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silence

Je retournai dans le cabinet de toilette, ouvris la fenêtre et m'y penchai. La nuit était belle, froide et claire. Au-dessous de moi, j'apercevais les herbes folles du fossé et ses murs de pierres brutes recouvertes de lierre ; au-delà s'étendaient ce qui avait dû être autrefois des jardins à la française et dont les pelouses, à présent abandonnées aux vaches, séparaient d'anciennes allées qui allaient se perdre dans l'ombre des arbres. Un petit bâtiment rond comme les tours jumelles gardiennes du pont qui franchissait le fossé se dressait, isolé, devant moi, parmi les herbes et je compris à sa forme que ce devait être un colombier ; une balançoire d'enfant pendait non loin, au bout d'une seule corde, l'autre était cassé.

Une mélancolie indéfinissable enveloppait ce décor silencieux comme dans les lieux d'où les rires et la vie se sont enfuis et où des spectres accoudés comme moi dans l'ombre de vieux murs couvent leurs regrets et leurs chagrins.

Auteur: Du Maurier Daphné

Info: Le bouc émissaire

[ abandon ] [ décor ] [ obscurité ]

 

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autosuffisance

Vivre une vie cultivée et sans passion, au souffle capricieux des idées, en lisant, en rêvant, en songeant à écrire, une vie suffisamment lente pour être toujours au bord de l’ennui, suffisamment réfléchie pour n’y tomber jamais.

Vivre cette vie loin des émotions et des pensées, avec seulement l’idée des émotions, et l’émotion des idées. Stagner au soleil en se teignant d’or, comme un lac obscur bordé de fleurs.

Avoir, dans l’ombre, cette noblesse de l’individualisme qui consiste à ne rien réclamer, jamais, de la vie.

Être, dans le tournoiement des mondes, comme une poussière de fleurs, qu’un vent inconnu soulève dans le jour finissant, et que la torpeur du crépuscule laisse retomber au hasard, indistincte au milieu de formes plus vastes. Être cela de connaissance sûre, sans gaieté ni tristesse, mais reconnaissant au soleil de son éclat, et aux étoiles de leur éloignement.

En dehors de cela, ne rien être, ne rien avoir, ne rien vouloir…

Auteur: Pessoa Fernando

Info: Dans "Le livre de l'intranquillité"

[ existence ] [ contemplation ] [ équilibre ] [ insignifiance assumée ] [ réconfort ] [ amour de la vie ] [ mélancolie ]

 
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spiritualité

L'ontologie de Hegel exprime la synthèse occidentale de la liberté de Dieu et des chaînes ou détermination des hommes dans la guise de l'amour et dans les formations de l'histoire mondiale. L'Âge de l'amour est l'Âge de l'esprit, réalisant en lui les promesses du Fils. Mais il est aussi l'harmonie finale des sphères historiques, sans qu'il y ait de contradiction entre l'existence terrestre et l'existence spirituelle. Mollâ Sadrâ, achevant d'exprimer l'ontologie de l'islam, dit tout autre chose : l'amour est l'expérience d'une tension, d'une motion jamais achevée, d'une élévation sans terme final. Il mobilise les existants, les degrés d'existence (naturels, psychiques, intelligibles) et inquiète l'épiphanie du réel. Le réel caché demeure inaccessible, indicible, fomentant sans cesse une existence intense, se retirant de toute réconciliation finale, si ce n'est dans l'extase de l'extinction de soi. L'histoire de l'être ne peut rejoindre son principe suréminent, elle porte en elle la mélancolie de sa perte et la joie de sa présence. Dieu "est apparu en ce qu'il est caché".

Auteur: Jambet Christian

Info: L'Acte d'être : La Philosophie de la révélation chez Mollâ Sadrâ

[ Islam ] [ christianisme ]

 

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portrait

Mais la plus aimable convive était la jeune duchesse de D…, dont l’esprit alerte et clair, jamais inquiet ni troublé, contrastait si étrangement avec l’incurable mélancolie de ses beaux yeux, le pessimisme de ses lèvres, l’infinie et noble lassitude de ses mains. Cette puissante amante de la vie sous toutes ses formes, bonté, littérature, théâtre, action, amitié, mordait sans les flétrir, comme une fleur dédaignée, ses belles lèvres rouges, dont un sourire désenchanté relevait faiblement les coins. Ses yeux semblaient promettre un esprit à jamais chaviré sur les eaux malades du regret. Combien de fois, dans la rue, au théâtre, des passants songeurs avaient allumé leur rêve à ces astres changeants ! Maintenant la duchesse, qui se souvenait d’un vaudeville ou combinait une toilette, n’en continuait pas moins à étirer tristement ses nobles phalanges résignées et pensives, et promenait autour d’elle des regards désespérés et profonds qui noyaient les convives impressionnables sous les torrents de leur mélancolie. Sa conversation exquise se parait négligemment des élégances fanées et si charmantes d’un scepticisme déjà ancien. 

