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formatage éditorial

- Venons-en à votre dernier livre, "Déchristianisation de la littérature". Vous parlez de "post-littérature". Qu’entendez-vous par là ?

- C’est une littérature asservie à un modèle romanesque international, tout comme il y a un hamburger ou un kebab international. Un roman à dominante anglo-saxonne, dépourvu de style, même de langue, formaté pour sa version filmique, un lectorat "cool", forcément politiquement correct. Le roman étant devenu le genre hégémonique, tout ce qui n’en relève pas n’appartient plus, commercialement, à ce qu’on appelle encore la littérature. Il me semblait intéressant de trouver un terme un peu plus percutant pour désigner cette production qui est au-delà du postmoderne même : la post-littérature, comme il y a une post-histoire. On me l’a reproché, bien sûr. Dans "Langue fantôme", je nommais quelques grandes têtes molles, comme Le Clézio, en montrant notamment que la phrase de ce prix Nobel était du spaghetti tiédasse. On s’en est servi pour me faire payer ce que j’avais déjà dit, en 2010, dans "l’Enfer du roman", à savoir qu’il n’y a presque plus de littérature en France, et que ce qui se publie relève en général de la fausse monnaie. Je devenais un traître ; s’en est suivi ce que vous savez : idéologisation de mes remarques, tribune d’Annie Ernaux dans le Monde, accompagnée d’une pétition signée d’une centaine de noms, démission du comité de lecture de Gallimard, opprobre, mort sociale, etc.

Auteur: Millet Richard

Info: Entretien accordé à Artpress, 2018.

[ lecture fast-food ] [ consumérisme fédérateur ] [ dictature de la moyenne ]

 
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Ajouté à la BD par miguel

torture

Le voilà enfin attaché. Le bourreau prend un fouet à trois lanières et le démêle sans hâte. "Tiens-toi!" dit-il à mi-voix en lui envoyant le premier coup, sans prendre d'élan comme pour s'ajuster. "Une!" dit l'inspecteur d'une voix de sacristain. Au premier moment, Prokhorov se tait et son expression ne change même pas, puis un frisson le parcourt et ce qu'il laisse échapper n'est pas un cri mais un hurlement. "Deux!" crie l'inspecteur. Le bourreau se tient de côté et frappe de telle sorte que les coups tombent en travers du tronc de sa victime. Tous les cinq coups il change de côté et lui laisse une demi-minute de répit. Les cheveux de Prokhorov sont collés à son crâne, son cou s'est gonflé; au bout de cinq à dix coups, son corps, déjà couvert de vieilles balafres, est devenu violacé, presque bleu; à chaque coup, l'épiderme craque. "Votre haute noblesse! entend-on à travers les sanglots et les hurlements, Votre haute noblesse! Pitié, Votre haute noblesse!" Au bout de vingt à trente coups, Prokhorov gémit comme un homme ivre ou délirant. Puis le cou se tend d'une manière étrange, on entend des haut-le-coeur... Prokhorov ne dit plus un mot, ne sait plus que geindre et râler; on dirait que depuis le début du supplice une éternité entière s'est écoulée, mais l'inspecteur n'en est qu'à: "Quarante-deux! Quarante-trois!" Jusqu'à quatre-vingt-dix, il y a loin. Je sors.

Auteur: Tchekhov Anton Pavlovitch

Info: L'Île de Sakhaline

[ littérature ]

 

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bordel

Ce qui voulait dire que s'en était fini des dérives dans les nuits fébriles de Bangkok, de toutes ces fois où je rentrais saoul pendu à ton cou, vacillant titubant parmi les lumières de couleur qui font de tout homme un immortel provisoire, de ces nuits où je commençais à m'habituer aux poses provocantes des voyous protecteurs de bars; aux obscénités con-cul-pissantes des filles de bars à gogo, les filles les moins vêtues au monde, qui se contorsionnent lascives au rythme de la musique et qui, parfois, quand elles ôtent sournoisement leur dernière frusque, lèvent haut la jambe pour frapper du pied un mobile fait de coquillages accroché au plafond bas; à la solitude des filles au coeur brisé, qui vernissent de gaieté feinte leur esseulement d'oiseau loin du nid; aux débits de boissons aux serveuses aux seins nus et aux débits de boissons qui ont un miroir pour plancher et des serveuses en minijupe sans sous-vêtement et aux bordels en tout genre qui pullulent, autant d'endroits où la morale est raide morte, mais c'est dans ces putains d'établissements qu'on voyait une barquette d'offrande aux bonzes dont l'arbuste artificiel était fleuri de billets de banque de dénominations diverses que les papillons de la nuit iraient offrir à quelque monastère, celui de leur village natal probablement. Telle était la beauté triste de la vie. Peut-être avait-elle toutes sortes d'autres beautés cachées, mais toutes tristes.

