Asie
Les Chinois ont conquis à leurs mœurs, à leurs arts, à leur écriture, à leur Sagesse, l’Extrême-Orient tout entier. Dans tout l’Extrême-Orient, de nos jours encore, aucun peuple, qu’il paraisse déchu ou qu’il s’enorgueillisse d’une puissance neuve, n’oserait renier la civilisation chinoise. Celle-ci, quel que soit l’éclat que la science expérimentale ait pu prêter à l’Occident, maintient son prestige : il demeure intact, bien que la Chine ait perdu la supériorité que, jusqu’à la Renaissance, sur bien des points, en matière technique, elle possédait sur les pays d’Europe. — Si grande qu’ait pu être, jadis, en matière technique, la supériorité de la Chine sur tout l’Extrême-Orient, ce n’est ni cette supériorité, ni même la puissance de la Chine impériale qui expliquent le prestige chinois. Ce prestige durable a d’autres fondements. Ce que les Extrême-Orientaux tiennent à conserver après l’avoir emprunté à la civilisation chinoise, c’est une certaine entente de la vie : c’est une Sagesse.
Auteur:
Granet Marcel
Années: 1884 - 1940
Epoque – Courant religieux: industriel
Sexe: H
Profession et précisions: sinologue et sociologue
Continent – Pays: Europe - France
Info:
La Pensée chinoise
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phare
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orient-occident
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esthétique
Les cultures musulmanes et bouddhiques doutent moins de l'équivalence Beau - Vrai - Bien parce qu’elles n’ont pas posé cette trinité conceptuelle. Ou pour mieux dire, parce qu’elles n’ont pas fait du Beau un concept. Elles ne l’ont pas abstrait. J’ai été frappé, à cet égard, par un exemple que je ne cite pas dans mon livre, mais que je peux donner ici, même s’il ne concerne pas directement le mot " Beau ". Il s’agit de la traduction arabe d’un mot important s’il en est dans la philosophie grecque puis occidentale, le mot οὐσία (ousia, devenu essentia en latin, puis essence en français). Or ce même mot d’οὐσία fut traduit en arabe par jawhar : littéralement " joyau ", " pierre précieuse ". C’est magnifique, et révélateur : d’une certaine manière la langue arabe répudie l’abstraction philosophique, au profit d’une approche poétique du monde. S’agissant du Beau lui-même, la pensée des mystiques musulmans affirme que Dieu est beau, ce qui signifie immédiatement que le Bien et le Vrai sont Beaux. On n’a pas à distinguer ce qui est un en Dieu.
Du côté de l’Extrême-Orient, je me suis appuyé sur les réflexions de François Jullien, qui affirme que l’association beauté-bonté n’est qu’un " piège platonicien " dans lequel les penseurs chinois ou japonais d’aujourd’hui se croient tenus de tomber, alors que leur propre tradition ne joue pas avec ces Idées. Mais c’est surtout ma lecture des grands romanciers japonais qui m’a suggéré la toute-puissance muette de la Beauté, en deçà ou au-delà de tout concept qui permettrait de l’articuler au Bien ou au Vrai. Bien sûr, tout cela devrait être nuancé de mille manières, mais on ne peut nier, il me semble, que la trinité conceptuelle Beau-Bien-Vrai demeure propre à l’Occident.
Auteur:
Barilier Étienne
Années: 1947 -
Epoque – Courant religieux: Récent et Libéralisme économique
Sexe: H
Profession et précisions: écrivain, philosophe et traducteur
Continent – Pays: Europe - Suisse
Info:
A propos de son livre : Réenchanter le monde. L’Europe et la beauté (PUF)
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