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fantasme d'auto-détermination

Ce qui nous pousse à n'accorder aux philosophes, dans leur ensemble, qu'un regard où se mêlent méfiance et raillerie, ce n'est pas tant de découvrir à tout bout de champ combien ils sont innocents, combien de fois et avec quelle facilité ils se trompent et s'égarent, bref, quelle puérilité est la leur, quel enfantillage ; c'est de voir avec quel manque de sincérité ils élèvent un concert unanime de vertueuses et bruyantes protestations dès que l'on touche, même de loin, au problème de leur sincérité. Ils font tous comme s'ils avaient découvert et conquis leurs opinions propres par l'exercice spontané d'une dialectique pure, froide et divinement impassible (à la différence des mystiques de toute classe, qui, plus honnêtes et plus balourds, parlent de leur "inspiration"), alors que le plus souvent c'est une affirmation arbitraire, une lubie, une "intuition", et plus souvent encore un vœu très cher mais quintessencié et soigneusement passé au tamis, qu'ils défendent par des raisons inventées après coup. Tous sont, quoi qu'ils en aient, les avocats et souvent même les astucieux défenseurs de leurs préjugés, baptisés par eux "vérités".

Auteur: Nietzsche Friedrich

Info: Par delà le bien et le mal

[ inconscient ] [ philosophe-sur-philosophe ] [ critique ] [ orgueilleux ]

 
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Ajouté à la BD par Coli Masson

femme-par-femme

[…] en attendant le demi-dieu qui devait lui dédier son dard, la donzelle s'était démenée comme un beau diable, avait dompté un dada après l'autre, raclé toutes les cordes de son arc, appris la guitare en dix leçons, dansé la gigue, acheté une caisse à faire tchac-boum, commandé de la couleur, dressé un chevalet, acheté une boîte à faire clic-clac, dessiné des robes, acheté une machine à faire zig-zag, pouponné des arbres nains, acheté une fontaine miniature qui faisait flic-flac, potassé le japonais de cuisine, mimé l'art du thé, acheté un service rayé payé ric-rac, mais elle avait beau faire clicclactchacboumzigzag, les jours se suivaient flip-flop, les dépouilles des vocations manquées s'entassaient pêle-mêle, et c'était toujours le même bric-à-brac d'ennui qui attendait le fric-frac providentiel d'un sauveur tombé pile poil pour guérir ces quintes et débrouiller ce méli-mélo de lubies.

[…] la prisonnière mangeait, cuisinait puis mangeait, mangeait puis cuisinait, en tête à tête avec la petite boîte qui radiotait, quand elle ne crachait pas des tchac-boum près de la hotte ultraperformante qui aspirait les odeurs de friture mais ne sniffait pas les relents de spleen.

Auteur: Lê Linda

Info: Les trois parques, pp. 75-76 et 77-78

[ fantasmant ] [ espérant ] [ prince charmant ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

dialogue

Si tu viens me voir, pourquoi ne me souhaites-tu pas le bonjour, ex-percepteur d'impôts ? dit Woland d'un ton sévère.

- Parce que je ne veux rien te souhaiter de bon ! répliqua l'autre avec audace.

- Mais il y a une chose dont il faut que tu prennes ton parti, répondit Woland dont la bouche dessina un sourire ironique. A peine est-tu apparu sur ce toit que tu as commis une bourde, et je vais te dire laquelle. Le ton sur lequel tu as parlé semblait signifier que tu refusais les ombres, ainsi que le mal. Aie donc la bonté de réfléchir à cette question : à quoi servirait ton bien, si le mal n'existait pas, et à quoi ressemblerait la terre, si on en effaçait les ombres ? Les ombres ne sont-elles pas produites par les objets, et par les hommes ? Voici l'ombre de mon épée. Mais il y a aussi les ombres des arbres et des êtres vivants. Veux-tu donc dépouiller tout le globe terrestre, balayer de sa surface tous les arbres et tout ce qui vit, à cause de cette lubie que tu as de vouloir te délecter de pure lumière ? T'es bête.

- Je ne discuterai pas avec toi, vieux sophiste, répondit Matthieu Lévi.

- Et tu ne peux pas discuter avec moi, pour la raison que je viens d'indiquer : tu es bête, répondit Woland, puis il reprit : Bon, sois bref, car tu m'ennuies. Pourquoi est-tu venu ?