Auteur: Saneh Sangsuk

Info: L'Ombre blanche : Portrait de l'artiste en jeune vaurien, p. 317

[ littérature ]

 

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psychanalyse-psychologie

Le terme de frustration [...] est devenu le leitmotiv des mères pondeuses de la littérature analytique de langue anglaise, avec tout ce qu’il comporte d’abandonnisme et de relation de dépendance. Or, ce terme est tout simplement absent de l’œuvre de Freud. L’usage primaire de notions extraites de leur contexte, comme celle d’épreuve de la réalité, ou de notions bâtardes comme celle de relation d’objet, le recours à l’ineffable du contact affectif et de l’expérience vécue, tout cela est proprement étranger à l’inspiration de l’œuvre de Freud.

Ce style tend depuis quelques temps à se rabattre au niveau d’un optimisme niais mis au principe d’un moralisme équivoque, et fondé sur un schématisme également grossier, qui est bien l’image la plus sommaire dont il ait été donné à l’homme de redécouvrir son propre développement – la fameuse succession des phases dites prégénitales de la libido. La réaction n’a pas manqué de se faire sentir, si bien que nous en sommes maintenant à la restauration pure et simple d’une orthopédie du moi [...].

Ce glissement assez invraisemblable tient, je crois, à ceci, qu’il y a une profonde méconnaissance à penser que l’analyse est faite pour nous servir de passerelle afin d’accéder à une sorte de pénétration intuitive, et de communication facile avec le patient. Si l’analyse n’avait été qu’un perfectionnement de la relation médecin-malade, nous n’en aurions littéralement pas besoin.

Auteur: Lacan Jacques

Info: Dans le "Séminaire, Livre III", "Les psychoses", éditions du Seuil, 1981, pages 373-374

[ révisionnisme freudien ] [ critique ] [ malentendu ] [ historique ] [ inassouvissement ] [ manque ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

littérature

"Shakespeare, dit Forbes, n'a ni le talent tragique ni le talent comique. Sa tragédie est artificielle et sa comédie n'est qu'instinctive." Johnson confirme le verdict : "Sa tragédie est le produit de l'industrie et sa comédie le produit de l'instinct. "Après que Forbes et Johnson lui ont contesté le drame, Green lui conteste l'originalité. Shakespeare est "un plagiaire"; Shakespeare est "un copiste"; Shakespeare "n'a rien inventé"; c'est "un corbeau paré des plumes d'autrui"; il pille Eschyle, Boccace, Bandello, Hollinshed, Belleforest, Benoist de Saint-Maur ; il pille Layamon, Robert de Glocester, Robert Wace, Pierre de Langtoft, Robert Manning, John de Mandeville, Sackville, Spencer ; il pille l'Arcadie de Sidney ; il pille l'anonyme de la True Cronicle of King Leir ; il pille à Rowley, dans The troublesome reign of King John (1591), le caractère du bâtard Falconbridge. Shakespeare pille Thomas Greene ; Shakespeare pille Dekk et Chettle. Hamlet n'est pas de lui ; Othello n'est pas de lui ; Timon d'Athènes n'est pas de lui ; rien n'est de lui. Pour Green, Shakespeare n'est pas seulement "un enfleur de vers blancs", un "secoue-scènes"(shake-scene), un Johannes factotum (allusion au métier de call-boy et de figurant) ; Shakespeare est une bête féroce. Corbeau ne suffit plus, Shakespeare est promu tigre. Voici le texte : Tyger's heart wrapt in a player's hyde. Coeur de tigre caché sous la peau d'un comédien (A Groatsworth of wit, 1592).

