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dépaysement

Et je vis là un des plus grands mystères de la nature humaine : dans un bouquet d'arbres, près du petit temple, une femme se tenait debout, le visage exalté. Elle étreignait une statue de pierre cunéiforme. Elle priait, quel dieu je l'ignorais alors. Je compris que j'assistais à un très grand mystère. Je ne dérangeai pas cette femme, cette femme ceinte d'un obi - la ceinture japonaise - en forme de papillon, chaussée de petits bancs de bois, et le visage resplendissant d'une beauté qui m'était incompréhensible. Et je pensai alors qu'il me faudrait raconter dans un récit comment le Japon avait entraîné, attiré, noyé, dissous l'étranger, comme aurait pu le faire un marécage, comme aurait pu le faire un sylvain ou quelque être de ce genre : de tout mon coeur je voulais pénétrer l'âme japonaise, son quotidien et son époque ; j'avais devant mes yeux le fantastique de ce quotidien, de la vie courante, des gens, et je ne comprenais rien, ne pouvais ni comprendre ni interpréter quoi que ce fût ; et je sentais que ce pays qui m'était inaccessible m'engloutissait comme un marécage, soit qu'il renfermât en effet de grands secrets, soit que je fusse en train d'enfoncer des portes ouverts que la police gardait précisément parce qu'elles n'ouvraient sur rien. Le thème auquel se sont confrontés les écrivains qui sont allés au Japon, celui de la non-fusion de l'âme de l'Orient avec celle de l'Occident, de l'homme occidental happé, englouti, déformé par l'Orient, atteint du mal qu'on pourrait nommer febris orientis, et néanmoins, plus tard, rejeté par l'Orient, ce thème se présentait maintenant également à moi.
Par la suite, après cette aube dont j'ai parlé, il y eut encore des jours dans le soleil, dans le vent, au sein de la terre fleurissante, à se promener dans les montagnes et à fuir devant la police.

Auteur: Pilniak Boris

Info: Racines du Soleil Japonais

[ Asie ]

 

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judaïsme

(L'auteur travaille comme enseignant d'histoire à Coire - Suisse canton des Grisons - dans les années 70)

La réaction des arabes au sionisme devient intelligible pour les élèves lorsque nous transposons les circonstances historiques dans leur patrie. : Comment les Grisons auraient-ils réagis si, au début du 19e siècle, des colons juifs avaient acquis des terres chez eux, créé de petits îlots juifs, reliés peu à peu ces îlots entre eux, puis s'étaient installés en masse en 1944 et avaient créé un état juif avec le judaïsme comme religion officielle, les Grisons devenant alors des citoyens de seconde zone ? ...

- La comparaison est boiteuse, répondit l'élèves M., car Israël a toujours été la patrie des juifs, d'où leur droit sur cette terre et non sur les Grisons. Je rétorque : - Dans ce cas les Grisons ont un droit sur la Valteline qu'ils ont possédée autrefois et qu'ils n'ont perdue qu'à l'époque de Napoléon, et pas à l'époque romaine. Mais M. est têtu (ce qui me plait) et réplique :

- Les juifs ont rendu Israël fertile, le pays était désert et vide avant eux. Il doit appartenir à celui qui le cultive ... Moi :

- Et les vallées grisonnes, n'y trouve-t-on pas des ferme de montagnes et des vallées abandonnées par les Grisons ? ... Et pourtant les indigènes ne toléraient pas une immigration juive ? Autrefois, les colporteurs juifs qui traversaient les Grisons de temps à autre étaient vus d'un mauvais oeil par les Grisons qui ne leur ont jamais accordé le droit d'établissement ....

Nous découvrons un texte historique du 16e siècle illustrant l'antisémitisme local. Les élèves sont frappés par d'étranges amalgames : autrefois les Grisons étaient antisémites ; aujourd'hui ils sont sionistes. L'antisémitisme classique souhaite éloigner les juifs des Grisons, le sionisme souhaite les voir en Israël : ainsi peut-être s'agit-il des deux faces d'une même médaille ? ...