Auteur: Proust Marcel

Info: Un dîner en ville

[ contrastes ] [ femme captivante ]

 
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Ajouté à la BD par Coli Masson

mobilier

A part cette chaise, il n'y avait rien d'autre qu'une caisse en bois retournée sur laquelle trônaient un réchaud à alcool, une cafetière et une gargoulette contenant de l'eau potable. Gohar vivait dans la plus stricte économie de moyens matériels. La notion du plus élémentaire confort était depuis longtemps bannie de sa mémoire. Il détestait s'entourer d'objets; les objets recelaient les germes latents de la misère, la pire de toutes, la misère inanimée; celle qui engendre fatalement la mélancolie par sa présence sans issue. Non pas qu'il fût sensible aux apparences de la misère; il ne reconnaissait à celle-ci aucune valeur tangible, elle demeurait toujours pour lui une abstraction. Simplement il voulait protéger son regard d'une promiscuité déprimante. Le dénuement de cette chambre avait pour Gohar la beauté de l'insaisissable, il y respirait un air d'optimisme et de liberté. La plupart des meubles et des objets usuels outrageaient sa vue, car ils ne pouvaient offrir aucun aliment à son besoin de fantaisie humaine. Seuls les êtres dans leurs folies innombrables, avaient le don de le divertir.

Auteur: Cossery Albert

Info: Mendiants et orgueilleux

[ dénuement ] [ littérature ]

 

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vieillir

Ce matin, Jorge se réveilla vieux. Après avoir cru si longtemps être un homme vivant, il découvre à présent qu'il n'est qu'un homme mortel. Jorge supporte aujourd'hui toutes les années qu'il a accumulées sur les épaules, un poids qui le pousse vers le bas, dans une lutte qui oppose les jambes et le temps. Jorge aimerait se souvenir du sentiment de rage pour la ressentir, sinon la rage au moins la révolte, ou la peur ou l'effroi. Il devra se contenter d'une légère mélancolie, un vague mal être comme le froid dans les os et le souvenir d'avoir été meilleur.

Il y a des hommes tristes et des hommes joyeux et il y a aussi de vieux hommes. L'âge est une soupe froide d'émotions anciennes, des saveurs et des arômes qui surgissent au hasard dans la mémoire des vieux. Le temps use tout ce qu'il effleure, pierres et corps, il arrondit les angles de toute chose comme s'il en combattait les formes. Le temps nous mâche doucement pour que la mort nous trouve tendre et docile. La mort aussi est une vieille dame aux dents fragiles d'avoir tant rongé.

Auteur: Camarneiro Nuno

Info: Les hommes n'appartiennent pas au ciel

[ résignation ]

 

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insecte

(...)
Qu'est-ce à dire ? N'en sait-on pas assez, pour pressentir ce qui se passe dans la tête de l'homme qui pense à autre chose, distrait, rêveur, soudain gai, parfois triste sans raison ? Que voit-on dans l'oeil de la vache : entre astres et désastres, coups de foudre et trahisons, une mélancolie venue du fond des âges ? Sur les rives du Bosphore, au crépuscule, Nicolas Bouvier note encore :

"Le soleil s'abîme derrière une mer violette en tirant à lui toutes les couleurs. Je pense à ces clameurs lamentables qui dans les civilisations primitives accompagnaient chaque soir la mort de la lumière, et elles me paraissent tout d'un coup si fondées que je me prépare à entendre dans mon dos toute la ville éclater en sanglots. "

Et moi, cuistre ébloui, émergeant enfin des vieux dictionnaires, par la fenêtre je vois filer, sur la friche incendiée, ce papillon aux ailes couleur de miel, où palpitent de grands yeux bleus ourlés de noir. C'est un paon-de-jour. Sa larve, puis sa nymphe, ont passé leur vie sur une tige d'ortie. Libre enfin, il exulte, pour cinq minutes encore. Son nom savant est "vanessa Io".

Auteur: Abraham Jean-Pierre

Info: Histoire d'Io. Dernier paragraphe

[ excipit ] [ dernières lignes ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

famille

Dès lors, la vie avait pris un drôle d'aspect. Il arrivait à Anthony de se lever le matin encore plus crevé que la veille. Il dormait pourtant de plus en plus tard, surtout le week-end, ce qui faisait enrager sa mère. Quand les copains le vannaient, il prenait la mouche, répliquait avec ses poings. Sans cesse, il avait envie de cogner, de se faire mal, de foncer dans les murs. Alors il partait faire du vélo avec son walkman sur les oreilles, en se repassant vingt fois la même chanson triste. Soudain, en regardant Beverly Hills à la télé, de hautes mélancolies le prenaient. Ailleurs, la Californie existait, et là-bas, c'est sûr, des gens menaient des vies qui valaient le coup. Lui, il avait des boutons, des baskets trouées, son œil foutu. Et ses parents qui régnaient sur sa vie. Bien sûr, il contournait les ordres et défiait constamment leur autorité. Mais tout de même, ces destins acceptables restaient hors de portée. Il n'allait quand même pas finir comme son vieux, bourré la moitié du temps à gueuler devant le JT ou à s'engueuler avec une femme indifférente. Où était la vie, merde ?

Auteur: Nicolas Mathieu

Info: Leurs enfants après eux

[ routine ] [ ennui ] [ jeunesse ] [ révolte ]

 
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femmes-hommes

Dans son livre sur "Le drame baroque allemand" (éd. Suhrkamp, 1963) Benjamin cite de Paracelse cette première "composition mélancolique" : "La joie et la tristesse sont également nées d'Adam et Ève. La joie fut déposée dans Ève, et la tristesse dans Adam. Jamais plus ne naîtra un être humain aussi joyeux qu'Ève : et de même aucun homme ne sera jamais plus aussi triste que le fut Adam. Puisque les deux matières d'Adam et d'Ève se sont mêlées, la tristesse a donc été tempérée par l'allégresse et, de même, l'allégresse par la tristesse… La colère, la tyrannie, l'être furieux et, pareillement, la douceur, la vertu et la modestie viennent encore de l'un et de l'autre : les unes d'Ève, les autres d'Adam et c'est par mélange qu'elles se distribuent tout au long de leur progéniture." De cette chaîne des humeurs antédiluviennes ne subsiste qu'une répartition inégale, mais encore l'impossibilité de remonter "tout au long" l'histoire jusqu'à ces corps premiers. Ne reste donc qu'une chute dans l'histoire. C'est donc sur ce corps quadrillé, poreux, écartelé et déséquilibré, celui des quatre humeurs fondamentales, que la tradition iconographique de la mélancolie aurait arrêté son espèce de morale. Une figure dévouée à sa répartition morale.

Auteur: Scheffer Jean Louis

Info: L'espèce de chose mélancolie, p. 9

[ originels ] [ complémentaires ] [ tao ]

 

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amour impossible

Je sais ce que signifie un homme sans femme, ce que signifie croire en une femme, être à une femme, et pourtant ne pas l’avoir, passer des années, même, sans être homme avec une femme, et alors en prendre une qui n’est pas la tienne et avoir ainsi, avoir dans une chambre d’hôtel, au lieu de l’amour, le désert de l’amour.

C’est là, parmi les déserts, le plus lugubre ; non point celui d’une vie qui fait défaut, mais celui d’une vie qui n’en est pas une. Tu avais soif, et tu peux boire ; il y a de l’eau. Tu avais faim et tu peux manger ; il y a du pain. Il y a la fontaine, et les palmiers qui sont autour, semblable à ce que tu cherchais.

Mais c’est seulement semblable à la chose, ce n’est pas la chose elle-même.

Que voulais-tu ? me dis-je. Je mange, et c’est de la terre que je mange, non du pain. Je bois, et c’est de la terre que je bois. Je reste penché sur le lit que j’ai devant moi ; et une fois, je ne me suis même pas déshabillé ; j’ai fumé tout le temps, appuyé au bois du lit, devant ce désert.

Auteur: Vittorini Elio

Info: Dans "Les hommes et les autres", éd. Gallimard, Paris, 1947, page 45

[ mélancolie ] [ superposition des réalités ] [ hanté ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson