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transhumances planétaires

Tandis que la lointaine civilisation chinoise retarde l’heure de sa mort en se tournant vers son propre passé, tandis que l’Inde répand, pour soulager sa fièvre, une religion sur l’Asie, l’ombre noie peu à peu les rivages où s’est écoulée l’éclatante et virile jeunesse du monde occidental. Les flux et les reflux, depuis le début de l’histoire, balancent l’océan des peuples du plateau de l’Iran aux terres fraîches et salubres qui regardent l’Atlantique. Des invasions silencieuses ont accumulé dans les plaines du nord de l’Europe les réserves d’hommes qui renouvelleront l’innocence des peuples méridionaux quand un contact trop énervant avec l’Asie affaiblira leur foi dans leur propre intelligence. On a vu les Phéniciens apporter à la Grèce et à l’Italie, avec la science et l’idéal de la Chaldée et de l’Égypte, l’écho indien des ivresses mystiques par qui le saint frisson de la vie universelle est entré dans l’ordre occidental. On a vu la Grèce, entraînée par Alexandre, déposer dans l’âme trouble et lasse de l’Inde, l’étincelle inspiratrice. Rome doit subir à son tour le sensualisme de l’Asie quand elle lui porte la paix… Le mouvement épuisait peu à peu son rythme. Il était nécessaire qu’un grand repos succédât à la dépense d’énergie d’où sortit l’avenir du monde, et que la nature de l’homme se repliât sur elle-même pour imposer à son esprit trop tendu, à ses sens pervertis, l’oubli de leurs conquêtes et le désir de remonter à leurs sources naturelles.

Auteur: Faure Elie

Info: Histoire de l'art. L'art médiéval

[ migrations mondiales ]

 
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spiritualité hindoue

[Le tantrisme] n’est pas une religion nouvelle, comme le fut, par exemple, le bouddhisme, mais plutôt une étape importante dans l’évolution de chacune des principales religions indiennes, une nouvelle modalité d’être de chacune de ces religions (car il y a un tantrisme bouddhiste, un autre hindouiste, et il y a des traces même d’un tantrisme jaina). […] Le tantrisme devient, après le Ve siècle après Jésus-Christ, une "mode" religieuse pan-indienne. On le rencontre partout, et sous d’innombrables formes : iconographie, rituel, méditations, mystique, physiologie et érotique mystiques, etc. Du point de vue formel, le tantrisme se présente comme une nouvelle manifestation triomphante du çaktisme, relevant tant de l’hindouisme que du bouddhisme. La force secrète (çakti) qui anime le Cosmos et soutient les dieux […] est fortement personnifiée : c’est la Déesse, Epouse et Mère. […] Le dynamisme créateur revient à la Déesse ; et chaque dieu est flanqué d’une divinité féminine, qui est sa "force" (çakti). […]
Certes, le tantrisme est un retour à "la religion de la Mère", religion qui fut jadis prédominante dans une vaste aire égéano-afrasiatique, et qui n’a jamais cessé d’être la principale manière de dévotion chez les nombreuses populations autochtones de l’Inde. En ce sens, l’irrésistible poussée tantrique signifie également une nouvelle victoire des souches populaires, pré-aryennes, qui, encore une fois, ont réussi à faire valoir leur structure religieuse, leur besoin de culte, de liturgie, d’iconographie, i.e. d’une dévotion personnelle, d’expérience mystique. Dans certaines sectes tantriques, la femme elle-même devient une chose sacrée, une incarnation de la Mère.

Auteur: Eliade Mircea

Info: Dans "Techniques du yoga" pages 215-216

[ caractéristiques ]

 
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principe psychanalytique

Reprenons par exemple le Wo Es war, soll Ich warden, traduit Là où C’était, là Je dois devenir.

Ceci est très précis. il s’agit du Ich, qui n’est pas das Ich, le moi. Ich est ici utilisé comme sujet de la phrase. Là où C’était, c’est là où ça parle, c’est-à-dire où, à l’instant d’avant, quelque chose était qui est le désir inconscient.