Auteur: Hugo Victor

Info: William Shakespeare

[ polémique ]

 

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voyage

Le train éveilla des gares suisses, de style gothique, dont les vitraux tremblèrent. Le Simplon, durant vingt-neuf minutes, donna l'audition d'une grande symphonie de fer, puis, sur des chaussées, on passa les rizières du Piémont jusqu'à une station qui finissait sur rien, sur une grande citerne d'ombre, de silence, et ce fut Venise. Au réveil, une bise de zinc faucha les maïs de la plaine croate. La Serbie s'annonçait par ses porcs, rayés noir et blanc comme des coureurs, et qui dévoraient, renversée dans le fossé, une carcasse de wagon dont ne restaient que les roues et le signal d'alarme. On échangea contre les fleuves d'autres fleuves passés sur des barrages flexibles comme un osier, tandis que, voisines, les piles de l'ancien pont décapité dans les retraites, émergeaient. A Vinkopje, les Roumains en velours furent détachés du train, dans la nuit glacée. Après Sofia, les maisons portèrent leurs piments qui séchaient, frères des vignes vierges. Éclairées par le soleil levant, labourées par les boeufs, les plaines bulgares affichaient une prospérité symbolique, comme sur les vignettes des timbres-poste ou au revers des monnaies. Enfin, après la traversée du désert de Thrace, sous un ciel d'étoiles mais où nos yeux, habitués aux constellations d'Occident, cherchaient en vain l'étoile polaire, ne reconnaissaient plus le Chariot qui au ras du sol prenait cette fois une route terrestre, dans une brèche de la muraille byzantine, la mer de Marmara s'élargit.

Auteur: Morand Paul

Info: Ouvert la nuit

[ Europe ] [ littérature ]

 

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imagination

Plus nous avançons dans la vie, et plus nous nous convainquons de deux vérités qui, cependant, se contredisent. L'une est que, face à la réalité de la vie, on trouve bien pâles toutes les fictions de l'art et de la littérature. Elles procurent, c'est certain, un plaisir plus noble que ceux de la vie réelle; malgré tout, elles sont comme les rêves au cours desquels nous éprouvons des sentiments qu'on ne connaît pas dans la vie, et nous voyons se conjuguer des formes qui, dans la vie, ne sauraient se rencontrer; elles sont malgré tout des rêves, dont on s'éveille et qui ne nous laissent ni ces souvenirs, ni ces regrets qui pourraient nous faire vivre ensuite une seconde vie.

L'autre vérité est que, puisque toute âme noble aspire à parcourir la vie en son entier, à faire l'expérience de toutes les choses, de tous les lieux et de tous les sentiments susceptibles d'être vécus, et que cela est impossible -alors la vie en totalité ne peut être vécue que subjectivement, et n'être vécue dans toute sa substance que si nous la nions.

Ces deux vérités sont irréductibles l'une à l'autre. Le sage s'abstiendra de vouloir les conjuguer, tout autant que de rejeter l'une ou l'autre. Il lui faudra cependant en choisir une, tout en regrettant l'autre; ou les rejeter toutes les deux, en s'élevant au-dessus de lui-même jusqu'à un nirvana privé.

Auteur: Pessoa Fernando (Alv. de Campos)

Info:

[ catégories antagonistes ] [ source de déception ] [ solution ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

littérature

Les sillons encore frais ressemblaient aux lignes d'une pièce de velours côtelé toute neuve et donnaient à cette vaste étendue un aspect mesquinement utilitaire. Tous les accidents de terrain avaient disparu ; plus la moindre trace d'histoire : ne restait que celle des quelques derniers mois. Et pourtant à chaque motte de terre, à chaque pierre, s'attachaient des souvenirs innombrables - échos des chansons entendues lors des moissons passées, paroles échangées, faits et gestes audacieux. Sur chaque pouce de terrain, combien n'y avait-il pas eu de manifestations d'énergie et de gaieté, de jeux brutaux, de querelles ? Sur chaque mètre carré, des groupes de glaneurs s'étaient courbés au soleil. Les mariages d'amour qui avaient peuplé le hameau voisin s'étaient noués ici, après le dernier coup de faux et avant la rentrée des blés. Sous la haie qui bordait le champ, des filles s'étaient données à des amoureux qui n'avaient même plus tourné la tête pour leur accorder un regard à la moisson suivante ; dans les blés, plus d'un homme avait fait des serments d'amour à une femme : après le mariage, au temps des semailles le printemps suivant, la voix de cette même femme l'avait fait tressaillir par son ton aigre et autoritaire. Mais de tout cela, ni Jude, ni les corbeaux qui l'entouraient, n'avaient cure : ils ne voyaient là qu'un terrain dénudé, bon champ de travail pour l'un, bon grenier de provisions pour les autres.

