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dualisme

Partant de thèmes tels que "fides quaerens intellectum" (la foi en quête d’intellection), les médiévaux avaient, pour ainsi dire, maîtrisé puis transmis les termes théoriques d’un conflit latent, jusqu’au moment où, l’absolutisme théologique (aussi bien côté catholique qu’au versant protestant) étant sur le point de se défaire, le conflit allait se muer en un duel entre religion et science. L’échéance du conflit fut l’après-Révolution française, ce XIXe siècle à la fois agité par les conséquences politiques de l’idéal des Lumières, et confronté, sur le fond du système de pensée européen, à l’héritage fiduciaire traditionnel – système rendu incertain par l’irruption de nouvelles conceptions de l’Univers à partir du XVIe siècle (mettant en péril l’idée théologienne du Cosmos) et l’esquisse d’un mythe de rechange (la rationalité industrialiste). Pourtant, les montages romano-chrétiens de la culture échafaudée depuis la Révolution grégorienne (XIe siècle et la suite, le Moyen Age classique), en particulier la fonction État en constant renforcement, semblaient devoir demeurer indemnes.

L’annonce d’un séisme fut en 1841 l’écrit retentissant de Ludwig Feuerbach : L’Essence du christianisme (Das Wesen des Christentums). [...] ce livre érudit et précis dans ses aspects théoriques, traversé par un vent de colère rappelant le style de Luther en ses débuts, est le procès ouvert de la notion de dogme, déjà restreinte avant Feuerbach au champ de la théologie, mais étudiée ici pour faire saisir l’aliénation dans la foi en Dieu à travers les doctrines spéculatives enseignées aux fidèles (Trinité, Incarnation, etc.). C’est bien en cet ouvrage que l’on trouve les grands thèmes d’une anti-dogmatique, bientôt vulgarisée en vademecum d’un athéisme-pour-tous, dont tirent profit aujourd’hui encore les propagandes de la casse.

Auteur: Legendre Pierre

Info: Dans "Leçons X, Dogma : Instituer l'animal humain", Librairie Arthème Fayard, 2017, pages 21-22

[ historique ]

 
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religieux-civil

En publiant son catalogue d’erreurs, ce que Pie IX avait en vue, ce n’étaient pas uniquement la France ou la Belgique et les discordes des catholiques au nord des Alpes ; c’était avant tout l’ennemi intérieur, l’ennemi de la maison, le "gouvernement subalpin" et l’unité italienne. La révolution, pour l’ancien exilé de Gaëte, se personnifiait dans Mazzini, dans Garibaldi, dans les hommes qui avaient renversé le trône séculaire du chef de l’Eglise. Le libéralisme lui apparaissait sous la figure des Cavour, des Ricasoli, des Minghetti, des hommes d’Etat italiens qui voulaient annexer le patrimoine de Saint-Pierre. C’est contre eux, contre les revendications du gouvernement et des Chambres de Turin qu’étaient avant tout dirigées les censures du Syllabus. […] On le voit non moins par les dates ; c’est en 1852, peu de temps après sa rentrée dans Rome, que Pie IX, dit-on, conçoit la première idée du Syllabus. C’est après la révolution de 1860 et le démembrement de ses Etats qu’il s’y arrête définitivement ; c’est au lendemain de la convention de septembre 1864 qu’il en fait la publication. Contre les envahisseurs de l’héritage de l’Eglise, le Pape, déjà moralement abandonné des puissances, brandissait les seules armes à sa portée ; il leur barrait le chemin de Rome avec des anathèmes. Pour lui la civilisation et le progrès modernes, c’étaient la révolution unitaire et la spoliation de la chaire de Saint-Pierre. A ses yeux, le libéralisme se confondait avec les entreprises contre les droits du Saint-Siège. C’était l’ennemi déclaré de la souveraineté pontificale, et, pour mieux le repousser, Pie IX allait attaquer cet ennemi sur son propre terrain, jusque dans ses principes, dans son point de départ théorique.