C’est là que Je dois me désigner, où Je dois être. Ce Je est le but, la fin, le terme, de l’analyse avant qu’il se nomme, se forme, s’articule – si tant est qu’il le fasse jamais, car aussi bien le soll Ich werden de la formule freudienne doit-il être entendu comme un dois-Je devenir. Le Je est le sujet d’un devenir, d’un devoir qui vous est proposé.

[...] Mais la question se pose – avant que ceci ne soit fait, qu’est-ce qui nous désigne, là où ça était, la place du Je qui doit venir au jour ? C’est, très exactement, l’index du désir. J’entends, du désir en tant que fonction et terme de ce dont il s’agit dans l’inconscient, le désir soutenu par la coexistence et l’opposition des deux termes, le S barré et le petit a.

A cette limite où l’inconscient commence, le sujet se perd. Il n’y a pas là, purement et simplement, privation de quelque chose qui s’appellerait la conscience. C’est une autre dimension qui commence, où il n’est plus possible au sujet de savoir ni qui, ni où il est. Ici s’arrête pour lui toute possibilité de se nommer.

Auteur: Lacan Jacques

Info: Dans le "Séminaire, Livre VI : Le désir et son interprétation", éditions de La Martinière et Le Champ Freudien éditeur, 2013, page 447

[ indice ] [ intermédiaire ] [ accès indirect ] [ signification ]

 
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Alcoran

Que sait-on historiquement du prophète de l'Islam ?

"Muḥammad islamique" et "Muḥammad historique"

Les recherches récentes attestent qu’entre la mort du Prophète et la constitution de la Sira deux siècles plus tard, on a, à l’image de la Mecque, un véritable trou noir pour ce qui concerne les seuls écrits musulmans. Rien n’émerge de l’histoire avant 50 de l’hégire (683) où le qualificatif "mḥmd" est mentionné pour la première fois sur une pièce de monnaie à l’effigie d’Abdallah Ibn al Zubayr, "anticalife", opposant aux Omeyyades et que la tradition musulmane décrit comme étant le "gouverneur de La Mecque" (monnaie frappée cependant à Bishapur, dans l’actuel Iran).

D’autres documents font état de témoignages contemporains de Muḥammad et le décrivent non pas comme un Prophète mais comme un guerrier apocalyptique à l’aise et instruit dans l’histoire de Moïse (Pseudo Sébéos). Dans tel témoignage, il apparaît comme dans la proximité de personnes qui l’auraient "instruit". Dans tel autre, il est présenté (Doctrina Jacobi) dans une discussion entre des Juifs comme pouvant être un possible candidat à la prophétie (c’est-à-dire "annoncer la venue du Messie").

Ce n’est qu’au 9ème siècle que la biographie (sīra) du Prophète est rédigée pour la première fois dans un empire qui s’étend du Maroc à l’Inde, très loin du milieu originel, dans un contexte contrôlé par l’autorité califale. C’est d’ailleurs à partir du 10ème, que sont écrits le discours des origines, les premières exégèses coraniques (tafāsīr), les premières histoires de conquêtes islamiques (maġāzī) et un nombre invraisemblable de hadiths forgés à la demande des califes dans le but de légitimer leur autorité et d’expliquer le Coran en forçant son interprétation*.

Auteur: Kerzazi Hocine

Info: https://blogs.mediapart.fr/hocine-kerzazi/blog. 27 avril 2018. *selon Alfred-Louis de Prémare

[ textes religieux ] [ origines ] [ source historique ]

 

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déni du père réel

Deux phénomènes en témoignent.

D’une part, la mise à l’écart, pour ne pas dire à l’index du père réel en tant qu’il fait de la mère l’objet de son désir. La place actuelle de l’homme dans le désir, telle qu’elle est articulée par les médias, pourrait être décrite comme "appendice du pénis" comme en témoignent les dernières enquêtes sur la sexualité des femmes célibataires made in USA qui, lorsqu’elles ne trouvent pas d’homme pour un acte sexuel, "s’en remettent à leur plus fidèle ami (les vibromasseurs se vendent ici comme des petits pains)". La sexualité est passée dans le registre de la consommation de masse et l’acte sexuel est lui-même traité, dans une bonne majorité des cas, comme un objet de plus-de-jouir nécessaire et consommable. L’homme est renvoyé à une position infantile d’objet du désir des femmes, ou à une position de père des enfants, mais il est de plus en plus rarement considéré comme porteur du phallus, comme détenteur de l’objet du désir. La dimension de l’avoir qui fait le côté masculin de la sexuation semble ne pas avoir de place, dans le discours social construit sur l’égalité des sexes et le féminisme post-moderne.

La deuxième forme de déni de la fonction paternelle [...] apparaît là, dans les us et coutumes modernes, autrement dit dans la mise en place d’une cellule familiale matricentrée dans laquelle la mère reste détentrice du phallus.

Ces deux aspects des transformations sociales (mise à "l’index" du père et familles matricentrées) si elles sont pour l’enfant prépubère perturbantes du fait que le Nom-du-Père est accroché au père de la mère plus qu’à son homme, n’empêchent pas une construction normalisée de la père-version infantile qui pose le phallus comme opérateur du désir. Il en va tout autrement pour le pubère car son passage par la découverte du féminin réactive la jouissance archaïque du lien à la mère, et le discours social ne vient pas borner ce retour.

Auteur: Lesourd Serge

Info: Dans "Comment taire le sujet ?", éditions Érès, 2010, pages 50-51

[ réel-symbolique-imaginaire ] [ rabaissement ] [ conséquences ] [ psychanalyse ]

 

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archétypes narratifs

Si tous les contes merveilleux sont aussi uniformes, cela ne signifie-t-il pas qu’ils proviennent tous de la même source ? […] il semble en effet qu’il en soit ainsi. Cependant, le problème des sources ne doit pas être posé de façon étroitement géographique. Dire "une source unique" ne signifie pas forcément que les contes ont pour origine, par exemple, l’Inde, et qu’à partir de là ils se sont répandus dans le monde entier, prenant au cours de leurs voyages des formes différentes, – selon ce que certains admettent. La source unique peut-être, aussi bien, psychologique, sous un aspect historico-social. […]

Enfin, la source unique peut se trouver dans la réalité. Entre la réalité et le conte, il existe certains points de passage : la réalité se reflète indirectement dans les contes. Un de ces points de passage est constitué par les croyances qui se sont développées à un certain niveau de l’évolution culturelle ; il est très possible qu’il y ait un lien, régi par des lois, entre les formes archaïques de la culture et la religion d’une part, et entre la religion et les contes d’autre part. Une culture meurt, une religion meurt, et leur contenu se transforme en conte. Les traces des représentations religieuses archaïques que conservent les contes sont si évidentes qu’on peut les isoler avant toute étude historique, comme nous l’avons déjà indiqué plus haut. Mais étant donné qu’il est plus facile d’expliquer une telle hypothèse historiquement, nous établirons, en guise d’exemple, un bref parallèle entre contes et croyances. Les contes présentent les transporteurs aériens d’Ivan sous trois formes fondamentales : le cheval volant, les oiseaux, le bateau volant. Ces formes représentent justement les porteurs de l’âme des morts, le cheval dominant chez les peuples pasteurs et agriculteurs, l’aigle chez les peuples chasseurs, et le bateau chez ceux qui vivent au bord de la mer. On peut donc penser qu’un des principaux fondements structurels des contes, le voyage, est le reflet de certaines représentations sur les voyages de l’âme dans l’autre monde.

Auteur: Propp Vadimir

Info: Morphologie du conte, À l'origine des contes, p. 131

[ réel-imaginaire ] [ historique ] [ psychopompes ]

 

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religions comparées

La morale socratique se réfère, non a priori à un Code révélé, mais à la conscience en tant que fonction de l’Intellect. Ce caractère immanentiste ne permet nullement de la confondre avec un moralisme laïque, c’est précisément la référence à l’Intellect qui s’y oppose. Selon Socrate, la vertu c’est la science du bien : avoir la vraie notion du bien, celle de la justice par exemple, c’est être juste. Le bien est identique à l’utilité totale, qui est notre destinée spirituelle ; quiconque se fonde sur le bien ne peut être frustré, puisque Dieu est le Bien. Socrate insiste sur la vertu d’obéissance : la justice terrestre des autorités peut être faillible, mais elle est sacrée en vertu de la Loi éternelle, que le sage représente. L’attitude de Socrate à l’égard des mystères d’outre-tombe est celle de Confucius : la garantie d’un au-delà favorable est dans notre conformation à la Norme universelle ; cette conformation prime les conceptualisations des états post-mortem.