Auteur: Boulgakov Mikhaïl

Info: Le Maître et Marguerite

[ confrontation ] [ affrontement ]

 
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Ajouté à la BD par miguel

malbouffe

En 2015, douze millions de décès dans le monde étaient imputables à une mauvaise alimentation, contre 2,75 millions liés à l’alcool et 7 millions au tabac, assure a journaliste Bee Wilson, spécialiste de l’histoire de l’alimentation dans The Way We Eat Now. "C’est paradoxal et triste car bien manger – aussi bien d’un point de vue gustatif que nutritionnel – était le critère qui nous servait à juger la qualité de la vie. Bien vivre sans bien manger ne devrait pas être possible", écrit-elle.

Aujourd’hui, des études épidémiologiques montrent que c’est en Afrique subsaharienne que l’on s’alimente le mieux, grâce à un régime à base de légumineuses, de céréales et de légumes. Dans des pays comme le Tchad, le Mali ou le Cameroun, si tout le monde ne mange pas toujours à sa faim, ceux qui ont accès à de la nourriture en quantité suffisante ne consomment pas les quantités de graisses, de protéines et de sucres qui rendent malades les habitants des pays les plus riches.

"Les aliments ultratransformés, l’insatiable machine marketing, les lubies alimentaires, Instagram, les régimes à effet yo-yo, le mode de vie sédentaire, les applications de livraison de repas à domicile, les coupables sont connus et nombreux, et Wilson les montre du doigt à sa manière habituelle, érudite et méthodique", note Tony Turnbull, responsable de la rubrique cuisine de The Times. Elle pointe aussi, ajoute l’historienne Kathryn Hugues dans The Times Literary Supplement, l’hyper individualisation des repas qui a pour conséquence "que la plupart d’entre nous s’en tient à un tout petit répertoire alimentaire, rétrécissant notre exposition à certains groupes d’aliments tout en se goinfrant d’autres."

Auteur: Meunier Amandine

Info: Newsletter de "Books" du 29.03.19

[ art de vivre ] [ habitudes alimentaires ] [ facilité ] [ élargissement de l'offre ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

linguistique

Byzance tomba aux mains des Turcs tout en discutant du sexe des anges.

Le français achèvera de se décomposer dans l’illettrisme pendant que nous discuterons du sexe des mots.

La querelle actuelle découle de ce fait très simple qu’il n’existe pas en français de genre neutre comme en possèdent le grec, le latin et l’allemand. D’où ce résultat que, chez nous, quantité de noms, de fonctions, métiers et titres, sémantiquement neutres, sont grammaticalement féminins ou masculins. Leur genre n’a rien à voir avec le sexe de la personne qu’ils concernent, laquelle peut être un homme.

Homme, d’ailleurs, s’emploie tantôt en valeur neutre, quand il signifie l’espèce humaine, tantôt en valeur masculine quand il désigne le mâle. Confondre les deux relève d’une incompétence qui condamne à l’embrouillamini sur la féminisation du vocabulaire. Un humain de sexe masculin peut fort bien être une recrue, une vedette, une canaille, une fripouille ou une andouille.

De sexe féminin, il lui arrive d’être un mannequin, un tyran ou un génie. Le respect de la personne humaine est-il réservé aux femmes, et celui des droits de l’homme aux hommes ?

Absurde!

Ces féminins et masculins sont purement grammaticaux, nullement sexuels.

Certains mots sont précédés d’articles féminins ou masculins sans que ces genres impliquent que les qualités, charges ou talents correspondants appartiennent à un sexe plutôt qu’à l’autre. On dit: "Madame de Sévigné est un grand écrivain" et "Rémy de Goumont est une plume brillante". On dit le garde des Sceaux, même quand c’est une femme, et la sentinelle, qui est presque toujours un homme.

Tous ces termes sont, je le répète, sémantiquement neutres. Accoler à un substantif un article d’un genre opposé au sien ne le fait pas changer de sexe. Ce n’est qu’une banale faute d’accord.

Certains substantifs se féminisent tout naturellement: une pianiste, avocate, chanteuse, directrice, actrice, papesse, doctoresse. Mais une dame ministresse, proviseuse, médecine, gardienne des Sceaux, officière ou commandeuse de la Légion d’Honneur contrevient soit à la clarté, soit à l’esthétique, sans que remarquer cet inconvénient puisse être imputé à l’antiféminisme. Un ambassadeur est un ambassadeur, même quand c’est une femme. Il est aussi une excellence, même quand c’est un homme. L’usage est le maître suprême.

Une langue bouge de par le mariage de la logique et du tâtonnement, qu’accompagne en sourdine une mélodie originale. Le tout est fruit de la lenteur des siècles, non de l’opportunisme des politiques. L’Etat n’a aucune légitimité pour décider du vocabulaire et de la grammaire. Il tombe en outre dans l’abus de pouvoir quand il utilise l’école publique pour imposer ses oukases langagiers à toute une jeunesse.

J’ai entendu objecter: "Vaugelas, au XVIIe siècle, n’a-t-il pas édicté des normes dans ses remarques sur la langue française ?". Certes. Mais Vaugelas n’était pas ministre. Ce n’était qu’un auteur, dont chacun était libre de suivre ou non les avis. Il n’avait pas les moyens d’imposer ses lubies aux enfants. Il n’était pas Richelieu, lequel n’a jamais tranché personnellement de questions de langues.

Si notre gouvernement veut servir le français, il ferait mieux de veiller d’abord à ce qu’on l’enseigne en classe, ensuite à ce que l’audiovisuel public, placé sous sa coupe, n’accumule pas à longueur de soirées les faux sens, solécismes, impropriétés, barbarismes et cuirs qui, pénétrant dans le crâne des gosses, achèvent de rendre impossible la tâche des enseignants. La société française a progressé vers l’égalité des sexes dans tous les métiers, sauf le métier politique. Les coupables de cette honte croient s’amnistier (ils en ont l’habitude) en torturant la grammaire.

Ils ont trouvé le sésame démagogique de cette opération magique: faire avancer le féminin faute d’avoir fait avancer les femmes.

Auteur: Revel Jean-François

Info: Fin du siècle des ombres, Fayard, 1999

[ vocables sexués ]

 
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magouille sémantique

Manipulation du savoir : L'intersection de la fenêtre d'Overton et de l'activisme académique

Les frontières de la science sont-elles devenues poreuses avec l'activisme académique ? C'est la question centrale que soulève Jean-François Le Drian dans son nouvel ouvrage, "Activismes" paru chez VA Éditions, et au cours de cette entrevue. Au fil de la discussion, l'auteur dévoile les dessous d'une manipulation subtile du savoir, où l'intersection de la fenêtre d'Overton et de l'activisme académique joue un rôle déterminant. Il décrit avec précision comment de simples idées peuvent être élevées au rang de concepts scientifiquement acceptables, affectant ainsi l’intégrité de la recherche authentique et de la méthodologie scientifique. Cet échange éclairant met en lumière le combat essentiel pour préserver l'authenticité et l'objectivité de la science face à une mer montante de pseudoscience et d'idéologies activiste.

(Q) Pour nos lecteurs qui ne sont pas familiers avec la fenêtre d'Overton, pourriez-vous brièvement expliquer ce concept et comment il peut être utilisé pour changer la perception du public sur certaines idées ?

(R) Pour expliquer ce concept, il est préférable de l’illustrer avec un exemple. Si je vous disais que les djinns existent, peuvent nous posséder, nous adresser des injonctions, vous seriez dans un premier temps tenter de ranger cette thèse dans la catégorie des superstitions et des lubies et vous auriez certainement raison.

Si un philosophe se met à distinguer entre la propriété des pensées et la paternité des pensées et décide d’étudier en employant un jargon académique la possibilité d’une paternité extérieure des pensées, l’impensable devient tout à coup pensable.

Justement, dans mon livre, j’explique comment un philosophe reconnu par ses pairs en arrive à affirmer que la psychologie est nécessairement culturelle et que par conséquent certaines théories psychologiques peuvent valablement affirmer la possibilité d’une paternité extérieure des pensées.

Ici on passe de l’impensable au pensable puis au possible. Il ne reste plus qu’à faire porter ces idées par les activistes de la folie pour les rendre acceptables, le stade suivant étant de loger ces représentations dans le registre du " souhaitable ".

Ainsi, un idéologue activiste doté d’un doctorat peut donc tout à fait, s’il s’y prend bien, faire entrer l’idée la plus absurde dans le registre de l’acceptable voire parfois même du non discuté.

(Q) Dans votre texte, vous mettez en lumière la manière dont certaines idées reçoivent un "sceau académique" sans une vérification empirique rigoureuse. Comment les institutions académiques, selon vous, ont-elles été transformées en vecteurs de diffusion d'idées influencées par l'activisme ?