Auteur: Leroy-Beaulieu Anatole

Info: Les catholiques libéraux, l'Église et le libéralisme de 1830 à nos jours, Librairie Plon, 1885, pages 216-217

[ antimodernisme ] [ modernité ] [ réaction ] [ politique ] [ historique ]

 

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bouddhisme

[…] bien que se plaçant dans la ligne des réformateurs upanishadiques (antiritualistes), Bouddha nie et refuse les résultats auxquels ceux-ci sont arrivés. La spéculation upanishadique était arrivée aux résultats suivants : le fondement de l’Univers est l’ "esprit pur", Brahman ; le véritable Soi de l’homme est l’âtman, lui aussi "esprit pur", immortel, éternel ; l’âtman est identique au Brahman et c’est en la découverte, en la réalisation de cette identité que consistent la béatitude de l’homme et son salut. Bouddha prend le contrepied de cette théorie : d’une part, il nie l’existence d’un esprit cosmique, du Brahman ; d’autre part, il nie l’existence du Soi, de l’ "âme" (âtman, purusha) humaine. […] Pour le Bouddha, l’Univers, la vie, l’ "âme" sont […] transitoires, en devenir incessant, et, comme tels, "douloureux" et "illusoires". La seule chose que Bouddha accepte sans réserve de l’héritage spirituel pan-indien, orthodoxe, c’est l’idée du karma (loi de la cause et de l’effet). […]
En même temps qu’il s’oppose au ritualisme védique (le sacrifice, que fait-il d’autre, en effet, sinon d’enfoncer l’homme encore plus profondément dans le cycle karmique des causes et des effets ?) et qu’il repousse les résultats auxquels avait abouti la spéculation upanishadique et post-upanishadique, - au sujet notamment de l’existence de Brahman et d’un Soi (âtman, purusha) qu’elle concevait indépendant de la vie psychomentale – Bouddha repousse également les excès mystiques des diverses écoles mystiques-contemplatives qui lui étaient contemporaines. […]
Le message du Bouddha s’adressait à l’homme en tant que tel, à l’homme pris dans le rets de la transmigration, à l’homme qui souffre. Pour Bouddha, de même que pour le Yoga (soit classique, soit baroque, sous toutes ses formes), le salut ne s’obtient qu’à la suite d’un effort personnel, d’une expérience. Les vérités révélées par Bouddha n’ont pour résultat le salut que si elles sont éprouvées expérimentalement, que si elles sont actualisées, réalisées.

Auteur: Eliade Mircea

Info: Dans "Techniques du yoga" pages 183 à 186

[ résumé ] [ philosophie ] [ expérience individuelle ] [ adogmatisme ]

 
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archéologie mystérieuse

[...] il existait dans l’ancienne Lydie en Anatolie, patrie la plus septentrionale des Amazones, la légende d’un Titan nommé Tantalis, condamné par Zeus à soutenir le poids d’un immense rocher auquel il était enchaîné pour l’éternité, et la mythologie grecque précise que Tantale est littéralement embourbé dans le Tartare, le fond des Enfers, tandis que la faim et la soif le tenaillent indéfiniment. Cet ancien roi divin d’un royaume anatolien mythique submergé sous un lac sacré n’est pas sans évoquer Atlas, père des Atlantes, très souvent figuré soutenant le Ciel et portant le globe terrestre sur son dos. A cette étape de notre investigation, il est indéniable que Tantalis et Atlas désignaient les deux chaînes montagneuses jumelles sur lesquelles s’étaient établis les Ases, ce qui explique leur caractère d’interchangeabilité, et les affinités linguistiques, sociétales et génétiques qui relient les différents rameaux liguro-pélasges. Ceci explique aussi pourquoi certains ethnologues auraient tendance à attribuer une origine capsienne aux Berbères, lorsqu’ils signalent qu’il parait y avoir eu, avant même le néolithique, contact et interférence entre deux civilisations : l’une proto-berbère et l’autre capsienne et méditerranéenne. La catastrophe de Marmara qui brisa le barrage naturel du Bosphore au nord de la Lydie, et auquel on serait tenté de relier le mythe du titan Tantalis, n’était que l’une des nombreuses conséquences de la chaîne de bouleversements et de cataclysmes successifs qui remodelèrent sur plusieurs millénaires les régions s’étendant de l’Ibérie et la Mauritanie jusqu’au Caucase. Ce déluge particulier entre dans le cadre des multiples catastrophes qui furent la conséquence de la Grande Catastrophe lorsque le niveau de la Méditerranée monta jusqu’à 150 mètres, soit à cause de la fonte des glaces de l’Europe, soit par l’autre déluge que fut l’ouverture du détroit de Gibraltar.
Pour Andrew Collins, "le mont Atlas passait pour être le titan pétrifié, portant les cieux sur ses épaules. Le nom Atlas apparaît donc au fait d’avoir élevé les cieux vers le haut, et ce lien suggère fortement que le mont Atlas ne provient pas du grec, langue indo-européenne mais du punique, langue des Carthaginois". Il suggère ainsi que la racine atl ne signifie pas "supporter" mais "élever, lever" et que les monts Atlas s’appelleraient ainsi parce que leurs "cieux" étaient "élevés" au-dessus du sol et qu’Atlas, le puissant géant de pierre, désignait celui qui avait élevé les cieux dans les airs. Selon cette hypothèse, Atlas pourrait se traduire par "l’élévateur", "l’exalteur" ou encore "l’exalté" nous dit-il, "Atl" étant ici à rapprocher des "Ases" dont nous avions relevé l’héritage génétique préservé aussi bien chez les montagnards du Caucase que dans le sang bleu des fils d’Atlas dont les actuels descendants les plus directs sont les Chleuhs du Maroc ou les Kabyles d’Algérie. On peut lire dans le dictionnaire classique de Lemprière qu’Atlas "supportait les cieux sur son dos" et que cette fable "naquit du goût qu’il avait pour l’astronomie, et de son habitude de fréquenter les lieux élevés d’où il pouvait observer les corps célestes", ce qui révèle le caractère hénochien de ses fonctions ainsi que la relation qui avait pu s’établir entre l’Atlantide et les centrales primitives des Ases du Caucase lors du règne d’Atlas...

