Citation
Catégorie
Tag – étiquette
Auteur
Info



nb max de mots
nb min de mots
trier par
Dictionnaire analogique intriqué pour extraits. Recherche mots ou phrases tous azimuts. Aussi outil de précision sémantique et de réflexion communautaire. Voir la rubrique mode d'emploi. Jetez un oeil à la colonne "chaînes". ATTENTION, faire une REINITIALISATION après  une recherche complexe. Et utilisez le nuage de corrélats !!!!..... Lire la suite >>
Résultat(s): 19
Temps de recherche: 0.0414s

désert

Ses ancêtres appartenaient à une tribu de Bédouins nomades. Ils s'arrêtaient dans les oueds, ces lits de fleuve recouverts de végétation, et ils montaient leurs tentes. Les chèvres allaient paître, les femmes cuisinaient sur les pierres brûlantes. Ils n'avaient jamais quitté le désert. Ils se méfiaient un peu des gens de la côte, marchands, corsaires. Le désert était leur maison, ouverte, sans limites. Le désert était leur mer de sable. Tacheté de dunes comme le pelage d'un jaguar. Ils ne possédaient rien. Rien que des traces de pas que le sable bientôt effaçait. Le soleil faisait glisser les ombres. Ils étaient habitués à résister à la soif, à se dessécher comme des dattes, sans mourir. Un dromadaire leur ouvrait la voie, une ombre longue et tordue. Ils disparaissaient au milieu des dunes.
Nous sommes invisibles aux yeux du monde, mais pas à ceux de Dieu.
Ils se déplaçaient avec cette pensée au coeur.

Auteur: Mazzantini Margaret

Info: La mer le matin

[ Islam ] [ minéral ] [ Maghreb ] [ littérature ]

 

Commentaires: 0

nature

Mais la véritable fête, c'est la lumière qui me la donnait : les jeux conjugués de la pluie et du soleil transformaient mon repaire de verdure en une manière de grotte océanique où tous les tons du vert, du jade au céladon, de l'émeraude à l'aigue-marine, rivalisaient dans cette pénombre élyséenne criblée de rayons. La plus mince ramure baignait dans une mousse de lumière dorée qui paraissait puiser son éclat à quelque fabuleuse source intérieure. Je ne me lassais pas de contempler à travers l'épaisseur du feuillage encore nappé de pluie, mais d'où montaient déjà les premières vapeurs, l'irisation des gouttes suspendues qui, durant un moment dont j'aurais souhaité prolonger les délices, continuaient l'une après l'autre à se détacher, comme à regret, de l'extrême pointe des feuilles vernissées. Je ne savais pas encore que je découvrirais dans cet avènement éphémère d'une oeuvre de la nature une préfiguration du plaisir que je trouverais un jour dans les accomplissements de l'art des hommes.

Auteur: Bertin Charles

Info: La Petite Dame en son jardin de Bruges, p 17

[ clarté ] [ beaux-arts ]

 

Commentaires: 0

unicité

Dans la pâle lueur des étoiles et du brasillement de l'eau, les paquets de mer semblaient briller d'eux-mêmes, comme des des créatures vivantes qui montaient et descendaient, disparaissaient et renaissaient dans un chaos désemparé. J'avais l'impression d'être dans un autre monde, et je pensais comprendre comment il avait dû être facile pour les Celtes d'autrefois de supprimer la frontière entre la réalité et la fiction. Pour eux, les animaux et les êtres humains, la nature et la civilisation étaient deux facettes d'une même chose. Même leurs outils avaient une âme. Les artisans habiles étaient considérés comme des dieux. Pour nous, qui ne pouvons vivre sans tracer de limites entre la vérité et le mensonge, entre la certitude et la croyance, il est difficile de comprendre un peuple qui peut vivre seulement de vérité et de certitude. Dans les dizaines de milliers de vers conservés dans les anciens manuscrits irlandais, il n'est nullement fait référence à quelqu'un qui profère un mensonge. Le mot n'existe pas; de même les Celtes n'avaient pas de mot qui couvre la notion de conte.

Auteur: Larsson Björn

Info: Le Cercle celtique

[ rationalisme ] [ océan ] [ nuit ] [ panpsychisme ] [ dualisme ]

 

Commentaires: 0

littérature

Les feuilles d'automne, portées par le vent chaud, montaient jusqu'au balcon, traînant, derrière les volets, comme le pas d'un inconnu; une persienne battait de temps à autre. C'était le sirocco d'automne. A cette heure, le ciel doit être bas, se mit à penser Leonardo; les trottoirs pleins de gens marchant lentement, mains dans les poches, ouvrant la bouche devant les miroirs des boutiques, pour se regarder la langue ou simplement pour bâiller; l'avocat De Marchi doit être assis à une table de la Brasserie, qu'il ne quittera pas avant minuit; les cafés remplis d'hommes, comme des casernes; les jeunes gens, réunis par groupes de dix ou vingt, ont dû commencer à échanger de ces bourrades qui envoient les plus maigres cogner contre le mur; sur les étals des marchés de quartier, éclairés au gaz, sont apparues de longues files de poissons, froids comme des couteaux, et des gamins pieds nus insultent les minuscules passants à chapeaux mous qui n'ont pas voulu acquérir ces grands poissons couleur de métal. Oui, c'était le Sud. Et ce vent, qui faisait claquer les persiennes, arrivait d'Afrique.

Auteur: Brancati Vitaliano

Info: Les années perdues

[ méditerranée ] [ ville ]

 

Commentaires: 0

cadavre

Pendant ses heures de service, lorsqu'il se lassait de contempler le café de loin, Abdullah tournait ses regards vers les lances des deux sentinelles qui montaient la garde jour et nuit devant la niche. Mais c'était un spectacle fort monotone, et il n'y accordait d'attention qu'aux moments où la place était déserte. En revanche, lorsque celle-ci se remplissait de monde, il trouvait intéressant de suivre des yeux le mouvement des prunelles des badauds ou des touristes confrontés pour la première fois avec la tête. Il savait bien que la vision d'une tête tranchée n'était pas un spectacle habituel pour personne, et pourtant, lui semblait-il, la terreur et l'émoi qui se lisaient sur les visages des spectateurs dépassaient les limites de l'imaginable. Il avait le sentiment que ce qui les impressionnait le plus, c'étaient les yeux et cela non pas tant parce que c'était des yeux de mort, mais parce que comme tout le monde, ils avaient l'habitude de ne voir les yeux d'un homme que comme une partie de son corps. Et c'était peut-être précisément cette absence de corps, se disait Abdullah, qui faisait paraître les yeux de la tête tranchée plus grands et plus importants qu'ils ne l'étaient en réalité.

Auteur: Kadaré Ismaïl

Info: La niche de la honte

[ physionomie ]

 

Commentaires: 0

Ajouté à la BD par miguel

accouchement

A l'aube d'un matin brumeux d'automne, le travail de Miriam commença. Elle crut d'abord que c'était le rauque appel des corbeaux qui l'avait réveillée. Puis quelque chose se tordit, roula dans son ventre tendu et elle se mit à crier. Fanny vint en courant et Eugene envoya Blaise chercher le médecin. C'était commencé. A mesure que le soleil ayant crevé le brouillard escaladait le ciel, la douleur monta avec lui. Elle venait en spirales ascendantes puis se brisait. Les spirales montaient de plus en plus vite, de plus en plus serrées. A la descente, le rythme ralentissait, elle apercevait des bandes jaunes de soleil sur le plafond et son propre bras faiblement étendu sur le drap. Puis la douleur montait de nouveau et le monde entier se réduisait au creux de son ventre dans lequel la bataille se déroulait. A la retombée de la vague, elle se vit telle qu'on la voyait : une pauvre chose honteuse - non, avant tout, elle ne devait pas perdre sa dignité, ses cris ne devaient pas résonner à travers toute la maison ni franchir la fenêtre. Elle fourra son poing dans la bouche - je ne hurlerai pas, je ne hurlerai pas, je ne hurlerai pas. Je vais tenir.

Auteur: Plain Belva

Info: Comme un feu secret

 

Commentaires: 0

distraction

On dit que Sir Isaac Newton lisait un jour Troïlus et Cressida à la jeune fille qui devait être sa femme. Il ferma un moment le volume pour bourrer et allumer sa pipe. Il tira quelques bouffées de tabac, s'arrêta quelques secondes, remit sa pipe à la bouche et se rapprocha de la jeune fille.
Il y eut une pause embarrassante de plusieurs minutes. Sir Isaac devenait de plus en plus troublé. Évidemment, il allait faire sa déclaration. La jeune fille baissa les yeux en rougissant. Le philosophe se mit à fumer avec un redoublement d'ardeur, et, saisissant la main de sa maîtresse, il l'approcha de son coeur. La jeune fille troublée n'offrit aucune résistance. On touchait au moment solennel.
Sir Isaac serra cette douce main, tout en continuant à regarder vaguement les nuages de fumée qui montaient en spirales, puis il saisit l'index de la jeune fille et l'introduisit à différentes reprises dans le fourneau de sa pipe, en pressant sur le tabac.
Dans sa distraction, le philosophé s'était servi du doigt de sa maîtresse comme d'un bourre-pipe !
La demoiselle poussa un cri de douleur, dégagea sa main et s'enfuit à la hâte. Elle ne paraît pas avoir gardé rancune à Newton, puisque plus tard elle devint sa femme.

Auteur: Dufresny Charles

Info: in le Dictionnaire encyclopédique d'anecdotes modernes, anciennes, françaises et étrangères d'Edmond Guerard

[ courtiser ] [ couple ]

 

Commentaires: 0

cité imaginaire

Jamais, dans mes voyages je n'avais poussé jusqu'à Adelma. C'était la tombée de la nuit lorsque j'y débarquai. Sur le quai, le marin qui saisit la corde au vol et l'enroula à la bitte ressemblait à un homme qui avait été soldat avec moi, et qui était mort. C'était l'heure du marché de gros. Un vieillard chargeait un panier d'oursins sur un chariot ; je crus le reconnaître ; quand je me retournai, il avait disparu dans une petite rue, mais j'avais compris qu'il ressemblait à un pêcheur, déjà âgé dans mon enfance, qui ne pouvait plus se trouver parmi les vivants. La vue d'un malade atteint par les  fièvres et recroquevillé par terre avec une couverture sur la tête me troubla : peu de jours avant de mourir, mon père avait les yeux jaunes et la barbe hérissée exactement comme lui. Je détournai le regard ; je n'osais plus dévisager personne.

Je pensai : "Si Adelma est une ville que je vois en rêve, où ne se rencontrent que des morts, ce rêve me fait peur. Si Adelma est une ville véritable, habitée par des vivants, il suffira de continuer à la dévisager jusqu'à ce que les ressemblances se dissolvent et qu'apparaissent des figures inconnues, mais porteuses d'angoisse. Dans un cas comme dans l'autre il est préférable que je ne persiste pas à regarder."

Une marchande de quatre-saisons pesait un chou frisé sur une balance romaine avant de le mettre dans un panier suspendu à une corde qu'une jeune fille faisait descendre d'un balcon. La jeune demoiselle était semblable à une fille de mon pays qui était folle d'amour et s'était suicidée. La marchande leva son visage : c'était ma grand mère.

Je pensai : "Il arrive un moment dans la vie où tous ceux qu'on a connus, les mort sont plus nombreux que les vivants. Et l'esprit se refuse à accepter d'autre physionomies, d'autres expressions : sur toutes les nouvelles figures qu'il rencontre il imprime les vieux dessins, pour chacun il trouve le masque qui colle le mieux."

Les débardeurs montaient des escaliers l'un derrière l'autre, ployés sous les dames-jeannes et les barils ; leurs visages étaient dissimulés par des capuches en toile de sac. "Voilà, ils les retirent et je les reconnais", pensais-je à la fois impatient et craintif. Mais je ne les quittais  pas des yeux ; pour peu que je jette un regard sur la foule qui emplissait ces ruelles, je me voyais assailli par des figures inattendues, revenant de loin, comme pour me reconnaître, comme si elles m'avaient reconnu. Peut-être que moi, pour chacun d'eux je ressemblais à quelqu'un qui était mort. A peine étais-je arrivé à Adelma et j'étais déjà un des leurs, j'étais passé de l'autre côté, confondu dans ce flot d'yeux, de rides et de grimaces. Je pensai : "Peut-être qu'Adelma est la ville où l'on arrive quand on meurt et où chacun retrouve ceux qu'il a connus. C'est signe que moi aussi je suis mort." Je pensai encore : "Et c'est signe qu'au delà, ce n'est pas le bonheur?"