(R) Selon moi, l’une des grandes erreurs de notre temps consiste à accorder trop d’importance à la sociologie de la connaissance au détriment de la philosophie des sciences. Au lieu de s’intéresser au contenu, la tendance consiste à s’attacher aux intentions présumées du créateur d’idées, de thèses, à son " habitat social ".

Il est malheureusement facile de construire des théories qui font rentrer tous les faits et qui par conséquents ne devraient pas être qualifiées de théories scientifique. C’est le cas de certaines théories dites " normatives " dont le degré de scientificité est généralement très faible.

Le simple usage d’un jargon spécialisé usité au sein d’une mouvance universitaire permettra à un universitaire militant d’obtenir une reconnaissance par ses pairs qui aux yeux du public vaudra reconnaissance du caractère scientifique d’une thèse qui en réalité ne possèdera le plus souvent qu’un caractère normatif.

(Q) Vous évoquez la saturation de l'espace académique avec des "hadiths scientifiques". Comment ce mécanisme fonctionne-t-il et quels sont ses effets sur la recherche authentique ?

(R) Les hadiths scientifiques sont des scripts normatifs sans degré de scientificité auxquels on attache une connotation scientifique le plus souvent parce que leurs inventeurs disposent d’un titre académique et que le hadith possède un vernis académique qui lui confère une apparence de scientificité.

(Q) Face à la montée d'un tel activisme, que recommanderiez-vous aux chercheurs pour préserver l'intégrité de leurs travaux et s'assurer qu'ils ne sont pas noyés dans un "océan de pseudoscience" pour reprendre vos termes ?

(R) La première chose est de bannir le raisonnement téléologique, celui qui consiste à décider à l’avance du résultat à atteindre et à ajuster son raisonnement à ses intentions. Un " vrai " chercheur devrait parfois pouvoir aboutir à des conclusions qui lui déplaisent et qui contredisent ses croyances préexistantes.

Il faut revenir à la méthode qui consiste à chercher continuellement à falsifier, à réfuter ses propres convictions. Aujourd’hui, même dans les milieux universitaires, on procède de manière inverse en produisant les rationalisations ou en sélectionnant les faits qui viendront soutenir une idéologie préexistante.

Le biais de confirmation est exactement le contraire de la méthode scientifique. Malheureusement, il affecte autant les départements de sociologie et de sciences politiques que le grand public.

Auteur: Internet

Info: https://www.journaldeleconomie.fr/, 17 Octobre 2023, par La Rédaction

[ instrumentalisation ] [ onomasiologique ] [ science molle ]

 

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Ajouté à la BD par Le sous-projectionniste

historique

Dans la bibliothèque personnelle d'Hitler

Le journaliste américain Timothy Ryback a examiné les milliers de volumes du Führer.

Celui qui ordonna les autodafés de livres possédait 16.000 volumes, dont 1.200 ont survécu au pillage pour trouver refuge dans diverses universités américaines. En 1935, sa bibliothèque était si réputée qu'elle fit l'objet d'un reportage dans "The New Yorker". Comme toute bibliothèque, celle de Hitler - il en possédait en fait une dans chaque résidence - était constituée de couches successives.

A) Tout d'abord la bibliothèque de notaire, le fonds patrimonial, celui qui rassure et auquel on ne touche guère et qu'on lit peu. C'est là qu'on trouve "Don Quichotte", "les Voyages de Gulliver", "Robinson Crusoé", "la Case de l'oncle Tom", "Hamlet" ou les romans d'aventures de Karl May.

B) La bibliothèque active, la collection qui alimente le cerveau reptilien, les ouvrages auxquels on revient sans cesse, qu'on annote, qu'on fatigue, qu'on exploite à l'infini.

C) Ajoutons-y une troisième partie constituée des envois, des livres reçus et dédicacés, qui valent surtout par ce qu'ils nous disent des auteurs comme Jünger, qui envoie son "Feu et sang" "au Führer national Adolf Hitler". C'est bien évidemment la deuxième partie qui nous intéresse. C'est là que le crayon s'arrête, souligne, annote. Le simple inventaire des livres de la bibliothèque de Hitler n'aurait pas suffit à faire un livre de 450 pages. Timothy Ryback a donc entrecoupé l'examen du fonds Hitler par un examen de la pensée d'Hitler. Il montre en quoi certaines lectures ont pu alimenter des conversations ou déterminer des décisions. En considérant comme Walter Benjamin qu'un collectionneur est conservé par sa collection, il a cherché à suivre les obsessions et les évolutions d'Hitler :