Auteur: Anonyme

Info: Dans "Les magiciens du nouveau siècle"

[ étymologie ] [ peuples vestiges ]

 

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période mythique

Tombouctou, bien que située au Mali, à l’embouchure du Niger, était autrefois considérée comme l’extrémité occidentale du Soudan, frontière symbolique qui pourrait s’expliquer par la fonction de carrefour culturel de ce lieu, point de jonction entre les deux zones qui nous intéressent : le Niger et le Soudan. Tombouctou, la "boucle du Niger", semble en effet avoir recueilli à différents niveaux l’héritage des cités-états antédiluviennes du royaume d’Ophir. C’est Léon l’Africain qui, le premier, fit une description de la "Cité Interdite" du Nord Mali, évoquant ses mosquées où l’on raconte qu’étaient conservés de précieux manuscrits arabes, et "des palais aux toits revêtus d’or". Idéalement située entre l’Afrique saharienne, arabo-berbère, et l’Afrique soudanaise, la ville s’est développé considérablement sous Kanga Moussa qui régna sur l’empire du Mali au XIVe siècle. Ce roi légendaire, qui tirait ses immenses revenus du commerce du sel et de l’or fut à l’origine de la construction de la plus grande mosquée de Tombouctou, celle de Djinguereber. Après avoir été dominée par les Touareg au XIVe siècle, la cité marchande se plaça ensuite sous la protection de l’empire Songhaï et multiplia les échanges avec les grands centres commerciaux, au point de regorger au XVe siècle d’articles de luxe venus de Venise ou d’Orient. Mais c’est surtout en profitant du développement qui a lieu au Soudan au XVe siècle, concomitant à notre Renaissance, que Tombouctou fut communément nommée "la Perle noire du désert". Ainsi, Léopold Ségar Senghor, écrivain sénégalais, affirmait que "ce n’est pas un hasard si le Songhaï, avec Tombouctou, sa principale ville, réalisa à la veille de la Renaissance européenne, la civilisation africaine la plus riche, sinon la plus brillante…". Aux XIVème et XVe siècles, la ville comptait jusqu’à 100 000 habitants, dont 25 000 étudiants. L’une de ses trois mosquées, la mosquée Sankoré, avec sa Madrasa célèbre (école coranique), aurait rayonné sur toute l’Afrique de l’Ouest avant d’être littéralement ensevelie sous les sables (c’est nous qui le soulignons). Jusqu’au XIXe siècle, Tombouctou n’était considérée par les occidentaux que comme une cité légendaire et imprenable, située dans un lieu "insaisissable", perdue au milieu du désert, description qui n’est pas sans nous évoquer les attributs propres à l’Agarttha ou à la Cité légendaire de Shambhala, qui sont toutes les deux des désignations particulières du Centre suprême occulté. Une légende tenace s’est par ailleurs développée à travers les siècles, affirmant que la "Cité interdite" ensevelie sous les sables du désert saharien abritait d’énormes quantités d’or. Si Tombouctou avait acquis ce caractère mythique, c’était principalement du à l’inaccessibilité de la ville ainsi qu’à l’abnégation et au courage que les pèlerins du passé étaient tenus de posséder s’ils désiraient être dignes de l’atteindre. Et parce qu’elle était réputée inaccessible, Tombouctou aurait pu tenir le rôle symbolique d’une Shambhala sub-saharienne dans l’esprit des voyageurs et des caravaniers. Comment aussi ne pas penser à l’Atlantide saharienne et tritonienne de Pierre Benoit ? Au XIXe siècle, Tombouctou n’était donc plus, aux yeux des explorateurs européens, qu’une cité perdue dans les sables jusqu’à ce que René Caillié réussisse à l’atteindre lors de l’une de ses explorations en 1829, où il décrivit un "amas de maisons en terre, mal construites" dans "des plaines immenses de sable mouvant…".