Auteur: Calvino Italo

Info: Villes invisibles

[ onirique morbidité ] [ funèbres obsessions ]

 

Commentaires: 0

Ajouté à la BD par miguel

colonialisme

Un groupe de motards surgit de nulle part, alors que j'étais occupé à faire mes besoins loin du douar, à la tombée du soir, moment propice pour se cacher des regards, s'accroupir quelque part, à ses risques et périls descendre son pantalon dans le noir, rester ainsi camouflé, à l'orée du village, comme pour voler des poules fait le renard, à guetter le vide, à scruter le ciel, ou à sonder le brouillard. Le temps d'un gargouillement, d'une contorsion, d'un soulagement, avant de repartir vers sa case qui, comme toutes les habitations autour, n'avait ni robinet, ni bidet, ni baignoire ; Ils étaient quatre, deux hommes, deux femmes, avec de gros casques, des blousons et des pantalons en cuir, des bottes qui leur montaient aux genoux, Ils allaient dans le désert, mais s'étant égarés quelque part, et voyant que bientôt la nuit allait devenir noire, ils étaient venus chercher asile chez-nous,

Et bien que m'ayant surpris dans une posture peu honorable, ils semblaient contents de voir que je parlais leur langue comme je remontais mon pantalon, aisément. Hospitalité oblige, après quelques politesses, une blague ou deux, je les invitai dans mon gourbi, une chambre en pisé, qui en même temps me servait de salle de classe et de logement. Je n'avais pas parlé français à quelqu'un, hormis à mes pauvres élèves, depuis longtemps, et tout fier, pour une fois que j'avais de la compagnie, je profitais joyeusement de l'occasion. À la lumière blafarde d'une bougie, nous discutâmes des choses de la vie, et j'étais déçu de constater que mes hôtes étaient surpris de voir que j'avais un jeu d'échecs, une guitare, que je connaissais Pétrarque, Ronsard, que sur ma table de chevet, les Contemplations voisinaient avec les Illuminations, les Rêveries, Les Méditations... Ils s'en étonnaient exagérément, échangeaient des clins d'oeil un peu sceptiques, un peu moqueurs, multipliaient les compliments, comme fait le maître pour flatter un bon élève au moment où il lui rend son devoir. 

Soudain, j'avais honte d'enseigner leur langue, me sentis être un animal étrange, un curieux spécimen. J'étais jeune, débutant, peu initié aux secrets de la nature humaine, mais ce soir-là, j'eus la désagréable sensation d'être leur bon apôtre. Un déchirement viscéral scinda mon âme qui, tant bien que mal, à son exil absurde avait jusque-là survécu, tenace, brave, pareille au taureau que dans une arène à qui mieux mieux on malmène. 

À une fausse identité, une autre, ni meilleure, ni pire, allait s'ajouter, la quête de soi devenir une réclusion à perpétuité, et le " je " éclater pour enfanter de beaucoup d' "Autres".

Seuls ceux qui, répondant à l'appel de leur coeur, ont honoré le métier de professeur, maintenu allumé le flambeau légué par leurs vaillants prédécesseurs. Contre les idées reçues, la vindicte de l'Histoire, ils avaient choisi d'aimer la langue de Molière, de l'adopter, de la chérir, de la transmettre à leurs frères et soeurs, ou dans des contrées arides, ou dans de lointaines montagnes, ou dans d'hostiles campagnes, ou dans la redoutable faune citadine. Par des temps où l'ignorance était aveugle, l'intolérance assassine, où les problèmes de l'enseignement étaient graves, où la cherté de la vie, le manque de moyens, la pression sociale s'ajoutaient au stress, à la fatigue, à la routine ;

Seuls ceux-ci, disais-je, se rappellent lorsqu'ils ils étaient jeunes, élèves de professeurs étrangers, qui étaient différents, courtois, humains, cultivés, sérieux, qui au lieu de leur service militaire chez-eux, venaient chez-nous enseigner cette matière, ceux qu'à l'époque on appelait " coopérants ". 

Grâce à eux, ils découvriront les grands noms de cette littérature, l'esprit cartésien, la société laïque, la pensée marxiste. Avec eux, de tout ils parleront librement, à l'occasion d'un passage de La Nausée, de L'Étranger, de Huis-clos ou de La Peste, aux temps de la mouvance existentialiste. Ces personnages itinérants, altruistes, tolérants, souvent bienveillants, furent pour beaucoup dans les choix que leurs disciples allaient faire. Il faut dire que le monde qu'ils représentaient leur semblait être plus avancé, plus policé que celui dans lequel les maintenaient prisonniers leurs parents. Les tabous n'étaient plus des tabous, les chaînes du conservatisme archaïque, anachronique, se brisaient contre le savoir libérateur.

