et leurs proches contre une menace ressentie comme imminente. L’acte qu’ils posent serait donc vertueux et ne provoquerait aucune culpabilité, puisqu’il s’agit avant tout de se protéger. C’est le cumul de trois facteurs qui contribuerait au passage à l’acte génocidaire : la vengeance comme norme sociale centrale, une société structurée par une socialisation violente et une situation d’agression (réelle ou fantasmée). Les refusants auraient la particularité de ne pas avoir éduqués dans un climat de violence et de ne pas être imprégnés de ce sentiment vindicatif, l’acte qu’on attend d’eux perdant alors toute légitimité.



 

Auteur: Breton Philippe

Info: Les refusants : Comment refuse-t-on d'être un exécuteur ? La découverte, 2009

[ non milgramistes ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

évolutionisme

Ceci nous amène à nous interroger sur les raisons qui plaident en faveur de cette nouvelle théorie de la trans-mutation. Le commencement des choses se trouve nécessairement dans l'obscurité, au-delà des limites de la preuve, tout en restant à l'intérieur de celles de la conjecture ou de l'inférence analogique. Pourquoi ne pas s'en tenir à l'opinion habituelle, que toutes les espèces furent créées directement, et non indirectement, d'après leurs genres respectifs, tels que nous les voyons aujourd'hui, et cela d'une manière qui, dépassant notre entendement, renverra intuitivement au surnaturel ? Pourquoi cette recherche continuelle de "l'inaccessible et de l'obscur", ces efforts anxieux, surtout depuis quelques années, des naturalistes et des philosophes de diverses écoles et de diverses tendances, pour pénétrer ce que l'un d'eux appelle "le mystère des mystères", c'est-à-dire l'origine des espèces ? A cette question, en général, on peut trouver une réponse suffisante dans l'activité de l'intellect humain, "le désir délirant, mais divin, de savoir", stimulé comme il l'a été par son propre succès dans le dévoilement des lois et des processus de la nature inorganique, dans le fait que les principaux triomphes de notre époque en science physique ont consisté à tracer des liens là où aucun n'avait été identifié auparavant, à ramener des phénomènes hétérogènes à une cause ou à une origine commune, d'une manière tout à fait analogue à celle qui consiste à ramener des espèces supposées indépendantes à une origine ultime commune ; ainsi, et de diverses autres manières, à étendre largement et légitimement le domaine des causes secondaires. Il est certain que l'esprit scientifique d'une époque qui considère le système solaire comme issu d'une masse fluide commune en rotation, qui, par la recherche expérimentale, en est venu à considérer la lumière, la chaleur, l'électricité, le magnétisme, les affinités chimique et la puissance mécanique comme des variétés ou des formes dérivées et convertibles d'une seule force, plutôt que comme des espèces indépendantes, qui a réuni les types de matière dits élémentaires, tels que les métaux, dans des groupes apparentés, et qui a soulevé la question de savoir si les membres de ces groupes pouvaient être des espèces indépendantes, est en droit de s'attendre à ce qu'il en soit ainsi, et qui pose la question de savoir si les membres de chaque groupe ne sont pas de simples variétés d'une même espèce, tout en spéculant avec constance dans le sens d'une unité ultime de la matière, d'une sorte de prototype ou d'élément simple qui pourrait être pour les espèces ordinaires de matière ce que les protozoaires ou les cellules constitutives d'un organisme sont pour les espèces supérieures d'animaux et de plantes, on ne peut s'attendre à ce que l'esprit d'une telle époque laisse passer sans discussion l'ancienne croyance sur les espèces.

Auteur: Gray Asa

Info: Darwin on the Origin of Species", The Atlantic Monthly (juillet 1860),

[ historique ] [ tour d'horizon ] [ curiosité ] [ rationalisme monothéiste ] [ source unique ] [ matérialisme ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

psychanalyse

Le transfert est déjà en puissance analyse de la suggestion, il est lui-même la possibilité de l’analyse de la suggestion, il est articulation seconde de ce qui, dans la suggestion, s’impose purement et simplement au sujet. En d’autres termes, la ligne d’horizon sur laquelle la suggestion se base est là, au niveau de la demande, celle que fait le sujet à l’analyste par le seul fait qu’il est là.

Cette demande n’est pas sans variété. [...] Mais quelle importance cela a-t-il de savoir la place de la demande ?  - puisque l’analyste, même s’il ne répond pas à la demande, d’être seulement institué, y répond, ce qui est constitutif de tous les effets de suggestion.

[...] Le transfert est ici conçu comme la prise du pouvoir de l’analyste sur le sujet, comme le lien affectif qui fait le sujet dépendre de lui, et dont il est légitime que nous usions pour qu’une interprétation passe. [...] Pour appeler les choses par leur nom, c’est parce que le patient est arrivé à bien nous aimer que nos interprétations sont ingurgitées. Nous sommes sur le plan de la suggestion. Or, bien entendu, Freud n’entend pas se limiter à cela.

On nous dit – Oui, c’est simple, nous allons analyser le transfert, vous verrez, ça fait tout à fait s’évanouir le transfert. [...] Considérer que l’on se distingue de celui qui prend appui sur son pouvoir sur le patient pour faire passer l’interprétation, donc qui suggère, en ceci que l’on va analyser cet effet de pouvoir, qu’est-ce d’autre que de renvoyer la question à l’infini ? – puisque c’est encore à partir du transfert que l’on analysera le fait que le sujet ait accepté l’interprétation. Il n’y a aucune possibilité de sortir par cette voie du cercle infernal de la suggestion. Or, nous supposons justement qu’autre chose est possible. C’est donc que le transfert est autre chose que l’usage d’un pouvoir.

Le transfert est déjà en lui-même un champ ouvert, la possibilité d’une articulation signifiante autre et différente de celle qui enferme le sujet dans la demande [...] C’est quelque chose d’articulé qui est en puissance au-delà de ce qui s’articule sur le plan de la demande, où vous trouverez la ligne de la suggestion. [...]

S’il y a transfert, c’est très précisément pour que cette ligne supérieure [horizon du transfert] soit maintenue sur un autre plan que sur celui de la suggestion, à savoir qu’elle soit visée, non pas comme quelque chose à quoi ne répond aucune satisfaction de la demande, mais comme une articulation signifiante en tant que telle. [...]

Vous me direz – Quelle est l’opération qui fait que nous les maintenons distinctes ? Notre opération est justement abstinente ou abstentionniste. Elle consiste à ne jamais ratifier la demande comme telle.

Auteur: Lacan Jacques

Info: Dans le "Séminaire, Livre V", "Les formations de l'inconscient (1957-1958)", éditions du Seuil, 1998, pages 427 à 429

[ défini ] [ inconscient ] [ problèmes ]

 

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philosophes comparés

[...] le Marquis de SADE nous propose, avec une extrême cohérence, de prendre en effet pour maxime universelle de notre conduite le contre-pied - vue la ruine des autorités en quoi consiste dans les prémisses de cet ouvrage, l’avènement d’une véritable république - le contre-pied de ce qui a pu toujours jusque là être considéré comme, si l’on peut dire, le minimum vital d’une vie morale viable et cohérente. Et à la vérité, il ne le soutient pas mal. Ce n’est point par hasard si nous voyons dans La philosophie dans le boudoir - d’abord et avant tout - être fait l’éloge de la calomnie.

La calomnie, nous dit-il, ne saurait être en aucun cas nocive, car en tout cas, si elle impute à notre prochain quelque chose de beaucoup plus mauvais que ce qu’on peut lui attribuer, elle aura pour mérite de nous mettre en garde en toute occasion contre ses entreprises. Et c’est ainsi qu’il poursuit, point par point, justifiant, sans en excepter aucune, le renversement de tout ce qui est considéré comme les impératifs fondamentaux de la loi morale, continuant par l’inceste, l’adultère, le vol et tout ce que vous pouvez y ajouter. Prenez simplement le contre-pied de toutes les lois du Décalogue et vous aurez ainsi l’exposé cohérent de quelque chose dont le dernier ressort s’articule en somme ainsi : nous pouvons prendre comme loi, comme maxime universelle de notre action, quelque chose qui s’articule comme le droit à jouir d’autrui quel qu’il soit, comme instrument de notre plaisir.

SADE démontre avec beaucoup de cohérence que cette loi étant universelle, universalisée, c’est-à-dire : que par exemple, si elle permet aux libertins la libre disposition de toutes les femmes, indistinctement et quel que soit ou non leur consentement, inversement il libère les femmes de tous les devoirs qu’une société vivante et civilisée leur impose dans leurs relations conjugales, matrimoniales et autres, et que quelque chose est concevable, qui ouvre toutes grandes les vannes qu’il propose imaginairement à l’horizon du désir qui fait que tout un chacun est sollicité de porter à son plus extrême les exigences de sa convoitise et de les réaliser. Si même ouverture est donnée à tous, alors on verra ce que donne une société naturelle. Notre répugnance, après tout, pouvant très légitimement être assimilée à ce que KANT prétend lui-même éliminer, retirer des critères de ce qui pour nous fait la loi morale, à savoir un élément sentimental.

Si KANT entend éliminer tout élément sentimental de la morale, nous retirer comme non valable tout guide qui soit dans notre sentiment, à l’extrême le monde sadiste est concevable comme étant - même s’il en est l’envers et la caricature - un des accomplissements possibles du monde gouverné par une éthique radicale, par l’éthique kantienne telle qu’elle s’inscrit, telle qu’elle se date en 1788.

Auteur: Lacan Jacques

Info: 23 décembre 1959, L'Ethique

[ mise en pratique ]

 

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déshumanisation

[...] le Marquis de SADE nous propose, avec une extrême cohérence, de prendre en effet pour maxime universelle de notre conduite le contre-pied - vue la ruine des autorités en quoi consiste dans les prémisses de cet ouvrage, l’avènement d’une véritable république - le contre-pied de ce qui a pu toujours jusque là être considéré comme, si l’on peut dire, le minimum vital d’une vie morale viable et cohérente. Et à la vérité, il ne le soutient pas mal. Ce n’est point par hasard si nous voyons dans La philosophie dans le boudoir - d’abord et avant tout - être fait l’éloge de la calomnie.

La calomnie, nous dit-il, ne saurait être en aucun cas nocive, car en tout cas, si elle impute à notre prochain quelque chose de beaucoup plus mauvais que ce qu’on peut lui attribuer, elle aura pour mérite de nous mettre en garde en toute occasion contre ses entreprises. Et c’est ainsi qu’il poursuit, point par point, justifiant, sans en excepter aucune, le renversement de tout ce qui est considéré comme les impératifs fondamentaux de la loi morale, continuant par l’inceste, l’adultère, le vol et tout ce que vous pouvez y ajouter. Prenez simplement le contre-pied de toutes les lois du Décalogue et vous aurez ainsi l’exposé cohérent de quelque chose dont le dernier ressort s’articule en somme ainsi : nous pouvons prendre comme loi, comme maxime universelle de notre action, quelque chose qui s’articule comme le droit à jouir d’autrui quel qu’il soit, comme instrument de notre plaisir.

SADE démontre avec beaucoup de cohérence que cette loi étant universelle, universalisée, c’est-à-dire : que par exemple, si elle permet aux libertins la libre disposition de toutes les femmes, indistinctement et quel que soit ou non leur consentement, inversement il libère les femmes de tous les devoirs qu’une société vivante et civilisée leur impose dans leurs relations conjugales, matrimoniales et autres, et que quelque chose est concevable, qui ouvre toutes grandes les vannes qu’il propose imaginairement à l’horizon du désir qui fait que tout un chacun est sollicité de porter à son plus extrême les exigences de sa convoitise et de les réaliser. Si même ouverture est donnée à tous, alors on verra ce que donne une société naturelle. Notre répugnance, après tout, pouvant très légitimement être assimilée à ce que KANT prétend lui-même éliminer, retirer des critères de ce qui pour nous fait la loi morale, à savoir un élément sentimental.

