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paysage

L’ambiance de mystère maléfique de ces montagnes arides, et l’appel de cette mer du ciel opalescent aperçue entre leurs sommets fut une chose si subtile et ténue qu’on ne saurait l’exprimer en mots de tous les jours. C’était plutôt du domaine d’un vague symbolisme psychologique et de rapprochements esthétiques –une chose qui aurait mêlé poésie et peintures exotiques avec les mythes archaïques dissimulés dans les livres redoutés et interdits. Même le refrain du vent prenait un accent particulier de malignité consciente ; et il sembla une seconde que le son composite contînt un bizarre sifflement musical ou flûté, couvrant une gamme aussi large que le souffle qui balayait en tous sens les omniprésentes et sonores cavernes. Il y avait dans ce son une note trouble, évocatrice d’une répugnance aussi complexe et déplaisante que les autres sombres impressions.

Auteur: Lovecraft Howard Phillips

Info: Dans "Les montagnes hallucinées", page 66, traduction Simone Lamblin et Jacques Papy

[ synesthésie ] [ malaise ] [ immensité ] [ décor étrange ]

 
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technologie

Plus je fus fasciné par le mouvement transhumaniste, et plus j’appris sur les différentes innovations auxquelles ses représentants ancraient leurs espoirs d’un avenir post-humain, plus je tombais sur des références à la DARPA (Defense Advanced Research Projects Agency : le département recherche de l’armée américaine), et son financement de ces technologies dont le potentiel de transformation est considérable : interfaces entre le cerveau et l’ordinateur, prothèses cognitives, cognition augmentée, modems corticaux, bactéries de bio ingénierie, et ainsi de suite. L’objectif global de la DARPA est apparemment de nos jours de transcender les limites du corps humain – et plus spécifiquement, le corps humain des soldats américains.
(...)
Je fus soudain subjugué par ma prise de conscience de la technologie en tant qu’instrument maléfique de la perversité humaine, au service du pouvoir et de l’argent et de la guerre.

Auteur: O'Connell Mark

Info: To Be a Machine: Adventures Among Cyborgs, Utopians, Hackers, and the Futurists Solving the Modest Problem of Death. Relevé par Paul Jorion.

[ parano ] [ diabolique ] [ armement ] [ dissimulation ] [ vingt-et-unième siècle ]

 
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teinte

Avec l’écorce ou la racine du noyer, les résultats sont meilleurs qu’avec des produits tirés d’autres arbres, et les tons obtenus sont presque noirs. Mais l’emploi de matières colorantes provenant du noyer se heurte à de nombreuses résistances. Au Moyen Âge, en effet, cet arbre passe pour maléfique. Là-dessus s’accordent le savoir botanique et les croyances populaires. Non seulement les racines du noyer sont toxiques et font périr toute la végétation alentour, mais elles entraînent la mort du bétail lorsqu’elles se rapprochent trop près des étables. Les hommes et les femmes eux-mêmes ont tout à craindre de cet arbre nuisible : s’endormir sous un noyer, c’est s’exposer à la fièvre et aux maux de tête ; c’est en outre risquer d’être visité par les esprits malins, voire par le Diable lui-même.

…  A la suite d’Isidore de Séville, plusieurs auteurs rapprochent le nom latin du noyer (nux) du verbe nuire (nocere) et expliquent ainsi pourquoi il faut s’en méfier.


Auteur: Pastoureau Michel

Info: (Sur la mauvaise réputation du noyer, J. Brosse, Les Arbres de France. Histoire et légende, Paris, 1987, p. 137-138 ; M. Pastoureau, Une histoire symbolique du Moyen Âge occidental, Paris, 2004, p. 96-97.)in "Noir : Histoire d'une couleur"

[ ébène ] [ jais ] [ végétal ] [ biais de confirmation étymologique ]

 
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imagination

Le Necronomicon est un ouvrage fictif inventé par Lovecraft qui apparaît dans le Mythe de Cthulhu et qui a été repris par une multitude d’écrivains à travers le monde : August Derleth, Robert E. Howard, Robert Bloch, Koaru Kurimoto, Manta Misora. Parmi tous les livres occultes de l’univers de Lovecraft, le Necronomicon est le plus rare, il est même surnommé " le roi des grimoires ". Un grimoire maléfique…

Douce consonance à mes oreilles. Un manuscrit ancien qui contiendrait tous les secrets du monde et qui en octroieraient à son lecteur une sagesse sacrilèges tout en le condamnant à une existence maudite. Si j’éprouve une étrange fascination pour ce type d’ouvrages, c’est certainement à cause des romans de Lovecraft que j’ai lus à l’adolescence. […]

J’ai donc adapté le Necronomicon à ma façon pour en faire Le Grimoire des Clés. Très vite, il est devenu un élément central de mon intrigue. La perpétuelle opposition entre les armes et la littérature. En somme, je ne suis pas persuadé que la plume soit plus forte que l’épée, mais je ne pense pas non plus que les armes ont forcément un avantage écrasant sur la littérature.

Auteur: Kyoichi Nanatsuki

Info:

[ écriture ] [ inspiration ]

 

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parisianisme TV

Il n'aimait pas la télévision en général, encore moins les émissions politiques qu’elle regardait avec assiduité, considérant probablement que cela faisait partie de son travail, mais "C Politique" lui inspirait une aversion particulière, et le plongeait invariablement dans le désespoir. Tous ces gens réunis à l’écran, le présentateur malicieux, l’historien chauve, l’enquêtrice aguichante lui apparaissaient comme autant de marionnettes maléfiques, il n’arrivait pas à se persuader que ces gens vivaient comme lui, respiraient comme lui, qu’ils appartenaient au même monde, à la même réalité que lui. Il y avait aussi une sorte de préposée aux interviews dans la sinistre bande, et c’était probablement à elle que s’identifiait Indy, enfin qu’elle essayait de s’identifier, la plupart du temps elle devait plutôt s’enivrer d’humiliation en assistant à la prestation télévisuelle hebdomadaire de celle qu’elle ne pouvait même pas considérer comme sa rivale, tant elle planait à des hauteurs médiatiques qui lui demeureraient à jamais inaccessibles, tant elle lui rappelait à chaque instant qu’elle n’était qu’une journaliste ratée, appartenant à la presse écrite qui plus est. C’était peut-être la pire de toutes avec son air concerné, son autosatisfaction, son évidente conscience de son appartenance au camp du bien, sa promptitude à s’aplatir devant n’importe quel VIP du même camp. Indy partageait toutes ces caractéristiques, l’autosatisfaction en moins – forcément.

Auteur: Houellebecq Michel

Info: Anéantir, p.370

[ hiérarchie ] [ cénacles ]

 
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occultisme

Le genre humain a longtemps eu peur de retomber en inceste comme on retombe en enfance : pour éviter ce danger, il a mis en place toutes sortes d’obligations et de rituels (à commencer par le lien conjugal dont le principal bénéfice est de constituer un renoncement catégorique à l’attachement premier du sujet pour son géniteur de sexe opposé), il s’est abrité sous le parapluie de la transcendance et sous le nom de Dieu (lequel n’est pas un homme, comme on voudrait le faire croire dans le Da Vinci Code, mais un nom dont l’ "illisibilité" rend insaisissable la réalité divine, donc garantit l’illusion du monde et le monde en tant qu’illusion). L’humanité ne veut plus respecter la règle du jeu. Mais elle ne peut encore se le dire ainsi parce qu’elle ne veut pas prendre la mesure de l’entropie concrète à laquelle elle aspire. Il faut qu’elle se cache son dessein ultime. Même pour ceux qui l’entreprennent de gaieté de cœur, le grand voyage de retour vers l’animalité ne va pas de soi, il faut donc qu’on leur dissimule habilement la vérité de leur désir en leur faisant croire qu’ils sont en guerre contre des forces maléfiques (l’Eglise, le Dieu-Père, etc.) qui ont juré leur perte. Pour que la véritable révélation ne soit jamais proférée, il faut la remplacer par une infinité de pseudo-révélations bien combinées : d’où ce fatras de cryptogrammes, dans le Da Vinci Code, toute cette accumulation de symbologie, d’anagrammes, de cloîtres, de cryptes et de meurtres qui ne servent qu’à transfigurer en jeu de piste initiatique une volonté générale de sortir du jeu humain, ou de l’humanité en tant que jeu, c’est-à-dire en tant qu’artifice et convention opposés à la nature maternelle (les Grandes Déesses, le Féminin sacré) désormais considérée comme unique promesse de bonheur.

Auteur: Muray Philippe

Info: Dans "Exorcismes spirituels, tome 4", Les Belles Lettres, Paris, 2010, pages 1498-1499

[ retour en enfance ] [ fantasmes de fusion ] [ abolition de la castration ]

 

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peinture surréaliste

À Mexico, ils se sont en quelque sorte égarés dans une exposition de peintures du bel exilé espagnol Remedios Varo : dans le tableau central d'un triptyque, intitulé "Bordando el Manto Terrestre", On pouvait voir un groupe de frêles jeunes filles aux visages en forme de coeur, avec des yeux immenses, des cheveux d'or filé, prisonnières au sommet d'une tour circulaire, et elles brodaient une sorte de tapisserie qui pendait dans le vide par les meurtrières, qui semblait vouloir désespérément combler le vide : car toutes les maisons, toutes les créatures, les vagues, les navires et toutes les forêts de la Terre étaient contenues dans cette tapisserie, et cette tapisserie, c'était le monde.  Oedipa, perverse, s'était tenue devant le tableau et avait pleuré. Personne ne l'avait remarqué ; elle portait des ombres de bulles vert foncé. Pendant un instant, elle s'était demandée si le joint autour de ses lunettes était assez serré pour permettre aux larmes de continuer à couler, de remplir tout l'espace de la lentille et de ne jamais sécher. Elle pouvait aisni porter la tristesse du moment avec elle de cette façon et, pour toujours, voir le monde réfracté au travers de ces larmes, ces larmes spécifiques, comme si des indices encore non trouvés variaient de façon importante d'un pleur à l'autre. Elle avait regardé ses pieds et avait su, grâce à un tableau, que ce sur quoi elle se tenait n'avait été tissé qu'à quelques milliers de kilomètres de là, dans sa propre tour, n'était que par un accident connu sous le nom de Mexique, et donc Pierce ne l'avait éloignée de rien, il n'y avait pas d'échappatoire. De quoi voulait-elle donc s'échapper ? Cette jeune fille si captive, qui a tout le temps de réfléchir, se rend vite compte que sa tour, sa hauteur et son architecture, sont comme son ego, accessoires : que ce qui la maintient vraiment là où elle est magique, anonyme et maléfique, projetté sur elle de l'extérieur et sans aucune raison. N'ayant aucun moyen, n'étaient la peur et la ruse féminine, pour examiner cette magie informe, pour comprendre son fonctionnement, mesurer son intensité ou compter ses lignes de force, elle risque de retomber dans la superstition, ou de s'adonner à un passe-temps utile comme la broderie, ou de devenir folle, voire épouser un disc-jockey. Si la tour est partout et que le preux chevalier de la providence ne peut rien contre sa magie, quoi d'autre ?  

Auteur: Pynchon Thomas

Info: The Crying of Lot 49, p.9, Penguin (2012).

[ sans issue ] [ réalité projetée ] [ littérature ] [ femme-par-homme ]

 
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histoire légendaire

[...] le mythe a dans l’ensemble un caractère de fiction. Mais cette fiction présente une stabilité qui ne la rend aucunement malléable aux modifications qui peuvent lui être apportées, ou, plus exactement, qui implique que toute modification en implique de ce fait même une autre, suggérant invariablement la notion d’une structure. D’autre part, cette fiction entretient un rapport singulier avec quelque chose qui est toujours impliqué derrière elle, et dont elle porte même le message formellement indiqué, à savoir la vérité. Voilà quelque chose qui ne peut être détaché du mythe. [...]

Le mythe se présente aussi dans sa visée avec un caractère d’inépuisable. Pour employer un terme ancien, disons qu’il participe du caractère d’un schème au sens kantien. Il est beaucoup plus près de la structure que de tout contenu, et se retrouve et se réapplique, au sens le plus matériel du mot, sur toutes sortes de données, avec cette efficacité ambiguë qui le caractérise. Le plus adéquat, c’est de dire que la sorte de moule que donne la catégorie mythique est un certain type de vérité, où, pour nous limiter à ce qui est notre champ et notre expérience, nous ne pouvons pas ne pas voir qu’il s’agit d’une relation de l’homme – mais à quoi ? [...]

Il ne tient qu’à nous de nous apercevoir qu’il s’agit des thèmes de la vie et de la mort, de l’existence et de la non-existence, de la naissance tout spécialement, c’est-à-dire de l’apparition de ce qui n’existe pas encore. Il s’agit donc des thèmes qui sont liés, d’une part, à l’existence du sujet lui-même et aux horizons que son expérience lui apporte, d’autre part au fait qu’il est le sujet d’un sexe, de son sexe naturel. Voilà à quoi l’expérience nous montre que l’activité mythique est employée chez l’enfant. [...]

Les mythes, tels qu’ils se présentent dans leur fiction, visent toujours plus ou moins, non pas l’origine individuelle de l’homme, mais son origine spécifique, la création de l’homme, la genèse de ses relations nourricières fondamentales, l’invention des grandes ressources humaines, le feu, l’agriculture, la domestication des animaux. Nous y trouvons aussi constamment mis en question le rapport de l’homme avec une force secrète, maléfique ou bénéfique, mais essentiellement caractérisée par ce qu’elle a de sacré.

Cette puissance sacrée, diversement désignée dans les récits mythiques qui expliquent comment l’homme est venu en relation avec elle, se laisse situer pour nous dans une identité manifeste avec le pouvoir de signification, et très spécialement de son instrument signifiant.

Auteur: Lacan Jacques

Info: dans le "Séminaire, Livre IV", "La relation d'objet", éditions du Seuil, 1994, pages 353 à 355

[ caractéristiques ] [ psychanalyse ] [ parole ]

 

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pouvoir sémantique

Wokisme, un protestantisme déréglé?

À l’instar de plusieurs chercheurs américains qu’il cite largement dans son étude*, l'auteur observe dans cet activisme progressiste un post-protestantisme débarrassé de sa théologie, soit un nouveau puritanisme entièrement sécularisé.

L’analogie? "La rédemption des péchés du monde ne se réalise plus à travers le sacrifice christique, mais par celui du bouc émissaire, à savoir la figure de l’homme blanc hétérosexuel, symbole qui réunit les trois fautes à la racine des injustices sexuelles, raciales et de genre: la masculinité, la blanchité et l’hétéronormativité", lit-on dans le document. Ou encore: "Les rêves d’une société parfaite que le christianisme reportait à un Royaume céleste doivent être matérialisés ici-bas et immédiatement." Interview avec un chercheur très critique à l’endroit de son objet d’étude.

- Le wokisme découlerait du protestantisme. Comment cela?

- Un certain nombre d’intellectuels protestants et catholiques nord-américains analysent le phénomène woke comme une forme de protestantisme sécularisé, c’est-à-dire l’idée qu’un certain nombre de thèmes chrétiens (l’Éden, le péché originel, la confession, le blasphème, etc.) ont été capturés par la frange progressiste de la gauche et transférés dans le champ politique. L’orthodoxie morale n’est plus produite par les Églises mais par les divers activismes qui composent le mouvement de la Justice Sociale (anti-racisme, droits LGBT, féminisme, etc. ndlr).

- Concrètement, de quelle manière se manifeste ce nouveau puritanisme?

- De multiples manières et à différents étages de la société. Essentiellement, ce puritanisme est le produit de l’hégémonie de la gauche dans les champs intellectuel et culturel. Il fabrique des hiérarchies et des tabous utiles à un certain nombre de groupes d’intérêt et circonscrit les interprétations dicibles dans les universités et les grands médias.

- On assiste, avec ce courant, à une nouvelle moralisation de l’espace public, avec une mobilisation autour de la notion de justice sociale et le souci des minorités. Ne faudrait-il pas s’en réjouir?

- Plus d’un s’en réjouissent, mais je ne partage pas cet optimisme. L’impact des idées politiques ne s’évalue pas à partir des intentions de leurs promoteurs. Or nous avons affaire à un mouvement profondément anti-libéral et passablement anti-scientifique – il suffit de lire les intellectuels qui nourrissent ce phénomène pour s’en convaincre. Rien n’est plus dangereux que des révolutionnaires qui s’imaginent pur de cœur.

- Plusieurs observateurs parlent d’une "religion civile". L’analogie au champ religieux vous semble-t-elle pertinente ?

- Elle est pertinente pour deux raisons: la première est que le wokisme fonctionne à la manière des cosmographies religieuses, c’est-à-dire qu’il procure une explication globale du fonctionnement de la société et de l’histoire, et offre à ses ouailles sens, ordre et direction. La seconde est que le comportement sectaire et les hyperboles moralisantes des activistes invitent naturellement une comparaison avec les mouvements religieux fondamentalistes. Pour preuve, le recours à des concepts infalsifiables et tout-puissants, comme le "patriarcat" ou le "racisme systémique".

- Comment comprendre que le langage du wokisme soit si présent au sein du monde protestant et de ses Églises?

- Il y a aussi beaucoup de résistance, mais je suppose qu’une partie du clergé entend profiter de la vitesse acquise de cette nouvelle religion civile, reproduisant des comportements analogues aux Églises, et capable de mobiliser certains segments de la population. Articulé autour de notions de justice sociale, d’équité, d’inclusivité, le militantisme woke peut assez aisément être réapproprié dans un contexte ecclésial. On peut aussi s’attendre à une demande par le bas, un certain nombre de membres motivés dans les communautés exigeant de leur hiérarchie un positionnement sur les grands thèmes du jour. La chose n’est pas très surprenante quand on pense, par exemple, à l’influence que le marxisme a pu exercer sur les théologiens de la libération en Amérique latine. Les Églises ne sont pas imperméables aux modes. 

- Vous pointez, au sein de ce phénomène, l’absence de "gardes-fous théologiques". Qu’entendez-vous par là?

- L’idée qu’un corpus théologique, qui s’est construit à travers des siècles d’affinage et de conciles, procure un cadre normatif à des notions de justice, de péché ou de rédemption. Libérées de ce cadre et réintroduites dans une religiosité révolutionnaire, ces idées prennent le mors aux dents. Le Royaume des Cieux se transforme en l’ambition d’établir ici-bas une société parfaitement égalitaire, quels qu’en soient les coûts.

- Vous êtes très critique à l’égard de ce mouvement. En quoi considérez-vous qu’il tende à glisser dans le fondamentalisme, voire le totalitarisme?

- La volonté de faire disparaître toutes les "inégalités", c’est-à-dire ici les disparités entre sexes ou entre populations, requiert nécessairement un État autoritaire régulant et corrigeant les effets des choix individuels. L’autoritarisme de la gauche progressiste n’est pas simplement la conséquence accidentelle d’une raideur idéologique propre au militantisme. Tout comme l’illustre l’histoire des économies planifiées, l’autoritarisme est l’inévitable propriété émergente du système.

- Votre étude souligne la contradiction de ce mouvement, dont les membres se proviennent majoritairement des classes les plus aisées…

- L’hypothèse que je trouve la plus séduisante a été formulée par le psychologue Rob Henderson: les classes supérieures nord-américaines signalent leur statut, c’est-à-dire se reconnaissent entre pairs et se distinguent du peuple, non plus seulement à l’aide de produits de luxe, mais aussi à l’aide d’idées luxueuses. Les coûts de ces idées sont assumés par les classes populaires tandis que les bénéfices à la fois matériels et immatériels sont capturés par les classes supérieures. Selon cette perspective, le wokisme est un outil dans un jeu de pouvoir et de statut. Son adoption signale son appartenance au camp du Bien et son institutionnalisation assure des débouchés professionnels à toute une classe de diplômés issus de filières académiques où le savoir tend à se dissiper au profit de l’activisme.

- N’allez-vous pas un peu loin en dénonçant une stratégie qui serait à nouveau profitable aux plus privilégiés, en faisant fi de leurs bonnes intentions?

-
Je ne pense pas que les activistes dont nous parlons ici soient des cyniques travaillant consciemment à consolider leur statut et je ne doute pas que leur mobilisation puise son énergie dans de bonnes intentions. Le problème réside dans la confusion entre les slogans et la réalité, d’une part, et dans la perception naïve que les bonnes intentions font de bonnes réformes, d’autre part. Or les réformes proposées par ces activistes (qui sont articulées sur toute une batterie de programmes préférentiels, de coûteuses formations, de régulations du langage) oscillent le plus souvent entre l’inutile et le contre-productif. 

Auteur: Moos Olivier

Info: Entretien avec Anne-Sylvie Sprenger à propos de *"The Great Awokening. Réveil militant, Justice Sociale et Religion", Religioscope, déc. 2020

[ cancel culture ] [ erreur catégorielle ] [ antispiritualisme ] [ bien maléfique ]

 

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colonialisme

Un groupe de motards surgit de nulle part, alors que j'étais occupé à faire mes besoins loin du douar, à la tombée du soir, moment propice pour se cacher des regards, s'accroupir quelque part, à ses risques et périls descendre son pantalon dans le noir, rester ainsi camouflé, à l'orée du village, comme pour voler des poules fait le renard, à guetter le vide, à scruter le ciel, ou à sonder le brouillard. Le temps d'un gargouillement, d'une contorsion, d'un soulagement, avant de repartir vers sa case qui, comme toutes les habitations autour, n'avait ni robinet, ni bidet, ni baignoire ; Ils étaient quatre, deux hommes, deux femmes, avec de gros casques, des blousons et des pantalons en cuir, des bottes qui leur montaient aux genoux, Ils allaient dans le désert, mais s'étant égarés quelque part, et voyant que bientôt la nuit allait devenir noire, ils étaient venus chercher asile chez-nous,

Et bien que m'ayant surpris dans une posture peu honorable, ils semblaient contents de voir que je parlais leur langue comme je remontais mon pantalon, aisément. Hospitalité oblige, après quelques politesses, une blague ou deux, je les invitai dans mon gourbi, une chambre en pisé, qui en même temps me servait de salle de classe et de logement. Je n'avais pas parlé français à quelqu'un, hormis à mes pauvres élèves, depuis longtemps, et tout fier, pour une fois que j'avais de la compagnie, je profitais joyeusement de l'occasion. À la lumière blafarde d'une bougie, nous discutâmes des choses de la vie, et j'étais déçu de constater que mes hôtes étaient surpris de voir que j'avais un jeu d'échecs, une guitare, que je connaissais Pétrarque, Ronsard, que sur ma table de chevet, les Contemplations voisinaient avec les Illuminations, les Rêveries, Les Méditations... Ils s'en étonnaient exagérément, échangeaient des clins d'oeil un peu sceptiques, un peu moqueurs, multipliaient les compliments, comme fait le maître pour flatter un bon élève au moment où il lui rend son devoir. 

Soudain, j'avais honte d'enseigner leur langue, me sentis être un animal étrange, un curieux spécimen. J'étais jeune, débutant, peu initié aux secrets de la nature humaine, mais ce soir-là, j'eus la désagréable sensation d'être leur bon apôtre. Un déchirement viscéral scinda mon âme qui, tant bien que mal, à son exil absurde avait jusque-là survécu, tenace, brave, pareille au taureau que dans une arène à qui mieux mieux on malmène. 

À une fausse identité, une autre, ni meilleure, ni pire, allait s'ajouter, la quête de soi devenir une réclusion à perpétuité, et le " je " éclater pour enfanter de beaucoup d' "Autres".

Seuls ceux qui, répondant à l'appel de leur coeur, ont honoré le métier de professeur, maintenu allumé le flambeau légué par leurs vaillants prédécesseurs. Contre les idées reçues, la vindicte de l'Histoire, ils avaient choisi d'aimer la langue de Molière, de l'adopter, de la chérir, de la transmettre à leurs frères et soeurs, ou dans des contrées arides, ou dans de lointaines montagnes, ou dans d'hostiles campagnes, ou dans la redoutable faune citadine. Par des temps où l'ignorance était aveugle, l'intolérance assassine, où les problèmes de l'enseignement étaient graves, où la cherté de la vie, le manque de moyens, la pression sociale s'ajoutaient au stress, à la fatigue, à la routine ;

Seuls ceux-ci, disais-je, se rappellent lorsqu'ils ils étaient jeunes, élèves de professeurs étrangers, qui étaient différents, courtois, humains, cultivés, sérieux, qui au lieu de leur service militaire chez-eux, venaient chez-nous enseigner cette matière, ceux qu'à l'époque on appelait " coopérants ". 

Grâce à eux, ils découvriront les grands noms de cette littérature, l'esprit cartésien, la société laïque, la pensée marxiste. Avec eux, de tout ils parleront librement, à l'occasion d'un passage de La Nausée, de L'Étranger, de Huis-clos ou de La Peste, aux temps de la mouvance existentialiste. Ces personnages itinérants, altruistes, tolérants, souvent bienveillants, furent pour beaucoup dans les choix que leurs disciples allaient faire. Il faut dire que le monde qu'ils représentaient leur semblait être plus avancé, plus policé que celui dans lequel les maintenaient prisonniers leurs parents. Les tabous n'étaient plus des tabous, les chaînes du conservatisme archaïque, anachronique, se brisaient contre le savoir libérateur.