Auteur: Hardy Thomas

Info: Jude l'obscur

[ campagne - ]

 

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mythologie comparée

L’interprétation de Gilgamesh et d’Eabani (Enkidu) comme homme et sensualité grossière est indiscutée, on est pourtant frappé de ce que la constitution d’un tel couple, formé d’un élément plus distingué et d’un élément plus commun (le plus souvent des frères), est un motif constant de l’histoire des légendes et de la littérature. Le dernier grand rejeton de ce type est Don Quichotte avec Sancho Pança (littéralement : panse). Parmi les formations mythologiques, il faut classer ici d’un premier jet les Dioscures (l’un mortel, l’autre immortel), et tant de couples de frères ou de jumeaux, dont le modèle peut être Romulus et Rémus. Toujours l’un est plus faible et meurt plus tôt que l’autre. Ce si vieux motif du couple inégal de frères a donc servi dans le Gilgamesh à représenter la relation d’un homme à sa libido.

Ces vieux motifs sont constamment réinterprétés […] ; mais d’où proviennent-ils originairement ?

Pour le motif en question, ce n’est pas difficile à dire. Le frère jumeau plus faible, qui meurt plus tôt, est le placenta ; simplement du fait qu’il est régulièrement mis au monde par la même mère en même temps que l’enfant. […] Dans Frazer (Golden Bough, vol. 1) on peut lire chez combien de peuples primitifs le placenta est appelé aujourd’hui encore le frère (sœur) ou le jumeau, est traité en conséquence, nourri et conservé, ce qui ne dure naturellement pas longtemps.

Auteur: Freud Sigmund

Info: Dans la "Correspondance Jung-Freud, tome 2 : 1910-1914", trad. de l'allemand et de l'anglais par Ruth Fivaz-Silbermann, éd. Gallimard, 1975, lettre du 13 octobre 1911

[ psychanalyse ] [ tandems légendaires ] [ L'auguste et le clown ] [ paires proverbiales ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

résumé de lecture

Jung avait écrit les Types psychologiques en gardant à l’esprit le primat freudien de la sexualité, et celui de la volonté de puissance chez Adler, et en s’en démarquant.

En réalité, la genèse de l’ouvrage remonte à l’année 1913, quand Jung rompit avec l’orthodoxie freudienne. Tout ce qu’il a écrit jusqu’à la publication de 1921 peut être lu comme une série de notes évoluant progressivement vers l’élaboration d’une théorie unifiée des types. L’ombre de Freud plane sur l’ensemble de l’ouvrage : l’extraversion de Freud et l’introversion de Jung expliquent parfaitement pourquoi les deux hommes furent incapables de tirer parti de leurs différences. Par extrapolation à partir de leur cas et en s’appuyant sur d’autres exemples de querelles célèbres tirant leur origine d’un désaccord intellectuel, Jung avait cherché à comprendre comment les individus percevaient le monde extérieur et entraient en relation avec lui. Dans le domaine philosophico-religieux, il avait pris pour exemples saint Augustin et Pélage, Tertullien et Origène, et Luther et Zwingli. En philosophie, il s’était référé à Nietzsche et à ses deux approches de l’esthétique, apollinienne et dionysiaque, ainsi qu’aux deux types de savants, classiques et romantiques, distingués par le chimiste balte Wilhelm Ostwald. En littérature, enfin, il avait évoqué l’opposition entre les personnages de Prométhée et d’Epiméthée dans le poème de Carl Spitteler et le contraste entre la diastole et la systole, termes forgés par Goethe, pour désigner la dilatation et la contraction. 

Auteur: Bair Deirdre

Info: Dans "Jung", trad. de l’anglais par Martine Devillers-Argouarc’h, éd. Flammarion, Paris, 2007, pages 433-434

[ objectif de démonstration ] [ psychanalyse ] [ historique ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson