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fin de vie

Une nouvelle étude révèle que les survivants rapportent des "expériences de mort imminente" lucides

Chez certains patients ayant subi un arrêt cardiaque, une activité cérébrale intense pendant la réanimation cardio-pulmonaire peut être le signe d'une "expérience de mort imminente".

Que se passe-t-il lorsque nous mourons réellement, c'est-à-dire lorsque notre cœur s'arrête et que l'activité électrique de notre cerveau se stabilise ?

L'homme se pose cette question depuis des temps immémoriaux. C'est une question difficile, car les morts ne nous répondent généralement pas sur la nature de leurs expériences. Les textes religieux sont capables de fournir une multitude d'explications. Mais les scientifiques n'ont pas renoncé à apporter leurs propres réponses et ils progressent dans la compréhension du processus cérébral de transition entre la vie et la mort.

Tout récemment, ces progrès ont été rendus possibles grâce à des recherches qui ont permis d'observer le cerveau de personnes qui se trouvaient au seuil de la mort. Certaines de ces personnes ont été en mesure de raconter ce qu'elles ont vécu. Selon des résultats publiés le 14 septembre dans la revue Resuscitation, le cerveau de certains patients ayant subi un arrêt cardiaque s'est mis à fonctionner à plein régime pendant la réanimation cardio-pulmonaire, même si leur cœur s'est arrêté de battre pendant près d'une heure. Un petit groupe de participants à l'étude qui ont survécu ont pu se souvenir de l'expérience, et une personne a pu identifier un stimulus audio diffusé pendant que les médecins tentaient de la réanimer.

Les chercheurs interprètent les enregistrements cérébraux qu'ils ont effectués sur ces patients comme des marqueurs d'"expériences lucides de la mort" - une observation qui "n'avait jamais été possible auparavant", déclare l'auteur principal, Sam Parnia, professeur agrégé de médecine à la NYU Langone Health et chercheur de longue date sur ce qui arrive aux gens lorsqu'ils meurent. "Nous avons également été en mesure d'avancer une explication cohérente et mécaniste pour expliquer ce phénomène.

Les "expériences de mort remémorées" - terme que Parnia préfère à celui d'"expériences de mort imminente" pour des raisons de précision - ont été rapportées dans diverses cultures tout au long de l'histoire. Certains scientifiques occidentaux ont rejeté ces récits en les qualifiant d'hallucinations ou de rêves, mais récemment, quelques équipes de recherche ont commencé à accorder une attention plus sérieuse à ces phénomènes en les considérant comme un moyen d'étudier la conscience et de faire la lumière sur les mystères de la mort.

Dans cette nouvelle étude, Parnia et ses collègues ont cherché à trouver une signature biologique des expériences de mort dont on se souvient. Ils ont collaboré avec 25 hôpitaux, principalement aux États-Unis et au Royaume-Uni. Le personnel médical a utilisé des appareils portables pouvant être placés sur la tête des patients en situation d'urgence cardiaque afin de mesurer les niveaux d'oxygène et l'activité électrique de leur cerveau sans interférer avec leur traitement médical. Les chercheurs ont également testé les perceptions conscientes et inconscientes en plaçant des écouteurs sur les patients qui diffusaient un enregistrement répété des noms de trois fruits : banane, poire et pomme. En termes d'apprentissage inconscient, une personne qui ne se souvient pas d'avoir entendu ces noms de fruits mais à qui l'on demande de "penser à trois fruits au hasard" peut tout de même donner la bonne réponse, explique Mme Parnia. Des recherches antérieures ont montré, par exemple, que même des personnes plongées dans un coma profond peuvent apprendre inconsciemment le nom de fruits ou de villes si ces mots leur sont chuchotés à l'oreille.

Entre mai 2017 et mars 2020, 567 personnes ont subi un arrêt cardiaque dans les hôpitaux participants. Le personnel médical a réussi à recueillir des données exploitables sur l'oxygène et l'activité cérébrale de 53 de ces patients, dont la plupart présentaient un état électrique plat sur les moniteurs cérébraux électroencéphalographiques (EEG). Mais environ 40 % d'entre eux ont ensuite connu une activité électrique qui a réapparu à un moment donné avec des ondes cérébrales normales ou proches de la normale, compatibles avec la conscience. Cette activité a parfois été rétablie jusqu'à 60 minutes après la RCP (CPR*).

Sur les 567 patients, seuls 53 ont survécu. Les chercheurs ont interrogé 28 des survivants. Ils ont également interrogé 126 personnes de la communauté qui avaient subi un arrêt cardiaque, car l'échantillon de survivants de la nouvelle étude était très réduit. Près de 40 % d'entre eux ont déclaré avoir perçu l'événement sans en avoir de souvenirs précis, et 20 % ont semblé se souvenir de la mort. Dans ce dernier groupe, beaucoup ont décrit l'événement comme une "évaluation morale" de "leur vie entière et de la manière dont ils se sont comportés", explique Mme Parnia.

Lors des entretiens avec les survivants, les chercheurs ont constaté qu'une seule personne était capable de se souvenir des noms des fruits qui avaient été joués pendant la réanimation cardio-pulmonaire. M. Parnia reconnaît que cette personne aurait pu deviner les bons fruits par hasard.

Lui et ses collègues ont élaboré une hypothèse de travail pour expliquer leurs résultats. Normalement, le cerveau dispose de "systèmes de freinage" qui filtrent la plupart des éléments de la fonction cérébrale hors de notre expérience de la conscience. Cela permet aux gens d'agir efficacement dans le monde, car dans des circonstances normales, "vous ne pourriez pas fonctionner en ayant accès à toute l'activité de votre cerveau dans le domaine de la conscience", explique-t-il.

Dans le cerveau mourant, cependant, les chercheurs supposent que le système de freinage est supprimé. Les parties normalement dormantes deviennent actives et le mourant a accès à l'ensemble de sa conscience - "toutes ses pensées, tous ses souvenirs, tout ce qui a été stocké auparavant", explique M. Parnia. "Nous ne connaissons pas les avantages évolutifs de cette méthode, mais elle semble préparer les gens à passer de la vie à la mort.

Ces résultats soulèvent également des questions sur la résistance du cerveau au manque d'oxygène. Il se pourrait, selon Mme Parnia, que certaines personnes que l'on considère traditionnellement comme irrécupérables puissent en fait être ramenées à la vie. "Les médecins pensent généralement que le cerveau meurt lorsqu'il est privé d'oxygène pendant cinq à dix minutes", explique-t-il. "Nous avons pu montrer que le cerveau est assez robuste en termes de capacité à résister à la privation d'oxygène pendant des périodes prolongées, ce qui ouvre de nouvelles voies pour trouver des traitements pour les lésions cérébrales à l'avenir.

La nouvelle étude "représente un effort herculéen pour comprendre aussi objectivement que possible la nature de la fonction cérébrale telle qu'elle peut s'appliquer à la conscience et aux expériences de mort imminente pendant un arrêt cardiaque", déclare Lakhmir Chawla, médecin de l'unité de soins intensifs au Jennifer Moreno Department of Veterans Affairs Medical Center à San Diego (Californie), qui n'a pas participé à la recherche mais a publié des articles sur les pics d'activité EEG au moment de la mort chez certains patients.

Si les résultats obtenus par Parnia et ses collègues sont "frappants" d'un point de vue scientifique, "je pense que nous devrions permettre à ces données d'éclairer notre humanité", ajoute-t-il. D'une part, ces résultats devraient "obliger les cliniciens à traiter les patients qui reçoivent une RCP (CPR*) comme s'ils étaient éveillés", ce que "nous faisons rarement".

Et pour les personnes qui semblent ne plus pouvoir être sauvées, les médecins pourraient inviter leur famille à venir leur dire au revoir, "car le patient est peut-être encore capable de les entendre", ajoute M. Chawla.

Auteur: Internet

Info: https://www.scientificamerican.com/, Rachel Nuwer on September 14, 2023 *Réanimation cardio-pulmonaire La réanimation cardio-pulmonaire consiste à effectuer des compressions thoraciques et des respirations de secours pour maintenir la circulation de l'oxygène dans le corps.

[ e.m.i ]

 

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femme fatale

C'est elle qui a fait arrêter Jean Moulin Elle s'appelait Lydie Bastien. Devenue en 1943 la maîtresse de René Hardy, elle fut à l'origine de la trahison fatale au chef de la Résistance. Le journaliste Pierre Péan élucide un mystère vieux de cinquante ans C'était l' "énigme de Caluire", le "mystère de la chambre jaune" de l'histoire de la Résistance: qui a trahi Jean Moulin?

Depuis cinquante ans, cette question ne cesse d'alimenter des polémiques plus ou moins sérieuses, la volonté de comprendre et de rendre justice au héros martyr se mêlant à la fascination pour le mystère entourant ce fait divers parfait - unité de temps et de lieu - où se sont croisées la petite et la grande histoire. Ce 21 juin 1943 se réunissent dans la proche banlieue lyonnaise quelques cadres militaires de la résistance de zone Sud. Ils répondent à la convocation urgente de Jean Moulin après l'arrestation à Paris par les Allemands du général Delestraint, responsable de l'Armée secrète. Sous la conduite de Klaus Barbie, les hommes de la Gestapo font irruption et arrêtent le chef du tout récent Conseil national de la Résistance et six de ses camarades. René Hardy, qui représente le mouvement Combat, bien qu'il n'ait pas été convoqué, est le seul à prendre la fuite, dans des conditions telles qu'il sera immédiatement accusé du désastre, mais acquitté, faute de preuves, lors de son procès, en janvier 1947. Roger Wybot, patron de la DST, découvrira peu après que Hardy a menti à la justice et à ses camarades: il avait été arrêté par Barbie puis relâché quelques jours avant Caluire! René Hardy affronte donc un second procès en mai 1950, mais obtient à nouveau l'acquittement au bénéfice du doute. Avec un tel suspect blanchi deux fois par la justice, l' "affaire de Caluire" n'a cessé, dès lors, de s'amplifier, au travers d'articles, de procès et de livres dont la volonté de dénigrer l'épopée résistante n'était pas toujours absente. L'énigme est enfin levée aujourd'hui grâce à Pierre Péan: René Hardy est bien au coeur de la trahison, mais pas comme acteur principal. Il fut un jouet aux mains d'une femme - Lydie Bastien, sa maîtresse d'alors - à laquelle il était pitoyablement soumis et qui, elle, travaillait pour les Allemands! Elle est responsable non seulement de l'arrestation de Jean Moulin, mais aussi de celle du général Delestraint: les deux patrons - politique et militaire - de la Résistance intérieure doivent donc tous deux leur chute, à quelques jours d'intervalle, à une beauté de 20 ans, jamais inquiétée et morte récemment à Paris, en 1994. Après la sortie, à la fin de l'année dernière, de sa biographie Vies et morts de Jean Moulin, dans laquelle il s'interrogeait sur le rôle exact de ce personnage mystérieux, Pierre Péan fut contacté par Victor Conté, l'exécuteur testamentaire de Lydie Bastien: elle l'avait chargé de faire savoir, après sa mort, la vérité sur son rôle, à condition de trouver de "bonnes oreilles". A partir des confidences recueillies par Victor Conté, Pierre Péan a entrepris une enquête sur la vie de cette femme fascinante, dénuée de toute morale, et qu'il a, s'efforçant de rester poli, baptisée "la Diabolique de Caluire". Une "âme onduleuse et glaciale de reptile" Selon ces aveux d'outre-tombe, Lydie Bastien était en fait l'amante de Harry Stengritt, adjoint de Klaus Barbie et responsable à Lyon de la collecte des renseignements auprès de sources françaises. Chargée de séduire René Hardy, personnage important de l'Armée secrète en tant que patron de Résistance-Fer, elle l'aborde dans un café où il a ses habitudes et parvient à ses fins avec une rapidité foudroyante. Le résistant succombe au point de déraisonner: en violation de toutes les consignes de sécurité, il met Lydie Bastien dans le secret de ses activités moins de dix jours après leur rencontre! Elle apprend rapidement l'existence de "Max", ainsi que les violents conflits qui l'opposent au mouvement Combat d'Henri Frenay. Elle récupère le message du rendez-vous avec le général Delestraint, qu'elle transmet à Barbie, et organise le voyage au cours duquel René Hardy sera secrètement arrêté puis relâché après avoir accepté le marché proposé par Barbie. Lydie Bastien sera grassement payée en bijoux par Barbie pour sa réussite. Elle semble n'avoir jamais agi que par intérêt, comme l'atteste le récit de sa vie reconstituée par Pierre Péan. Elle s'investit dans le truquage des deux procès de René Hardy, non par affection pour l'ancien résistant, qu'elle a laissé tomber depuis longtemps - elle a même monnayé à la presse à scandale les lettres d'amour qu'il lui avait envoyées! - mais parce que leurs sorts sont liés. Sa jeunesse durant - elle n'a que 22 ans en 1945 - elle passera d'un homme à l'autre, avec un penchant exclusif pour les riches ou les influents. Parmi eux, Ernest de Gengenbach, prêtre défroqué devenu écrivain surréaliste, a satisfait tous ses caprices, l'introduisant dans les milieux littéraires parisiens et convainquant même Olivier Messiaen de donner un récital uniquement pour elle. Il livrera son expérience d'amant torturé par cette "luciférienne" dans un livre, L'Expérience démoniaque, publié en 1949 aux Editions de Minuit. Il y décrit une "beauté fatale" cachant une "âme onduleuse et glaciale de reptile", passionnée d'occultisme, de spiritisme, abjurant dans le blasphème et un nietzschéisme de série B un passage douloureux dans un pensionnat religieux. Elle dit vouloir se "libérer du joug du Bien et du Mal": "Les hommes ne sont que des pions d'échiquier, marionnettes à manoeuvrer." Prêtresse pour illuminés et intermédiaire en affaires Sa collection de "marionnettes" sera très éclectique. Un riche magnat - qu'elle appelait "le vieux" - arrêté pour collaboration économique. Un escroc pour esprits crédules, Maha Chohan, chef de la Fraternité blanche universelle, qui se prétend descendant de Gengis Khan et prince de l'Agartha, royaume souterrain du Tibet. Accusé d'être un "imposteur", le mage sera interdit de séjour en France en 1950 et la police le soupçonne d'être un ancien nazi passé au service de l'Est. Puis Samuel Ogus, richissime homme d'affaires qui fait de l'import- export avec les pays de l'Est, très lié aux milieux financiers du PCF. Il se suicidera en 1955. Lydie Bastien part alors pour Bombay, où elle se fiance à un maharaja et crée le Conseil international pour la recherche sur la nature de l'homme, dont elle parvient à faire inaugurer le centre new-yorkais par Eleanor Roosevelt. Installée ensuite aux Etats-Unis, elle signe, sous le nom d'Ananda Devi, des articles sur l'hypnotisme et le yoga, thèmes qui la rapprochent d'Aldous Huxley, avec lequel elle travaille sur les "expériences de la conscience". A la suite d'une affaire ennuyeuse - l'un des paumés qui l'entourent se jette par sa fenêtre - elle revient à Paris, où elle fonde le Centre culturel de l'Inde, sous le patronage d'André Maurois. Mais elle ajoute à son hobby de prêtresse pour illuminés des activités plus concrètes: un bar-discothèque à Montparnasse, Le Boucanier, qui lui sert surtout de lieu de rendez-vous pour sa nouvelle spécialité occulte: "intermédiaire" pour affaires en tout genre en Afrique. Elle a créé à cette fin la Panafrican Trade and Investment Corporation (Patic), basée à Monrovia: une officine de corruption pour obtenir des marchés en faveur d'entreprises occidentales. L'enquête de Pierre Péan sur cette aventurière exceptionnelle donne raison à Henri Frenay, qui voyait en l'affaire Hardy "l'épisode le plus douloureux de la Résistance française" et qui avait émis l'hypothèse que Lydie Bastien fût un "agent allemand". Elle permet aussi de comprendre l'une des dernières confidences de René Hardy, peu avant sa mort: "Les femmes et les putains furent mon problème: savoir les distinguer, c'est une épreuve, quoi qu'on en dise, fort difficile."

Auteur: Internet

Info: Par Eric Conan, publié le 03/06/1999 sur le site de l'Express

[ pouvoir féminin ] [ machiavélisme ] [ influence occulte ]

 

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laxisme

Les conservateurs ne veulent pas abandonner la guerre contre la drogue. Ils sont convaincus que des seigneurs de la drogue mènent une guerre contre d'innocentes victimes, qui commence avec les adolescents, et ils ne s'intéressent pas aux arguments pour la dépénalisation.

Les conservateurs veulent que l'État dépense des centaines de millions de dollars pour créer des prisons afin d'y mettre les revendeurs de drogue reconnus coupables - après les faits. À gauche, on veut que l'État dépense un montant au moins égal pour traiter et réhabiliter - après les faits.

Moi, je cherche à fermer le marché des drogues illégales. Je dis qu'il faut être deux pour danser le tango - vendeurs et acheteurs - et je veux fermer la piste de danse.

Nous savons où elle se trouve. Il y en a une dans votre ville. Il y en a probablement plus d'une. Ells sont les sombres lieux de l'âme. Les usagers viennent, cherchant désespérément un nouveau trip ou peut-être uniquement un moyen pour arrêter de trembler. Les vendeurs viennent, avides d'un revenu issu de la vente de leurs articles destructeurs, malgré la misère qu'ils sèment.

Et puis il y a les innocents - des enfants qui ont de l'argent dans leurs poches et du temps à perdre. Ils viennent en bande, cherchant de nouvelles sensations dans un milieu ennuyeux, dénué de sens.

Ce dont nous avons besoin, c'est d'un grand coup de balai. Nous devons envoyer la police locale, les agents de la DEA [Agence de lutte contre la drogue] et les medias dans ces bouges et les fermer une fois pour toute.

Je veux parler des écoles publiques.

Chaque jour, votre gouvernement local envoie des douzaines ou des centaines de bus jaunes pour recruter la nouvelle génération de drogués. Ces individus psychologiquement faibles, soigneusement choisis comme victimes, sont amenés au grand magasin central du cartel de la drogue, où les vendeurs peuvent faire leur offre initiale et compétitive - "Le premier est gratuit !" - et leur incantation subversive, "Essayer : vous aimerez !". Seul le directeur adjoint se trouve entre les usagers et la source de leur dépendance.

Les vendeurs vont où se trouve l'argent, et où les gens qui en ont sont rassemblés pendant sept heures par jour en un lieu pratique et sans loyer.

Les usagers et les usagers potentiels sont conduits vers des pièces où ils doivent rester assis des heures sur des sièges durs, en bois, et sont obligés d'écouter le cours d'un endoctrinateur dont le travail, pour respecter la loi fédérale, est de persuader les enfants que la vie peut avoir un sens et être pleine d'espoir sans : (1) l'idée que Dieu ait une place dans la classe, dans l'isoloir ou dans le jardin public ; (2) l'idée qu'il y aura un jugement final (sauf pour Adolf Hitler) qui ait des conséquences éternelles ; (3) l'idée que l'Humanité est le fruit de Dieu plutôt que celui des forces sans but, aléatoires de la nature impersonnelle ; (4) l'idée que l'Homme a été mis sur Terre par Dieu pour y exercer sa domination sur la création, plutôt que pour être une simple espèce de primate avec l'avantage compétitif unique d'avoir des pouces en opposition ; (5) l'idée que les individus soient responsables légalement et moralement de leurs actes, y compris de l'obligation d'épargner pour leurs années de retraite et de payer pour leurs soins médicaux ; (6) l'idée qu'il y a des réponses finales aux questions morales décisives (sauf en ce qui concerne Hitler) ; (7) l'idée qu'une éducation pertinente et créatrice de toute la vie peut être donnée dans une institution qui n'emploie pas de professeurs à plein temps. (Techniquement, le point 7 n'est pas rendu obligatoire par la loi fédérale ; il y a plutôt une obligation due au aux électeurs locaux, qui feront pression sur le conseil de direction de l'école, pour virer le directeur si l'équipe de football a de nouveau un résultat de 2 victoires et 9 défaites cette saison).

Les éducateurs savent que la vie ne peut pas être vécue uniquement en termes négatifs. Il y a aussi des questions positives qui sont traitées dans les classes des écoles publiques, parmi elles : (1) le droit à un avortement gratuit, avec le conseil de professionnels agréés par l'école et sans consultation des parents ; (2) le droit pour tout mode de vie sexuelle de voir sa position - intellectuelle, bien sûr - présentée en classe comme un choix légitime parmi beaucoup d'autres ; (3) le droit pour tout groupe minoritaire (sauf les Nazis) à avoir au moins un paragraphe positif dans le manuel d'études sociales ; (4) le droit pour chaque élève à avoir un certain sens d'estime de soi, sauf dans les équipes sportives ; et (5) le droit pour les étudiants d'informer tout professeur des idées de leurs parents sur les sujets ayant une importance sociale ou psychologique pour le quartier de l'école.

Là, entre les cours, les élèves se rencontrent pour discuter des implications sur leurs vies de tout cela. "Le premier est gratuit. Essayez : vous aimerez."

Quelle est la dernière fois que vous avez vu, sur la chaîne de télévision locale, un reportage sur une prise de drogue dans une école privée ?

Quelle est la dernière fois où vous avez lu dans les journaux un article sur un élève victime d'une overdose d'héroïne dans une école privée ?

En allant un peu plus loin, quelle est la dernière fois que la police a été envoyée pour arrêter une bagarre dans une école privée ? (J'imagine le reportage. "La bataille a commencé quand un groupe de Catholiques ont apparamment commencé à chanter, 'infused grace, infused grace' durant la période obligatoire des prières matinales [je renonce à traduire ou à trouver des équivalents français en raison de mes faibles connaissances des subtilités religieuses associées au texte anglais. Si quelqu'un peut m'aider. NdT]. On dit que les Baptistes se sont vengés au cri de 'imputed grace, imputed grace'. "Je parlais de plus en plus fort," raconte Mr. Brubaker, qui enseigne le calcul et est également le directeur de l'école. "Nous avons finalement dû appeler la police quand les Méthodistes ont commencé à crier 'prevenient grace'. C'était tout simplement terrible. Mais je peux rassurer le public : nous allons prendre des mesures pour régler ces problèmes.")

Conclusion

Ce dont nous avons besoin, c'est d'une guerre totale contre la drogue qui prenne pour cible le principal centre de recrutement des revendeurs de drogue, les points de vente de choix du cartel de la drogue colombien : les écoles publiques américaines subventionnées par les impôts.

Si j'entendais un jour des membres du Congrès réclamer ce type de guerre bipartisane contre la drogue, je les prendrais bien plus au sérieux. J'aurais une bonne impression si j'en entendais un se dresser devant la chambre du Congrès et dire la chose suivante. "Comme mesure de lutte contre la drogue, je propose aujourd'hui une loi pour arrêter tout financement fédéral de l'éducation." Alors, son collègue de l'autre bord se lèverais et dirais : "je suis prêt à soutenir cette proposition si le gentleman distingué du Texas se déclare prêt à soutenir ma proposition de supprimer toutes les institutions d'éducation de la juridiction du National Labor Relations Board."

Quand la demande de drogues illégales est en fin de compte analysée en termes de catégories qui demandent un traitement - et cherchent des calmants qui sont un soulagement chimique de la douleur - alors nous commencerons à venir à bout du problème continuel américain de la drogue. La guerre contre les drogues devrait commencer par un programme systématique d'élimination des sources initiales de la souffrance des usagers, ces institutions subventionnées qui sont également les principaux supermarchés de la vente des drogues. Jusqu'à ce qu'il en soit ainsi, je ne pense pas que la guerre contre la drogue ait une grande chance de réduire le niveau de stupéfiants.

Jusque là, à chaque fois que vous verrez un bus jaune de l'école publique sur l'autoroute, dites-vous "Transport gratuit vers le centre de cocaïne". À l'arrière de chaque bus scolaire de l'Amérique, on devrait voir clairement ces mots : "recommandé par Medellin".

Auteur: North Gary

Info: Comment gagner la guerre contre la drogue. 15 janvier 2001, traduit par Hervé de Quengo.

[ sécularisation ] [ banalisation ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

anthropomorphisme

Les plantes sont-elles frigides?

La plante évoque l'inertie. On dit "végéter" pour "stagner". Mais il y a quelques siècles encore, "végéter" signifiait le contraire. En latin, ce mot désigne la surabondance d'énergie qui pousse une plante à jaillir. Plus on la coupe, plus elle reverdit : la plante, c'est l'énergie sexuelle incarnée. Sur le plan étymologique en tout cas. Les termes latins dont le mot "végétal" dérive désignent à l'origine "force et croissance". Le mot silva (forêt) est attesté dès Cicéron dans le sens de "grande quantité" et d'"abondance de matière". Le mode d'être de la plante est celui d'une prolifération virtuellement infinie, en constante expansion. Quel plus beau modèle prendre pour l'humain que celui du lierre ou du lichen? A la différence des végétaux dont la vie se confond avec la croissance, la plupart des bêtes, une fois adultes atteignent leurs dimensions définitives, explique Dominique Brancher, ce qui explique peut-être pourquoi les plantes font si peur. Elles ne connaissent pas de limites. Elles ne respectent pas l'ordre. Est-ce la cause du stigmate qui les frappe en Occident ? Les plantes sont-elles victimes de spécisme, de sexisme ou de racisme?

Chercheuse à l'Université de Bâle, Dominique Brancher est l'auteure d'un livre qui entend rendre justice au règne végétal : on en a fait un règne dormant, voué à l'immobilité, à l'absence de pensée, de sentiments, de sensations... Quel dommage d'avoir ainsi perverti ce qui - à l'origine de notre culture - était considéré comme une forme de débordement vital. Trop vital. "Eclipsé par l'attention exclusive donnée au vaste débat sur la distinction entre l'animal et l'homme, [...] le végétal s'est vu relégué au rang de tiers-exclu", dit-elle, regrettant que le mot végéter soit devenu synonyme d'inertie. Mais pourquoi un tel revirement? Pour quelle raison notre culture a-t-elle ainsi châtré la plante? Dans un livre au titre explicite Quand l'esprit vient aux plantes (allusion ironique au poème de La Fontaine "Comment l'esprit vient aux filles"), Dominique Brancher retrace l'histoire de ce qu'elle désigne comme l'invention d'un sexisme anti-flore. Nous avons discriminé les végétaux comme l'ont été les femmes : en leur déniant tout désir. Comme l'ont été les "sauvages" : en leur déniant toute intelligence. Comme le sont encore les animaux : en les parquant dans des réserves. C'est pourquoi il faut lire son enquête sur la sexualité des plantes comme un révélateur de nos choix de vie.

Quand les plantes étaient humaines...

Aux origines présocratiques de notre culture, les cosmogonies imaginées par Thalès (né en 640 av. J.-C.), Héraclite (504 av. J.-C.) ou Empédocle (492 av. J.-C.) reposent sur un principe d'équation : nous sommes faits de la même matière que tout ce qui existe, fleur ou astres. Cette règle d'analogie poétique "dit la trame vitale qui tisse les êtres et confond leurs attributs et leurs formes. Les arbres "pondent" leurs fruits et les êtres humains se développent comme des plantes." Pour Empédocle, qui rédige sa théorie en vers fabuleux face au paysage volcanique de sa Sicile natale, il n'y a ni naissance ni mort. Tout chose se renouvelle sous l'effet d'une ardeur brûlante qui traverse la matière. "Toute chose pense", dit-il. Toute chose aime et hait. "Dans ses transmigrations, l'âme humaine épouse les métamorphoses de la matière car elle a "déjà été autrefois garçon et fille, buisson, oiseau ou poisson cheminant à la surface de l'eau" (Empédocle, VIII).". Dans cet univers foisonnant, les plantes ont du plaisir et souffrent comme les humains qui, eux-mêmes, viennent au monde mouillés par la rosée de leur larmes. Empédocle résume ainsi leur première apparition : "Or donc voici comment des hommes et des femmes trempés de pleurs, Feu, se séparant, fit jaillir les pousses dans la nuit" (Empédocle III, Les Origines).

Avec la "raison" vient l'inégalité

Mais cette vision-là du monde est trop poétique sans doute. Dès le 1er siècle avant J.-C., Nicolas de Damas écrit dans son ouvrage De Plantis : "Il faut rejeter ces idées grossières et nous mettre à dire la vérité". Platon (427 av. J.-C.), deux siècles avant lui, n'accorde aux plantes qu'une âme inférieure et en fait des animaux immobiles. Mais c'est Aristote (384 av. J.-C.) qui "réduit encore plus considérablement la dignité du végétal en lui laissant seulement une sorte d'âme (De Anima, A5, 411)". La classification qu'Aristote met en place devient le modèle dominant d'une pensée occidentale qui place l'homme au sommet de la hiérarchie. Dans ce nouvel ordre moral, "les plantes jouissent seulement d'une âme végétative", désormais privées d'entendement. Avec le christianisme, leur statut ne s'améliore pas, au contraire. "Selon l'agenda cloisonné de la Genèse, Dieu créa les plantes le troisième jour, les animaux le cinquième et l'homme le sixième". Dans l'échelle des êtres, le végétal est en bas. Deux attitudes prévalent à son égard. La première repousse les plantes du côté du péché. Le seconde, guère plus enviable, du côté du paradis. Dans les deux cas, la plante est vue comme une créature frigide.

La plante comme symbole du péché de gourmandise Bien qu'ils lui dénient toute capacité de percevoir et donc de jouir, les théologiens estiment en effet que la plante est gourmande. Ne passe-t-elle pas son temps à sucer la terre? Voilà pourquoi elle est au bas de cette Scala Naturae ("échelle de la nature") que de nombreux ouvrages du XVIe siècle décrivent en termes de menace : attention de ne pas tomber ! Chaque échelon figure un degré de déchéance. Quand l'homme commet le péché de luxure (sensualis), il est ravalé au rang d'animal. Quand il a trop d'appétit (vitalis), le voilà végétal. Quand il sombre dans la tristesse (acédie), il rétrograde en minéral. Le christianisme "est une religion qui déconsidère la vie organique au profit de la pensée rationnelle", rappelle Dominique Brancher. Aux yeux des chrétiens, l'homme ne peut prétendre à son statut supérieur qu'à la condition de ne rien avoir en commun avec la (vile) matière. Les bêtes qui forniquent, les rivières qui ondoient et les plantes qui têtent la glaise sans penser, avec une gloutonnerie "stupide et insensible" (Jean Pic de la Mirandole) sont des choses détestables, qui renvoient à la chute.

La plante comme symbole de l'asexualité

Mais il existe une autre attitude vis à vis des plantes : pour certains chrétiens, elles présentent cet avantage sur les animaux d'être "pures". Cela commence au XIIIe siècle, avec Innocent III : dans un texte intitulé De Contemptu mundi, le pape attribue aux plantes la "candeur de l'âme végétative". La plante n'est pas sexuée, dit-il (ignorant qu'il existe des espèces végétales où les mâles et les femelles sont distincts). "Dégagés des ardeurs charnelles qui abêtissent et abrutissent, les végétaux offrent ainsi la rédemption d'un nouvel Eden. Combien d'auteurs de la Contre-Réforme ne célèbrent-ils pas la pureté de la reproduction végétale?". Dominique Brancher cite par exemple Thomas Browne qui, dans les années 1630, déclare : "Je serais heureux, si nous pouvions procréer comme les arbres sans union et s'il existait un moyen de perpétuer le monde sans passer par le coït vulgaire et trivial. C'est l'acte le plus sot qu'un homme sage puisse commettre dans sa vie". Edifiant. La chercheuse enfonce le clou : "Aux yeux de la mystique flamande, la perfection végétale figure une complétude originelle que la Faute, en modifiant le corps physique des premiers hommes, a définitivement dérobé à l'humanité : "Au lieu d'hommes qu'ils devaient être, ils sont devenus des monstres divisés en deux sexes imparfaits, impuissants à produire leurs semblables seuls, comme se produisent les arbres et les plantes".

Savez-vous planter des choux?

Dans la tradition ouverte par Innocent III, tout un imaginaire puritain se cristallise aux XVIe et XVIe siècles autour des plantes. La botanique devient "une technique de maîtrise des instincts, explique Dominique Brancher. On en trouve les répercussions jusque chez Rousseau, "persuadé qu'à tout âge l'étude de la nature émousse le goût des amusements frivoles, prévient le tumulte des passions". "La campagne a toujours été considérée comme le séjour de l'innocence", renchérit Trembley. L'herborisation devient l'activité favorite des puritains. On associe le curé de campagne à un brave jardinier, expert en sirops pour la gorge. "La méconnaissance concertée de la sexualité des plantes, depuis Aristote jusqu'aux naturalistes de la Renaissance, entretient cette vision angélique." Heureusement, il existe à toute époque des empêcheurs de tourner en rond. Au XVIe siècle, en particulier, des voix dissidentes s'élèvent : non, la plante n'est pas sage. Nous ferions bien d'en prendre de la graine.

