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domaines subtils

[Socrate] Cet infatigable questionneur, qui n’est pas un parleur, qui repousse la rhétorique, la métrique, la poétique, qui réduit la métaphore, qui vit tout entier dans le jeu non pas de la carte forcée, mais de la question forcée, et qui y voit toute sa subsistance – engendre devant nous, développe pendant tout le temps de sa vie que j’appellerai une formidable métonymie dont le résultat, également attesté historiquement, est ce désir qui s’incarne dans une affirmation d’immortalité. […]

Dans l’au-delà, en effet, s’il est sûr de pouvoir rejoindre les Immortels, il est aussi, dit-il, à peu près sûr de pouvoir continuer pendant l’éternité […] ses petits exercices. Avouez-le, cette conception, si satisfaisante qu’elle puisse être pour les gens qui aiment le tableau allégorique, est tout de même une imagination qui sent singulièrement le délire. […]

Un homme a vécu ainsi la question de l’immortalité de l’âme. Je dirai plus – l’âme, telle qu’encore nous la manipulons et telle qu’encore nous en sommes encombrés, la notion, la figure de l’âme que nous avons, et qui n’est pas encore celle fomentée au cours de toutes les vagues de l’héritage traditionnel, l’âme à laquelle nous avons affaire dans la tradition chrétienne, cette âme a comme appareil, comme armature, […] le sous-produit de ce délire d’immortalité de Socrate. Nous en vivons encore.

Auteur: Lacan Jacques

Info: Dans le "Séminaire, livre VIII - Le transfert" page 125

[ influence ] [ précurseur religieux ] [ noyau psychotique ]

 

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prison

Pour Bayézid, "les vrais connaissants sont les ornements du Paradis, mais le Paradis est pour eux un lieu de supplice " ou encore : "Pour celui qui connaît et aime Dieu, le Paradis perd sa valeur et son éclat", ce qui métaphysiquement est d’une logique impeccable puisque, au point de vue du bonheur comme sous tout autre rapport, il n’y a pas de commune mesure entre le créé et l’Incréé. Les audaces verbales que nous rencontrons chez Bayézid et d’autres s’expliquent par un souci constant d’échapper à toute inconséquence et à toute "hypocrisie" (nifâq), et ils ne font en somme que suivre la ligne du grand Témoignage de l’Islam : "Il n’y a pas de Dieu si ce n’est le seul Dieu" ; le "Jardin", malgré son aspect positif de "proximité" (qurb), n’est pas Dieu, il y a donc au Paradis un élément négatif d’"éloignement" (bud). Bayézid fournit d’ailleurs la clef de son langage en précisant que "l’amour de Dieu est ce qui te fait oublier ce monde-ci et l’au-delà", et Ibrahim ibn Adham conseille dans le même sens de renoncer à l’un comme à l’autre ; dans le même esprit, Abû Bakr El-Wâsitî estime qu’"un dévot qui cherche le Paradis pense accomplir l’œuvre de Dieu, alors qu’il n’accomplit que la sienne propre", et de même encore, Abûl-Hasan El-Khirqânî nous enjoint de "rechercher la Grâce de Dieu, car elle dépasse les terreurs de l’enfer comme les délices du Ciel".

Auteur: Schuon Frithjof

Info: Dans "Logique et transcendance", éditions Sulliver, 2007, pages 213-214

[ soufisme ] [ réintégration suspendue ] [ vision négative ] [ monothéisme ]

 

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néoplatonisme

Afin de mieux introduire sa théologie, je dirais que le philosophe syrien [Jamblique] admet une antériorité (et un au-delà) ontologique de l’Etre : l’Un, identifié au Non-Etre, comme chez Porphyre et Plotin avant lui, même s’il distingue l’Un-Ineffable de l’Un-Etre, hypostases qui se multiplieront chez Proclus. Si le démiurge occupe une place importante dans la théologie jamblichéenne, il se voit supplanté par l’Un. Ajoutons également que s’il entend concilier tous les cultes méditerranéens, Jamblique met davantage l’accent sur les cultes orientaux que sur la religion civique gréco-romaine. Au IVe siècle, les oracles étaient désertés, comme le déplorait déjà Plutarque, et Jamblique, s’il tente de les réhabiliter en théorisant l’inspiration prophétique pour en offrir une vision systématique, s’intéressait tout particulièrement à la révélation de Julien le Théurge (les Oracles Chaldaïques), probablement rendue dans le temple de Zeus-Bêlos à Apamée.