Alors leurs initiateurs, souvent rescapés de La Révolution estudiantine de mai 68, adeptes du mouvement hippie, amoureux de la nature, défenseurs de la paix, les invitèrent de bonne heure à cette conquête ;

Ils choisirent alors, confiants, d'aller sur ces chemins heureux, d'explorer cette civilisation nouvelle qui, parmi les leurs, avait fait des écrivains rebelles : Chraïbi, Khatibi, Laâbi, Khaïr-Eddine, Kateb Yacine, Fatéma Mernissi, Taos Amrouche, Moloud Feroun, Maammeri, Dib, Boudjedra, Mimouni, Assia Djebbar, pour ne citer que ceux-là,

Des antiques poètes bédouins d'Arabie, des anciens penseurs d'un empire musulman chimérique, en ruines, ils oublièrent les satires, les panégyriques, du souk Okad les joutes verbales et toutes les éternelles querelles, pour, de Baudelaire, humer ses maléfiques Fleurs, avec Musset veiller ses longues Nuits, d'extase et de plaisir mourir dans les romans de Balzac, de Flaubert, de Stendhal, de Maupassant ou de Zola.

Plus ils avançaient dans ces terres fertiles, prospères, plus ils comprenaient les constructions des phrases, le rythme des vers, les alittérations, les assonances, les figures de rhétorique, les tonalités, les registres, les formes verbales et leur concordance, les connotations et les nuances. Quant à leurs idées, elles devenaient au fur et à mesure plus libérales, et révoltés, insoumis, ils rompirent définitivement avec leur Moyen Âge, pour épouser l'esprit rationnel - devant les clichés, les préjugés, les croyances et la superstition de leur société - de La Raison qui toujours prône l'arbitrage. 

Puis, ils furent appelés à transmettre ces bagages, après un long parcours qui les avait complètement remodelés. À un public qui à ses convictions séculaires restait sourdement lié, comme l'enfant au sein qui l'abreuve de bon lait, tandis que les conservateurs les regardaient d'un mauvais oeil, que les détracteurs de la modernité pensaient que leur âme leur avait été volée... Que souvent, d'athées, d'hérétiques, de pervers furent taxés les professeurs de français par les esprits sclérosés, dans leur propre patrie étrangers, bannis, exilés.

Pendant des décennies, le derrière entre deux chaises, l'esprit déchiré entre authenticité et modernité, ils ont lutté contre l'obscurantisme, l'ignorance, colportant les principes de La Liberté, de La Fraternité, de L'Égalité, dans des régions qui n'avaient ni la même devise, ni la même foi, ni le même type de gouvernance. De même que jadis leurs grands-parents, sans comprendre pourquoi, blancs-becs partirent guerroyer en Indochine, pour le drapeau tricolore en piètres héros, pour périr pendant les Deux Guerres,

De même eux sacrifiaient leur culture, sans comprendre pourquoi les français n'enseignaient pas en retour la langue berbère dans leurs écoles, pourtant ceux-ci allaient et venaient chez-eux comme ils voulaient, alors qu'eux devaient mendier un visa pour de l'Hexagone franchir les frontières. 

Si arbitrage de La Raison il doit y avoir, si la réalité ressemblait à ce mirifique savoir, si après de houleux combats Les Lumières, Les principes de La Charte ont dressé l'inventaire, de L'Égalité entre les peuples esquissé une tentative salutaire, est-ce seulement pour que leur langue soit enseignée vidée de toutes ses valeurs, chargée de principes qui avec les décisions que prennent les dirigeants ne sont jamais correspondants ?

Comme si les peuples étaient aveugles, comme s'ils étaient bêtes, comme s'ils n'étaient pas en mesure de comprendre qu'à la vérité, avec leur vis-à-vis, ils ne sont pas égaux, que dans le monde actuel, il est difficile, voire impossible d'être indépendant...

Auteur: Talbi Mohamed

Info:

[ francophone ] [ non réciprocité ] [ frustration ]

 

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