Auteur: Giard Agnes

Info: 4 janvier 2016

[ historique ] [ Grèce antique ]

 

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chair-esprit

Le libre-arbitre existe-t-il ? Comment le cerveau déforme la réalité temporelle
Nous avons coutume de penser que nous sommes libres de décider et de choisir nos actes. Et pourtant, une série d'expériences de neurosciences jettent un doute sur ce qu'on a l'habitude d'appeler notre libre-arbitre.
Même si elles sont largement débattues, tant du point de vue de leurs résultats scientifiques que de l'interprétation philosophique qui en est donnée, ces expériences sont plutôt troublantes !
Libre-arbitre et activité neurologique
Nous avons tous une notion intuitive de ce qu'est le libre-arbitre. Sur le plan biologique, il peut être associé à la notion d'action volontaire, qui s'oppose à celle de réflexe. Alors que les réflexes empruntent des chemins neuronaux simples (comme un rapide circuit via la moelle épinière), les actions volontaires font intervenir de nombreuses aires cérébrales.
1983 : L'expérience fondatrice de Benjamin Libet*
Dans l'expérience de Libet, on vous place devant une horloge qui défile rapidement, et on vous donne un bouton sur lequel vous pouvez appuyer au moment qui vous plaira. La seule chose qu'on vous demande c'est de retenir le nombre indiqué par l'horloge au moment où vous prenez votre décision d'appuyer. Dans le même temps, des électrodes placées sur votre crâne suivent votre activité cérébrale.
Ce dispositif permet de mesurer 1) le moment où vous prenez la décision d'appuyer, 2) le moment où votre cerveau commence à s'activer, et 3) le moment où vous appuyez physiquement sur le bouton. Et la découverte spectaculaire de Libet, c'est que l'activation cérébrale précède la décision consciente, et ce de plusieurs centaines de millisecondes.
Interprétée de manière brute, l'expérience de Libet semble condamner le libre-arbitre : vous avez l'impression de décider d'appuyer à un certain moment, mais votre cerveau a déjà décidé depuis presque une demi-seconde ! Comment puis-je être libre de décider quelque chose, si au moment où j'ai conscience de choisir, mon cerveau a déjà commencé à agir ? Comme on peut s'en douter, cette expérience possède de nombreux points faibles que les spécialistes n'ont pas été longs à relever.
Il y a tout d'abord les incertitudes de mesure, puisqu'on parle ici d'un écart de seulement quelques centaines de millisecondes. Ensuite le fait que l'estimation du moment de décision par le sujet lui-même n'est certainement pas très fiable : elle est subjective et l'horloge peut constituer une source de distraction et donc d'erreur. Enfin, le signal électrique relevé dans le cerveau pourrait être simplement un signal "préparatoire", qui indique que le cerveau s'active mais qui ne détermine pas spécifiquement la décision que l'on va prendre.
Bref, il y a plein de critiques à faire à l'expérience de Libet, et qui permettent de se rassurer quant à l'existence de notre libre-arbitre. Tout va bien donc, jusqu'à une nouvelle expérience réalisée en 2008, et qui s'affranchit de la plupart de ces critiques.
Dans cette nouvelle expérience, plusieurs choses diffèrent par rapport au protocole de Benjamin Libet. Tout d'abord, le sujet dispose de 2 boutons, un dans sa main gauche et un dans sa main droite. Il peut appuyer quand il le souhaite, soit à gauche soit à droite. Ensuite, le cerveau du sujet est suivi cette fois dans une IRM, ce qui permet d'observer simultanément l'activité de tout un ensemble d'aires cérébrales.
Et le moins que l'on puisse dire, c'est que les résultats de cette expérience sont perturbants. D'une part, l'IRM révèle qu'une activité cérébrale préparatoire existe 7 à 10 secondes AVANT que le sujet ne prenne sa décision d'appuyer. Encore plus troublant, cette activité cérébrale permet dans une bonne mesure de prédire de quel côté le sujet va appuyer.
Oui oui, vous avez bien lu, plusieurs secondes avant que vous soyiez conscient de choisir, votre cerveau a déjà décidé entre droite et gauche, et l'IRM peut révéler le côté qui sera choisi !
Pour modérer un peu ce résultat apparemment catastrophique pour notre libre-arbitre, il faut noter que la prédiction faite par l'IRM est loin d'être infaillible, puisqu'elle fonctionne au mieux dans 60% des cas, ce qui est significativement mieux que le hasard, mais reste tout de même limité.
Quelle conclusion raisonnable tirer de ces expériences ?
Il faut savoir qu'il n'existe chez les scientifiques et les philosophes aucun consensus quant à l'interprétation de ces expériences. Pour certains comme Patrick Haggard, le libre-arbitre n'existe tout simplement pas, il affirme "We feel that we choose, but we don't". Pour d'autres, au contraire, ces expériences n'ont aucune valeur, "Circulez ya rien à voir !".
Une position intermédiaire raisonnable c'est d'admettre que ces expériences montrent au moins que nos intentions ne sont pas systématiquement à l'origine de nos actions. Les processus inconscients jouent peut être un plus grand rôle que nous ne pouvions le penser, et la conscience d'une décision est un phénomène qui se construit au cours du processus de décision, pas à son origine.
Comme cette conclusion prudente semble quand même en mettre un coup à notre vieille notion de libre-arbitre, une manière de se rassurer c'est de considérer que notre cerveau prépare nos décisions assez en avance par rapport à notre conscience, mais qu'il nous laisse jusqu'au dernier moment un droit de veto. Il semblerait qu'une des fonctions de cette aire appelée SMA soit justement de pouvoir inhiber certaines actions décidées et préparées en amont. Donc jusqu'au dernier moment, on aurait le choix de ne pas faire. C'est ce que les anglo-saxons appellent le "free won't", par analogie au libre-arbitre appelé "free will".
Pour d'autres philosophes comme Dan Dennett, ces expériences sont correctes, mais elles ne sont pas incompatibles avec le libre-arbitre. Ces philosophes adhèrent à une position appelée compatibilisme, selon laquelle la réalité est totalement déterministe mais le libre-arbitre existe quand même. J'avoue que je ne comprends pas ce que ça signifie, et que pour moi ça ressemble beaucoup à une posture de façade "pour sauver les meubles". Ce qu'on peut comprendre car si le libre-arbitre était vraiment réfuté, les conséquences pour la société pourraient être terribles.
Les implications morales de l'absence de libre-arbitre
Imaginons que l'on montre scientifiquement que le libre-arbitre n'existe pas, alors on est mal car toutes nos lois et notre droit reposent sur la notion de responsabilité individuelle : nous sommes responsables de nos actes car nous sommes libres de les accomplir ou pas.
D'ailleurs en droit, pour être puni d'un crime, il faut qu'il y ait à la fois l'intention et l'action. La pensée n'est pas un crime, donc si vous avez juste l'intention de commettre un forfait, on ne peut pas vous condamner pour ça (encore que ce ne soit pas totalement vrai, notamment dans le cas de la préparation d'actes terroristes). Réciproquement, si quelqu'un commet un crime mais est jugé irresponsable, il ne sera pas condamné. Donc si le libre-arbitre n'existe pas, nous sommes tous irresponsables de nos actes et toutes nos structures juridiques s'effondrent !
Ceci a amené Dan Dennett à mettre en garde les scientifiques à ne pas trop faire d'annonces intempestives au sujet de leurs expériences sur le libre-arbitre !...
Pour aller plus loin...
Il faut ajouter un commentaire sur ce résultat de 60% de prédiction du côté gauche/droit quand on fait l'IRM. Cela peu paraître peu, bien peu. Mais songez que l'IRM est loin d'être en général un prédicteur parfait de nos actes. Ce qu'ont notamment montré les auteurs, c'est que même en utilisant l'information disponible dans le cortex moteur après la prise de décision et pendant le mouvement, on n'arrivait à correctement prédire le côté que dans 75% des cas. Alors qu'en théorie on devrait être capable de le faire à 100%. Cela montre que l'IRM est une information peut être trop agrégée pour permettre une prédiction très fiable.
Ainsi une récente étude montre qu'en faisant un suivi individuel de neurones avec des électrodes implantées dans le cerveau (plutôt qu'une IRM), on peut prédire le résultat avec une acuité de 80%, et ce 700 millisecondes avant la décision consciente. Tout ça pour dire que rien ne nous met à l'abri de futures expériences avec de meilleurs systèmes de mesure et de prédiction, qui pourraient deviner nos décisions 5 secondes en avance avec 90% de fiabilité.
Pour finir sur un peu de philo, ces expériences semblent au moins réfuter le modèle dualiste du corps et de l'esprit. Dans ce modèle popularisé par Descartes, l'esprit existe indépendamment du corps, et est capable de le contrôler. Si cette vision était correcte, alors le sentiment d'avoir l'intention d'agir (qui viendrait de l'esprit) devrait précéder les manifestations cérébrales et musculaires (du corps). Il paraît que les philosophes dualistes, ça n'existe plus, mais malgré tout la vision dualiste reste probablement la plus reflétée dans le langage commun, quand on dit "JE décide" (esprit), mais "le cerveau s'active" et "le muscle bouge" (corps).

Auteur: Internet

Info: sciencetonnante.wordpress.com,*voir aussi les expériences de Walter Grey

[ sciences ]

 