Enfin, je citerai deux points fondamentaux de la doctrine de Jamblique, qui concordent avec celles de nombreux cultes religieux et philosophiques antiques, dont le pythagorisme et l’orphisme : la croyance en une transmigration de l’âme, et le végétarisme, qui supposent un rapport différent à la mort, aux représentations de l’au-delà et à la nature. Car, si Jamblique admet la nécessité des sacrifices, il ne s’agit pas dans le cas de la théurgie de sacrifices sanglants, mais d’offrandes d’herbes et de pierres. Jamblique pensait en effet que les sacrifices sanglants étaient indignes des théurges, et seulement adaptés au niveau le plus bas des êtres humains – ceux qui ne pouvaient pas aspirer à l’union avec le divin et pour lesquels les rites devaient tenir une fonction de régulation sociale.

Auteur: Lemnaru-Carrez Andreea-Maria

Info: https://linactuelle.fr/index.php/2019/05/28/mystique-neoplatonisme-jamblique-lemnaru/

[ résumé ] [ paganisme ]

 
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histoire de la psychanalyse

Freud est parti d’une conception du système nerveux selon laquelle il tend toujours à retourner à un point d’équilibre. C’est de là qu’il est parti, parce que c’était alors une nécessité qui s’imposait à l’esprit de tout médecin de cet âge scientifique, s’occupant du corps humain.

[...] Freud a tenté d’édifier sur cette base une théorie du fonctionnement du système nerveux, en montrant que le cerveau opère comme organe-tampon entre l’homme et la réalité, comme organe d’homéostat. Et il vient alors buter, il achoppe, sur le rêve. Il s’aperçoit que le cerveau est une machine à rêver. Et c’est dans la machine à rêver qu’il retrouve ce qui y était déjà depuis toujours et dont on ne s’était pas aperçu, à savoir que c’est au niveau du plus organique et du plus simple, du plus immédiat et du moins maniable, au niveau du plus inconscient, que le sens et la parole se révèlent et se développent dans leur entier.

D’où la révolution complète de sa pensée, et le passage à la Traumdeutung. On dit qu’il abandonne une perspective physiologisante pour une perspective psychologisante. Ce n’est pas de cela qu’il s’agit. Il découvre le fonctionnement du symbole comme tel, la manifestation du symbole à l’état dialectique, à l’état sémantique, dans ses déplacements, les calembours, les jeux de mots, rigolades fonctionnant toutes seules dans la machine à rêver. [...] C’est un tournant tel qu’il n’a pas su du tout ce qui lui arrivait. Il a fallu qu’il parcoure encore vingt ans d’une existence déjà très avancée au moment de cette découverte, pour pouvoir se retourner sur ses prémisses, et tâcher de retrouver ce que ça veut dire sur le plan énergétique. Voilà ce qui lui a imposé l’élaboration nouvelle de l’au-delà du principe du plaisir et de l’instinct de mort.

Auteur: Lacan Jacques

Info: Dans le "Séminaire, Livre II", "Le moi dans la théorie de Freud", pages 109-110

[ historique ] [ deuxième topique ]

 
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théologie

Nous nous souviendrons que la tradition juive, elle non plus, n’est pas aussi monolithique, en matière de souveraineté divine. Le puissant courant souterrain de la Cabale, à nouveau mis en lumière de nos jours par Gershom Scholem, connaît un destin de Dieu, auquel celui-ci est soumis avec le devenir du monde. Il y a là des spéculations hautement originales et fort peu orthodoxes, parmi lesquelles les miennes ne se trouveraient pas si totalement seules. Par exemple, mon mythe ne fait au fond que radicaliser l’idée du Tsimtsoum, ce concept cosmologique central de la Cabale lurianique. Tsimtsoum veut dire contraction, retrait, autolimitation. Pour faire place au monde, le En-Sof du commencement, l’infini, a dû se contracter en lui-même et laisser naître ainsi à l’extérieur de lui le vide, le néant, au sein duquel et à partir duquel il a pu créer le monde. Sans son retrait en lui-même, rien d’autre ne pourrait exister en dehors de Dieu, et seule sa durable retenue préserve les choses finies d’une nouvelle perte de leur être propre dans le divin "tout en tout".

Or mon mythe va encore plus loin que cela. Totale devient la contraction ; c’est entièrement que l’infini, quant à sa puissance, se dépouilla dans le fini, et lui confie ainsi son sort. Reste-t-il encore quelque chose, dès lors, pour une relation à Dieu ? Laissez-moi répondre en citant une dernière fois mon écrit antérieur.

