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refuge

Pourtant, en repensant maintenant à ces trois années, je me rends compte qu’elles n’étaient nullement gaspillées. Sans même le savoir, j’ai appris alors dans la solitude ce qui fait l’essentiel du métier de mathématicien - ce qu’aucun maître ne peut véritablement enseigner. Sans avoir eu jamais à me le dire, sans avoir eu a rencontrer quelqu’un avec qui partager ma soif de comprendre, je savais pourtant, "par mes tripes" je dirais, que j’étais un mathématicien : quelqu’un qui "fait" des maths, au plein sens du terme - comme on "fait" l’amour. La mathématique était devenue pour moi une maîtresse toujours accueillante à mon désir. Ces années de solitude ont posé le fondement d’une confiance qui n’a jamais été ébranlée - ni par la découverte (débarquant à Paris à l’âge de vingt ans) de toute l’étendue de mon ignorance et de l’immensité de ce qu’il me fallait apprendre : ni (plus de vingt ans plus tard) par les épisodes mouvementés de mon départ sans retour du monde mathématique ; ni, en ces dernières années, par les épisodes souvent assez dingues d’un certain "Enterrement" (anticipé et sans bavures) de ma personne et de mon oeuvre, orchestré par mes plus proches compagnons d’antan...

Auteur: Grothendieck Alexandre

Info: Récoltes et semailles

[ discipline passion ] [ spécialité ]

 

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mer nourricière

Il y a dans ces restaurants de bord de mer, dès lors qu’ils ne se satisfont pas d’être des bouis-bouis de bout du quai et affichent la prétention d’un standing amélioré, un doux mélange de kitsch contemporain, impersonnel –idem sur toutes les côtes –et de vieille auberge maritime, de tanière où se donne en partage l’archaïque nourriture des hommes tirée de leur hostile et chère adversaire abyssale.

C’est dû aux poissons que l’on y fait griller, qu’on dirait tout juste extraits de l’étendue obscure qui prend sous les fenêtres, sautés aussitôt dans l’assiette après un bref détour par les cuisines où les ont vidés, préparés et mis à cuire des mains candides et chevronnées, répétant des gestes sans âge ; c’est dû aux huîtres qui sortent de leurs casiers trempés à quatre cents mètres de là, aux coquillages ramassés sur les plages d’à côté par d’autres mains calleuses, gercées, entaillées de cicatrices dans et malgré leurs gants de protection. Une caravelle ou un chalutier vogue à l’intérieur d’une grosse bouteille sur une étagère. Les serviettes sont tire-bouchonnées dans les verres à pied ; on les retire pour verser le vin blanc qui accompagnera les bulots, les crevettes.

Auteur: Larnaudie Mathieu

Info: Blockhaus

[ océan ]

 

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hyléomorphisme

Il s'agit de savoir si dans ce tout, étendu, ce qui explique qu'il est étendu explique aussi qu'il est un. Or, qui ne voit que ces deux caractères s'opposent entre eux, bien qu'ils soient destinés à se trouver tous deux dans ce tout étendu, qu'ils constituent ou qu'ils spécifient comme tel par leur union. Parler d'étendue, en effet, c'est parler de parties qui se répandent, qui s'étendent, comme le mot même l'indique, ou qui tendent à s'en aller. Et, au contraire, parler de tout, parler d'unité, d'un, en l'appliquant à ce tout étendu ou à ce tout à dimensions, à ce tout de l'ordre des corps, c'est parler de parties qui se ramassent, qui se rapprochent, qui s'unissent et demeurent retenues dans ce tout. [...] Il n'est donc pas possible que le principe de l’étendue soit le même que le principe de l’unité ou de la totalité. De toute nécessité, il faut ici deux principes distincts, dont le rôle ou la fonction vient en sens contraire. Et ce sera précisément leur rencontre qui permettra d'avoir ce tout, en apparence contradictoire, mais, en réalité, d'une harmonie aussi profonde qu'elle sera mystérieuse, l'être tout ensemble étendu et un, que nous appelons l'être corporel, l'être à dimensions.