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indéterminisme

L'essor des thérapies quantiques
Basée sur les découvertes de la physique quantique, une nouvelle façon de se soigner fait de plus en plus parler d'elle. Son postulat : nos cellules émettent des informations, qui déterminent notre état de santé et sur lesquelles il est possible d'agir. Explications.
"Il y a dix ans, on m'a diagnostiqué un lupus érythémateux, une maladie auto-immune chronique, raconte Lucia, une artiste de 50 ans. Depuis, suivie à l'hôpital, j'en étais arrivée à prendre onze médicaments par jour... Il y a six mois, un ami est venu me voir bouleversé après avoir essayé une nouvelle technique de soin qui, disait-il, n'avait rien à voir ni avec la médecine conventionnelle, ni avec les médecines naturelles. Une "machine" donnait des résultats dont l'exactitude l'avait dérouté. Je suis cartésienne et je n'ai pas peur des expériences nouvelles. J'ai donc consulté un thérapeute qui utilise cet appareil de biofeedback. En quelques minutes, l'écran a affiché clairement tout mon parcours médical ! Puis cette machine a effectué un traitement très étrange, consistant à envoyer des "informations" dans le corps. Après quelques séances, la plupart de mes symptômes ont disparu et, aujourd'hui, avec l'accord de mon médecin, je ne prends plus qu'un médicament par jour."
Un diagnostic global
Un appareil capable d'effectuer un diagnostic précis et de traiter aussi rapidement une maladie auto-immune ? Si un cas ne vaut pas pour tous, les résultats sont étonnants. Et ce n'est qu'un des aspects de cette approche de la santé physique et psychique, qui se répand au point que certains médecins et chercheurs n'hésitent plus à dire qu'un changement de paradigme est en train de s'opérer. Le premier congrès sur les thérapies quantiques d'Aix-en- Provence, en novembre 2010, a réuni des scientifiques du monde entier, parmi lesquels l'équipe du professeur Luc Montagnier, prix Nobel de médecine 2008. Depuis, les livres sur le sujet, les congrès affichant complets, les appareils de biofeedback ou les méthodes quantiques se multiplient...
Les "thérapies quantiques", ou la "médecine quantique", nous demandent de voir la vie, la santé et la maladie d'une tout autre façon : notre corps n'est plus un assemblage d'organes à traiter séparément, comme le fait la médecine conventionnelle, c'est un champ vibratoire et énergétique constitué de milliards de particules de lumière - des photons - qui échangent en permanence des informations, un univers lumineux dans lequel l'esprit et la matière ne font qu'un. Avec une idée clé : ce ne sont pas les échanges biochimiques de nos cellules qui déterminent notre état de santé, mais les informations qu'elles se communiquent entre elles. Ici, l'origine de la maladie n'est donc pas un problème purement biologique, mais un défaut d'information ; le symptôme n'est qu'une réaction à ce dernier.
Pour celui qui ne connaît pas le monde scientifique, l'idée peut sembler délirante. Pourtant, elle repose sur des dizaines d'années de recherches, commencées il y a un siècle avec Albert Einstein et ses travaux sur la nature de la lumière. Au fil des décennies, la physique quantique - qui décrit le comportement des atomes et des particules subatomiques - s'est développée en marge de la physique classique, car elle ne répond pas aux mêmes règles. La plus importante, pour comprendre le fondement de la médecine quantique : les ondes électromagnétiques sont en même temps des photons. Ces photons du corps humain sont loin d'être des vues de l'esprit : au cours des années 1970, Fritz-Albert Popp, un biophysicien allemand, a découvert l'existence de ce qu'il a appelé les " bi photons ", des particules de lumière émises par nos cellules, qu'il a réussi à filmer. Ces minuscules courants lumineux, invisibles à l'oeil nu, portent les informations et contrôlent notre organisme. Mais pas n'importe comment.
Des capacités d'auto guérison stimulées
L'une des découvertes les plus importantes de la physique quantique, reprise et développée dans la thérapie quantique, est, en effet, la théorie des "champs énergétiques" : ce sont eux qui organisent et contrôlent notre corps. Ils forment un tout. En somme, le corps humain est une structure organisée d'informations. Ce que les Chinois ont compris depuis longtemps avec l'acupuncture, qui traite les flux d'énergie du corps ; ou les Indiens, avec leur médecine ayurvédique qui traite le "corps de lumière" et ses chakras...
Les appareils de biofeedback quantiques sont conçus pour détecter les ondes électromagnétiques, les " fréquences " émises par chacune des cellules de notre corps. Lorsque certaines sont brouillées ou " fausses ", l'appareil renvoie des fréquences " justes " afin de corriger le problème. Imaginez que vous ayez un coup de déprime. Vous appelez votre meilleur ami. Ses paroles rassurantes vous remontent le moral et vous retrouvez assez d'énergie pour reprendre le cours normal de votre vie. L'aide reçue n'est pas " physique ", mais vient des mots réconfortants. Or ce flot d'informations vous a été transmis par les fréquences du téléphone. Voilà, de manière imagée, comment fonctionnent les appareils de médecine quantique : ils envoient des ondes extrêmement fines qui " parlent " à nos cellules et leur transmettent des informations, elles-mêmes portées par les photons. Pour reprendre la métaphore, on pourrait dire que les fréquences sont les phrases réconfortantes de votre ami ; et les photons, les mots, avec leur sens.
Si la thérapie quantique fait usage d'appareils électroniques de plus en plus sophistiqués, comme le Scio, le Korotkov, le Mora ou le Life, cette approche de la médecine n'est pour autant pas mécaniste : les machines ne fonctionnent pas seules. " En "dialoguant" avec notre champ d'informations, ces appareils stimulent nos capacités d'auto guérison, explique la journaliste et conférencière Lynn McTaggart, auteure du Lien quantique (Macro 2012). Mais rien ne peut se faire sans la présence d'un médecin ou d'un thérapeute. " Une interaction d'autant plus importante que cette nouvelle vision de la santé, donc de la vie, implique non seulement une relation entre le corps et l'esprit, mais l'union fondamentale de l'esprit et de la matière.
J'ai testé un appareil de biofeedback
Des électrodes, un écran d'ordinateur, des graphiques... Notre journaliste, Odile Chabrillac, a confié son corps au Scio, une machine destinée à diagnostiquer les défaillances de l'organisme et à rééquilibrer ce dernier.
" Sitôt arrivée dans le cabinet du praticien en biofeedback qui utilise le Scio, l'un des appareils de médecine quantique dont on parle le plus en ce moment, me voilà assise confortablement et harnachée d'électrodes aux chevilles, aux poignets et sur le front. Face à moi, un mur blanc sur lequel est projeté un écran d'ordinateur rempli d'informations et de graphiques. Adrian M., le thérapeute, me soumet d'abord à un questionnaire sur mon âge, mes habitudes d'hygiène de vie, les maladies et opérations passées, mon niveau de stress... Puis, pendant trois minutes, je suis priée de rester la plus détendue possible, car cette machine va envoyer des milliers d'infirmes fréquences dans mon organisme - plus de dix mille !-, comme autant de questions auxquelles chacune de mes cellules et chacun de mes organes devront répondre. Je ne sens rien, juste de légers picotements...
Le Scio fait un bilan très complet, physiologique et émotionnel. Il affiche d'abord des chiffres sur l'énergie, la pression sanguine, l'hydratation, l'oxygénation, le pH, la vitalité et les échanges cellulaires, la capacité de régénération de mon organisme... L'ensemble est plutôt bon, voire très bon. Ouf ! En revanche, il relève que je suis légèrement intoxiquée par certains produits, le chlore en particulier, et que mon niveau de stress est bien trop important. Le thérapeute me montre les graphiques et m'explique que le stress peut avoir un impact sur ma thyroïde, mon système endocrinien, et sur certains lobes cérébraux, avec un risque de maladie d'Alzheimer. Car cette machine évalue aussi les problèmes potentiels de chaque individu.
Adrian M. me rassure : les appareils quantiques sont fondés sur les probabilités, non sur des certitudes absolues : " C'est comme la météo, m'explique-t-il, si l'on nous annonce de la pluie, mieux vaut prendre un parapluie, mais cela ne veut pas dire qu'il pleuvra ! " Pendant près d'une heure, la machine va procéder au traitement, en renvoyant des fréquences justes pour corriger celles qui sont faussées. En somme, elle donne au corps les bonnes réponses aux questions qu'elle a posées. Là encore, je ne sens rien. La séance dure une heure et demie. (Compter 60 € la séance - prix donné à titre indicatif).
Bilan : si mon mode de vie est plutôt sain, je suis capable de m'empoisonner l'existence, au sens littéral du terme, avec mes " prises de tête ". Voilà ce qui est étonnant ici : cet appareil tient autant compte des facteurs physiologiques et biologiques que de mes émotions, de mon état d'esprit mental et moral, de certains problèmes psychologiques. La fin de la séance se conclut par quelques conseils supplémentaires : boire davantage, bouger, pratiquer le yoga si je peux, rythmer mon mode de vie en fonction de la saison. Le Scio suggère quelques remèdes homéopathiques pour optimiser mon état corporel, mon mental et mon énergie. Sortie de la séance enthousiaste et détendue, je me suis sentie épuisée tout l'après-midi et me réveillerai le lendemain matin légèrement courbaturée. Rendez-vous a été pris pour vérifier si mes efforts auront déjà eu un véritable impact sur mon corps et mon esprit.

Auteur: Pigani Erik

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[ psychothérapie ]

 
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mondialisation

Les erreurs de l'État impérial mondial et les erreurs des autres
On m'a fait remarquer que les bizarreries de la réconciliation sans vérité que j'ai rencontrées aux Philippines eu égard à l'importance persistante de la famille Marcos, malgré le discrédit généralisé de la période où elle était aux commandes (1965-1986), n'est pas aussi étrange qu'il y paraît.
Après tout, Jeb Bush a récemment annoncé son intention de briguer la présidence des États-Unis en 2016, et George W. Bush, malgré sa présidence déplorable, est considéré comme un atout politique. Il s'active à faire campagne et à récolter des fonds en faveur de son jeune frère. Aux Philippines, contrairement aux États-Unis, il y a eu une rupture politique provoquée par le mouvement Pouvoir du peuple, qui a écarté le clan Marcos du pouvoir et a porté directement à la présidence Corey Aquino, la veuve de Benigno Aquino Jr., l'opposant à Marcos assassiné. Même aujourd'hui, ce triomphe populiste est célébré comme un jour de fierté nationale pour le pays, et Benigno Noynoy Aquino III siège au palais de Malacañang comme le président élu du pays. Pourtant, les réalités politiques aux Philippines, comme aux États-Unis, sont plus connues pour leur continuité avec un passé discrédité que pour les changements qui rejettent et surmontent ce passé.
Barack Obama agissait dans un contexte politique certes différent aux États-Unis lorsqu'il a mis de côté les allégations bien fondées de criminalité adressées à l'équipe au pouvoir pendant la présidence de Bush, affirmant prudemment que le pays devait regarder vers l'avant et non derrière lorsqu'il s'agit de la responsabilité pénale de ses anciens dirigeants politiques. Bien sûr, c'est l'opposé de ce qui a été fait avec les dirigeants allemands et japonais survivants après la Deuxième Guerre mondiale avec les procès largement acclamés de Nuremberg et de Tokyo [ainsi qu'avec Saddam Hussein et Muammar Khadafi, NdT] ; et cela ne peut pas devenir la norme aux États-Unis par rapport aux crimes des gens ordinaires, ni même à l'égard des crimes louables des lanceurs d'alerte du genre de ceux attribués à Chelsea Manning, Julian Assange et Edward Snowden. Une telle impunité sélective semble être le prix que les démocraties impériales paient pour éviter la guerre civile dans le pays, et préférable à une unité obtenue par des formes autoritaires de gouvernement.
Pour cette seule raison, l'approche moralement régressive d'Obama de la responsabilité est politiquement compréhensible et prudente. L'Amérique est polarisée, et la partie la plus frustrée et la plus en colère des citoyens embrasse la culture de l'arme à feu et reste probablement ardemment en faveur de la sorte de militarisme et de ferveur patriotique qui avait été si fortement mise en avant pendant la présidence Bush.
Des pensées dans ce sens m'ont conduit à une série de réflexions plus larges. Les erreurs que font les Philippines, certes épouvantables en termes de droits humains, sont au moins principalement confinées dans les limites territoriales du pays et font des victimes parmi leurs propres citoyens. A titre de comparaison, les erreurs de politique étrangère commises par les États-Unis font des victimes principalement chez les autres, bien qu'ils en fassent souvent payer le prix, en même temps, aux Américains les plus marginaux et les plus vulnérables. Comme société, beaucoup regrettent les effets de la guerre au Vietnam ou de la guerre d'Irak sur la sérénité et l'estime de soi de la société américaine, mais en tant qu'Américains, nous ne faisons que rarement, sinon jamais, une pause pour déplorer les immenses pertes infligées à l'expérience sociétale qu'ont vécue ceux qui vivent sur ces lointains champs de bataille de l'ambition géopolitique. Ces sociétés victimes sont les récepteurs passifs de cette expérience destructrice, et possèdent rarement la capacité ou même la volonté politique de riposter. Telle est l'asymétrie des relations impériales.
On estime qu'entre 1,6 et 3,8 millions de Vietnamiens sont morts pendant la guerre du Vietnam en comparaison des 58 000 Américains. Des proportions similaires sont présentes dans les guerres d'Afghanistan et d'Irak, même sans considérer les perturbations et les destructions endurées. En Irak, depuis 2003, on estime qu'entre 600 000 et 1 millions d'Irakiens ont été tués et que plus de 2 millions ont été déplacés dans le pays, et que 500 000 Irakiens sont encore réfugiés en raison de la guerre, tandis que les États-Unis ont perdu quelque chose comme 4 500 membres de leur personnel combattant. Les statistiques du champ de bataille ne doivent pas nous aveugler sur le caractère absolu de chaque décès du point de vue de leurs proches, mais elles révèlent une dimension centrale de la distribution des coûts humains relatifs de la guerre entre un gouvernement qui intervient et la société cible. Ce calcul de la mort au combat commence à raconter l'histoire de la dévastation d'une société étrangère : les dangers résiduels qui peuvent se matérialiser dans la mort et des blessures mutilantes longtemps après que les armes se sont tues, à cause des munitions létales non explosées qui tapissent le pays pour des générations, la contamination du sol par l'agent Orange et les ogives contenant de l'uranium appauvri, sans oublier les traumatismes et les nombreux rappels quotidiens de souvenirs de guerre sous la forme des paysages dévastés et des sites culturels détruits laissés en héritage.
Selon presque tous les points de vue éthiques, il semblerait qu'une certaine conception de la responsabilité internationale devrait restreindre l'usage de la force dans des situations autres que celles autorisées par le droit international. Mais ce n'est pas la manière dont le monde fonctionne. Les erreurs et les actes répréhensibles qui se produisent dans une guerre étrangère lointaine sont rarement reconnus, ils ne sont jamais punis et jamais aucune compensation n'est offerte. Paradoxalement, seuls les dirigeants de ces territoires sont tenus de rendre des comptes (par exemple Saddam Hussein, Slobodan Milosevic et Mouammar Kadhafi). Le gouvernement des États-Unis, et plus précisément le Pentagone, a pour principe de dire au monde qu'il ne recueille aucune donnée sur les victimes civiles associées à ses opérations militaires internationales. En partie, il y a une attitude de déni, qui minimise les épreuves infligées aux pays étrangers et, pour une autre partie, il y a le baume d'une insistance officielle sous-jacente que les États-Unis font tous les efforts possibles pour éviter les victimes civiles. Dans le contexte des attaques de drones, Washington soutient avec insistance qu'il y a peu de victimes civiles, mesurées par le nombre de décès, mais n'admet jamais qu'il y a un nombre bien plus important de civils qui vivent ensuite dans la terreur intense et permanente d'être visés ou involontairement frappés à mort par un missile errant [pas errant pour tout le monde, malheureusement, NdT].
Compte tenu des structures étatiques et impériales de l'ordre mondial, il n'est pas surprenant que si peu d'attention soit portée à ces questions. Les erreurs d'un État impérial mondial ont des répercussions matérielles bien au-delà de leurs frontières, tandis que les erreurs d'un État normal résonnent à l'intérieur du pays comme dans une chambre d'écho. Les torts de ceux qui agissent pour l'État impérial mondial sont protégés des regards par l'impunité de fait liée à leur force, tandis que les torts de ceux qui agissent pour un État normal sont de de plus en plus sujets à des procédures judiciaires internationales. Lorsque c'est arrivé après la Deuxième Guerre mondiale, cela s'est appelé justice des vainqueurs ; lorsque cela arrive aujourd'hui, en particulier avec la jurisprudence borgne de la légalité libérale, c'est expliqué en référence à la prudence et au réalisme, à la nécessité d'être pragmatique, de faire ce qu'il est possible, d'accepter les limites, d'accorder un procès équitable à ceux qui sont accusés, de dissuader certaines tendances aux dérives dangereuses.
Cela ne changera pas jusqu'à ce que l'une de ces deux choses se produise : soit la mise en place d'une instance mondiale pour interpréter et appliquer le droit pénal [ce tribunal existe, le TPI, mais les US ont obtenu une dérogation pour eux-mêmes (sic!), NdT], soit une modification considérable de la conscience politique des États impériaux mondiaux par l'internalisation d'un ethos de responsabilité envers les sociétés étrangères et leurs habitants. Cette description des progrès nécessaires du droit et de la justice devrait nous faire prendre conscience à quel point de telles attentes restent utopiques.
Actuellement, il n'y a qu'un seul et unique État impérial mondial, les États-Unis d'Amérique. Certains suggèrent que les prouesses économiques de la Chine créent un centre rival de pouvoir et d'influence, qui pourrait être reconnu comme un second État impérial mondial. Cela semble erroné. La Chine peut être plus résiliente et elle est certainement moins militariste dans sa conception de la sécurité et de la poursuite de ses intérêts, mais elle n'est pas mondiale, ni ne mène de guerres lointaines. De plus, la langue, la monnaie et la culture chinoises ne jouissent pas de la portée mondiale de l'anglais, du dollar américain et du capitalisme franchisé. Indubitablement, la Chine est actuellement l'État le plus important dans le monde, mais sa réalité est en accord avec les idées du Traité de Wesphalie relatives à la souveraineté territoriale, tandis que les États-Unis opèrent mondialement dans toutes les régions pour consolider leur statut d'unique État impérial mondial. En effet, le premier État de ce type dans l'histoire du monde.