Renonçant à sa propre invulnérabilité, le fondement éternel a permis au monde d’être. Toute créature doit son existence à cette négation et a reçu avec cette existence ce qu’il y avait à recevoir de l’au-delà. Dieu, après s’être entièrement donné dans le monde en devenir, n’a plus rien à offrir : c’est maintenant à l’homme de lui donner. Et il peut le faire en veillant à ce que, dans les cheminements de sa vie, n’arrive pas, ou n’arrive pas trop souvent, et pas à cause de lui, l’homme, que Dieu puisse regretter d’avoir laissé devenir le monde.

Auteur: Jonas Hans

Info: Le concept de Dieu après Auschwitz, pp. 41-43

[ ontologie ] [ judaïsme ]

 

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explication

On pourrait croire que le mot "Dieu est mort" énonce une opinion de l’athée Nietzsche, qu’il ne s’agit par conséquent que d’une prise de position personnelle, donc partiale et aisément réfutable par le renvoi à l’exemple de nombre de personnes qui, un peu partout, vont toujours à l’église et subissent leurs diverses épreuves avec une confiance chrétienne en Dieu. Il faut bien pourtant se demander si ce mot n’est qu’une idée d’illuminé, d’un penseur on sait fort exactement qu’il a fini par devenir fou, ou bien si Nietzsche ne prononce pas plutôt la parole qui, tacitement, est dite depuis toujours dans l’histoire de l’Occident déterminée par la métaphysique.
(…)
De cette phrase, il ressort que le mot de Nietzsche sur la mort de Dieu concerne bien le Dieu chrétien. Mais il n’est pas moins certain, d’autre part, et il faut bien s’en rendre compte d’avance, que les noms de "Dieu" et de "Dieu chrétien" sont utilisés, dans la pensée nietzschéenne, pour désigner le monde suprasensible en général. "Dieu" est le nom pour le domaine des Idées et des Idéaux. Depuis Platon, et plus exactement depuis l’interprétation hellénistique et chrétienne de la philosophie platonicienne, ce monde suprasensible est considéré comme le vrai monde, le monde proprement réel. Le monde sensible, au contraire, n’est qu’un ici-bas, un monde changeant, donc purement apparent et irréel. L’ici-bas est la vallée des larmes, par opposition au mont de la félicité éternelle dans l’au-delà. Si nous appelons, comme le fait encore Kant, le monde sensible "monde physique", au sens large du mot, alors le monde suprasensible est le monde métaphysique.

Ainsi le mot "Dieu est mort" signifie : le monde suprasensible est sans pouvoir efficient. Il ne prodigue aucune vie. La métaphysique, c’est-à-dire pour Nietzsche la philosophie occidentale comprise comme platonisme, est à son terme. Quant à Nietzsche, il conçoit lui-même sa philosophie comme un mouvement anti-métaphysique, c’est-à-dire pour lui, anti-platonicien.
(…)
Si Dieu, comme Cause suprasensible et comme Fin de toute réalité, est mort, si le monde suprasensible des Idées a perdu toute force d’obligation et surtout d’éveil et d’élévation, l’homme ne sait plus à quoi s’en tenir, et il ne reste plus rien qui puisse l’orienter.

Auteur: Heidegger Martin

Info: Dans "Le mot de Nietzsche "Dieu est mort"" in Chemins qui ne mènent nulle part, pp. 257-258 & 261-262

[ nihilisme ] [ perdu ]

 
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politique

Entendez-vous, par démocratie, la Révolution en révolte perpétuelle contre toute autorité, contre toute religion et toute croyance, l’Eglise catholique est incompatible avec la démocratie. De même, entendez-vous, par démocratie, une puissance illimitée, qui prétend à une omnipotence absolue, qui ne reconnaît d’autre droit et d’autre règle que la volonté du grand nombre, l’Eglise, le christianisme, toute religion, pour ne pas dire toute philosophie, sont inconciliables avec cette manière de comprendre la démocratie. Entendez-vous encore, par démocratie, le socialisme, le collectivisme, le communisme athée d’aujourd’hui, qui prétendent borner la destinée de l’homme à cette terre et lui interdire tout rêve de l’au-delà, l’Eglise, le christianisme, la religion sont incompatibles avec une pareille démocratie. Mais est-ce la seule manière dont on puisse entendre la démocratie ? Ne peut-on la concevoir d’une façon tout autre, et certaines nations, comme les Etats-Unis, ne nous en offrent-elles pas la preuve vivante ? Ne voyons-nous pas, par les exemples de la grande République américaine, que la démocratie n’est inconciliable ni avec la religion, ni avec le christianisme, ni même avec le catholicisme ? Et comment y aurait-il, entre eux, incompatibilité, alors que les grandes idées d’égalité et de fraternité ont leurs plus anciennes et leurs plus profondes racines dans le christianisme, dans la Bible juive et dans l’Evangile chrétien ? 