Auteur: Pègues Thomas

Info: Dans "Aperçus de philosophie thomiste et de propédeutique", page 57

[ forme-matière ] [ incarnation ]

 
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méta-moteur

Ainsi, tout en regardant le Lincoln qui, par degrés, arrivait à établir une relation avec ce qu'il voyait, je compris quelque chose : à la base de la vie, il n'y a pas l'avidité d'exister, ni un désir d'aucune sorte. Il y a la Peur. Celle que j'avais sous les yeux. Et même, ce n'était pas la peur. C'est bien pis. C'est l'épouvante absolue. Une épouvante si paralysante qu'elle débouche sur l'apathie. Pourtant, le Lincoln remuait, s'en extirpait. Pourquoi ? Parce qu'il le devait. L’étendue de son épouvante impliquait, et le mouvement, et l'action. Cet état, de par sa nature propre, était insupportable.

Toute activité de la vie en lui était un effort qui tendait à le soulager de cet état. Une tentative pour adoucir la condition dans laquelle nous le voyions, en cet instant.

J'en déduisis que naître n'est pas une partie de plaisir. C'est pire que mourir. On peut philosopher sur la mort. Et vous ne vous en priverez certainement pas, comme chacun de nous. On ne peut philosopher sur la naissance, ni en adoucir la condition. Et le diagnostic est terrible : tous vos actes, vos exploits, vos pensées ne font que vous imbriquer encore plus profondément dans la vie.

Auteur: Dick Philip K.

Info: Le bal des schizos, 1985

[ frousse ] [ crainte ] [ frayeur ]

 

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imprimerie

De nos jours, toute la production industrielle des images fournies par les rotatives et les scanners du monde entier est d’une manière ou d’une autre redevable à cette invention qu’est la quadrichromie, cette superposition et ce mélange des trois couleurs fondamentales, le jaune, le bleu et le rouge –elles se trouvent également sur le drapeau olympique- auxquelles on ajoute encore le noir pour les contrastes afin d’obtenir toute l’étendue de la gamme chromatique. (Remarque : ce procédé, non explicité à ce jour sur wikipédia, implique une pixellisation mécanique de l'image qui sera décomposée dans ces 4 couleurs, ce qui implique de fait 4 passages en machine - un par couleur. L'imprimeur utilise alors en sortie de machine un compte-fils, càd une loupe, pour vérifier le détails des groupes de 4 pixels qui composent l'image. A ceci il faut ajouter que le noir, usé pour parfaire le contraste aux 3 couleurs primaires additives : jaune, magenta et cyan, peut être vu comme le pendant du blanc, qui passe lui aussi en machine à sa manière. Tout d'abord via le support, en général papier, mais aussi par l'imprimeur, qui l'utilise sous forme de "blanc transparent", ce qui lui permet de diluer n'importe quelle encre afin de l'éclaircir si nécessaire.*)

Auteur: Rodari Florian

Info: Anatomie de la couleur. L'invention de l'estampe en couleurs. * Remarque de MG, ex imprimeur, 3 mai 2020

[ historique ]

 

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nouveau monde

Je n’eus pas plutôt mis le pied dans cette nouvelle terre, que je me sentis tout affamé ; si bien qu’après avoir attaché mes Gansas [oies], et ma machine au premier arbre que je rencontrais, je ne pensais plus qu’à satisfaire mon ventre. Pour cet effet, je fouillais tout aussitôt dans mes pochettes, pour en tirer les provisions dont j’ai parlé ci-devant. Mais au lieu des perdrix et des chapons que je pensais y avoir mis, je n’y trouvais qu’un mélange confus de feuilles sèches, parmi de la mousse, du poil de chèvre, des crottes de brebis et de semblables ordures. Il m’en arriva de même de mon vin de Canarie, qui se tourna en une puante et vilaine liqueur, telle à peu près du pissat de cheval, ou quelque autre bête ; d’où vous pouvez bien juger, que toutes ces choses n’étaient qu’illusions de malins esprits, et de quelle force j’en aurais été servi, si je m’y fusse fié. Mais tandis que je m’amusais à considérer de si étranges métamorphoses, j’ouïs un grand bruit que faisaient mes oiseaux ; qui battaient des ailes derrière moi, et me tournant tout en même temps, je vis comme ils se jetaient à corps perdu sur un certain arbrisseau, qui s’était fortuitement embarrassé dans l’étendue de leurs cordages, je pris garde qu’ils en mangeaient les feuilles avec une grande avidité, et m’en étonnais d’autant plus, que je ne les avais jamais vu jusqu’alors, se repaître d’aucune forme de mangeaille...