Auteur: Falk Richard

Info: 30 mars 2015, Source zcomm.org

[ USA ] [ géopolitique ]

 

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nord-sud

Les "élites" autoproclamées de Davos ont peur. Très peur. Lors des réunions du Forum économique mondial de cette semaine, le maître à penser Klaus Schwab - affichant son numéro de méchant de James Bond - n'a cessé de répéter un impératif catégorique : nous avons besoin de "coopération dans un monde fragmenté".

Bien que son diagnostic de la "fragmentation la plus critique" dans laquelle le monde est aujourd'hui embourbé soit, comme on pouvait s'y attendre, sombre, Herr Schwab maintient que "l'esprit de Davos est positif" et qu'au final, nous pourrons tous vivre heureux dans une "économie verte et durable".

Ce que Davos a su faire cette semaine, c'est inonder l'opinion publique de nouveaux mantras. Il y a le "nouveau système" qui, compte tenu de l'échec lamentable de la grande réinitialisation tant vantée, ressemble maintenant à une mise à jour hâtive du système d'exploitation actuel, qui a été ébranlé.

Davos a besoin de nouveau matériel, de nouvelles compétences en programmation, voire d'un nouveau virus. Pourtant, pour l'instant, tout ce qui est disponible est une "polycrise" ou, en langage de Davos, un "ensemble de risques mondiaux liés entre eux et dont les effets s'aggravent". 

En clair : une parfaite tempête.

Les insupportables raseurs de l'île "Diviser pour régner" du nord de l'Europe viennent de découvrir que la "géopolitique", hélas, n'est jamais vraiment entrée dans le pénible tunnel de la "fin de l'histoire" : à leur grande surprise, elle est maintenant centrée - à nouveau - sur le Heartland, comme elle le fut pendant la majeure partie de l'histoire connue.

Ils se plaignent d'une géopolitique "menaçante", synonyme de Russie-Chine, l'Iran en plus.

Mais la cerise sur le gâteau alpin, c'est l'arrogance/la stupidité qui révèle le jeu : la City de Londres et ses vassaux sont livides parce que le "monde créé par Davos" s'effondre rapidement.

Davos n'a pas " inventé " le monde, si ce n'est son propre simulacre.

Davos n'a jamais rien compris, car ces "élites" ont toujours été occupées à faire l'éloge de l'Empire du Chaos et de ses "aventures" meurtrières dans le Sud.

Non seulement Davos n'a pas su prévoir toutes les crises économiques majeures récentes, mais surtout la "tempête parfaite" actuelle, liée à la désindustrialisation de l'Occident collectif engendrée par le néolibéralisme.

Et, bien sûr, Davos n'a aucune idée de la véritable remise à zéro qui tend à aller vers la multipolarité. 

Des leaders d'opinion autoproclamés sont occupés à "redécouvrir" qu'un siècle plus tard La Montagne magique de Thomas Mann se déroule à Davos - "avec pour toile de fond une maladie mortelle et une guerre mondiale imminente".

Eh bien, de nos jours, la "maladie" - arme entièrement bio-institutionnalisée - n'est pas vraiment mortelle en soi. Et la "guerre mondiale imminente" est de fait activement encouragée par une cabale de néo-cons et autres néolibéraux américains : un État profond non élu, non responsable, bipartisan et même pas soumis à une idéologie. Le criminel de guerre centenaire Henry Kissinger ne l'a toujours pas compris.

Le panel de Davos sur la démondialisation a multiplié les non-séquences, mais le ministre hongrois des affaires étrangères, Peter Szijjarto, a au moins apporté une dose de réalité.

Quant au vice-premier ministre chinois Liu He, avec sa vaste connaissance de la finance, de la science et de la technologie, il a au moins été très utile pour définir les cinq grandes lignes directrices de Pékin pour l'avenir prévisible - au-delà de la sinophobie impériale habituelle.

La Chine se concentrera sur l'expansion de la demande intérieure, le maintien de chaînes industrielles et d'approvisionnement "fluides", le "développement sain du secteur privé", l'approfondissement de la réforme des entreprises d'État et la recherche d'"investissements étrangers attrayants".

Résistance russe, précipice américain 

Emmanuel Todd n'était pas à Davos. Mais c'est l'anthropologue, historien, démographe et analyste géopolitique français qui a fini par hérisser toutes les plumes supposément compétentes de l'Occident collectif ces derniers jours avec un objet anthropologique fascinant : une interview basée sur la réalité.

Todd s'est entretenu avec Le Figaro - journal de prédilection de l'establishment et de la haute bourgeoisie française. L'interview a été publiée vendredi dernier à la page 22, entre les proverbiales tirades russophobes et avec une mention extrêmement brève en bas de la première page. Il fallait donc que les gens fassent des efforts pour la trouver.   

Todd a plaisanté en disant qu'il avait l'image - absurde - d'un "rebelle destroy" en France, alors qu'au Japon, il est respecté, qu'il fait l'objet d'articles dans les médias grand public et que ses livres sont publiés avec grand succès, y compris le dernier (plus de 100 000 exemplaires vendus) : "La troisième guerre mondiale a déjà commencé".

Il est significatif que ce best-seller japonais n'existe pas en français, étant donné que toute l'industrie de l'édition basée à Paris suit la ligne de l'UE et de l'OTAN sur l'Ukraine.

Le fait que Todd ait raison sur plusieurs points est un petit miracle dans le paysage intellectuel européen actuel, d'une myopie abyssale (il existe d'autres analystes, notamment en Italie et en Allemagne, mais ils ont bien moins de poids que Todd).

Voici le résumé des thème principaux abordés par Todd.

- Une nouvelle guerre mondiale est en cours : En "passant d'une guerre territoriale limitée à un affrontement économique mondial, entre l'Occident collectif d'un côté et la Russie liée à la Chine de l'autre, cette guerre est devenue une guerre mondiale".

- Selon Todd, le Kremlin a commis une erreur en calculant qu'une société ukrainienne décomposée s'effondrerait immédiatement. Bien entendu, il n'explique pas en détail comment l'Ukraine a été militarisée à outrance par l'alliance militaire de l'OTAN.

- Todd a raison lorsqu'il souligne que l'Allemagne et la France sont devenues des partenaires mineurs de l'OTAN et n'étaient pas au courant de ce qui se tramait en Ukraine sur le plan militaire : "Ils ne savaient pas même que les Américains, les Britanniques et les Polonais pouvaient permettre à l'Ukraine de mener une guerre prolongée. L'axe fondamental de l'OTAN est désormais Washington-Londres-Varsovie-Kiev".

- La principale révélation de Todd est meurtrière : "La résistance de l'économie russe conduit le système impérial américain vers le précipice. Personne n'avait prévu que l'économie russe tiendrait face à la 'puissance économique' de l'OTAN".

- Conséquence, "les contrôles monétaires et financiers américains sur le monde peuvent s'effondrer, et avec eux la possibilité pour les USA de financer pour rien leur énorme déficit commercial".

- "C'est pourquoi nous sommes dans une guerre sans fin, dans un affrontement dont la conclusion est l'effondrement de l'un ou l'autre." 

- Sur la Chine, Todd pourrait faire penser à une version plus féroce de celle de Liu He à Davos : "C'est le dilemme fondamental de l'économie américaine : elle ne peut pas faire face à la concurrence chinoise sans importer une main-d'œuvre chinoise qualifiée."

