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cité imaginaire

Appelés à dicter les règles de la fondation de Périnthe, les astronomes établissent le lieu et le jour selon la position des étoiles, tracent les lignes croisées du decumanus et du cardo, l'un orienté comme la course du soleil et l'autre comme l'axe autour duquel tournent les cieux, ils ont divisé la carte selon les douze maisons du zodiaque, afin que chaque temple et chaque quartier reçoivent la bonne influence des constellations appropriées ; ils ont fixé le point des murs où les portes devaient s'ouvrir, prévoyant que chacune d'elles encadrerait une éclipse de lune dans les mille prochaines années. Perinzia - assuraient-ils - refléterait l'harmonie du firmament ; la raison de la nature et la grâce des dieux donneraient de la fortune aux destins des habitants.

Suivant les calculs exacts des astronomes, Perinthe a été construite ; différents peuples sont venus l'habiter ; la première génération de ceux qui sont nés à Perinzia a grandi dans ses murs ; et ils ont à leur tour atteint l'âge du mariage et des enfants.

Aujourd'hui, dans les rues et sur les places de Périnthe, on rencontre des infirmes, des nains, des bossus, des obèses, des femmes à barbe. Mais le pire ne se voit pas ; des cris gutturaux s'élèvent des caves et des granges, où les familles cachent leurs enfants à trois têtes ou à six jambes.

Les astronomes de Perinzia sont confrontés à un choix difficile : soit admettre que tous leurs calculs sont faux et que leurs chiffres ne peuvent pas décrire le ciel, soit révéler que l'ordre des dieux est précisément celui qui se reflète dans la cité des monstres.

Auteur: Calvino Italo

Info: Villes invisibles

[ astrologique ]

 

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écrivain-sur-écrivain

D’où vient le sentiment de malaise que fait naître Gogol ? De la certitude où il était peut-être lui-même d’avoir écrit le Diable, et pas un diable métaphorique mais le vrai Néant, le Rien qui devient tout – le Rien qui se déploie, et qui rigole, et qui vous laisse, seul, démoli, réduit à lui. Du Révizor au Mariage, en passant par Les Joueurs, du Nez au Manteau jusqu’au Portrait – la même force vide qui vous vampirise. Cette force, elle éclate dans Les Âmes mortes. Et pas seulement parce qu’il s’agit de morts qu’on peut vendre parce qu’ils ne coûtent pas cher, vu qu’ils sont morts, mais qu’on peut vendre parce qu’ils sont encore vivants aux yeux de l’administration. Non, ce n’est pas le sujet qui est en cause. Il y a dedans, par-delà les passages comiques, les scènes d’anthologie, derrière une invention verbale proprement géniale, quelque chose qui vous ronge – un sentiment, oui, comme de possession par quoi ? par un regard terrifiant, sans compassion aucune, sans pitié sur les hommes et particulièrement sur ceux qui se démènent, tremblent et se haïssent sur cette étendue plate, immense, et insauvable qu’on appelle la Russie… L’image de la troïka qui fend l’espace et de l’ivresse du voyage rappellent dans l’Odyssée de Tchitchikov "Les Démons" de Pouchkine – qui donnent leur titre aux Démons de Dostoïevski : Un tournoiement entre les monstres vides.

Alexandre Blok, mourant en 1921, l’avait écrit : "Elle nous a bouffés, notre brave mère patrie russe, comme une truie ses porcelets…" – Gogol, sidéré lui-même par l’ampleur du désastre qu’il reflétait, s’est, sans métaphore aucune, au sens le plus concret du terme, retourné dans sa tombe.

Auteur: Markowicz André

Info: Partages

[ slaves ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

double

Une fois par an, au printemps, le capitaine Luiso Ferrauto change de peau ; il émerge de sa vieille peau tout brillant et rose comme un nouveau-né, mais quelques heures plus tard la nouvelle peau reprend son teint habituel, qui est mat, tandis que les cheveux, disparus avec le scalp du crâne, repoussent eux aussi rapidement, comme il convient à un officier de la Sécurité Publique. Sa femme, qui est attachée à lui d'un amour inaccoutumé par les temps qui courent, a l'habitude de conserver ces peaux usées de son mari et de les remplir de mousse synthétique de couleur chair, de façon à en faire une sorte de mannequin assez présentable, bien cousu et rembourré, vêtu de l'uniforme. Dans le garage, elle en a désormais rassemblé une quinzaine : autant d'officiers de police, si semblables à son mari qu'il est réjouissant de les voir tous ensemble, si dignes, si droits, si imperméables à la corruption. Madame a fait installer un appareil stéréo dans le garage et lorsque le capitaine est hors de la maison pour raison de service, elle descend faire écouter à ses ex-maris les meilleures pages de la lyrique mondiale. Ravis, extatiques, les quinze policiers écoutent, immobiles, la mort de Desdémone, le meurtre mérité de Scarpia, la dispute finale entre Carmen et Don José, autant de délits qui exigent l'arrestation immédiate du coupable, autant de faits de sang et de violence tels qu'ils en ont vu maintes fois dans leur carrière. Comme ces grands poupons faits de peau policière sont produits une fois par an et chacun à un âge plus avancé que le précédent, ils présentent une caractéristique insolite : des quinze, le plus jeune est aussi le plus vieux.

Auteur: Wilcock Juan Rodolfo

Info: In "Le livre des monstres", éd. Arbre Vengeur, p. 33-34 - il obtint la nationalité italienne à la fin de sa vie, mais naquit argentin

[ temps ] [ vestiges ] [ un-multiple ] [ opéra ] [ mue ]

 

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Ajouté à la BD par Benslama

généalogie

La propre source, c’est ce que chaque femme et chaque homme au monde reçoit en héritage par sa naissance, avec son nom propre, sans l’avoir en commun avec qui que ce soit d’autre. Qui que vous soyez, vous êtes né quelque part, de parents nés eux aussi quelque part. Ce quelque part n’est pas seulement un lieu géographique ni une histoire familiale : c’est une langue, une provenance spirituelle, une sagesse ascendante. Que vous le sachiez ou pas, qui que vous soyez votre origine est royale. La femme de ménage algérienne la plus démunie a sa propre source royale. L’ouvrier breton le plus harassé aussi. Le petit commerçant chinois endetté aussi. La prostituée albanaise aussi, comme l’Inuit alcoolisé, le Tibétain exilé, le Malais esclavagisé, le mendiant roumain, le Corse anachorète, le Juif haineux de soi…



Accéder à sa propre source n’est pas compliqué en soi. La méthode en est d’autant plus simple qu’elle n’a pas varié depuis des siècles. Commencez par méditer votre histoire familiale. Elle a été refoulée, occultée, envenimée ? Vos propres parents furent des monstres qui cherchèrent à vous détruire parce qu’eux-mêmes aussitôt nés furent écrabouillés ? Remontez plus haut, toujours plus haut, écoutez, parlez, questionnez, lisez surtout, partez à la recherche de  d’où vous venez, ce là qui est moins un lieu qu’un lien, un invisible ombilic tramé de mots, ce là où vos ancêtres vous attendent pour vous rajeunir.



Cela n’est pas compliqué, mais cela n’est pas facile. Ressusciter en pensée ne va pas de soi. Les obstacles se dressent avec autant de pugnacité que les portes dérobées s’ouvrent sans prévenir. Puis, une fois retrouvée votre propre source, rien ne peut vous empêcher de vous pâmer dans l’onde du fleuve jusque vers la mer que chérissent les hommes libres, de vous intéresser à toutes les autres cultures, d’apprendre tous les autres savoirs.

Auteur: Zagdanski Stéphane

Info: 17 janvier 2022 https://lundi.am/A-quoi-comparer-cela

[ interrogation ] [ rencontre ] [ singularités ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

pessimisme

Il y a d'abord l'intuition de Baudrillard comme quoi le loft atteignit le comble de l'horreur en mettant le néant en exergue. Dans le loft c'est nul, il ne se passe rien, on dépasse les pires histoires de monstres. La véritable horreur.

Il y a cette belle citation de Walter Benjamin : "L'humanité, qui jadis avec Homère avait été objet de contemplation pour les dieux olympiens l'est maintenant devenue pour elle-même, son aliénation d'elle-même a atteint ce degré qui lui fait vivre sa propre destruction comme une sensation esthétique de premier ordre."

La disparition du carnavalesque représente donc l'univers qu'on a perdu, la diversité de la création, la grandeur... où il y avait tellement plus de choses... Alors que nous sommes parti dans une direction, celle de l'homme, qu'on aurait du abandonner dès le début. Nul, voie de garage, impasse...

Dans le Dogville de Lars Von Trier on est dans une situation où il n'y a rien à faire de l'humanité. Dans ce film les hommes de tous les jours, les petites gens, ne sont pas mieux que les personnages de pouvoir... Ils sont juste la préparation de ça, ils vont dans la même direction... Une direction avec laquelle on a rien à faire. Rien. La forme homme est maudite. Intégralement.

Zappa et son mouvement freaks se sont rendu compte que les films d'horreurs devaient être réinvestis de façon carnavalesque. Dimension totalement disparue au 18e siècle et remplacée alors par des romans gothiques, des romans effrayant, les monstres des romans effrayants... Ces freaks/monstres étant les anciens dieux, qu'on a abandonnés, et qui demandent à pouvoir exister dans ce monde qui est visiblement un monde fait pour les hommes...

Donc ils reviennent de façon effrayante.

Freaks parle de ce que le cinéma ne prend pas en charge, non seulement le cirque errant, la parade des singularités, mais aussi la disparition progressive du Carnaval comme réminiscence de l'âge d'Or.

Auteur: Thiellement Pacôme

Info: sur youtube, mis en texte par Mg

[ humanité ] [ télé-réalité ] [ TV ]

 

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fille-père

Il nous a fait balancer doucement, le regard fixé sur le ciel d’orage. Il y avait des choses chez mon père qui commençaient à s’écailler, comme une peinture qui vieillit. Quand je lisais les livres que j’empruntais à la bibliothèque, je pensais que mon père – comme les histoires que ces livres racontaient – était né de l’esprit de ces écrivains. Je croyais que le Grand Créateur avait expédié ces écrivains sur la lune, portés par les ailes d’oiseaux-tonnerre, et leur avait dit de m’écrire un père. Des écrivains tels que Mary Shelley, qui avait donné à papa une compréhension gothique pour la tendresse de tous les monstres.

Agatha Christie avait créé le mystère qui l'habitait et Edgar Allan Poe avait conçu pour lui l’obscurité de manière à ce qu’il puisse s’élever jusqu’au vol du corbeau. William Shakespeare avait écrit pour lui un coeur de Roméo en même temps que Susan Fenimore Cooper lui avait imaginé une proximité avec la nature et le désir d’un paradis à retrouver.

Emily Dickinson avait partagé sa sensibilité de poète pour que mon père sache que le texte le plus sacré se lit dans la façon dont les êtres humains riment ou ne riment pas les uns avec les autres, laissant à John Steinbeck le soin de mettre dans le coeur de mon père une boussole afin qu’il puisse toujours vérifier qu’il était bien à l’est d’Éden et légèrement au sud du paradis. Pour ne pas être en reste, Sophia Alice Callahan s’était assurée qu’une partie de papa resterait à jamais un enfant de la forêt, tandis que Louisa May Alcott avait mis en mots toute la loyauté et l’espoir que contenait son âme. C’était Theodore Dreiser qu’était revenue la tâche d’écrire pour mon père la tragédie américaine qui devait être son destin, non sans que Shirley Jackson l’ait d’abord préparé aux horreurs qui devaient accompagner cette tragédie.

Auteur: McDaniel Tiffany

Info: Betty

[ composite ]

 

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surhomme de synthèse

Je me suis enrôlé dans la police à l’âge de douze ans. J’ai poursuivi mes études normalement mais c’est à ce moment qu’il faut entreprendre la série d’injections d’hormones de croissance ainsi que l’entraînement spécial pendant les vacances et les week-ends si l’on veut être déclaré bon pour le service actif. (Ce n’était pas un engagement irréversible. J’aurais pu changer d’orientation plus tard et rembourser ce qu’on avait investi sur moi, en versements d’une centaine de dollars par semaine pendant les trente années suivantes. Ou j’aurais pu échouer aux tests psychologiques – auquel cas on m’aurait exclu sans que je doive un centime. Mais les tests que l’on passe avant même de commencer ont tendance à éliminer quiconque est susceptible de faire l’un ou l’autre.) C’est logique. Plutôt que de limiter le recrutement à des hommes et à des femmes qui remplissent un certain nombre de critères physiques, on choisit les candidats en fonction de leur intelligence et de leurs aptitudes psychologiques – et ensuite, on ajoute, de manière artificielle, les caractéristiques physiques secondaires mais utiles, telles que la taille, la force et l’agilité.