Alors leurs initiateurs, souvent rescapés de La Révolution estudiantine de mai 68, adeptes du mouvement hippie, amoureux de la nature, défenseurs de la paix, les invitèrent de bonne heure à cette conquête ;

Ils choisirent alors, confiants, d'aller sur ces chemins heureux, d'explorer cette civilisation nouvelle qui, parmi les leurs, avait fait des écrivains rebelles : Chraïbi, Khatibi, Laâbi, Khaïr-Eddine, Kateb Yacine, Fatéma Mernissi, Taos Amrouche, Moloud Feroun, Maammeri, Dib, Boudjedra, Mimouni, Assia Djebbar, pour ne citer que ceux-là,

Des antiques poètes bédouins d'Arabie, des anciens penseurs d'un empire musulman chimérique, en ruines, ils oublièrent les satires, les panégyriques, du souk Okad les joutes verbales et toutes les éternelles querelles, pour, de Baudelaire, humer ses maléfiques Fleurs, avec Musset veiller ses longues Nuits, d'extase et de plaisir mourir dans les romans de Balzac, de Flaubert, de Stendhal, de Maupassant ou de Zola.

Plus ils avançaient dans ces terres fertiles, prospères, plus ils comprenaient les constructions des phrases, le rythme des vers, les alittérations, les assonances, les figures de rhétorique, les tonalités, les registres, les formes verbales et leur concordance, les connotations et les nuances. Quant à leurs idées, elles devenaient au fur et à mesure plus libérales, et révoltés, insoumis, ils rompirent définitivement avec leur Moyen Âge, pour épouser l'esprit rationnel - devant les clichés, les préjugés, les croyances et la superstition de leur société - de La Raison qui toujours prône l'arbitrage. 

Puis, ils furent appelés à transmettre ces bagages, après un long parcours qui les avait complètement remodelés. À un public qui à ses convictions séculaires restait sourdement lié, comme l'enfant au sein qui l'abreuve de bon lait, tandis que les conservateurs les regardaient d'un mauvais oeil, que les détracteurs de la modernité pensaient que leur âme leur avait été volée... Que souvent, d'athées, d'hérétiques, de pervers furent taxés les professeurs de français par les esprits sclérosés, dans leur propre patrie étrangers, bannis, exilés.

Pendant des décennies, le derrière entre deux chaises, l'esprit déchiré entre authenticité et modernité, ils ont lutté contre l'obscurantisme, l'ignorance, colportant les principes de La Liberté, de La Fraternité, de L'Égalité, dans des régions qui n'avaient ni la même devise, ni la même foi, ni le même type de gouvernance. De même que jadis leurs grands-parents, sans comprendre pourquoi, blancs-becs partirent guerroyer en Indochine, pour le drapeau tricolore en piètres héros, pour périr pendant les Deux Guerres,

De même eux sacrifiaient leur culture, sans comprendre pourquoi les français n'enseignaient pas en retour la langue berbère dans leurs écoles, pourtant ceux-ci allaient et venaient chez-eux comme ils voulaient, alors qu'eux devaient mendier un visa pour de l'Hexagone franchir les frontières. 

Si arbitrage de La Raison il doit y avoir, si la réalité ressemblait à ce mirifique savoir, si après de houleux combats Les Lumières, Les principes de La Charte ont dressé l'inventaire, de L'Égalité entre les peuples esquissé une tentative salutaire, est-ce seulement pour que leur langue soit enseignée vidée de toutes ses valeurs, chargée de principes qui avec les décisions que prennent les dirigeants ne sont jamais correspondants ?

Comme si les peuples étaient aveugles, comme s'ils étaient bêtes, comme s'ils n'étaient pas en mesure de comprendre qu'à la vérité, avec leur vis-à-vis, ils ne sont pas égaux, que dans le monde actuel, il est difficile, voire impossible d'être indépendant...

Auteur: Talbi Mohamed

Info:

[ francophone ] [ non réciprocité ] [ frustration ]

 

Commentaires: 0

Ajouté à la BD par miguel