Auteur: Godwin Francis

Info: L'homme dans la Lune

[ exploration ] [ voyage spatial ] [ science-fiction ]

 
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pollution lumineuse

En effet, ce n’est pas le jour que l’on voit, car en journée, le présent et même l’instant retiennent notre regard et nos jugements, engonçant les hommes dans leurs affairements quotidiens. La nuit, en revanche, quand les besoins du corps organique et social ont été satisfaits, l’homme peut se permettre de ne plus penser seulement à lui. Devant ses yeux s’ouvre l’univers entier : voyant très loin dans les profondeurs du firmament, il considère son présent par rapport à des étoiles qui existaient avant sa naissance, qui restent à leur place tout au long de sa vie, et qui, enfin, demeureront quand mourra cet humble spectateur. Par conséquent, en contemplant la nuit, l’homme sort du présent et accède à la conscience du temps, passé et avenir, et au-delà même du temps, à la sensation de l’éternité.



C’est bien la nuit que nous voyons, et pourtant, c’est elle qui est aujourd’hui menacée : outre l’inquiétante diminution du temps de sommeil dans la vie de nos contemporains affairés, il faut remarquer que, parallèlement à la saturation des informations qui empêche leur lisibilité, la saturation de luminosité liée à l’urbanisation et à la multiplication des écrans empêche, à son tour, la visibilité de notre situation dans le temps et dans l’espace, rendue possible jusqu’ici par le spectacle de la nuit. Le changement profond de nos modes de vie à l’heure de la modernité nous empêche désormais de contempler l’évidence de la nuit et d’en discerner les signes pour notre vie future. En effet, la chasse que les Lumières électriques ont livré à l’obscurité au XVIIIe siècle a été entérinée en novembre 1906, lorsque le très anticlérical René Viviani, alors ministre du travail, vantait devant l’Assemblée Nationale le fait que, "d’un geste magnifique, nous avons éteint, dans le ciel, des lumières qu’on ne rallumera plus". À l’ancienne superstition "obscurantiste", la modernité irréligieuse a fait place à ce que Péguy appelait la nouvelle "superstition", qui consiste à éteindre les anges du ciel pour allumer sur terre les réverbères du progrès. L’époque contemporaine revient désabusée de ces nouvelles croyances séculaires – désillusion que d’aucuns appellent la "postmodernité". En effet, en 2001, à l’aube de notre troisième millénaire, un Atlas mondial de la clarté artificielle du ciel nocturne a été publié par l’équipe de l’astronome italien Pierantonio Cizano, qui permet de visualiser l’étendue de la luminosité artificielle et de quantifier les populations affectées par son excès. Selon les auteurs de cet atlas, nous explique l’équipe d’Yvan Ajoulet et Dominique David dans un rapport ministériel de juillet 2014 sur les nuisances lumineuses, "la moitié de la population européenne vivant à proximité des métropoles ne pourrait plus observer la Voie lactée à l’œil nu, et seules une vingtaine d’étoiles sont désormais encore visibles dans le ciel en ville contre plus de 2000 en campagne".

Auteur: Ducay Paul

Info: https://philitt.fr/2022/09/22/la-grande-nuit-sans-etoiles/

[ éclairage artificiel ] [ symbolisme ] [ aveuglement ] [ zombification ]

 

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biopouvoir

On juge ainsi des progrès d’une civilisation à son seul respect de la vie comme valeur absolue. [...] On accuse la société, lorsqu’elle tue en pleine préméditation, de vengeance barbare, digne du Moyen Âge. C’est lui faire beaucoup d’honneur. Car la vengeance est encore une réciprocité mortelle. Elle n’est ni "primitive" ni "pur mouvement de nature", rien n’est plus faux. Elle est une forme très élaborée d’obligation et de réciprocité, une forme symbolique. Rien à voir avec notre mort abstraite, sous-produit d’une instance morale et bureaucratique à la fois (notre peine capitale, nos camps de concentration) – mort comptable, mort statistique, qui, elle, a tout à voir avec le système de l’économie politique. Elle en a la même abstraction, qui n’est jamais celle de la vengeance ou du meurtre, ou du spectacle sacrificiel. Judiciaire, concentrationnaire, ethnocidaire : telle est la mort que nous avons produite, celle que notre culture a mise au point. Aujourd’hui, tout a changé, et rien n’a changé : sous le signe des valeurs de vie et de tolérance, c’est le même système d’extermination, mais en douceur, qui régit la vie quotidienne – et celui-là n’a même plus besoin de la mort pour réaliser ses objectifs.

