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littérature

Là-haut, je m'assieds dans l'anfractuosité, je mets les bras autour de mes genoux, et je regarde. Je suis la gargouille de ce flanc de montagne. Si j'avais des ailes, elles seraient de geai. Elles se déploieraient en craquant comme du vieux cuir puis, une fois étendues, lâcheraient des gouttes d'huile.
De mon perchoir vertigineux, voici ce que je vois : une ville et des arbres miniatures. Le monde est une boite à joujoux renversée. Je vois des maisons de poupées, des camions que conduisent des puces. Et je vois d'autres choses, plus grosses et pourtant plus lointaines. Je vois des forêts, des champs, des montagnes et des nuages. Je vois l'ivoire des dents de requin acérées que forment les pics. Tout ça d'un regard. Au-delà de ce que je vois, il n'y a rien. Il n'y a pas d'endroit au-delà de celui-ci. D'où je suis, je vois tout ce qui arrive avant d'être vu, moi.
Mes cheveux dansent devant mes yeux. Je les repousse du bout des doigts.
Surrender se retourne et réfléchit. Il a envie de mordre. Sa lèvre supérieure ondule comme une vague. Rien d'important, ici, à part mon lévrier.

Auteur: Hartnett Sonya

Info: Finnigan et moi

[ surplomb ] [ hauteur ]

 

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littérature

Ainsi dès 1807, il était notoire que les sources dont allaient bientôt s'inspirer l'imprimeur de Boulaq étaient des plus suspectes. Nombre de lecteurs arabes cultivés, qui ont lu comme tout le monde Les Mille Et Une Nuits dans l'édition de Boulaq, sont aujourd'hui au fait de ces insuffisances. Mais le respect de la prétendue bienséance et le poids du dogmatisme religieux empêchent d'y rien changer. La presse internationale, au mois de mai 1985, a fait état de la diffusion au Caire d'une nouvelle édition des Nuits, mieux en conformité, semblerait-il, avec la leçon de manuscrits originaux (nous n'en savons pas davantage, n'ayant pas réussi à mettre la main dessus). Mais une fois de plus les religieux veillaient, qui ont obtenu pas décision de justice que ladite édition fût saisie et détruite, de peur de mettre en péril l'image sourcilleuse que l'Islam actuel entend donner de lui au vaste monde. Nous doutons fort que de tels autodafés servent en quoi que ce soit la religion du Prophète. Ils témoignent en tout cas, a contrario, de la belle santé d'une oeuvre qui, après sept siècles, fait encore trembler les cagots et le pouvoir qui les protège.

Auteur: Khawam René R.

Info: Introduction à sa traduction des Mille Et Une Nuits, 19 juin 1986

[ musulman ]

 

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littérature

Par un matin de pierre dure, au temps de Pâques, entre avril et mars, si tu peux rester debout sur le balcon de Notre-Dame-de-la-Garde, quand souffle le mistral et que l'équinoxe joue à la balle avec les bateaux sur la mer, tu fais, sans quitter le roc, la traversée de la tempête la plus sèche qui soit au monde. Regarde Marseille sortir du sommeil, secouer la première paresse qui suit le réveil, et se ruer à la vie de nouveau. Tiens-toi ferme à la rampe. Tu es sur le pont du plus haut bord entre tous les navires; tu n'as peut-être pas ton bon sens si tu te crois à l'ancre. le ciel craque. La grande haleine éparpille le soleil en poudre d'or; elle vibre; jamais elle n'est tarie, jamais elle ne retombe; elle se tisse elle-même en rayons qui dansent. Et les trombes blanches de la poussière se poursuivent dans les rues et les chemins, comme si la terre secouait sa farine. L'air blanc est de pierre; de pierre blanche, la ville. Au loin, les Accoules en pierre rose ont un air de laurier en fleurs; et tout est pris dans l'étau de la mâchoire en pierre bleue du ciel et de la mer.

Auteur: Suarès André

Info:

[ Gaule ]

 

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littérature

A cause d'un caoutchouc percé, on donne naissance hu hu. Naissance, c'est-à-dire moisissure, et aussi cet assassin qui grandit dans vos propres entrailles, en donnant des coups de pieds, histoire, déjà, de vous faire mal. Vous dévorant, déjà. Car moi, entre nous, l'amour, c'était pas pour avoir un enfant. Il grandissait en moi, il grandissait, me bouffait, cognait, il s'augmentait de ma propre vie, mais je n'y tenais pas tellement. Ratage intégral : il naît. Trop tard pour le tuer. Vit. Gigote. Tant pis. On ne peut plus. Grandir, eh oui. Sans doute trop forte la pression du foutre sur le caoutchouc. Ou alors, mauvaise qualité. Ça arrive. Alors, à un moment, il faut bien. Voilà. On l'appelle Jérôme Bauche. C'est un genre de malentendu, toute cette histoire, voilà. Il est là. On dit. C'est un genre d'histoire courant. Je me moquais bien des radotages de mamame. Il y avait bien longtemps que je savais à quel misérable miracle je devais la vie (d'après pas mal de gens, et puis d'après des statistiques, et puis d'après mes lectures, la prison contre les murs de laquelle je me cognais la tête tous les jours, c'était ce qu'on appelle, en général, la vie. Oui, c'est comme ça, qu'on l'appelle, à ce qu'il paraît).

Auteur: Martinet Jean-Pierre

Info: Jérôme : L'enfance de Jérôme Bauche

[ reproduction ] [ accident ] [ malheur ]

 

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littérature

Ici on n'a pas de grands commerces, d'usines, de manufactures, on n'a que ce qu'on gagne de la terre, autant dire rien. Ce n'est pas une vie. On est même si pauvres qu'on vend nos vaches pour la viande aux bouchers des grandes villes, on se contente du cochon et on en mange tellement sous toutes ses formes, fumé, écouenné, haché, salé, qu'on finit par lui ressembler, figure rose hure rougie, loin du monde, par combes noires et forêts. (...) La misère sexuelle, comme on la nommera plus tard, s'ajoute aux rôderies de la peur et de l'imagination du mal. Solitaire, on surveille la nuit, ébats d'amour de quelques nantis et de leur râlante complice, frôlement du diable, culpabilité vrillée dans quatre siècles de calvinisme imposé. Sans répit déchiffrer la menace venue du fond de soi et du dehors, de la forêt, du toit qui craque, du vent qui pleure ; de l'au-delà, d'en haut, de dessous, d'en bas : la menace venue d'ailleurs. On se barricade dans son crâne, son sommeil, son coeur, ses sens, on se verrouille dans sa ferme, le fusil prêt, l'âme hantée et affamée. L'hiver attise ces violences sous la longue neige amie des fous, les ciels rouges et bistre entre aube et nuit déshéritée, le froid et la mélancolie qui tend et ronge les nerfs. Ah j'oubliais l'effarante beauté des lieux.

Auteur: Chessex Jacques

Info: Le vampire de Ropraz

[ Vaud ]

 

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littérature

El Toboso est avant tout une gamme de couleurs absolues : le blanc éblouissant des maisons, le bleu indigo du ciel et des bordures peintes sur les murs; le vent lui aussi semble avoir la clarté d'une couleur lumineuse. Il y a dans cette petite ville un Centre Cervantesque auquel entre autres les chefs d'Etat et de gouvernement du monde entier ont l'habitude d'envoyer, avec dédicace, de précieuses traductions du Don Quichotte dans la langue de leur pays. Exposées dans les vitrines, des éditions raffinées et des versions venant de tous les continents exhibent les signatures célèbres apposées sur les frontispices. Il y a même une édition italienne avec la signature de Mussolini, datée du 31 juillet 1930 : une grande écriture énergique, peut-être un peu mégalomane, mais au trait généreux. Tous envoient des exemplaires de Don Quichotte, sauf deux. Hitler envoie une lourde édition de la Chanson des Nibelungen, avec une signature qui se voit à peine, un gribouillis informe, des lettres en position foetale. Il est cependant battu en muflerie par Kadhafi qui envoie son Livre vert de la révolution. Tous deux montrent la condescendance, peu sûre d'elle, du chef de bureau qui menace d'un "vous ne savez pas qui je suis", quand toute la grandeur de don Quichotte, comme l'a écrit Unamuno, tient dans l'humble fermeté avec laquelle il dit : "Je sais qui je suis".

Auteur: Magris Claudio

Info: Déplacements

[ Europe ] [ dédicace ] [ dictateurs ]

 

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littérature

L'efficacité du langage tient à un savant mélange de justesse, et à sa puissance de synthèse. Il peut mieux "tout couvrir et expliquer" que les maths - que je connais très mal et qui me repoussent par une froide et rigide abstraction qui me les fait voir comme mortes et désincarnées. Bien moins chaleureuses en tout cas qu'un simple marteau. 

Un idiome humain donné, consensuel par essence, n'est limité que par la précision et l'ouverture de chacun de ses termes-segments et la culture-réceptivité de ses lecteurs-capteurs. 

Précision au sens où les éléments du contexte et la pensée du formulateur peuvent autant ouvrir : le mot arbre impliquant quasiment la vie dans son entier puisqu'il évoque la naissance de l'univers jusqu'aux émergences terrestres de longues chaines carbonnées. 

Ou focaliser-centrer sur un mot-élément comme dans cette phrase de Becky Chambers : "La route elle-même était une relique d’asphalte noir - une route à pétrole, faite pour des moteurs à pétrole, des pneus en pétrole, des tissus en pétrole, des carrosseries en pétrole." 

J'ai l'impression qu'un poète véritable est celui à même de manipuler ces pôles avec de belles qualités d'artisan du verbe, doublés d'une sincérité suffisamment acceptée, "terre à terre", bien ancrée dans son époque-formacja linguistique. Au point d'influencer les langages postérieurs.

Shakespeare ou Bukowski me viennent ici à l'esprit.