Il y a bien eu, entre l’Eglise d’un côté, et la démocratie de l’autre, une longue lutte, comme un grand duel, qui a rempli toute l’histoire du XIXe siècle. A cela, il y avait des raisons multiples, des raisons historiques surtout. L’Eglise personnifiait, en face de la Révolution, la tradition et l’autorité. L’Eglise, attaquée par les uns comme une barrière, a été défendue par les autres comme un rempart. Un fait, en soi-même d’importance secondaire, le pouvoir temporel des papes, contribuait à envenimer et à prolonger cette lutte. Le pape, souverain temporel, voyait sa petite monarchie menacée par la Révolution et par la démocratie issue de la Révolution ; il se trouvait, naturellement, enclin à regarder la démocratie comme l’adversaire de la papauté. Aussi est-ce, en grande partie, le long combat pour la défense du pouvoir temporel qui, entre l’Eglise et la démocratie, a creusé un fossé si large et si profond.

Auteur: Leroy-Beaulieu Anatole

Info: " Les doctrines de haine ", éditions Payot et Rivages, Paris, 2022, pages 244-246

[ temporel-éternel ] [ conciliation ] [ idées modernes ] [ historique ]

 

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couple

Le premier réceptacle de l’image de l’âme pour l’homme est pratiquement toujours la mère ; plus tard, les réceptacles qui apporteront à l’homme un reflet vivant de son anima seront les femmes qui font vibrer ses sentiments, que ce soit, d’ailleurs, indifféremment dans un sens positif ou négatif. C’est parce que la mère est le premier réceptacle de l’image de l’âme que l’émancipation du fils et la séparation d’avec la mère représentent un tournant évolutif tout aussi important que délicat, et de la plus haute portée éducative. C’est pourquoi nous trouvons déjà chez les primitifs un grand nombre de rites qui organisent les modalités de cette séparation. L’arrivée à l’âge adulte et la séparation extérieure d’avec la mère ne suffisent pas ; il faut encore toute sorte d’initiations masculines décisives très particulières, des cérémonies opérant une renaissance, pour parfaire efficacement la séparation de l’individu d’avec sa mère et, par voie de conséquence, d’avec son enfance.

Alors que le père, en protégeant l’enfant contre les dangers de la vie extérieure, devient de la sorte pour le fils un modèle de la persona, la mère constitue pour lui une sauvegarde contre les dangers qui peuvent surgir des mondes obscurs de l’âme. C’est pourquoi, dans les initiations masculines, l’initié sera instruit des choses de l’au-delà, ce qui doit le mettre en état de se passer de la protection de la mère.

L’adolescent qui grandit dans la civilisation actuelle se voit privé – en dépit de toute la primitivité qui demeure en lui – de ces mesures éducatives qui étaient au fond très remarquables. Il s’ensuit que l’anima, en jachère sous forme de l’imago de la mère, va être projetée en bloc sur la femme, ce qui va avoir pour conséquence que l’homme, dès qu’il contracte le mariage, devient enfantin, sentimental, dépendant et servile, ou, dans le cas contraire, rebelle, tyrannique, susceptible, perpétuellement préoccupé du prestige de sa prétendue supériorité virile. Cette attitude, naturellement, n’est faite que du renversement de la première. L’homme moderne n’a rien trouvé qui remplace la protection contre l’inconscient que la mère apportait, que la mère signifiait ; c’est pourquoi il modèle inconsciemment son idéal du mariage de telle sorte que sa femme soit amenée si possible à pouvoir assumer le rôle magique de la mère. Sous le couvert protecteur de l’union exclusive, il cherche au plus profond de lui-même protection auprès d’une mère, tendant dangereusement la perche à l’instinct possessif de la femme. Sa crainte et son angoisse, en face des obscurités insondables et des forces imprévisibles de l’inconscient, confèrent à la femme une puissance illégitime et soudent le ménage en une "communauté si intime" que, à force de tensions intérieures, il menace régulièrement d’éclater. A moins que l’homme, par protestation, ne prenne, en face de cette surpuissance de la femme, une attitude de contre-pied, ce qui entrainera d’ailleurs les mêmes conséquences.

Auteur: Jung Carl Gustav

Info: Dans "La dialectique du moi et de l'inconscient"

[ conjonction des opposés ] [ androgynie psychique ] [ femmes-hommes ]

 

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structure psychologique

Il est bien certain que l’obsessionnel tend à détruire son objet. [...]