Auteur: Meienberg Niklaus

Info: Jours tranquilles à Coire, Zoé édition

[ irrédentisme ]

 

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inconnaissance

Cette poussée du fluide vital, de la vie... ce stress... angoisse du vide qui fait bouger... qui amène le singe humain - gamins jaloux en incessante compétition avec ses semblables - à un constant dépassement... vers on ne sait quoi. Dépassement motivé par des "valeurs" étranges : l'homme le plus réconfortant, la plus belle femme... voiture... la meilleure situation. Envies comparatives constamment attisées par des pubs clinquantes qui poussent surtout à la frustration... 

Processus qui aboutissait ici à la floraison de retraités dubitatifs, parfois bonhommes, souvent donneurs de leçons. Singularités humaines destinées à passer le plus "long temps" à vieillir, à légumer... et faire trainer tout ça sur quarante années... Ainsi voyait-il une Suisse émolliée, EMS en plein bon air des montagnes, nation heureusement soutenue par les forces vives d'immigrés moins exigeants sur le bien-être - mais vite convertis quand-même. Au total un surencombrement absurde puisque ce niveau de vie, ramené à l'échelle du monde aurait nécessité au moins six planètes en terme de ressources.

Et, comme beaucoup d'autres occidentaux, chaque helvète conservait malgré tout ses habitudes de voyage à l'étranger, qualité de la vie... droit à "manger dehors" deux fois par semaine dans des bistrots où l'addition pour un repas de deux personnes aurait permis à une famille soudanaise de vivre une année...

Il admettait que tout ceci ne pouvait que vous dépasser et demeurer incompréhensible. Qu'aurait été le libre arbitre individuel sans celà ?  Juger est inutile, on se retrouve dans une boucle géo-temporelle mystérieuse, la sienne. Malgré tout son vécu, le moi-incarnation - miroir du monde et de l'univers - hormis son éventuel rôle d'enfanteur passeur de vie - reste incertain. Celui de l'espèce humaine idem.

Cependant le mental fureteur conserve ouvertes toutes les possibilités concernant un éventuel au-delà...  possibilités du futur... et autres idées sur une prédestination quelconque. 

Et plus l'âge avance, plus s'évase et se dilue l'insondable l'énigme.


Auteur: Mg

Info: 10 juin 2022

[ limitation ] [ zéro et infini ] [ surpopulation ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

cosmos

Depuis que nos ancêtres communiquent par l'écriture - c'est à dire quelques millénaires - l'apparence du monde n'a pas changé. Il est toujours question de nuits étoilées, d'infini océanique, d'individus avides et jaloux, d'amour, de montagnes immuables...

Il y a donc cette réalité stable, partagée par l'homme depuis des centaines de générations, alors que la tradition boudhiste nous parle d'impermanence : rien n'est immuable, tout est illusion, miroir de l'âme, etc...

Concepts avec lequel je suis plutôt très d'accord, précisant au passage combien les "vitesses" des incarnations diverses sont hétéroclites. On imagine qu'un diamant pourra conserver forme et enveloppe des millions d'années, au contraire d'une cerise bien mûre.

Nous autres être humains partageons une planète, des sens et des sensations similaires, une existence qui dure grossièrement un petit siècle... et c'est marre.

Ainsi, vu de notre race, il y a ce différentiel entre un monde personnel éphémère et un monde collectif humain guère plus durable. La durée de notre espèce, allez, disons 5 millions d'années, restant tout à fait dérisoire au regard de ce que nous savons de la durée de l'univers.

Cette réflexion sur les interactions de notre décor donne à voir des émergences de formes tellement variées, aux vitesses de floraisons dans le réel si différentes, que surgit alors un spectacle insensé, pour qui tente de s'en faire une représentation globale.

Vision fantasmagorique où interagissent couleurs, sons, ondes... forces immenses et lentes, ou rapides et légères comme les insaisissables neutrinos - comme deux univers en train de copuler chez l'observateur humain.

Toutes interactions générant des entités aptes à se maintenir sous des formes (soleils, humains, persil...) qui se reproduisent en conservant certaines qualités, fonctions et apparences propres quasi similaires. Chacune, à l'intérieur de ces forme/monades spécifiques, étant toujours une variation des autres, parce que la nature ne fait jamais la même chose.

Sinon elle s'ennuie - et est simultanément en danger de disparaître.

Car l'uniformité c'est la mort.