Auteur: Mg

Info: 7 septembre 2023

[ centrage - décentrage ] [ poésie ] [ tétravalence ] [ objecti ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

littérature

"Shakespeare, dit Forbes, n'a ni le talent tragique ni le talent comique. Sa tragédie est artificielle et sa comédie n'est qu'instinctive." Johnson confirme le verdict : "Sa tragédie est le produit de l'industrie et sa comédie le produit de l'instinct. "Après que Forbes et Johnson lui ont contesté le drame, Green lui conteste l'originalité. Shakespeare est "un plagiaire"; Shakespeare est "un copiste"; Shakespeare "n'a rien inventé"; c'est "un corbeau paré des plumes d'autrui"; il pille Eschyle, Boccace, Bandello, Hollinshed, Belleforest, Benoist de Saint-Maur ; il pille Layamon, Robert de Glocester, Robert Wace, Pierre de Langtoft, Robert Manning, John de Mandeville, Sackville, Spencer ; il pille l'Arcadie de Sidney ; il pille l'anonyme de la True Cronicle of King Leir ; il pille à Rowley, dans The troublesome reign of King John (1591), le caractère du bâtard Falconbridge. Shakespeare pille Thomas Greene ; Shakespeare pille Dekk et Chettle. Hamlet n'est pas de lui ; Othello n'est pas de lui ; Timon d'Athènes n'est pas de lui ; rien n'est de lui. Pour Green, Shakespeare n'est pas seulement "un enfleur de vers blancs", un "secoue-scènes"(shake-scene), un Johannes factotum (allusion au métier de call-boy et de figurant) ; Shakespeare est une bête féroce. Corbeau ne suffit plus, Shakespeare est promu tigre. Voici le texte : Tyger's heart wrapt in a player's hyde. Coeur de tigre caché sous la peau d'un comédien (A Groatsworth of wit, 1592).

Auteur: Hugo Victor

Info: William Shakespeare

[ polémique ]

 

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littérature

Les sillons encore frais ressemblaient aux lignes d'une pièce de velours côtelé toute neuve et donnaient à cette vaste étendue un aspect mesquinement utilitaire. Tous les accidents de terrain avaient disparu ; plus la moindre trace d'histoire : ne restait que celle des quelques derniers mois. Et pourtant à chaque motte de terre, à chaque pierre, s'attachaient des souvenirs innombrables - échos des chansons entendues lors des moissons passées, paroles échangées, faits et gestes audacieux. Sur chaque pouce de terrain, combien n'y avait-il pas eu de manifestations d'énergie et de gaieté, de jeux brutaux, de querelles ? Sur chaque mètre carré, des groupes de glaneurs s'étaient courbés au soleil. Les mariages d'amour qui avaient peuplé le hameau voisin s'étaient noués ici, après le dernier coup de faux et avant la rentrée des blés. Sous la haie qui bordait le champ, des filles s'étaient données à des amoureux qui n'avaient même plus tourné la tête pour leur accorder un regard à la moisson suivante ; dans les blés, plus d'un homme avait fait des serments d'amour à une femme : après le mariage, au temps des semailles le printemps suivant, la voix de cette même femme l'avait fait tressaillir par son ton aigre et autoritaire. Mais de tout cela, ni Jude, ni les corbeaux qui l'entouraient, n'avaient cure : ils ne voyaient là qu'un terrain dénudé, bon champ de travail pour l'un, bon grenier de provisions pour les autres.

Auteur: Hardy Thomas

Info: Jude l'obscur

[ campagne - ]

 

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littérature

Aux yeux de la postérité, Cervantès incarne le génie littéraire d'une nation: un destin qu'il partage avec Dante, Goethe et Shakespeare, mais qui, dans son cas, s'assortit d'un curieux privilège, celui d'être le seul écrivain espagnol à avoir atteint une renommée pleinement universelle. Cette renommée, il la doit assurément à Don Quichotte. Mais, si le destin de l'ingénieux hidalgo a projeté celui-ci bien au-delà du récit de ses aventures, le mythe qu'il incarne désormais est d'abord lié à l'avènement d'une forme cardinale de la fiction en prose, que l'on appelle aujourd'hui le roman moderne. Cervantès est réputé en être le créateur: réputation fondée si l'on prend la mesure exacte de sa contribution, mais qui, comme il se doit, ne lui a pas été accordée de son vivant par ses lecteurs. S'ils ont ri aux exploits de Don Quichotte, leurs préférences sont allées davantage à La Galathée ou au Persiles, que nous ne lisons plus guère aujourd'hui, ou encore aux Nouvelles exemplaires, que nous continuons de lire, mais d'un autre oeil. La modernité de Cervantès n'est donc pas le signe distinctif d'un "système" de pensée qui, comme on l'a cru naguère, exprimerait les tensions d'un âge de crise à travers un questionnement des valeurs établies. Elle tient plutôt à la vertu d'une écriture, transparente et néanmoins ambiguë, grâce à laquelle son oeuvre, inscrite au départ dans le climat culturel d'une époque aujourd'hui révolue, a débordé, au fil de ses réceptions successives, le dessein qui l'avait engendrée.

Auteur: Encyclopædia Universalis

Info: Extrait, CD-ROM version 3, 1997

[ historique ] [ éloge ]

 

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