Nous sommes donc des monstres, fabriqués et conditionnés pour remplir les exigences de notre travail. Mais moins que les soldats et les athlètes professionnels. Et bien moins encore que les membres des gangs de rues – qui n’hésitent pas un instant à utiliser des facteurs de croissance illégaux qui abaissent leur espérance de vie à environ trente ans. Sans armes, mais bourrés d’un mélange de Berserker et de Timewarp – qui les rend insensibles à la douleur ainsi qu’à la plupart des traumatismes physiques, et qui divise leur temps de réaction par vingt – ils peuvent liquider en cinq minutes une centaine de personnes dans une foule avant de se mettre à l’abri pour redescendre et affronter les deux semaines d’effets secondaires qui les attendent. [...]

Oui, nous sommes des monstres. Mais si nous avons des problèmes, cela vient du fait que nous sommes restés encore bien trop humains.

Auteur: Egan Greg

Info: Dans "Axiomatique", trad. de l'anglais (Australie) par Sylvie Denis, Francs Lustman, Quarante-Deux, Francis Valéry, éditions Le Bélial, 2022, pages 96-97

[ sur-mesure ] [ drogue ] [ pharmacopée ] [ limites ]

 

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véhicule

Déjà, aux premiers temps de la civilisation, on avait remarqué combien les formes nouvelles des machines rompaient violemment avec les traditions artistiques du passé et rappelaient, au contraire, les créations de la nature.

L’automobile avait été le premier instrument d’usage courant donnant quelques indications en ce sens. Aux temps barbares on s’était imaginé de concevoir l’automobile un peu à la manière d’un temple grec ou d’un meuble Louis XV ; volontiers, on eût dissimulé ses parties mécaniques sous une carrosserie de style rappelant un navire romain ou une chaise à porteurs, et les projets les plus fantastiques furent alors réalisés. Il fallut l’intervention de la nécessité pour que l’on comprît combien cette conception était vieillotte et s’appliquait mal aux idées nouvelles.

Les voitures de course, aux prises avec les exigences immédiates de la vitesse, furent les premières à indiquer la voie qu’il fallait suivre ; les artistes les qualifièrent tout d’abord de monstres ; puis, petit à petit, se dégageant des préjugés anciens, ils en célébrèrent l’harmonie nouvelle et l’impérieuse beauté.

Et bientôt, lorsque l’automobile eut conquis sa forme nouvelle, grâce aux seules indications de l’empirisme, on comprit un beau jour, qu’elle réalisait tout simplement, sans que l’on y prît garde, la structure logique et complète d’un animal nouveau.

Depuis la tête, avec ses yeux, jusqu’à la noire évacuation de l’échappement, l’automobile se comportait comme un simple animal, avec les mêmes faiblesses, les mêmes défaillances, la même fièvre à certaines heures du jour, la même reprise de force à la tombée de la nuit, avec le cœur battant de ses soupapes, la colonne vertébrale de sa transmission, envoyant le mouvement aux pattes motrices d’arrière par l’intermédiaire d’un cardan en forme de bassin, tandis que les roues d’avant tâtaient le chemin. La circulation d’eau, la circulation d’huile, l’innervation électrique, autant de réseaux distincts, nécessités par la logique, indiqués impérieusement, comme si, dans toute construction, certaines lois naturelles exigeaient les mêmes formes, les mêmes procédés. L’être nouveau se distinguait des êtres naturels par l’idée de la roue et des engrenages, mais il ne s’en distinguait que par là.

Auteur: Pawlowski Gaston de

Info: Voyage au pays de la quatrième dimension, Flatland éditeur, 2023, pages 241-242

[ anthropomorphisme ] [ organismes ] [ organique ]

 