Auteur: Anonyme

Info: Dans "Les magiciens du nouveau siècle"

[ apogée ] [ islam ]

 

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compromission

En mai 68 mai et dans le sillage de l’événement sont apparus de nouveaux thèmes portant sur la sexualité, l’éducation des enfants, la psychiatrie, la culture, qui sont venus interpeller les schémas de la lutte des classes et les idéologies de l’extrême gauche traditionnelle. Le gauchisme culturel naît précisément dans ce cadre et c’est lui qui va le premier déplacer l’axe central de la contestation vers les questions sociétales, à la manière de l’époque, c’est-à-dire de façon radicale et délibérément provocatrice. Il est ainsi devenu le vecteur d’une révolution culturelle qui a mis à mal l’orthodoxie des groupuscules d’extrême-gauche, avant de concerner l’ensemble de la gauche et de se répandre dans la société. Quand on étudie la littérature gauchiste de l’immédiat après-Mai, on est frappé de retrouver nombre de thèmes du gauchisme culturel d’aujourd’hui, mais, en même temps, ces derniers semblent bien mièvres et presque banalisés en regard de la rage dont faisaient preuve les révolutionnaires de l’époque. Leur remise en question radicale a concerné bien des domaines dont nous ne pouvons rendre compte dans le cadre limité de cet article 34. Mais il suffit d’évoquer ce qu’il en fut en matière de mœurs et de sexualité au début des années 1970 pour mieux cerner le fossé qui nous sépare du présent. Le désir était alors brandi comme une arme de subversion de l’ordre établi qui devait faire sauter tous les interdits, les tabous et les barrières. Il s’agissait de faire tomber tous les masques, en pourchassant les justifications et les refoulements au cœur même des discours les plus rationnels et les plus savants. Être "authentique", c’était oser, si l’on peut dire, regarder le désir en face et ne plus craindre d’exprimer en toute liberté le chaos que l’on porte en soi. C’est sans doute pour cette raison que sur le front du désir la classe ouvrière a pu apparaître muette à beaucoup.

Les religions juives et chrétiennes, la "morale bourgeoise", l’idéologie, le capitalisme réprimaient le désir, il s’agissait alors ouvertement de tout mettre à bas pour le libérer. Le mariage et la famille n’échappaient pas à un pareil traitement. Ils étaient considérés comme un dispositif central dans ce vaste système de répression, la cellule de base du système visant à castrer et à domestiquer le désir en le ramenant dans les credo de la normalité. Les lesbiennes et les gays revendiquaient clairement leur différence en n’épargnant pas les " hétéro-flics", la "virilité fasciste", le patriarcat. Il était alors totalement exclu de se marier et de rentrer dans le rang.

On peut mesurer les différences et le chemin parcouru depuis lors. Nous sommes passés d’une dynamique de transgression à une banalisation paradoxale qui entend jouer sur tous les plans à la fois: celui de la figure du contestataire de l’ordre établi, celui de la minorité opprimée, celui de la victime ayant des droits et exigeant de l’État qu’il satisfasse au plus vite ses revendications, celui du Républicain qui défend la valeur d’égalité, celui du bon père et de la bonne mère de famille…