Car le même objectif qui s’inscrit dans le monopole de la violence institutionnelle et de la mort se réalise aussi bien dans la survie forcée, dans le forcing de la vie pour la vie (reins artificiels, réanimation intensive des enfants mal formés, agonies prolongées à tout prix, greffes d’organes, etc.). [...] Cette "thérapeutique héroïque" se caractérise par des coûts croissants et des "avantages décroissants" : on fabrique des survivants improductifs. Si la Sécurité sociale peut encore s’analyser comme "réparatrice de force de travail au profit du capital", cet argument est ici sans valeur. Si bien que le système se retrouve ici devant la même contradiction que pour la peine de mort : il surenchérit sur la préservation de la vie comme valeur parce que ce système de valeurs est essentiel à l’équilibre stratégique de l’ensemble – mais cette surenchère déséquilibre économiquement l’ensemble. Que faire ? Un choix économique s’impose, où on voit se profiler l’euthanasie comme doctrine et pratique semi-officielle. [...] L’euthanasie est déjà là partout, et l’ambiguïté d’en faire une revendication humaniste (même chose pour la "liberté" de l’avortement) est éclatante : elle s’inscrit dans la logique à moyen ou long terme du système. tout ceci va dans le sens d’un élargissement du contrôle social. Car, derrière toute les contradictions apparentes, l’objectif est sûr : assurer le contrôle sur toute l’étendue de la vie et de la mort. [...] et l’interdiction de mourir est la forme caricaturale, mais logique, du progrès de la tolérance – l’essentiel est que la décision leur échappe, et que jamais ils ne soient libres de leur vie et de leur mort, mais qu’ils meurent et vivent sous visa social. C’est même encore trop qu’ils restent livrés au hasard biologique de la mort, car c’est encore une espèce de liberté.

Auteur: Baudrillard Jean

Info: Dans "L'échange symbolique et la mort", éditions Gallimard, 1976, pages 283 à 285

[ gestion rationalisée ] [ humanisme prétexte ] [ santé ] [ acharnement thérapeutique ]

 

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dédication

Il avait pris comme nom de scène Ching Ling Foo.

Je n’eus qu’une seule occasion d’assister à son numéro, il y a de cela quelques années, a l’Adelphi Theater de Leicester Square. Le spectacle terminé, je gagnai l’entrée des artistes et envoyai ma carte à Ching, qui sans plus attendre m’invita aimablement dans sa loge. Il s’abstint de parler de ses illusions, mais je ne pouvais détacher le regard de l’objet posé près de lui sur un piédestal — son accessoire le plus célèbre : un grand aquarium sphérique à poissons rouges qui, en semblant surgir du néant, marquait le fantastique apogée de son numéro. Ching me proposa d’examiner le bocal, lequel était des plus normaux. Il renfermait au moins une douzaine de poissons ornementaux, tous vivants, et était empli d’eau. Je cherchai à le soulever, car je savais de quelle manière Ching le faisait apparaitre, et je m’ébahis de son poids.

Mon hôte ne dit mot en me voyant aux prises avec l’aquarium. De toute évidence, il se demandait si je connaissais ou non sa technique et répugnait à donner, même à un collègue, le moindre indice susceptible de la trahir. Quant à moi, j’ignorais comment lui révéler que son secret n’en était en effet plus un pour moi, si bien que je tins également ma langue. Je restai en sa compagnie une quinzaine de minutes, qu’il passa assis, à hocher poliment la tête tandis que je le complimentais. A mon arrivée, il avait déjà troqué son costume de scène contre un pantalon foncé et une chemise bleue à rayures, bien qu’il ne se fût pas encore démaquillé. Quand je me levai pour rendre congé, il quitta sa chaise, devant le miroir, afin de me raccompagner a la porte. Il marchait la tête basse, les bras pendants, en trainant les pieds comme si ses jambes l’avaient énormément fait souffrir.