Auteur: Mg

Info: 3 juin 2013

[ éloge ] [ variété ] [ simultanéïté ] [ perspectiviste ] [ dualité ]

 

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art pictural

Or les plus beaux dessins de Kalmykov datent de cette période. Les femmes y ressemblent à des palmiers ou à des fruits du Sud. Elles ont les mains fines, les yeux en amande. De haute taille, debout ou couchées, elles emplissent toute la surface de la feuille. Quelques-unes ont des ailes, telles des fées. D'autres sont simplement des femmes. Sur des dessins publiés, le long et lourd vêtement d'intérieur n'est que jeté sur les épaules. Il laisse voir la jambe, la poitrine, le torse. La femme porte un vase de style oriental comme on en fait dans les montagnes. Sur une petite table, un candélabre allumé (on dirait un rameau avec trois fleurs écloses) et un livre ouvert avec un signet. Dans le silence de la nuit, où va donc cette belle solitaire, que suit - chien ou chat ?- une créature étrange. Un autre dessin est intitulé Jazz lunaire. Une blonde élancée, douce et froide (il est à présumer que Kalmykov n'admettait qu'un seul type de beauté féminine), avec des ailes de papillon, porte sur un plateau une bouteille à col fin et un vase d'où jaillit une branche. Ici encore, les vêtements laissent voir le corps. (Plus exactement, tout le corps est une ligne ondoyante enfermée dans l'ovale des vêtements.) Et, ici, encore, il fait nuit. Au fond, un serviteur, en coiffure et cape baroques, descend les marches d'une estrade. Kalmykov a laissé deux ou trois cents de ces dessins dont la vertu d'envoûtement est indicible. Les techniques employées sont diverses : le pointillé et la ligne continue des contours vides ou habités de couleur, le crayon aussi bien que l'aquarelle. Dans Le Chevalier Motte, le personnage n'est pas sans ressembler à Kalmykov : même cape tumultueuse, même béret, même capuchon de couleur démente, et les décorations de tous les pays existants ou non ! L'homme va, il rit, il vous regarde. En public, Kalmykov n'a jamais ri. Jamais il n'a laissé entrer personne dans cet univers de jazz lunaire, de belles allées qui prennent leur vol et de cavaliers superbes. Dans cet univers-là, il a toujours été seul.

Auteur: Dombrovskij Ûrij Osipovic

Info: La faculté de l'inutile

[ femmes-par-hommes ] [ littérature ]

 
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oppression

Toutes les forêts s'emplissent de voix tonnantes! Tocsin! tocsin! Que de chaque maison il sorte un soldat ; que le faubourg devienne régiment ; que la ville se fasse armée. Les prussiens sont huit cent mille, vous êtes quarante millions d'hommes. Dressez-vous, et soufflez sur eux ! Lille, Nantes, Tours, Bourges, Orléans, Dijon, Toulouse, Bayonne, ceignez vos reins. En marche ! Lyon, prends ton fusil. Bordeaux, prends ta carabine. Rouen, tire ton épée, et toi, Marseille, chante ta chanson et viens terrible. Cités, cités, cités, faites des forêts de piques, épaississez vos baïonnettes, attelez vos canons, et toi village, prends ta fourche. On n'a pas de poudre, on n'a pas de munitions, on n'a pas d'artillerie ? Erreur ! on en a. D'ailleurs les paysans suisses n'avaient que des cognées, les paysans polonais n'avaient que des faux, les paysans bretons n'avaient que des bâtons. Et tout s'évanouissait devant eux ! Qui veut peut. Un mauvais fusil est excellent quand le coeur est bon ; un vieux tronçon de sabre est invincible quand le bras est vaillant. C'est aux paysans d'Espagne que s'est brisé Napoléon. Tout de suite, en hâte, sans perdre un jour, sans perdre une heure, que chacun, riche, pauvre, ouvrier, bourgeois, laboureur, prenne chez lui ou ramasse à terre tout ce qui ressemble à une arme ou à un projectile. Roulez des rochers, entassez des pavés, changez les sillons en fosses, combattez avec les pierres de notre terre sacrée, lapidez les envahisseurs avec les ossements de notre mère la France. O citoyens, dans les cailloux du chemin, ce que vous leur jetez à la face, c'est la Patrie... Faisons la guerre de jour et de nuit, la guerre des montagnes, la guerre des plaines, la guerre des bois. Levez-vous ! Levez-vous ! Pas de trêve, pas de repos, pas de sommeil ; le despotisme attaque la liberté, l'Allemagne attente à la France. Qu'à la sombre chaleur de notre sol cette colossale armée fonde comme la neige. Que pas un point du territoire ne se dérobe au devoir. Organisons l'effrayante bataille de la Patrie. O francs-tireurs, allez, traversez les halliers, passez les torrents, profitez de l'ombre et du crépuscule, serpentez dans les ravins, glissez-vous, rampez, ajustez, tirez, exterminez l'invasion. Défendez la France avec héroïsme. Soyez terribles, ô patriotes!

Auteur: Hugo Victor

Info: Publié par les Lettres française clandestines, n° spécial, 1er août 1944

[ résistance ] [ nationalisme ] [ Gaule ]

 

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hommes médiévaux

Nous appelons fanatisme, exagération leurs vertus chevaleresques, leurs dévouements sublimes : quel nom mérite notre égoïsme ? Ils bâtissaient des églises et des couvents : nous bâtissons des théâtres et des prisons. Avaient-ils commis quelque crime, ils en demandaient publiquement pardon à Dieu et aux hommes : nous nous en faisons gloire. Menacés ou atteints des fléaux du ciel, ils s’humiliaient : nous blasphémons. De leur temps, lorsqu’on éprouvait quelque grand chagrin, on priait : aujourd’hui on se tue. Nous parlons de leur ignorance : où sont nos lumières ? Est-ce dans ces temps de ténèbres ou dans nos siècles éclairés que se trouvent les notions les plus justes du droit, de l’autorité, de la propriété, du bien et du mal ?

Nous vantons la beauté de nos langues modernes : ils les ont créées. Nous avons découvert la vapeur et l’électricité : ils ont découvert la boussole, l’imprimerie et inventé la poudre. Nous avons produit des montagnes de livres : ils ont produit l’Imitation. Nous chantons nos gloires dans la guerre, dans les sciences et dans les arts : étaient-ils aussi barbares que nous nous plaisons à le dire, les siècles qui produisirent dans la guerre Charlemagne, Du Guesclin, Godefroy de Bouillon ; dans les sciences politiques, Alcuin, saint Grégoire VII, saint Louis et Suger ; dans la théologie, saint Bonaventure et saint Thomas ; dans l’éloquence, saint Bernard, saint Antoine de Padoue, saint Vincent Ferrier ; dans la philosophie, saint Anselme ; dans la poésie et la littérature, Dante et Pétrarque ; dans les sciences physiques, Gerbert et Roger Bacon ? Étaient-ils des sauvages, fils et frères de sauvages ceux qui lancèrent dans les nues les flèches de nos cathédrales, qui en découpèrent si délicatement toutes les parties, qui en peuplèrent les clochetons et les galeries d’un peuple de statues, qui écrivirent l’histoire du temps et de l’éternité en caractères d’or, de pourpre et d’azur aux murailles et aux vitraux de leurs magnifiques édifices ?

Mais, dit-on, ils ne jouissaient pas de la liberté de la pensée. Ce que je sais, c’est que nous en avons le dévergondage. Ils vivaient dans l’oppression ; nous sommes ingouvernables. Ils étaient vêtus de bure ; nous portons du calicot. Ils se nourrissaient de pain noir ; nous mangeons des pommes de terre. Ils vivaient dans leurs familles comme des renards dans leurs tanières ; nous vivons dans l’atelier et nous n’avons plus de famille.

Auteur: Gaume Jean-Joseph

Info: "Le Ver rongeur"

[ moyen âge ] [ comparaison ] [ éloge ] [ dévaluation des contemporains ] [ plaidoyer ] [ monde d'hier ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

communauté religieuse

Le surlendemain, Marchenoir commençait à pied l’ascension du Désert de la Grande-Chartreuse. Lorsqu’il eut franchi ce qu’on appelle l’entrée de Fourvoirie, rainure imperceptible entre deux rocs monstrueux, au-delà desquels la vie moderne paraît brusquement s’interrompre, une sorte de paix joyeuse fondit sur lui. Il allait enfin savoir à quoi s’en tenir sur cette Maison fameuse dans la Chrétienté, — si bêtement entrevue, de nos jours, à travers les fumées de l’alcoolisme démocratique, — ruche alpestre des plus sublimes ouvriers de la prière, de ceux-là qu’un vieil écrivain comparaît aux Brûlants des cieux et qu’il appelait, pour cette raison, les "Séraphins de l’Église militante !"