Mais, en même temps, force est de constater que nombre de thèmes de l’époque font écho aux postures d’aujourd’hui. Il en est ainsi du culte des sentiments développé particulièrement au sein du MLF. Renversant la perspective du militantisme traditionnel, il s’agissait déjà de partir de soi, de son "vécu quotidien", de partager ce vécu avec d’autres et de le faire connaître publiquement. On soulignait déjà l’importance d’une parole au plus près des affects et des sentiments. Alors que l’éducation voulait apprendre à les dominer, il fallait au contraire ne plus craindre de se laisser porter par eux. Ils exprimaient une révolte à l’état brut et une vérité bien plus forte que celle qui s’exprime à travers la prédominance accordée à la raison. À l’inverse de l’idée selon laquelle il ne fallait pas mêler les sentiments personnels et la politique, il s’agissait tout au contraire de faire de la politique à partir des sentiments. Trois préceptes du MLF nous paraissent condenser le renversement qui s’opère dès cette période: "Le personnel est politique et le politique est personnel";  "Nous avons été dupés par l’idéologie dominante qui fait comme si “la vie publique” était gouvernée par d’autres principes que la vie privée”; "Dans nos groupes, partageons nos sentiments et rassemblons-les et voyons où ils nous mèneront. Ils nous mèneront aux idées puis à l’action". Ces préceptes condensent une nouvelle façon de faire de la "politique" qui fera de nombreux adeptes.

Resterait à tracer la genèse de ce curieux destin du gauchisme culturel jusqu’à aujourd’hui, la perpétuation de certains de ses thèmes et leur transformation. L’analyse de l’ensemble du parcours reste à faire, mais cette dernière implique à notre sens la prise en compte du croisement qui s’est opéré entre ce gauchisme de première génération avec au moins trois grands courants: le christianisme de gauche, l’écologie politique et les droits de l’homme. C’est dans la rencontre avec ces courants que le gauchisme culturel s’est pacifié, pris un côté boy-scout et faussement gentillet, et qu’il s’est mis à revendiquer des droits. Mais c’est surtout dans les années 1980 que le gauchisme culturel va recevoir sa consécration définitive dans le champ politique, plus précisément au tournant des années 1983-1984, au moment où la gauche change de politique économique sans le dire clairement et entame la "modernisation " Le gauchisme culturel va alors servir de substitut à la crise de sa doctrine et masquer un changement de politique économique mal assumé. À partir de ce moment, la gauche au pouvoir va intégrer l’héritage impossible de mai 68, faire du surf sur les évolutions dans tous les domaines, et apparaître clairement aux yeux de l’opinion comme étant à l’avant-garde dans le bouleversement des mœurs et de la "culture". Nous ne sommes pas sortis de cette situation.

Au terme de ce parcours qui rend compte des glissements opérés par la gauche et de l’influence du gauchisme culturel en son sein, il nous paraît possible de poser sans détour ce qui n’est plus tout à fait une hypothèse: nous assistons à la fin d’un cycle historique dont les origines remontent au XIXe siècle; la gauche a atteint son point avancé de décomposition, elle est passée à autre chose tout en continuant de faire semblant qu’il n’en est rien; il n’est pas sûr qu’elle puisse s’en remettre. Le gauchisme culturel, qui est devenu hégémonique à gauche et dans la société, a été un vecteur de cette décomposition et son antilibéralisme intellectuel, pour ne pas dire sa bêtise, est un des principaux freins à son renouvellement. La gauche est-elle capable de rompre clairement avec lui ? Rien n’est certain étant donné la prégnance de ses postures et de ses schémas de pensée.


Auteur: Le Goff Jean-Pierre

Info: "Du gauchisme culturel et de ses avatars" , Le Débat n° 176, septembre-octobre 2013, p.49-55.

[ hypocrisie ] [ détournement ]

 

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épistémologie

Le premier chapitre de l’ouvrage montre que la période grecque est déterminante pour les développements ultérieurs de la connaissance, elle a posé certains principes fondamentaux qui seront discutés jusqu’à nos jours. En synthétisant les apports de penseurs grecs d’Héraclite et Parménide, de Socrate à Platon, Aristote et Épicure, Martine Bocquet pointe qu’à cette époque le signe (séméïon) est secondaire, il est considéré comme un signe de la nature que l’on peut interpréter (symptôme de maladies, foudre, etc.). Il s’oppose au mot qui, lui, repose sur une relation conventionnelle. Martine Bocquet montre qu’Aristote est important pour la sémiotique, de Deely en particulier. Réaffirmant l’importance du rapport sensible au monde, face à Platon, il a placé le séméïon au fondement de la connaissance et orienté ses recherches vers la relation comme catégorie discursive (pp. 33-45), notion qui sera au cœur des discussions des scoliastes.