- Quant à l'économie russe, "elle accepte les règles du marché, mais avec un rôle important de l'État, et elle garde la flexibilité de former des ingénieurs qui permettent des adaptations, industrielles et militaires."

- Tout cela nous amène, une fois de plus, à la globalisation, d'une manière que les tables rondes de Davos ont été incapables de comprendre : "Nous avons tellement délocalisé notre activité industrielle que nous ne savons pas si notre production de guerre peut être soutenue".

- Dans une interprétation plus érudite de ce sophisme du "choc des civilisations", Todd s'intéresse au soft power et arrive à une conclusion surprenante : "Sur 75 % de la planète, l'organisation de la parentalité était de type patrilinéaire*, et c'est pourquoi nous pouvons identifier une forte compréhension de la position russe. Pour le collectif non-occidental, la Russie affirme un conservatisme moral rassurant."

- Ainsi, ce que Moscou a réussi à faire, c'est de "se repositionner comme l'archétype d'une grande puissance, non seulement "anticolonialiste" mais aussi patrilinéaire et conservatrice en termes de mœurs traditionnelles."

Sur la base de tout ce qui précède, Todd brise le mythe vendu par les "élites" de l'UE/OTAN - Davos inclus - selon lequel la Russie est "isolée", en soulignant comment les votes à l'ONU et le sentiment général à travers le Sud global caractérisent la guerre, "décrite par les médias grand public comme un conflit de valeurs politiques, en fait, à un niveau plus profond, comme un conflit de valeurs anthropologiques."      

Entre lumière et obscurité

Se pourrait-il que la Russie - aux côtés du vrai Quad, tel que je l'ai défini (avec la Chine, l'Inde et l'Iran) - l'emporte sur le terrain des enjeux anthropologiques ?  

Le vrai Quad a tout ce qu'il faut pour s'épanouir en un nouveau foyer interculturel d'espoir dans un "monde fragmenté".

Mélangez la Chine confucéenne (non dualiste, sans divinité transcendante, mais avec le Tao qui coule à travers tout) avec la Russie (chrétienne orthodoxe, vénérant la divine Sophia) ; l'Inde polythéiste (roue de la renaissance, loi du karma) ; et l'Iran chiite (islam précédé par le zoroastrisme, l'éternelle bataille cosmique entre la Lumière et les Ténèbres).

Cette unité dans la diversité est certainement plus attrayante, et plus édifiante, que l'axe de la guerre éternelle.

Le monde en tirera-t-il une leçon ? Ou, pour citer Hegel - "ce que nous apprenons de l'histoire, c'est que personne n'apprend de l'histoire" - sommes-nous irrémédiablement condamnés ?

Auteur: Escobar Pepe

Info: https://www.presstv.ir, 18 janvier 2023, *système de filiation dans lequel chacun relève du lignage de son père

[ ukraine 2023 ] [ point chaud ] [ inertie patriarcale ]

 

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humanisme

En recevant la distinction dont votre libre Académie a bien voulu m'honorer, ma gratitude était d'autant plus profonde que je mesurais à quel point cette récompense dépassait mes mérites personnels. Tout homme et, à plus forte raison, tout artiste, désire être reconnu. Je le désire aussi. Mais il ne m'a pas été possible d'apprendre votre décision sans comparer son retentissement à ce que je suis réellement. Comment un homme presque jeune, riche de ses seuls doutes et d'une œuvre encore en chantier, habitué à vivre dans la solitude du travail ou dans les retraites de l'amitié, n'aurait-il pas appris avec une sorte de panique un arrêt qui le portait d'un coup, seul et réduit à lui-même, au centre d'une lumière crue ? De quel cœur aussi pouvait-il recevoir cet honneur à l'heure où, en Europe, d'autres écrivains, parmi les plus grands, sont réduits au silence, et dans le temps même où sa terre natale connaît un malheur incessant ? J'ai connu ce désarroi et ce trouble intérieur. Pour retrouver la paix, il m'a fallu, en somme, me mettre en règle avec un sort trop généreux. Et, puisque je ne pouvais m'égaler à lui en m'appuyant sur mes seuls mérites, je n'ai rien trouvé d'autre pour m'aider que ce qui m'a soutenu, dans les circonstances les plus contraires, tout au long de ma vie : l'idée que je me fais de mon art et du rôle de l'écrivain. Permettez seulement que, dans un sentiment de reconnaissance et d'amitié, je vous dise, aussi simplement que je le pourrai, quelle est cette idée.

Je ne puis vivre personnellement sans mon art. Mais je n'ai jamais placé cet art au-dessus de tout. S'il m'est nécessaire au contraire, c'est qu'il ne se sépare de personne et me permet de vivre, tel que je suis, au niveau de tous. L'art n'est pas à mes yeux une réjouissance solitaire. Il est un moyen d'émouvoir le plus grand nombre d'hommes en leur offrant une image privilégiée des souffrances et des joies communes. Il oblige donc l'artiste à ne pas s'isoler; il le soumet à la vérité la plus humble et la plus universelle. Et celui qui, souvent, a choisi son destin d'artiste parce qu'il se sentait différent apprend bien vite qu'il ne nourrira son art, et sa différence, qu'en avouant sa ressemblance avec tous. L'artiste se forge dans cet aller-retour perpétuel de lui aux autres, à mi-chemin de la beauté dont il ne peut se passer et de la communauté à laquelle il ne peut s'arracher. C'est pourquoi les vrais artistes ne méprisent rien; ils s'obligent à comprendre au lieu de juger. Et, s'ils ont un parti à prendre en ce monde, ce ne peut être que celui d'une société où, selon le grand mot de Nietzsche, ne régnera plus le juge, mais le créateur, qu'il soit travailleur ou intellectuel. Le rôle de l'écrivain, du même coup, ne se sépare pas de devoirs difficiles. Par définition, il ne peut se mettre aujourd'hui au service de ceux qui font l'histoire : il est au service de ceux qui la subissent. Ou, sinon, le voici seul et privé de son art. Toutes les armées de la tyrannie avec leurs millions d'hommes ne l'enlèveront pas à la solitude, même et surtout s'il consent à prendre leur pas. Mais le silence d'un prisonnier inconnu, abandonné aux humiliations à l'autre bout du monde, suffit à retirer l'écrivain de l'exil, chaque fois, du moins, qu'il parvient, au milieu des privilèges de la liberté, à ne pas oublier ce silence et à le faire retentir par les moyens de l'art. Aucun de nous n'est assez grand pour une pareille vocation. Mais, dans toutes les circonstances de sa vie, obscur ou provisoirement célèbre, jeté dans les fers de la tyrannie ou libre pour un temps de s'exprimer, l'écrivain peut retrouver le sentiment d'une communauté vivante qui le justifiera, à la seule condition qu'il accepte, autant qu'il peut, les deux charges qui font la grandeur de son métier : le service de la vérité et celui de la liberté. Puisque sa vocation est de réunir le plus grand nombre d'hommes possible, elle ne peut s'accommoder du mensonge et de la servitude qui, là où ils règnent, font proliférer les solitudes. Quelles que soient nos infirmités personnelles, la noblesse de notre métier s'enracinera toujours dans deux engagements difficiles à maintenir- le refus de mentir sur ce que l'on sait et la résistance à l'oppression. Pendant plus de vingt ans d'une histoire démentielle, perdu sans secours, comme tous les hommes de mon âge, dans les convulsions du temps, j'ai été soutenu ainsi par le sentiment obscur qu'écrire était aujourd'hui un honneur, parce que cet acte obligeait, et obligeait à ne pas écrire seulement. Il m'obligeait particulièrement à porter, tel que j'étais et selon mes forces, avec tous ceux qui vivaient la même histoire, le malheur et l'espérance que nous partagions. Ces hommes, nés au début de la Première Guerre mondiale, qui ont eu vingt ans au moment où s'installaient à la fois le pouvoir hitlérien et les premiers procès révolutionnaires, qui ont été confrontés ensuite, pour parfaire leur éducation, à la guerre d'Espagne, à la Seconde Guerre mondiale, à l'univers concentrationnaire, à l'Europe de la torture et des prisons, doivent aujourd'hui élever leurs fils et leurs œuvres dans un monde menacé de destruction nucléaire. Personne, je suppose, ne peut leur demander d'être optimistes. Et je suis même d'avis que nous devons comprendre, sans cesser de lutter contre eux, l'erreur de ceux qui, par une surenchère de désespoir, ont revendiqué le droit au déshonneur, et se sont rués dans les nihilismes de l'époque. Mais il reste que la plupart d'entre nous, dans mon pays et en Europe, ont refusé ce nihilisme et se sont mis à la recherche d'une légitimité. Il leur a fallu se forger un art de vivre par temps de catastrophe, pour naître une seconde fois, et lutter ensuite, à visage découvert, contre l'instinct de mort à l'œuvre dans notre histoire. Chaque génération, sans doute, se croit vouée à refaire le monde. La mienne sait pourtant qu'elle ne le refera pas. Mais sa tâche est peut-être plus grande. Elle consiste à empêcher que le monde se défasse. Héritière d'une histoire corrompue où se mêlent les révolutions déchues, les techniques devenues folles, les dieux morts et les idéologies exténuées, où de médiocres pouvoirs peuvent aujourd'hui tout détruire mais ne savent plus convaincre, où l'intelligence s'est abaissée jusqu'à se faire la servante de la haine et de l'oppression, cette génération a dû, en elle-même et autour d'elle, restaurer à partir de ses seules négations un peu de ce qui fait la dignité de vivre et de mourir. Devant un monde menacé de désintégration, où nos grands inquisiteurs risquent d'établir pour toujours les royaumes de la mort, elle sait qu'elle devrait, dans une sorte de course folle contre la montre, restaurer entre les nations une paix qui ne soit pas celle de la servitude, réconcilier à nouveau travail et culture, et refaire avec tous les hommes une arche d'alliance. Il n'est pas sûr qu'elle puisse jamais accomplir cette tâche immense, mais il est sûr que, partout dans le monde, elle tient déjà son double pari de vérité et de liberté, et, à l'occasion, sait mourir sans haine pour lui. C'est elle qui mérite d'être saluée et encouragée partout où elle se trouve, et surtout là où elle se sacrifie. C'est sur elle, en tout cas, que, certain de votre accord profond, je voudrais reporter l'honneur que vous venez de me faire. Du même coup, après avoir dit la noblesse du métier d'écrire, j'aurais remis l'écrivain à sa vraie place, n'ayant d'autres titres que ceux qu'il partage avec ses compagnons de lutte, vulnérable mais entêté, injuste et passionné de justice, construisant son œuvre sans honte ni orgueil à la vue de tous, toujours partagé entre la douleur et la beauté, et voué enfin à tirer de son être double les créations qu'il essaie obstinément d'édifier dans le mouvement destructeur de l'histoire. Qui, après cela, pourrait attendre de lui des solutions toutes faites et de belles morales ? La vérité est mystérieuse, fuyante, toujours à conquérir. La liberté est dangereuse, dure à vivre autant qu'exaltante. Nous devons marcher vers ces deux buts, péniblement, mais résolument, certains d'avance de nos défaillances sur un si long chemin. Quel écrivain dès lors oserait, dans la bonne conscience, se faire prêcheur de vertu ?

