Citation
Catégorie
Tag – étiquette
Auteur
Info



nb max de mots
nb min de mots
trier par
Dictionnaire analogique intriqué pour extraits. Recherche mots ou phrases tous azimuts. Aussi outil de précision sémantique et de réflexion communautaire. Voir la rubrique mode d'emploi. Jetez un oeil à la colonne "chaînes". ATTENTION, faire une REINITIALISATION après  une recherche complexe. Et utilisez le nuage de corrélats !!!!..... Lire la suite >>
Résultat(s): 212
Temps de recherche: 0.0444s

.

J'attache de la valeur à toute forme de vie, à la neige, la fraise, la mouche.

J'attache de la valeur au règne animal et à la République des étoiles.

J'attache de la valeur au vin tant que dure le repas, au sourire involontaire, à la fatigue de celui qui ne sait pas épargner, à deux vieux qui s'aiment.

J'attache de la valeur à ce qui demain ne vaudra plus rien, à ce qui aujourd'hui vaut encore peu de choses.

J'attache de la valeur à toutes les blessures.

J'attache de la valeur à économiser l'eau, à réparer une paire de souliers, à se taire à temps, à accourir à un cri, à demander la permission avant de s'asseoir, à éprouver de la gratitude sans se souvenir de quoi.

J'attache de la valeur au voyage du vagabond, à la clôture de la moniale, à la patience du condamné, quelle que soit sa faute.

J'attache de la valeur à l'usage du verbe aimer et à l'hypothèse qu'il existe un créateur.

Bien de ces valeurs, je ne les ai pas connues.

Auteur: Luca Erri De

Info: Valeur

[ cherté ] [ prix ]

 

Commentaires: 0

Ajouté à la BD par Le sous-projectionniste

écriture

L'art d'écrire est un art très futile s'il n'implique pas avant tout l'art de voir le monde comme un potentiel de fiction. Le matériau de ce monde peut être bien réel (pour autant qu'il y ait une réalité), mais n'existe aucunement en tant qu'intégralité acceptée comme telle : c'est un chaos, et à ce chaos l'auteur dit : "Va !" et le monde vacille et entre en fusion. Et voilà que se recombinent non seulement ses éléments visibles et superficiels, mais ses atomes mêmes. L'écrivain est le premier homme à en dresser la carte et à donner des noms aux objets naturels qu'il contient. Ces baies-là sont comestibles. Cette créature mouchetée qui a bondi sur mon chemin peut être domestiquée. Ce lac entre les arbres s'appellera le lac d'Opale, ou, plus artistiquement, le lac Lavasse. Cette brume est une montagne et cette montagne doit être conquise. Le grand artiste gravit une pente vierge et, arrivé au sommet, au détour d'une corniche battue par les vents, qui croyez-vous qu'il rencontre ? Le lecteur haletant et heureux. Tous deux tombent spontanément dans les bras l'un de l'autre et demeurent unis à jamais si le livre vit à jamais.

Auteur: Nabokov Vladimir

Info: In Littératures (1980), (trad. Hélène Pasquier), éd. Robert Laffont, coll. " Bouquins ", 2010, partie Littératures I, Bons lecteurs et bons écrivains, p. 36

[ lecture ]

 

Commentaires: 0

oiseaux

De gros bouvreuils se coulent les uns auprès des autres, des colombes écervelées fourragent dans l'herbe, le champ d' à côté se couvre soudain de rouges-gorges qui arrivent telles des feuilles amenées par le vent, y font un rapide pique-nique et s'en retournent tous ensemble comme pour répondre à une convocation. De la fenêtre du bureau j'observe des troglodytes et des mésanges dans le chêne vert. Les premiers qui nichent dans le même trou pour la cinquième année consécutive, sont fort occupés ; c'est un ballet de queues obliques qui y entrent, de têtes pointues barrées d'un sourcil blanc qui en ressortent. Ils sont maussades et agressifs, et je me prends à me demander pourquoi moi qui serais aussi irritable qu'eux, je préfère de beaucoup les plus sociables mésanges. Cela vient peut-être de ce qu'elles font ce que j'ai toujours pensé que nous ferions à leur place : elles se bornent à gober les mouches sans souci du temps qui passe, elles font voler les feuilles mortes, jouent à cache-cache dans les arbres et, d'une manière générale, prennent du bon temps.

C'est grâce à cette sorte de méditation que je reste, à près de soixante-dix ans, aussi bienheureux et sain d'esprit.

Auteur: Stegner Wallace

Info: Vue cavalière

[ contemplation ]

 

Commentaires: 0

Ajouté à la BD par miguel

chronos

Le temps

ne bouge pas

il est comme un mulet

assis

au milieu

d’un carrefour

je lui donne des coups de pied

je le tire

par son licou

je le pousse

il ne bouge pas

et pour autant

autour

de cet animal

noir et obtus

tout file

s’écoule

circule

s’agite

je me mets au lit

désespéré

après une journée

immobile

comme

un garde-fou

je m’endors

imaginant

que pendant que je dors

le mulet

se lève

et s’en va

l’aube arrive

je regarde

le mulet

il est toujours là

au milieu

de la chaussée

il n’a pas bougé

toujours là

avec sa tête

penchée

prisonnière

de ses œillères

énormes

avec ses narines

ourlées

de mouches

avec son ventre

gonflé

de foin

sur lequel

aux endroits plus clairs

serpentent

de dégoûtantes

veines

proéminentes

avec ses pattes

pelées

et écorchées

par ses sabots

encombrants.



 

Auteur: Moravia Alberto

Info: L’homme nu et autres poèmes, préfacé par René de Ceccaty

[ poème ]

 

Commentaires: 0

Ajouté à la BD par miguel

désintéressement

Spinoza était si sobre qu'il ne buvait généralement pas plus d'une pinte de vin par mois. On voit, par différents comptes trouvés dans ses papiers, dit son biographe Colerus, qu'il a vécu un jour entier d'une soupe au lait accommodée avec du beurre, ce qui lui revenait à trois sous, et d'un pot de bière d'un sou et demi. Un autre jour, il n'a mangé que du gruau apprêté avec des raisins et du beurre, et ce plat lui avait coûté quatre sous et demi.
Afin de pouvoir se livrer en paix à ses spéculations philosophiques, il apprit l'art de tailler des verres d'optique, et il partageait son temps entre l'étude et la fabrication de ces verres. Quand il était las et qu'il voulait se relâcher l'esprit, il cherchait des araignées, qu'il faisait lutter ensemble, et des mouches qu'il jetait dans la toile d'araignée, et regardait ensuite cette bataille avec tant de plaisir qu'il éclatait quelquefois de rire. Il refusa plusieurs fois les dons et les legs qu'on lui voulait faire; cependant Jean de Witt l'avait forcé d'accepter une rente de deux cents florins ; mais ses héritiers, faisant difficulté de continuer cette rente, Spinoza leur mit son titre entre les mains avec une si tranquille indifférence qu'ils rentrèrent en eux-mêmes.

Auteur: Saisset Émile-Edmond

Info: Précurseurs et disciples de Descartes

[ philosophie ] [ ascétisme ] [ anecdote ]

 

Commentaires: 0

devenir

[...] les événements n'ont été que rarement l'émanation des hommes, la plupart du temps ils ont dépendu de toutes sortes de circonstances, de l'humeur, de la vie et de la mort d'autres hommes, ils leur sont simplement tombés dessus à un moment donné. Dans leur jeunesse, la vie était encore devant eux comme un matin inépuisable, de toutes parts débordante de possibilités et de vide, et à midi déjà voici quelque chose devant vous qui est en droit d’être désormais votre vie, et c’est aussi surprenant que le jour où un homme est assis là tout à coup, avec qui l’on a correspondu pendant vingt ans sans le connaître, et qu’on s’était figuré tout différent. Mais le plus étrange est encore que la plupart des hommes ne s'en aperçoivent pas ; ils adoptent l'homme qui est venu à eux, dont la vie s'est acclimatée en eux, les événements de sa vie leur semblent désormais l'expression de leurs qualités, son destin est leur mérite ou leur malchance. Il leur est arrivé ce qui arrive aux mouches avec le papier tue-mouches : quelque chose s'est accroché à eux, ici agrippant un poil, là entravant leurs mouvements, quelque chose les a lentement emmaillotés jusqu'à ce qu'ils soient ensevelis dans une housse épaisse qui ne correspond plus que de très loin à leur forme primitive.