Si KANT entend éliminer tout élément sentimental de la morale, nous retirer comme non valable tout guide qui soit dans notre sentiment, à l’extrême le monde sadiste est concevable comme étant - même s’il en est l’envers et la caricature - un des accomplissements possibles du monde gouverné par une éthique radicale, par l’éthique kantienne telle qu’elle s’inscrit, telle qu’elle se date en 1788.

Auteur: Lacan Jacques

Info: 23 décembre 1959

[ conséquences ] [ historique ] [ relativisme ] [ modernité ]

 

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évolution moderne

Il n’est que trop évident qu’il y a actuellement deux religions dans l’Église : d’une part la religion catholique, dont les enjeux sont célestes – le salut éternel –, et d’autre part une religion séculière très proche d’elle sur le plan moral – la religion des droits de l’homme ou religion humanitaire –, dont les préoccupations sont exclusivement terrestres.

Pendant plus de mille ans religion identitaire des Européens, puis étendu par eux à travers le monde, le christianisme s’est aujourd’hui jeté tête baissée dans un délire universaliste qui se marque notamment par l’injonction adressée par le pape aux pays d’Europe d’accueillir sans limite sur leur territoire toute l’immigration illégale en provenance de l’Afrique et de l’Asie, ainsi que par une bienveillance chrétienne envers l’islam qui tranche avec une traditionnelle volonté de résistance aux entreprises conquérantes musulmanes, voire de reconquête sur l’islam des régions où était né le christianisme et dont s’étaient emparés les conquérants arabes. En faisant de l’universalisme sa seule raison d’être, le christianisme tend à apparaître comme un doublon de la religion des droits de l’homme.

Cette actuelle obsession universaliste du christianisme n’est effectivement pas sans évoquer Marcion, prédicateur gnostique du IIe siècle qui avait complètement trahi le christianisme en prétendant l’arracher à ses racines juives. Pour Marcion, le Dieu de la Bible – qu’il appelle le Dieu juste – est une divinité subalterne et grossière qui a créé un monde raté et instauré une justice impitoyable. Au dessus de lui est un Dieu suprême caché – le Dieu bon – qui s’est rendu visible en la personne de Jésus pour libérer les hommes du Dieu de la Bible. Rejetant radicalement le Dieu juste et ne voulant connaître que le Dieu bon, Marcion invitait ses disciples à faire table rase de la Bible et du passé juif pour ne garder que le message d’amour de l’Évangile dans une version au demeurant largement falsifiée. En rejetant le Dieu juste et l’Ancien Testament, Marcion rejetait non seulement la justice, l’ordre social, le mariage, la famille, mais encore l’idée de nation.

Aujourd’hui, en prétendant présenter exclusivement le christianisme comme un universalisme abstrait, l’Église adopte une démarche marcionite qui arrache au christianisme son substrat biblique, lequel légitime les identités particulières. Car le christianisme, du fait qu’il est né d’une religion nationale – le judaïsme – et que ses perspectives sont célestes et non terrestres, a pu aisément, en dépit de son ambition de s’adresser à la généralité humaine, jouer le rôle d’une religion particulière pour les peuples qui se réclamaient de lui. Au lieu de quoi, en ne voulant connaître du christianisme que son appel à la fraternité universelle, on nie la réalité du christianisme comme symbiose entre l’Évangile et la Bible. Prendre dans le Nouveau Testament une idée ou une valeur en la coupant de l’Ancien Testament revient à faire du Marcion. Cette idée ou cette valeur n’est alors plus chrétienne : elle est marcionite, elle est gnostique. Il y a manifestement quelque chose de marcionite dans les prises de position immigrationnistes de l’Église catholique.

Auteur: Harouel Jean-Louis

Info: Interview 2017

[ coupure historique ] [ gnosticisme ] [ théologie ]

 

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