Les gens badigeonnés d’une légère couche de christianisme, qui veulent que les pèlerinages soient commodes, affirment sous serment que le monastère est inaccessible dans la saison des neiges. L’effet heureux de ce préjugé est une restitution périodique de l’antique solitude cartusienne tant désirée par saint Bruno pour ses religieux !



L’énorme affluence des voyageurs, dans ce qu’on est convenu d’appeler la belle saison, doit être, pour les solitaires, une bien pesante importunité. La foi du plus grand nombre de ces curieux n’aurait certainement pas la force évangélique qui fait bondir les montagnes, et beaucoup viennent et s’en vont qui n’ont pas d’autre bagage spirituel que le très sot journal d’un touriste sans ingénuité. N’importe ! ils sont reçus comme s’ils tombaient du ciel, — aérolithes mondains de peu de fulgurance, qui ne déconcertent jamais l’accueillante résignation de ces moines hospitaliers



La Grande-Chartreuse doit donc être visitée en hiver par tous ceux qui veulent se faire une exacte idée de cette merveilleuse combinaison de la vie érémitique et de la vie commune qui caractérise essentiellement l’ordre cartusien, et dont la triomphante expérience accomplit, tout à l’heure, son huitième siècle.



Fondée, en 1084, la famille de saint Bruno, — rouvre glorieux qui couvrit le monde chrétien de sa puissante frondaison, — seule entre toutes les familles religieuses, a mérité ce témoignage de la Papauté : Cartusia nunquam reformata, quia nunquam deformata, l’ordre des Chartreux, ne s’étant point déformé, n’a jamais eu besoin d’être réformé.



Dans un siècle aussi jeté que le nôtre aux lamproies ou aux murènes de la définitive anarchie qui menace de faire ripaille du monde, il est au moins intéressant de contempler cet unique monument du passé chrétien de l’Europe, resté debout et intact, sans ébranlement et sans macule, dans le milieu du torrent des siècles.

Auteur: Bloy Léon

Info: Dans "Le Désespéré", Livre de poche, 1962, pages 95-97

[ description ] [ historique ] [ admiration ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

attentats du 11/9 2001

Jamais, à la différence des Etats-Unis d’aujourd’hui, l’Occident ne s’est cru innocent, et c’est ce qui faisait sa force. Plus loin que la tragédie du World Trade Center et du Pentagone, c’est cette innocence de l’Amérique, propagatrice infatigable à travers la planète de son mode de vie non contradictoire, qui a été prise pour cible et touchée au cœur. L’innocence, d’une certaine façon, porte le désastre en elle-même ; elle entraîne également l’impossibilité de comprendre pourquoi l’ennemi vous en veut à ce point, et surtout pourquoi il attaque avec une telle sauvagerie.

"Comment peut-on nous faire ça ?" se sont aussitôt demandé les Américains. La même incompréhension a été perceptible dans l’une des premières déclarations de Bush parlant du "combat monumental du Bien contre le Mal". Une si infantilisante rhétorique a de quoi inquiéter […]. […] S’il y a réellement eu un génie de la civilisation occidentale, il a consisté pendant des siècles à ne pas divorcer complètement du Mal, ce qui permettait de le connaître et de le maîtriser, et aussi de ne pas penser que l’on pouvait jamais en triompher de manière définitive. Mais la société qui, en Occident, succède au judéo-christianisme, s’est fixé comme avenir paradisiaque l’évanouissement du Mal. Cette perspective a d’ailleurs sa traduction économique dans l’idéal d’une planète sans frontières, parfaitement uniformisée, parfaitement touristisée et parfaitement marchande. […] Aux valeurs occidentales complètement déglinguées, répond presque systématiquement un islamisme fondamentaliste, totalitaire et "moderne" lui aussi, dont Oussama Ben Laden est en passe de devenir l’incarnation avec sa barbe de légende, sa Kalachnikov, ses sociétés off-shore, sa silhouette sortie d’une Bible illustrée par Gustave Doré, sa Djihad assistée par ordinateur et ces grottes mythiques des montagnes d’Afghanistan d’où il minotaurise le reste du monde et diffuse par mail ses instructions meurtrières […].