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trickster

Dans toutes les variantes de la mythologie nord-américaine apparaît une sorte de démiurge qui se situe au-dessous de l’Esprit Suprême ou du Grand Mystère et qui est à la fois bénéfique et terrible, héros initiateur et bouffon, voire démon. Nous rencontrons les mêmes traits chez Hermès, Hercule, Prométhée, Épiméthée et Pandore ; nous les trouvons également, dans la mythologie nordique, chez Loki — mi-dieu et mi-géant et à la fois ami et ennemi des autres divinités —, sans oublier, dans le cosmos japonais, le terrible Susano-wo-noMikoto, génie de la tempête et, d’une certaine façon, princeps huius mundi. II ne semble pas y avoir de mythologie où le demi-dieu bouffon ou malfaiteur soit tout à fait absent, mais c’est peut- être dans celle des Peaux-Rouges qu’il a le plus attiré l’attention des ethnographes et des missionnaires ; en fait, le Nanabozho ou Minabozho des Algonquins est devenu quelque chose comme une notion-type. Notre intention est toutefois, non d’entrer dans les détails, mais d’énoncer le principe et d’expliquer sa signification essentielle : il nous suffira donc de dire, pour entrer en matière, que le démiurge, qui est aussi le héros fondateur de la civilisation matérielle et spirituelle, donc l’inventeur ou le découvreur, et aussi l’initiateur, apparaît sous les traits soit d’un animal, soit d’un homme, ou encore de quelque créature mystérieuse et indéterminée ; son mythe est une série d’actes ou d’aventures - souvent grotesques et inintelligibles - qui constituent autant d’enseignements symboliques d’une portée parfois ésotérique. Ce démiurge peut apparaître comme une sorte d’émanation du créateur ; il a été décrit comme la vie qui s’incarne dans tous les êtres et assume ainsi toutes leurs possibilités, toutes leurs luttes, tous leurs destins. Il a quelque chose de protéique, de chaotique et d’absurde, le divin se combine chez lui avec le ténébreux ; on lui a attribué un désir de dissimulation et d’"occultation", et il apparaît alors comme un acteur sage jouant volontiers au fou ; ses actes sont incompréhensibles comme les koans du Zenisme. Il faut se rappeler ici que le bizarre, voire le choquant, sert souvent de voile protecteur au sacré, d’où les dissonances dans les Écritures révélées ou, sur un plan plus extérieur, les monstres grimaçants aux portes des sanctuaires.

Auteur: Schuon Frithjof

Info: Dans "Logique et transcendance", éditions Sulliver, 2007, pages 151-152

[ trouble ] [ déstabiliser ] [ défini ]

 
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art religieux

Le genre français, c’est un Jésus glorieux, en robe de brocart pourpré, entr’ouvrant, avec une céleste modestie, son sein, et dévoilant, du bout des doigts, à une visitandine enfarinée d’extase, un énorme cœur d’or couronné d’épines et rutilant comme une cuirasse.

C’est encore le même Jésus plastronné, déployant ses bras pour l’hypothétique embrassement de la multitude inattentive ; c’est l’éternelle Vierge sébacée, en proie à la même recette de désolation séculaire, tenant sur ses genoux, non seulement la tête, mais le corps entier d’un minable Fils, décloué suivant de cagneuses formules. Puis, les innumérables Immaculées Conceptions de Lourdes, en premières communiantes azurées d’un large ruban, offrant au ciel, à mains jointes, l’indubitable innocence de leur émail et de leur carmin.

Enfin, la tourbe polychrôme des subalternes élus : les saints Joseph, nourriciers et frisés, généralement vêtus d’un tartan rayé de bavures de limaces, offrant une fleur de pomme de terre à un poupon bénisseur ; les saints Vincent de Paul en réglisse, ramassant, avec une allégresse réfrénée, de petits monstres en stéarine, pleins de gratitude ; les saints Louis de France ingénus, porteurs de couronnes d’épines sur de petits coussins en peluche ; les saints Louis de Gonzague, chérubinement agenouillés et cirés avec le plus grand soin, les mains croisées sur le virginal surplis, la bouche en cul de poule et les yeux noyés ; les saints François d’Assise, glauques ou céruléens, à force d’amour et de continence, dans le pain d’épice de leur pauvreté ; saint Pierre avec ses clefs, saint Paul avec son glaive, sainte Marie-Madeleine avec sa tête de mort, saint Jean-Baptiste avec son petit mouton, les martyrs palmés, les confesseurs mitrés, les vierges fleuries, les papes aux doigts spatulés d’infaillibles bénédictions, et l’infinie cohue des pompiers de chemins de croix.

Tout cela conditionné et tarifé sagement, confortablement, commercialement, économiquement. Riches ou pauvres, toutes les paroisses peuvent s’approvisionner de pieux simulacres en ces bazars, où se perpétue, pour le chaste assouvissement de l’œil des fidèles, l’indéracinable tradition raphaélique. Ces purgatives images dérivent, en effet, de la grande infusion détersive des madonistes ultramontains. Les avilisseurs italiens du grand Art mystique furent les incontestables ancêtres de ce crépi. Qu’ils eussent ou non le talent divin qu’on a si jobardement exalté sur les lyres de la rengaine, ils n’en furent pas moins les matelassiers du lit de prostitution où le paganisme fornicateur vint dépuceler la Beauté chrétienne. Et voilà leur progéniture !

Auteur: Bloy Léon

Info: Dans "Le Désespéré", Livre de poche, 1962, pages 229-230

[ critique ] [ description dégoûtée ] [ christianisme édulcoré ]

 

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