A présent que des années ont passé et que Ching est mort, je puis dévoiler son secret le plus jalousement gardé, un secret dont, cette nuit-là, j’eus le privilège d’entrevoir l’étendue obsessionnelle.

Le célèbre aquarium se trouvait sur scène durant tout le spectacle, prêt à sa soudaine et mystérieuse apparition, habilement dissimulé au public. Ching le portait sous l’ample robe de mandarin qu’il affectionnait, coincé entre les genoux, jusqu’à sa sensationnelle matérialisation - véritable miracle, eût-on dit - à la fin du numéro. Aucun spectateur ne parvint jamais à deviner comment il réalisait ce tour, bien qu’il eût suffi d’un instant de réflexion logique pour percer le mystère.

Mais la logique se trouvait en conflit magique avec elle-même! Le seul endroit où il était possible à Ching de cacher le lourd aquarium était l’intérieur de sa robe, et il était logiquement impossible qu’il l’y mît. Il semblait évident à tout un chacun que Ching Ling Foo, le frêle Chinois, accomplissait son numéro d’une démarche trainante, douloureuse. Lorsqu’il faisait la révérence, pour conclure, il s’appuyait sur son assistante, laquelle le soutenait ensuite tandis qu’il sortait de scène en clopinant.

La réalité était totalement différente. Ching était un homme vigoureux d’une grande force physique,

et porter l’aquarium de cette manière lui était tout à fait possible. Cela dit, la taille et la forme du bocal le contraignaient à traîner les pieds tel un mandarin, mettant son secret en péril, car l’attention se concentrait alors sur sa manière de se déplacer. Donc, pour préserver le mystère, il traina les pieds sa vie durant. Jamais, à aucun moment, chez lui ou dans la rue, de jour ou de nuit, il n’adopta une démarche normale, de crainte que son secret ne fût dévoilé. Telle est la nature de celui qui joue le rôle du sorcier.

Le public sait bien qu’un magicien pratique ses tours des années durant, qu’il répète avec soin chaque numéro, mais peu de gens ont conscience de l’étendue du désir de tromper qu’entretient l’illusionniste : l’apparente contradiction qu’il apporte aux lois de la nature devient une obsession qui gouverne chaque instant de sa vie.

Auteur: Priest Christopher

Info: Le prestige

[ illusionniste ] [ abnégation ] [ magicien ]

 

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mimétisme

La surexposition a déformé la science des neurones miroirs

Après une décennie passée à l’écart des projecteurs, les cellules cérébrales autrefois censées expliquer l’empathie, l’autisme et la théorie de l’esprit sont en train d’être affinées et redéfinies.

Au cours de l'été 1991, le neuroscientifique Vittorio Gallese étudiait la représentation du mouvement dans le cerveau lorsqu'il remarqua quelque chose d'étrange. Lui et son conseiller de recherche, Giacomo Rizzolatti, de l'Université de Parme, suivaient les neurones qui devenaient actifs lorsque les singes interagissaient avec certains objets. Comme les scientifiques l'avaient déjà observé, les mêmes neurones se déclenchaient lorsque les singes remarquaient les objets ou les ramassaient.

Mais ensuite, les neurones ont fait quelque chose auquel les chercheurs ne s'attendaient pas. Avant le début officiel de l'expérience, Gallese a saisi les objets pour les montrer à un singe. À ce moment-là, l’activité a augmenté dans les mêmes neurones qui s’étaient déclenchés lorsque le singe avait saisi les objets. C’était la première fois que quelqu’un observait des neurones coder des informations à la fois pour une action et pour un autre individu effectuant cette action.

Ces neurones firent penser à un miroir aux chercheurs : les actions observées par les singes se reflétaient dans leur cerveau à travers ces cellules motrices particulières. En 1992, Gallese et Rizzolatti ont décrit pour la première fois ces cellules dans la revue Experimental Brain Research , puis en 1996 les ont nommées " neurones miroirs " dans Brain.