Une autre éthique indépendante du Décalogue est celle de l’Inde : elle se fonde sur les notions du dharma ("Loi universelle"), du rita ("détermination" ou "comportement") et du karma ("action"). C’est en vertu du dharma que les choses et les êtres se comportent chacun selon sa nature ; la notion du rita est peut-être moins principielle, elle exprime le comportement même, y compris les actes rituels, bien qu’à d’autres égards dharma et rita soient synonymes. Le karma relève du dharma ; il engendre, suivant sa conformité ou non-conformité à l’Ordre cosmique et divin, tel destin dans la transmigration. La violation de la Norme ou de la Loi est le péché, pâpa ; l’impureté qui détermine, ou accompagne l’acte du péché est le mal, dosha. Il convient du reste de distinguer entre l’amoral (nirdharma) et l’immoral (adharma) : de même que le "surnaturel" est non un "contre-naturel" mais simplement un "naturel" transcendant - en étendant ainsi la logique interne du "naturel" à l’Univers invisible -, de même l’"amoral" est non un "immoral" mais un "moral" transcendant, c’est-à-dire plus vaste que le moral proprement dit et éventuellement contraire à ce dernier. Au demeurant, l’Hindouisme insiste beaucoup sur l’œuvre accomplie sans espoir du fruit (niskhâma-karma) : c’est le point de vue de la morale pure ou quintessentielle, en tant que participation inconditionnelle à l’Équilibre cosmique et à l’Attraction divine ; la conscience du "devoir" humain est remplacée ici par un impératif résultant non de notre intérêt mais de la divine Beauté, pour dire les choses simplement.

Auteur: Schuon Frithjof

Info: Dans "Logique et transcendance", éditions Sulliver, 2007, pages 179-180

[ philosophie pérenne ]

 

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interprétation religieuse

À ce propos, nous avons eu l’occasion de faire une remarque qui nous paraît assez curieuse pour que nous la notions ici : dans un livre dont nous avons déjà parlé ailleurs, le philosophe Bergson, opposant ce qu’il appelle la "religion statique" et la "religion dynamique", voit la plus haute expression de cette dernière dans le mysticisme, que d’ailleurs il ne comprend guère, et qu’il admire surtout pour ce que nous pourrions y trouver au contraire de vague et même de défectueux sous certains rapports ; mais ce qui peut sembler vraiment étrange de la part d’un "non-chrétien", c’est que, pour lui, le "mysticisme complet", quelque peu satisfaisante que soit l’idée qu’il s’en fait, n’en est pas moins celui des mystiques chrétiens. À la vérité, par une conséquence nécessaire du peu d’estime qu’il éprouve pour la "religion statique", il oublie un peu trop que ceux-ci sont chrétiens avant même d’être mystiques, ou du moins, pour les justifier d’être chrétiens, il pose indûment le mysticisme à l’origine même du Christianisme ; et, pour établir à cet égard une sorte de continuité entre celui-ci et le judaïsme, il en arrive à transformer en "mystiques" les prophètes juifs ; évidemment, du caractère de la mission des prophètes et de la nature de leur inspiration, il n’a pas la moindre idée. Quoi qu’il en soit, si le mysticisme chrétien, si déformée ou amoindrie qu’en soit sa conception, est ainsi à ses yeux le type même du mysticisme, la raison en est, au fond, bien facile à comprendre : c’est que, en fait et à parler strictement, il n’existe guère de mysticisme autre que celui-là ; et même les mystiques qu’on appelle "indépendants", et que nous dirions plus volontiers "aberrants", ne s’inspirent en réalité, fût-ce à leur insu, que d’idées chrétiennes dénaturées et plus ou moins entièrement vidées de leur contenu originel. Mais cela aussi, comme tant d’autres choses, échappe à notre philosophe, qui s’efforce de découvrir, antérieurement au Christianisme, des "esquisses du mysticisme futur", alors qu’il s’agit de choses totalement différentes ; il y a là, notamment, sur l’Inde, quelques pages qui témoignent d’une incompréhension inouïe. Il y a aussi les mystères grecs, et ici le rapprochement, fondé sur la parenté étymologique que nous signalions plus haut, se réduit en somme à un bien mauvais jeu de mots ; du reste, Bergson est forcé d’avouer lui-même que "la plupart des mystères n’eurent rien de mystique" ; mais alors pourquoi en parle-t-il sous ce vocable ? Quant à ce que furent ces mystères, il s’en fait la représentation la plus "profane" qui puisse être ; ignorant tout de l’initiation, comment pourrait-il comprendre qu’il y eut là, aussi bien que dans l’Inde, quelque chose qui d’abord n’était nullement d’ordre religieux, et qui ensuite allait incomparablement plus loin que son "mysticisme", et même, il faut bien le dire, que le mysticisme authentique, qui, par là même qu’il se tient dans le domaine purement exotérique, a forcément aussi ses limitations ?

Auteur: Guénon René

Info: A propos de "Les deux sources de la morale et de la religion", dans "Aperçus sur l'initiation", Éditions Traditionnelles, 1964, p. 17

[ idéalisante ] [ erronée ] [ critique ]

 
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symbole républicain français

Nous sommes ici en France. Tous les jours nous léchons pour les coller sur des enveloppes l’envers de timbres reproduisant la tête d’une femme coiffée d’un bonnet phrygien. On la prénomme Marianne, cette créature sévère avec son bonnet frigide sur la tête. Mais d’abord pourquoi ce bonnet ? Référence en passant au culte de Mithra, le grand totémisme phrygien des baptêmes dans le sang des taureaux. Rappel aussi de l’interprétation rosicrucienne du bonnet écarlate dont on coiffait le massacreur du taureau et qui était censé symboliser le prépuce ensanglanté… La République française, donc, gravée dans son carré de timbre, avec sa verge rebroussée rouge sur la tête. On s’en met, des choses curieuses, sous la langue, chaque jour… Cocarde circoncise. Avertissement répété à la castration. Chapeau du sacrifice. Souvenir sous votre salive de l’assassinat fondateur devenu couvre-chef ou béret rituel.

Mais il y a encore plus original et magique. La belle créature impressionnante si athénienne quant au profil a un prénom traditionnel : Marianne. C’est ici que les surprises commencent. Qui est Marianne ? La Liberté de Delacroix ? Non. Son nom, son simple nom si naturel ? D’où vient-il ? Eh bien c’est là que nous allons nous apercevoir que chaque jour, à des milliers d’exemplaires, le timbre français si banal nous envoie un message chiffré du fond de son origine secrète. Caché justement, occulte. Car le nom de Marianne adopté comme prénom qui-va-de-soi de la République allégorisée vient tout simplement d’une société clandestine qui s’appelait La Marianne. Une association de conjurés de l’ouest conspirant dans le but de renverser le régime mis en place par le coup d’Etat du 2 décembre 1851.

La Marianne dépendait du Comité démocratique européen de Londres dont les membres les plus importants étaient Mazzini et Ledru-Rollin. Voilà pour le versant socialiste.

Et voilà maintenant le versant occulte.

Les cérémonies initiatiques de la secte se déroulaient dans la grande tradition. […] Le nouvel adepte entrait les yeux bandés. Il prêtait serment de courir aux armes dès le premier signal pour rétablir la République. On lui apprenait la série de signes communs à tous les conjurés. Trois coups de pouce sur la première phalange de l’index, un salut de la main gauche, le pouce à nouveau contre le front, la poitrine et à hauteur du cœur. Le rituel se terminait par un dialogue fait de répliques apprises par cœur que l’on a conservées et qui valent la peine d’être relues :

"Connaissez-vous Marianne ?

- De la montagne.

- L’heure ?

- Elle va sonner.

- Le droit ?

- Au travail.

- Le suffrage ?

- Universel.

- Dieu me voit ?

- Du haut de la montagne.

- Le lion ?

- Le lion." 

Cent ans plus tard, évidemment, tout le monde a oublié ces laborieuses origines. Marianne est devenue une revenante, elle aussi, un petit fantôme dans son carré de papier crypté.

Auteur: Muray Philippe

Info: Dans "Le 19e siècle à travers les âges", pages 249-250

[ histoire ]

 

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apprentissage du langage

[…] la maîtresse d’Helen Keller, Ann Sullivan, s’efforçait d’apprendre à son élève à communiquer à l’aide de signes, alors confondus à des signaux, en tapant d’une manière déterminée selon les cas, dans la paume de l’enfant. Elle voulait ainsi associer à la perception d’un signal la sensation d’un objet. Par exemple, elle plaçait la main droite d’Helen sous un jet d’eau fraîche, pendant que sur l’autre, elle frappait le signal convenu. Dans cette pratique, spontanément behaviouriste, le signe est conçu comme l’index de son référent, qu’il a pour fonction essentielle d’évoquer. On prouvera qu’on a compris ce qu’est un signe si l’on peut user de cet index pour désigner le référent, quand on en a besoin. Tout être capable d’un tel comportement sera réputé savoir "parler". Or, la difficulté étonnante à laquelle se heurta Ann Sullivan, est que la petite Helen, tout en étant à même de communiquer quelques-uns de ses besoins au moyen des signaux que sa maîtresse lui avait appris à utiliser, semblait néanmoins piétiner à la porte d’un monde interdit. Il y avait là pourtant tous les éléments d’une relation de communication : émetteur, récepteur, médium de transmission et code. Plus encore : cet ensemble fonctionnait, mais la petite Helen – elle avait alors six ans – ne savait toujours pas parler.

Le miracle se produisit le 5 avril 1887. Ann Sullivan s’efforçait inlassablement d’épeler le mot tasse dans la main d’Helen, puis lui en donnait une à tenir. "Elle versait ensuite de l’eau dans la tasse, y trempait le doigt de l’enfant, et attendait, espérant qu’Helen réagirait en épelant e-a-u". En vain. Etant descendue au jardin afin de distraire l’enfant, elle s’approcha avec elle d’un puits d’où le jardinier tirait un seau d’eau. Une dernière fois, elle lui mit la tasse dans la main, y fit couler un peu d’eau, et épela water, sur l’autre main, de plus en plus rapidement, cette eau qu’Helen aimait à faire couler sur sa main. Soudain l’enfant lâcha la tasse, et, pétrifiée, laissa une pensée envahir et illuminer son esprit : w-a-t-e-r ! w-a-t-e-r ! cette chose merveilleusement fraîche, cette chose amie, c’était w-a-t-e-r ! Elle venait de comprendre que toute chose a un nom, que toute chose peut être dite ou signifiée, que le signe énonce la chose, ou encore qu’il l’exprime, c’est-à-dire que le rapport qui unit la chose à son index n’est pas celui d’une association entre deux perceptions sensibles […] mais un rapport de représentation, en sorte que le signe w-a-t-e-r s’identifie à la chose merveilleuse tout en en demeurant distinct : il "tient lieu" de la chose. Dans un tel rapport de signification, les deux éléments mis en relation ne sont plus du même ordre. Ils sont bien perçus tous les deux comme deux réalités également sensibles, et de ce point de vue, rien ne permet de les distinguer. Pourtant, dans le rapport de signification, la présence sensible de l’un cesse de valoir pour elle-même, cesse d’être le signal de son existence, qui est ainsi occultée, et se trouve valoir pour l’existence d’un autre, dont elle tient la place. C’est là l’expérience fondamentale de la signification. Les deux éléments sensibles ne sont plus unis par une relation horizontale de juxtaposition, mais par une relation verticale, et purement intellectuelle, de lieutenance.

Auteur: Borella Jean

Info: Dans "Histoire et théorie du symbole", éd. L'Harmattan, Paris, 2015, pages 125-126

[ sourd-muet-aveugle ] [ différence signe-signal ] [ invisible ] [ arrachement sémantique ] [ célèbre anecdote ] [ déclic ]

 

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