"J'ai sélectionné les volumes existants qui recelaient un contenu émotionnel ou intellectuel significatif apportant quelque clarté sur le personnage, sur ses pensées dans la solitude et ses futurs discours ou actes publics." Dans ces rayons, on trouve quantité d'auteurs racistes et antisémites : l'industriel Henry Ford, l'émule de Gobineau Hans Günther, l'ultranationaliste Paul Lagarde, le rugueux bavarois Anton Drexler, le pangermaniste Heinrich Class, le professeur de gymnastique Otto Dickel ou le haineux Dietrich Eckart, qui mélangeait "Peer Gynt", l'occultisme et la mythologie germanique.

Tous ces fielleux délirants trouvent refuge dans la bibliothèque de Hitler. On ne sait pas s'il digère tout, mais il lit, crayon à la main. C'est un lecteur boulimique, vorace, fanatique. Un livre chaque nuit. Une lubie chaque jour. Le buste de Schopenhauer sur son bureau, cet autodidacte dévore Clausewitz, les biographies de Jules César et d'Alexandre le Grand, Emmanuel Kant, qu'on retrouve avec Machiavel dans son bunker après son suicide, et se nourrit de Fichte, qui, d'après Ryback, était "le philosophe le plus proche de Hitler et de son mouvement national-socialiste, dans son esprit comme dans sa dynamique". Hitler, qui déteste les intellectuels, surtout quand ils sont juifs, ingurgite également les ouvrages traitant de la spiritualité et de l'occultisme, qui se comptent par douzaines et sont peut-être les témoins les plus bavards des préoccupations profondes de leur propriétaire. "

Dans la biographie d'Heinrich Himmler parue en septembre dernier en Allemagne, Peter Longerich, grande autorité allemande sur l'histoire de "la solution finale", s'est brièvement intéressé aux lectures du grand ordonnateur de la Shoah. A côté des romans de gare, on trouve la médiocre littérature d'extrême droite, les traités racistes de Hans Günther, "le Manuel de la question juive" de Theodor Fritsch et tout un bric-à-brac de livres toc sur la télépathie, l'astrologie et ces sciences tellement parallèles qu'elles ne rencontrent jamais l'intelligence.

Dédicace de Leni Riefenstahl sur le premier volume des oeuvres complètes de Fichte : "A mon cher Führer, avec ma profonde admiration". Nous sommes là au coeur même du personnage d'Adolf Hitler, constate Timothy Ryback. Ce fut moins une distillation des philosophies de Schopenhauer et de Nietzsche qu'une théorie bon marché, puisée dans des livres de poche et des gros livres ésotériques, où l'on distingue la genèse d'un esprit mesquin, calculateur et prêt à cogner plus qu'à discuter.

Que peut-on conclure ? Que la lecture de Cervantès ou de Shakespeare ne préserve de rien, bien sûr. On le savait déjà. La culture n'est pas un rempart contre la barbarie. Elle se situe juste à côté. Il suffit de lire en ne voulant pas comprendre. Chez Hitler, ce ne sont pas les grands auteurs, les lourds classiques qui comptent, mais ce qu'il y a à côté. Le problème, c'est quand Goethe voisine avec des auteurs racistes. Les livres peuvent préserver de l'inhumanité, mais ils ne sont pas une condition suffisante. Tout dépend de l'usage qu'on en fait. Au fond, c'est la limite de l'investigation de Timothy Ryback. Il a cherché à comprendre ce qui se passait dans la tête d'Hitler en examinant a posteriori sa bibliothèque. Imaginons un seul instant qu'on ne sache rien de son propriétaire, que nous possédions juste une liste. On pourrait, en faisant l'inventaire, en déduire que l'homme sait choisir ses classiques, qu'il aime la guerre, qu'il est antisémite, qu'il apprécie l'occultisme, qu'il est curieux, bizarre, dérangé peut-être, mais rien ne nous dirait qu'il mit l'Europe à feu et à sang et qu'il extermina 6 millions de juifs. On peut faire dire beaucoup à une bibliothèque, mais sûrement pas ce que pensait vraiment son propriétaire.

Auteur: Internet

Info: Nouvel Obs. 18 mars 2009

[ bouquins ] [ nazisme ] [ dictateur ] [ littérature ] [ biais de confirmation ] [ biblio-reflet ]

 

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