Les chercheurs savaient qu’ils avaient trouvé quelque chose d’intéressant, mais rien n’aurait pu les préparer à la réaction du reste du monde. Dix ans après la découverte, l’idée d’un neurone miroir était devenue un des rare concept neuroscientifique capable de captiver l’imagination du public. De 2002 à 2009, des scientifiques de toutes disciplines se sont joints aux vulgarisateurs scientifiques pour faire sensation sur ces cellules, leur attribuant davantage de propriétés permettant d'expliquer des comportements humains aussi complexes que l'empathie, l'altruisme, l'apprentissage, l'imitation, l'autisme et la parole.

Puis, presque aussi rapidement que les neurones miroirs ont émergé les doutes scientifiques quant à leur pouvoir explicatif. En quelques années, ces cellules de célébrités ont été classées dans le tiroir des découvertes prometteuses pas à la hauteur des espérances.

Pourtant, les résultats expérimentaux originaux sont toujours valables. Les neurones du cortex prémoteur et des zones cérébrales associées reflètent des comportements. Même s'ils n'expliquent pas facilement de vastes catégories de l'expérience humaine, les neurones miroirs " sont vivants et actifs ", a déclaré Gallese.

Aujourd'hui, une nouvelle génération de neuroscientifiques sociaux relance les travaux pour étudier comment les neurones dotés de propriétés miroir dans tout le cerveau codent le comportement social.

L'ascension et la chute

Les neurones miroirs ont d'abord fasciné par le fait qu'ils n'étaient pas du tout à leur place. Dans une zone du cerveau dédiée à la planification motrice, on trouvait des cellules aux propriétés uniques qui réagissaient pendant la perception. En outre, les chercheurs de Parme ont interprété leurs résultats comme une preuve de ce que l'on appelle la "compréhension de l'action" dans le cerveau : Ils affirmaient que les singes pouvaient comprendre ce que faisait un autre individu et que cette intuition était résolue dans une seule cellule.

Le neurone miroir était donc un " moyen immédiatement accessible pour expliquer un mécanisme bien plus complexe ", a déclaré Luca Bonini, professeur de psychobiologie à l'Université de Parme qui n'a pas participé à l'étude originale. Galvanisés par cette interprétation, les chercheurs ont commencé à projeter leur " compréhension " sur un nombre illimité de cellules qui semblaient semblables à des miroirs.

Cette fanfare enthousiaste faussa l’étude des neurones miroirs et perturba la carrière des chercheurs.

Au début des années 2000, le spécialiste des sciences cognitives Gregory Hickok de l'Université de Californie à Irvine a découvert que les neurones des zones motrices du cerveau liées à la production de la parole devenaient actifs lorsque les participants écoutaient la parole. Bien que cette découverte ne soit pas choquante – " c’est exactement ainsi que fonctionne le système ", déclara Hickok – d’autres scientifiques ont commencé à visualiser ses résultats sous l'angle des neurones miroir. Il savait que cette théorie ne pouvait pas s'appliquer à son travail. D’autres encore ont suggéré que lorsque les auditeurs percevaient la parole, les neurones du cortex moteur " reflétaient " ce qu’ils entendaient.

(Photo : Gregory Hickok étudie les circuits neurologiques impliqués dans la parole. Ses doutes sur la théorie des neurones miroirs l'ont amené à devenir l'adversaire scientifique de Vittorio Gallese et lui ont valu un contrat pour le livre Le Mythe des neurones miroirs – " dont le titre n'était vraiment pas juste ", selon Gallese.)

Pour bien se positionner, Hickok commença par dire au début de ses exposés de recherche que son travail n'avait rien à voir avec les neurones miroirs – un choix qui le plaça par inadvertance au centre du débat. En 2009, le rédacteur en chef du Journal of Cognitive Neuroscience invita Hickok à rédiger une critique de cette théorie. Il utilisa la parole comme test pour réfuter l'affirmation grandiose selon laquelle les neurones miroirs du cortex moteur permettaient à un singe de comprendre les actions d'un autre. Si, selon Hickok, il existe un mécanisme neuronal unique qui code la production d’une action et la compréhension de cette action, alors les dommages causés à ce mécanisme devraient empêcher les deux de se produire. Hickok a rassemblé un dossier d'études montrant que les dommages causés aux zones de production de la parole ne perturbaient pas la compréhension de la parole. Les données, écrit-il, " démontrent sans équivoque que la théorie des neurones miroirs sur la perception de la parole est incorrecte, quelle que soit sa présentation ».