Le chapitre deux montre l’évolution importante des notions de signe et de relation à la période latine médiévale et scolastique. Suivant l’étude de Deely, Martine Bocquet souligne le rôle d’Augustin d’Hippone. En traduisant le séméïon grec en signum, il a proposé la première formulation générale du signe qui subsume l’opposition entre nature et culture entre lesquelles il fonctionne comme une interface (p. 65, 68). Bien qu’elle demeure imparfaite, l’approche d’Augustin pose d’une part les fondements d’une théorie relationnelle de la connaissance ; d’autre part, en maintenant une distinction entre signe naturel (signum naturale, séméïon) et signe conventionnel (signum datum), elle ouvre sur une conception de la communication, tout à fait intéressante, engageant tous les êtres vivants (animaux, plantes) (p. 67, 69). D’une autre façon, la problématisation de la relation apparaît tout aussi importante à cette période. En distinguant, chez Aristote, la relatio secundum dici (relation transcendantale) — relation exprimée par le discours — et la relatio secundum esse (relation ontologique) — relation en tant qu’entité particulière (p. 70) — Boèce permet de concevoir l’existence de relations ontologiques, indépendantes de la pensée (p. 73) — fondamentales chez Poinsot, Peirce et Deely. Cette distinction aura son incidence puisqu’elle posera les termes de la querelle des universaux, tournant épistémologique majeur de l’histoire des connaissances.

Initiée par Pierre Abélard, la "querelle des universaux" est abordée par Martine Bocquet au chapitre trois et apparaît comme le point pivot de l’ouvrage (pp. 107-112) dans la mesure où elle aura une incidence sur le rapport au monde et à la connaissance. La dispute, qui porte sur la nature de l’objectivité et du statut de réalité des entités dépendantes ou non de la pensée, par le biais de la catégorie aristotélicienne de relation, et, par extension, de celle de signe, oppose les réalistes aux nominalistes.

Les penseurs dits "réalistes", parmi lesquels Thomas d’Aquin, Roger Bacon, Duns Scot, considèrent que le signe est constitué d’une relation indépendante de la pensée, dite ontologique, à la nature. Le traitement de Martine Bocquet montre clairement que Deely se retrouve dans la pensée de ces auteurs, dont il a avant tout souligné la contribution à la sémiotique de Peirce : (i) le signe subsume l’activité cognitive (pp. 80-81) (ii) la relation de signe est dans tous les cas triadique (p. 82), (iii) les signes se constituent de manière dynamique, ce qui leur permet d’agir (sémiosis) et de jouer un rôle dans l’expérience et la connaissance (pp. 83-86).

Martine Bocquet met particulièrement en évidence la pensée de Jean Poinsot (Jean de St-Thomas), en soulignant son influence sur Deely. L’originalité de ce dernier est d’avoir considéré Poinsot comme le précurseur d’une sémiotique voisine de celle de Peirce, plus ontologique encore. Pour le résumer en quelques points, Poinsot défend avant tout que la nature et la réalité du signe sont ontologiques (secundum esse), c’est-à-dire que le signe est une relation dont le véhicule est indifférent à ce qu’il communique (p. 102). Ce point est essentiel car il permet de doter le signe d’une nature proprement relationnelle : (i) il pointe vers autre chose (une autre réalité physique ou psychique), (ii) il permet d’articuler la subjectivité et l’intersubjectivité et (iii) opère la médiation entre les choses (indépendantes de la pensée) et les objets (dépendants de la pensée) (pp. 105-106) ; ce que la représentation, où l’objet pointe vers lui-même, n’autorise pas. Le point de vue de Poinsot est déterminant, car les nombreux retours vers sa pensée réalisés tout au long de l’ouvrage, montrent que c’est au prisme de ces principes que Deely réévaluait les pensées modernes.

De l’autre côté, les "nominalistes" comme Guillaume d’Ockham considèrent que la réalité est extra mentale, que seules les causes externes sont réelles, et qu’en conséquence, les relations intersubjectives n’existent que dans la pensée. Malgré l’intervention des successeurs d’Ockham qui, contrairement à celui-ci, admettront le signe, divisé en deux entités — signes instrumentaux (physiques, accessibles aux sens) et signes formels (concepts) — à partir de 1400 environ, les concepts (signes formels) seront considérés comme des représentations (p. 91). Martine Bocquet montre bien que le principe nominaliste, souvent simplifié, sera largement adopté par les sciences empiriques qu’il permettra de développer, mais cela, et c’est l’enjeu de la démarche de Deely, au détriment du rapport entre le monde et les sens.

Dans le quatrième chapitre consacré à la modernité, Martine Bocquet montre comment Deely a pointé les problèmes et les limites posés par l’héritage du nominalisme, en mettant notamment en perspective les travaux des empiristes (John Locke, David Hume), puis ceux de Kant, avec les propositions de Poinsot. Elle montre d’emblée que le rationalisme de Descartes, où la raison est indépendante et supérieure à la perception, conduira à renégocier la place de la perception dans la connaissance. En concevant les qualités des sens comme des images mentales, les modernes renversent l’ordre de la perception sensorielle reconnu par les scoliastes, les qualités sensorielles (couleurs, odeurs, sons) autrefois premières sont reléguées au second plan (p. 117). Les empiristes (John Locke, George Berkeley, David Hume) contribueront à considérer l’ensemble des sensations comme des images mentales, ils ne seront alors plus capables de s’extraire de la subjectivité (p. 121-124). À ce titre, Martine Bocquet porte à notre attention que Deely avait bien montré que l’empirisme et le rationalisme éludaient la description du phénomène de cognition.

L’approche de Kant apparaît dans l’ouvrage comme point culminant, ou synthèse, de la pensée moderne. En suivant les pas de Deely, Martine Bocquet prend le soin de mettre son travail en perspective avec la pensée de Poinsot, ce qui permet de réaffirmer sa pertinence dans le projet sémiotique de Deely. Kant a eu le mérite d’envisager des relations objectives. Toutefois, en limitant la cognition aux représentations, il la sépare de la signification, c’est-à-dire du supplément de sens contenu dans l’objectivité (au sens de Poinsot), et se coupe de l’expérience de l’environnement sensible qui permet à l’homme de connaître et de constituer le monde (pp. 130-131). Martine Bocquet insiste sur le fait que, selon Deely, la pensée kantienne est lourde de conséquences puisqu’en inversant les concepts d’objectivité et de subjectivité, elle enferme l’individu dans sa propre pensée (p. 134), reléguant la communication au rang d’illusion.

Le dernier chapitre de l’ouvrage est consacré aux chercheurs post-modernes, qui ont marqué la fin du modernisme et opéré un retour vers le signe. On y trouve notamment les apports d’Hegel et de Darwin, entre autres, qui ont permis d’affirmer le rôle concret de la relation ontologique dans la cognition, et la prise des facultés cognitives avec l’environnement physique. Martine Bocquet consacre une grande partie du chapitre à la sémiotique en tant que discipline, ce qui lui permet de réaffirmer l’ancrage de Deely dans l’héritage peircien qui est ici clairement distingué des modèles de Saussure et Eco.

Martine Bocquet rappelle d’abord que la pensée de Peirce s’inspire des réalistes (d’Aquin, Duns Scot) et considère donc que les produits de la pensée sont bien réels, et non de simples constructions des sens. La sémiotique qu’il développe appréhende la signification comme un parcours de pensée dynamique entre expérience et cognition. Dans son modèle ternaire, présenté en détail, la relation de tiercité caractérise le fonctionnement de la cognition humaine depuis la perception d’indices jusqu’à la constitution d’un système de signification ; elle est propre à l’homme qui peut se référer à la réalité mais aussi évoquer des choses imaginées (p. 146). L’intérêt de ce modèle est de permettre d’envisager que les non-humains utilisent aussi des signes, possibilité envisagée par Peirce dans sa « grande vision », doctrine qui selon Bocquet fascine Deely. Ce projet consistait à étendre la sémiotique au vivant, considérant que l’action des signes est enracinée dans toutes les choses du monde. Il ouvre sur un vaste champ de recherche abordé en conclusion, sur lequel nous reviendrons.

Contrairement à la sémiotique peircienne, Bocquet montre que John Deely considère que la sémiologie de Saussure, reposant sur le signe linguistique, est limitée car elle ne s’occupe que des signes conventionnels, culturels. De ce fait, elle se montre non seulement incapable d’approcher le signe naturel mais elle court aussi le risque de faire de la réalité une construction de l’esprit (idéalisme). En dépit d’un substrat peircien partagé, la même critique sera adressée à la théorie des codes d’Eco puis, plus loin dans la conclusion de Martine Bocquet (pp. 171-172), au structuralisme (Greimas, Lévi-Strauss). En somme, ces sémiotiques sont très efficaces pour étudier les systèmes de signes spécifiquement humains, mais, enfermées dans le langage et la culture, elles sont incapables de traiter les signes naturels, toute tentative révèle leur idéalisme. À cet endroit, l’auteure met bien en évidence l’opposition irréductible entre, d’un côté, ces théories qui ne rendent compte ni du signe naturel ni de la reconnaissance des phénomènes de la nature, et de l’autre, la posture de Deely qui défend l’idée que les données des sens ne sont jamais déconnectées et que la perception comprend une structure d’objectivité car les relations sont réelles (p. 165). Finalement, au travers de l’ouvrage, Bocquet montre que Deely prônait un retour à l’universalité du signe.

La conclusion du livre indique que Deely plaçait le signe et la sémiotique au cœur d’une pensée postmoderne capable de rétablir le dialogue entre les sciences dures et les sciences de la communication. Ce dialogue répondrait à la nécessité de comprendre l’action des signes autant dans la nature que dans la culture. Pour concrétiser cela, Deely propose un retour au réalisme oublié des scoliastes latins pour réviser les théories des modernes afin de renouer le lien avec la nature, en tenant compte des entités dépendantes et indépendantes de la pensée (p. 168).

Cette posture s’inscrirait, selon Martine Bocquet, dans un projet sémioéthique au sein duquel l’homme prendrait conscience de ses responsabilités vis-à-vis de la nature. Finalement, la solution à adopter correspond à la "grande vision" de Peirce, introduite en amont, c’est-à-dire une doctrine des signes qui, d’une part, intègre l’ensemble de la connaissance humaine du sensoriel aux interactions sociales et à la culture et, d’autre part, étend la sémiotique à l’ensemble du monde vivant, considéré comme un réseau de significations entre humains et non-humains, et noué sur une relation ontologique présente dans toute chose (pp. 169-170). Mis en application dans les années 1960, ce projet a donné lieu à un ensemble de sémiotiques spécifiques étudiant aussi bien le vivant, comme la physiosémiotique, la phytosémiotique, la zoosémiotique, la biosémiotique, que l’homme avec l’anthroposémiotique. Nous soulignons que certaines de ces disciplines sont aujourd’hui émergentes pour répondre aux questions environnementales actuelles en termes de climat, de cohabitation entre espèces et d’habitabilité du monde.

La restitution des travaux de Deely par Martine Bocquet semble tout à fait pertinente pour les sciences de la communication. Tout d’abord, parce que la démarche historique de Deely invitant à réévaluer nos acquis au prisme de modèles plus anciens, parfois moins connus, est tout à fait d’actualité et nécessaire dans notre réseau de recherche pluridisciplinaire. Ensuite, du fait de la structure détaillée du livre de Martine Bocquet qui permettra autant aux étudiants qu’aux chercheurs de trouver une formulation des concepts et des problèmes qui sous-tendent encore le domaine de la communication.

D’autre part, le grand intérêt de l’ouvrage réside dans le parti pris épistémologique de la sémiotique de Deely. En adoptant la relation ontologique de Poinsot, présente en creux chez Peirce, Deely ouvre des perspectives importantes pour le champ des sciences de la communication puisqu’il attire notre attention sur un concept universel de signe capable de réaffirmer la place du sensible dans la communication et de problématiser les interactions entre humains et non-humains. À ce titre, la pensée de Deely rapportée par Martine Bocquet est tout à fait en phase avec la recherche de ces quinze dernières années où différentes disciplines ont cherché à étudier la signification au-delà des particularités entre humains mais aussi entre êtres vivants, soit en adoptant un point de vue ontologique soit en intégrant les sciences physiques ou cognitives. Citons par exemple la biosémiotique, la zoosémiotique mais aussi l’anthropologie de la nature de Philippe Descola, "l’anthropologie au-delà de l’humain" d’Eduardo Kohn, la sémiophysique de René Thom et Jean Petitot ou encore la sémiotique cognitive.

Auteur: Chatenet Ludovic

Info: résumé critique de : Martine Bocquet, Sur les traces du signe avec John Deely : une histoire de la sémiotique Limoges, Éditions Lambert Lucas, 2019, 200 p.

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