Oui, tout est littéralement sans nom dans la nouvelle configuration planétaire. Les terroristes kamikazes qui ont détourné quatre Boeing le 11 septembre dernier [2001] et les ont transformés en bombes volantes étaient inhumains, bien sûr, mais qu’est-ce qu’il y a encore d’humain dans les sociétés néo-occidentales qui s’apprêtent à pratiquer le clonage reproductif dans la joie et où d’hallucinantes réformes sociétales, remettant en cause les plus élémentaires données anthropologiques de l’espèce, sont accueillies comme de merveilleuses conquêtes du progrès, et des avancées dans cette lutte essentielle de la civilisation qu’est le combat total contre les discriminations, et où se résume tout ce qui reste de l’énergie d’un Occident qui n’était que décombres bien avant que les entrepreneurs de démolitions d’Al-Qaida ne s’en chargent ?

Auteur: Muray Philippe

Info: Dans "Exorcismes spirituels, tome 3", Les Belles Lettres, Paris, 2002, pages 417-418

[ paille-poutre ] [ manichéisme naïf ] [ absence de remise en question ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

onirisme

On découvrit dans les années 70, une tribu primitive des forêts de Malaisie, les Senoïs. Ils organisaient leur vie autour de leurs rêves. Tous les matins au petit déjeuner, autour du feu chacun ne parlait que de ses rêves de la nuit. Si un Senoï pensait avoir nui à quelqu'un, il devait offrir un cadeau à la personne lésée. S'il avait rêvé avoir été frappé par un membre de l'assistance, l'agresseur devait s'excuser et lui donner un présent pour se faire pardonner. Chez eux le monde onirique était plus riche d'enseignement que la vie réelle. Si un enfant disait avoir rencontré un tigre et s'être enfui, on l'obligeait à rêver à nouveau du félin la nuit suivante, à se battre avec lui et à le tuer. Les anciens lui expliquaient comment s'y prendre. Si l'enfant ne réussissait pas à venir à bout du tigre, toute la tribu le réprimandait. Dans le système de valeurs Senoï, si on rêvait de relations sexuelles, il fallait aller jusqu'à l'orgasme et remercier ensuite dans la réalité le conjoint désiré par un cadeau. Face aux adversaire hostiles des cauchemars, il fallait vaincre puis réclamer un cadeau à l'ennemi afin de s'en faire un ami :Ler rêve le plus convoité était celui de l'envol. Toute la communauté félicitait l'auteur d'une telle performance. Pour un enfant annoncer un plein essor était un baptême. On le couvrait de présents puis on lui expliquait comment voler en rêve jusqu'à des pays inconnus et en ramener des offrandes exotiques. Les Sénoïs séduisirent les ethnologues occidentaux. Leur société ignorait les violences et les maladies mentales. C'était une société dans stress et sans ambition de conquête guerrière. Les Senoï disparurent quand la partie de la forêt ou ils vivaient fut livrée au défrichement. Nous pouvons tous commencer à appliquer leur savoir. Tout d'abord, consigner chaque matin le rêve de la nuit, lui donner un titre, en préciser la date. Puis en parler avec son entourage au petit déjeuner par exemple. Aller plus loin encore en appliquant les règles de base de l'onironautique. Décider ainsi avant de s'endormir le choix de son rêve : faire pousser les montagnes, modifier la couleur du ciel, voyager dans tel ou tel endroit... Dans les rêves, chacun est omnipotent. Le premier test d'orinautique consiste à s'envoler. Etendre les bras, planer, piquer en vrille, remonter : tout est possible. Cela demande un apprentissage progressif. Les heures de "vol" apportent de l'assurance et de l'expression. Les enfants n'ont besoin que de cinq semaines pour pouvoir diriger leurs rêves. Chez les adultes plusieurs mois sont parfois nécessaires.

Auteur: Werber Bernard

Info: Encyclopédie du savoir relatif et absolu

[ songe ] [ contrôle ] [ anthropologie ] [ peuples premiers ]

 
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