Critique qui conduisit à un livre puis en 2015, à une invitation à débattre publiquement avec Gallese au Centre pour l'esprit, le cerveau et la conscience de l'Université de New York. Partageant la scène pour la première fois, les deux scientifiques distingués échangèrent des points de vue concurrents avec quelques légères taquineries, suivies de sourires autour de quelques bières.

Si cette confrontation s'est déroulée à l'amiable, il n'en fut pas de même des réactions à l'engouement pour les neurones miroirs.  Aujourd’hui, Gallese reste surpris par " l’acrimonie " à laquelle il fut confronté au sein de la communauté scientifique. " Je ne pense pas que quiconque ait été scruté aussi profondément que nous ", dit-il.  Et l’effet sur l’étude de ces cellules cérébrales fut profond. Dans les années qui ont suivi le débat à New York, les neurones miroirs disparurent du discours scientifique. En 2013, au plus fort du battage médiatique, les scientifiques ont publié plus de 300 articles portant le titre " neurone miroir ". En 2020, ce nombre avait diminué de moitié, pour atteindre moins de 150.

Le neurone miroir, redéfini

Cet épisode est représentatif de la manière dont l'enthousiasme suscité par certaines idées peut transformer le cours de leurs recherches. Gallese a attribué le déclin des études sur les neurones miroirs à la peur collective et à l'autocensure. " Les chercheurs craignent que s'ils évoquent l'étiquette neurones miroirs, l'article pourrait être rejeté ", a-t-il déclaré.

En conséquence, les chercheurs ont adopté une terminologie différente – " réseau d’activation d’action ", par exemple – pour expliquer les mécanismes miroirs dans le cerveau. Le terme " neurone miroir " est également devenu obscur. Au début, sa définition était claire : c'était une cellule motrice qui tirait lors d'un mouvement et également lors de la perception d'un mouvement identique ou similaire. Cependant, à mesure que les chercheurs utilisaient ce terme pour expliquer les phénomènes sociaux, la définition devenait lourde au point de devenir une " théorie invérifiable ", a déclaré Hickok.

Aujourd’hui, après une période de réflexion, les neuroscientifiques sociaux extraient les cellules de la boue biologique. En regardant au-delà des zones motrices du cerveau, ils découvrent ce qui ressemble étrangement à des neurones miroirs. L'année dernière, une équipe de l'Université de Stanford a rapporté dans Cell la découverte de neurones qui reflètent l'agressivité chez la souris. Cette suite de cellules se déclenchait à la fois lorsqu’une souris se comportait de manière agressive et lorsqu’elle regardait les autres se battre. Parce que les cellules sont devenues actives dans les deux contextes, les chercheurs ont suggéré qu’elles seraient des neurones miroirs.

"C'était le premier exemple démontrant l'existence de neurones miroirs associés à un comportement social complexe", a déclaré Emily Wu, professeur adjoint de neurologie à l'Université de Californie à Los Angeles, qui n'a pas participé à la recherche.

Cette découverte s’ajoute à un nombre croissant de preuves selon lesquelles les neurones situés au-delà du cortex prémoteur ont des propriétés miroir lorsque deux animaux interagissent socialement. Ces mêmes cellules se déclenchent lors d’actions ou d’émotions  personnelles et en réponse au fait de voir d’autres vivre les mêmes expériences.

Techniquement, selon la définition originale, ces cellules ne sont pas des neurones miroirs, a déclaré Hickok : Les neurones miroirs sont des cellules motrices, pas des cellules sociales. Cependant, Wu ne se soucie pas des définitions. Plutôt que débattre de ce qui est ou non un neurone miroir, elle pense qu'il est plus important de cataloguer les propriétés fonctionnelles du miroir qui caractérisent les cellules, où qu'elles se trouvent dans le cerveau.

L’objectif serait de décrire l’étendue de ces neurones et comment, au niveau électrophysiologique, ils se comportent de manière unique. Ce faisant, ces scientifiques dissipent le nuage de battage médiatique autour de la vision de ces cellules telles qu’elles sont réellement.



 

Auteur: Internet

Info: https://www.quantamagazine.org/ - Meghan Willcoxon, 2 avril 2024

[ pulsions partagées ] [ actions symboles ]

 

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