Quant à moi, il me faut dire une fois de plus que je ne suis rien de tout cela. Je n'ai jamais pu renoncer à la lumière, au bonheur d'être, à la vie libre où j'ai grandi. Mais bien que cette nostalgie explique beaucoup de mes erreurs et de mes fautes, elle m'a aidé sans doute à mieux comprendre mon métier, elle m'aide encore à me tenir, aveuglément, auprès de tous ces hommes silencieux qui ne supportent dans le monde la vie qui leur est faite que par le souvenir ou le retour de brefs et libres bonheurs. Ramené ainsi à ce que je suis réellement, à mes limites, à mes dettes, comme à ma foi difficile, je me sens plus libre de vous montrer, pour finir, l'étendue et la générosité de la distinction que vous venez de m'accorder, plus libre de vous dire aussi que je voudrais la recevoir comme un hommage rendu à tous ceux qui, partageant le même combat, n'en ont reçu aucun privilège, mais ont connu au contraire malheur et persécution. Il me restera alors à vous en remercier, du fond du cœur, et à vous faire publiquement, en témoignage personnel de gratitude, la même et ancienne promesse de fidélité que chaque artiste vrai, chaque jour, se fait à lui-même, dans le silence.

Auteur: Camus Albert

Info: Pour sa réception du Nobel en 1957, in "Discours de Suède", Folio-Gallimard

[ écriture ]

 

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homme-machine

Un philosophe sur la mort de la romance, les robots ChatGPT vulgaires et le sexe virtuel

Je m'inquiète des développements du web et de l'intelligence artificielle. Quelques exemples au sujet desquels il faut se poser des questions..

L'explosion des nouveaux médias (Facebook, Google, Instagram, TikTok, etc.) dans l'Occident "démocratique" a radicalement modifié le rapport entre espace public et espace privé : un nouveau tiers espace a émergé qui efface le clivage entre public et privé.

Ce nouvel espace est public, accessible dans le monde entier, mais il fonctionne en même temps pour les échanges de messages privés. C'est tout sauf incontrôlé : il existe des algorithmes qui non seulement le censurent et empêchent certains messages de s'y infiltrer, mais manipulent également la façon dont les messages attirent notre attention.

Les plateformes technologiques font face à de nouveaux défis

Il s'agit ici de dépasser l'alternative "Chine ou Elon Musk" : ou le contrôle opaque de l'État, ou la "liberté" de faire ce qu'on veut, tout ceci pareillement manipulé par des algorithmes opaques. Ce que la Chine et Musk ont ​​en commun, c'est un contrôle algorithmique opaque.

Une équipe d'entrepreneurs israéliens dont le nom de code est "Team Jorge" "affirme avoir truqué plus de 30 élections dans le monde par le piratage, le sabotage et la désinformation automatisée sur les réseaux sociaux. La "Team Jorge" est dirigée par Tal Hanan, 50 ans, ancien commandant des opérations spéciales israéliennes. Les méthodes et techniques décrites par "Team Jorge" posent de nouveaux défis aux grandes plateformes technologiques qui luttent depuis des années pour empêcher les acteurs néfastes de répandre des mensonges ou de violer la sécurité de leurs plateformes. L'existence d'un marché privé mondial pour la désinformation ciblée sur les élections sonnera également l'alarme dans les démocraties du monde entier.

Tout cela est plus ou moins de notoriété publique maintenant, du moins depuis le scandale de Cambridge Analytica (dont l'implication dans les élections américaines de 2016 a joué un rôle déterminant dans la victoire de Trump). Pour aggraver les choses, la gamme de nouveaux algorithmes devrait également inclure l'explosion de programmes qui rendent l'échange de visages et d'autres techniques de deepfake facilement accessibles.

Bien sûr, les plus populaires sont les algorithmes qui permutent les visages des célébrités sur les corps des actrices porno dans les films pour adultes : Les outils nécessaires pour créer ces vidéos porno "maison" mettant en vedette les actrices et pop stars préférées d'Hollywood sont facilement disponibles et simples à utiliser. Cela signifie que même ceux qui n'ont aucune compétence en informatique et peu de connaissances techniques peuvent créer ces films.

Les films porno Deepfake sont faciles à créer. La s(t)imulation sexuelle parfaite.

Les visages des actrices hardcore peuvent être échangés non seulement par des stars de la pop, mais aussi par leurs proches - le processus est impressionnant de par sa simplicité : "Vous pouvez transformer n'importe qui en star du porno en utilisant la technologie deepfake pour remplacer le visage de la personne échangé contre une vidéo adulte. Il suffit de l'image et d'appuyer sur un bouton". Malheureusement, la plupart du temps, les deepfakes sont utilisés pour créer de la pornographie mettant en scène des femmes, pour qui cela a un effet dévastateur. "Entre 90 et 95 % de toutes les vidéos deepfake en ligne sont de la pornographie non consensuelle, et environ 90 % d'entre elles sont des femmes."

Et si vous voulez que les voix correspondent également aux visages échangés, utilisez la voix Voice AI pour créer "des recréations hyperréalistes qui ressemblent à la vraie personne". Bien sûr, le raccourci incestueux ultime ici serait d'échanger mon propre visage et celui de ma femme ou de mon partenaire dans une vidéo pour adultes et d'ajouter nos clones de voix aux enregistrements afin que nous puissions simplement nous asseoir confortablement, boire un verre et regarder notre sexe passionné.

Le chatbot génère des textes incroyablement clairs et nuancés

Mais pourquoi devrions-nous nous limiter au sexe ? Que diriez-vous d'embarrasser nos ennemis avec des vidéos d'échange de visage d'eux faisant quelque chose de grossier ou de criminel ? Et pour ne rien arranger, on peut ajouter à tout ceci des chatbots (programmes informatiques capables d'avoir une conversation avec un utilisateur en langage naturel, de comprendre ses intentions et de répondre en fonction de règles et de données prédéterminées). Récemment, leurs performances ont explosé.

Quand Antony Aumann, professeur de philosophie à la Northern Michigan University, a évalué des essais pour son cours sur les religions du monde le mois dernier, il a lu un essai qui, selon lui, était de loin "le meilleur de la classe". Il a examiné la moralité de l'interdiction de la burqa avec des paragraphes clairs, des exemples appropriés et des arguments solides. Aumann a demandé à son élève s'il avait écrit lui-même l'essai; l'étudiant a admis utiliser ChatGPT, un chatbot qui fournit des informations, explique des concepts et génère des idées dans des phrases simples - de fait dans ce cas a écrit l'essai.

Toutes choses qui font partie de l'arrivée en temps réel d' une nouvelle vague de technologie connue sous le nom d'intelligence artificielle générative. ChatGPT, sorti en novembre 2022 par la société OpenAI, est à la pointe de ce développement. Générant un texte incroyablement clair et nuancé en réponse à de courtes invites, ce chatbot est utilisé par les gens pour écrire des lettres d'amour, de la poésie, de la fanfiction - et des travaux scolaires.

L'intelligence artificielle peut se montrer effrayante

Pas étonnant que les universités et les lycées réagissent dans la panique et n'autorisent dans certains cas que les examens oraux. Entre autres questions, il en est une qui mérite attention : comment un chatbot doit-il réagir lorsque l'interlocuteur humain tient des propos sexistes et racistes agressifs, présente ses fantasmes sexuels dérangeants et utilise régulièrement un langage grossier ?

Microsoft a reconnu que certaines sessions de chat prolongées utilisant son nouvel outil de chat Bing peuvent fournir des réponses qui ne "correspondent pas à notre tonalité de message prévu". Microsoft a également déclaré que dans certains cas, la fonctionnalité de chat tente de "répondre ou de refléter le ton sur lequel il lui est demandé de répondre".

Bref, le problème se pose lorsque le diaogue humain avec un chatbot utilise un langage grossier ou tient des propos racistes et sexistes flagrants, et que le chatbot programmé pour être au même niveau que les questions qui lui sont adressées répond, sur le même ton. La réponse évidente est une forme de réglementation qui fixe des limites claires, c'est-à-dire la censure. Mais qui déterminera jusqu'où cette censure doit aller ? Faut-il également interdire les positions politiques que certains trouvent "offensantes" ? Est-ce que la solidarité avec les Palestiniens en Cisjordanie ou les affirmations selon lesquelles Israël est un État d'apartheid (comme Jimmy Carter l'a dit dans le titre de son livre) seront bloquées comme "antisémites" ?

La romance est presque morte    

En raison de ce clivage minimal, constitutif d'un sujet, le sujet est pour Lacan divisé ou "verrouillé". Dans la scène imaginée, je présente (ou plutôt mon double en tant que personne) à un professeur, via le zoom, un travail de séminaire rédigé par un chatbot, mais le professeur aussi n'est présent qu'en tant que personne, sa voix est générée artificiellement, et mon séminaire est noté par un algorithme. Il y a une dizaine d'années, The Guardian me demanda si le romantisme était mort aujourd'hui - voici ma réponse.

"Le romantisme n'est peut-être pas encore tout à fait mort, mais sa mort imminente se manifeste par des gadgets-objets qui promettent de fournir un plaisir excessif, mais qui ne font en fait que reproduire le manque lui-même. La dernière mode est le Stamina Training Unit, l'équivalent du vibromasseur : un appareil de masturbation qui ressemble à une lampe à piles ( afin que nous ne soyons pas gênés de le transporter avec nous). On insère son pénis en érection dans l'ouverture située à l'extrémité, on appuie sur le bouton et l'appareil vibre jusqu'à la satisfaction... Comment faire face à ce beau nouveau monde qui sape les fondements de notre vie intime ? La solution ultime serait bien sûr de mettre un vibromasseur dans cet appareil pour l'entraînement à l'endurance, de les allumer tous les deux et de laisser tout le plaisir à ce couple idéal, tandis que nous, les deux vrais partenaires humains, serions assis à une table à proximité, en train de boire du thé et de savourer tranquillement le fait d'avoir accompli notre devoir de jouissance sans trop d'efforts".

Ce qui reste de nous n'est qu'un cogito vide

Nous pouvons maintenant imaginer la même externalisation d'autres activités telles que les séminaires universitaires et les examens. Dans une scène idéale, tout le processus de rédaction de mon séminaire et des examens par le professeur se fait par interaction numérique, de sorte qu'à la fin, sans rien faire, nous ne faisons que valider les résultats.

Pendant ce temps, je fais l'amour avec ma maîtresse ... mais encore une fois un sexe délocalisé grâce à son vibromasseur qui pénètre dans mon appareil d'entraînement à l'endurance, alors que nous sommes tous les deux simplement assis à une table à proximité et, afin de nous amuser encore plus, nous voyons sur un écran de télévision un simulacre nous montrant tous les deux en train de faire l'amour ... et bien sûr, tout cela est contrôlé et réglé par l'équipe Jorge.

Ce qui reste de nous deux n'est qu'un cogito (du latin "je pense") vide, dominé par plusieurs versions de ce que Descartes appelait le "génie malin". Et c'est peut-être là notre dilemme actuel : nous sommes incapables de franchir l'étape suivante décrite par Descartes et de nous fier à une forme véridique et stable d'un grand Autre divin, nous sommes les "enfants d'un dieu moindre" (pour reprendre le titre d'une pièce de théâtre et d'un film), pris à jamais dans la multiplicité contradictoire d'esprits mauvais et trompeurs.

Auteur: Zizek Slavoj

Info: Résumé par le Berliner Zeitung ici : https://www.berliner-zeitung.de/kultur-vergnuegen/slavoj-zizek-ueber-den-tod-der-romantik-vulgaere-chatgpt-bots-und-unechten-sex-li.321649

[ dénaturation ]

 

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