Comme l’expérience le montre bien, l’hystérique vit tout entière au niveau de l’Autre. L’accent pour elle, c’est d’être au niveau de l’Autre, et c’est pour cela qu’il lui faut un désir de l’Autre, car sans cela, l’Autre, que serait-il, si ce n’est la loi ? Le centre de gravité du mouvement constitutif de l’hystérique est d’abord au niveau de l’Autre. De même, [...] c’est la visée du désir comme tel, l’au-delà de la demande, qui est constitutive de l’obsessionnel. Mais avec une différence patente avec l’hystérique. [...]

Le jeune enfant qui deviendra un obsessionnel est ce jeune enfant dont les parents disent [...] il a des idées fixes. Il n’a pas des idées plus extraordinaires que n’importe quel autre enfant si nous nous arrêtons au matériel de sa demande. Il demandera une petite boîte. [...] Il y a certains enfants, entre tous les enfants, qui demandent des petites boîtes, et dont les parents trouvent que cette exigence de la petite boîte est à proprement parler intolérable – et elle est intolérable. [...]

Dans cette exigence très particulière qui se manifeste dans la façon dont l’enfant demande une petite boîte, ce qu’il y a d’intolérable pour l’Autre, et que les gens appellent approximativement l’idée fixe, c’est que ce n’est pas une demande comme les autres, mais qu’elle présente un caractère de condition absolue, qui est celui-là même que je vous désigne pour être propre au désir. [...] Le désir est forme absolue du besoin, du besoin passé à l’état de condition absolue, pour autant qu’il est au-delà de l’exigence inconditionnée de l’amour, dont à l’occasion il peut venir à l’épreuve.

Comme tel, le désir nie l’Autre comme tel, et c’est bien ce qui le rend, comme le désir de la petite boîte chez le jeune enfant, si intolérable.

[...] Quand je dis que l’hystérique va chercher son désir dans le désir de l’Autre, il s’agit du désir qu’elle attribue à l’Autre comme tel. Quand je dis que l’obsessionnel fait passer son désir avant tout, cela veut dire qu’il va le chercher dans un au-delà en le visant comme tel dans sa constitution de désir, c’est-à-dire pour autant que comme tel il détruit l’Autre. C’est là le secret de la contradiction profonde qu’il y a entre l’obsessionnel et son désir. [...]

Mais enfin, pour voir l’essentiel, que se passe-t-il quand l’obsessionnel, de temps en temps, prenant son courage à deux mains, se met à essayer de franchir la barrière de la demande, c’est-à-dire part à la recherche de l’objet de son désir ? D’abord, il ne le trouve pas facilement. [...] Mais beaucoup plus radicalement que tout cela, l’obsessionnel, en tant que son mouvement fondamental est dirigé vers le désir comme tel, et avant tout dans sa constitution de désir, est porté à viser ce que nous appelons la destruction de l’Autre.

Or, il est de la nature du désir comme tel de nécessiter le support de l’Autre. Le désir de l’Autre n’est pas une voie d’accès au désir du sujet, c’est la place tout court du désir, et tout mouvement chez l’obsessionnel vers son désir se heurte à une barrière qui est absolument tangible dans, si je puis dire, le mouvement de la libido. Dans la psychologie d’un obsessionnel, plus quelque chose joue de rôle de l’objet, fût-il momentané, du désir, plus la loi d’approche du sujet par rapport à cet objet se manifestera littéralement dans une baisse de tension libidinale. C’est au point qu’au moment où il le tient, cet objet de son désir, pour lui plus rien n’existe. [...]

Le problème pour l’obsessionnel est donc tout entier de donner un support à ce désir – qui pour lui conditionne la destruction de l’Autre, où le désir lui-même vient à disparaître. Il n’y a pas de grand Autre ici. Je ne dis pas que le grand Autre n’existe pas pour l’obsessionnel, je dis que, quand il s’agit de son désir, il n’y en a pas, et c’est pour cette raison qu’il est à la recherche de la seule chose qui, en dehors de ce point de repère, puisse maintenir à sa place ce désir en tant que tel. Tout le problème de l’obsessionnel est de trouver à son désir la seule chose qui puisse lui donner un semblant d’appui [...].

L’hystérique trouve l’appui de son désir dans l’identification à l’autre imaginaire. Ce qui en tient la place et la fonction chez l’obsessionnel, c’est un objet, qui est toujours – sous une forme voilée sans doute mais identifiable – réductible au signifiant phallus.

Auteur: Lacan Jacques

Info: Dans le "Séminaire, Livre V", "Les formations de l'inconscient (1957-1958)", éditions du Seuil, 1998, pages 401 à 403

[ définies ] [ différences ]

 

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