Auteur: Musil Robert

Info: Dans "L'homme sans qualités", tome 1, trad. Philippe Jaccottet, éditions du Seuil, 1957, page 204

[ auto-trahison ] [ pantins ] [ circonstances maitresses ]

 

Commentaires: 0

Ajouté à la BD par Coli Masson

quête

Oui, vous me faites rire, hommes actuels et surtout quand vous vous étonnez de vous-mêmes. Malheur à moi si je ne pouvais rire de votre étonnement et s'il me fallait avaler tout ce que vos écuelles contiennent de répugnant ! Mais je vous prends à la légère, puisque j'ai des choses lourdes à porter ; et que m'importe si des mouches se posent sur mon fardeau. En vérité mon fardeau n'en sera pas plus lourd. Et ce n'est pas de vous, mes contemporains, que me viendra la grande fatigue. Hélas ! Où dois-je encore monter avec mon désir ? Je regarde du haut de tous les sommets pour m'enquérir de patries et de terres natales. Mais je n'en ai trouvé nulle part : je suis errant dans toutes les villes, et, à toutes les portes, je suis sur mon départ. Les hommes actuels vers qui tout à l'heure mon coeur était poussé, sont maintenant pour moi des étrangers qu'excitent mon rire ; je suis chassé des patries et des terres natales. Je n'aime plus que le pays de mes enfants, terre inconnue parmi les mers lointaines : et c'est elle que je demande à ma voile de chercher et de chercher encore, afin de me racheter aux yeux de mes enfants d'être le fils de mes pères, et de tout avenir, je veux racheter... ce présent !

Auteur: Nietzsche Friedrich

Info: Ainsi Parlait Zarathoustra - 1885

[ espoir ] [ misanthropie ] [ lucidité ]

 

Commentaires: 0

Ajouté à la BD par Neshouma

sens

Il était silencieux, puis l’implora : "Écoute, Sally.

Donne-moi un autre médoc.

Il y a des rats bouillonnant dans mon ventre qui rampent et

mordent." Elle essuya son front détrempé

Avec un morceau de tissu, puis s’assit sur le lit

En tenant sa vieille main mouchetée ; la secoua, la pressant

Contre sa joue.

          De tout ceci, Seigneur –

Un vieil homme cancéreux, une épouse

Jalouse répétant toute la nuit

La litanie de ses erreurs passées,

Et une jeune adultère torride

Entre ses deux hommes – de tous ces éléments

Ordinaires de la vie commune, ces deux ou trois personnes

Qui non sans raison s’interrogent,

Une découverte peut-elle sourdre, ou un faucon s’envoler ?

Car tu n’es pas humain, tu ne tiens pas compte des personnes,

Ni sujet au dégoût ni adepte du péché,

Et tous tes chemins sont beaux.

Même tes choses qui dépérissent, la vase des mers et la charogne

Resplendissent dans l’obscurité ; même cette époque dépravée

Qui fait le mal dans ses rêves,

Ivre de tromperies et de cruautés,

Phosphorescente de guerres,

S’embrase comme une torche.

Elle a son propre honneur abandonné, et ses piliers de musique

Offerts aux pures étoiles.


Auteur: Jeffers Robinson

Info: Dans "Mara ou Tu peux en vouloir au soleil", trad. de l’anglais (États-Unis) par Cédric Barnaud, éditions Unes, 2022, pages 27-28

[ mystère ] [ beauté ] [ horreur surpassée ] [ lila ]

 
Commentaires: 3
Ajouté à la BD par Coli Masson

anecdote

Pugnani, célèbre violon à Turin, était maître de chapelle du duc de Savoie.
C'était un homme de très grand talent, mais d'un amour-propre ridicule ; sa figure était très plaisante et surtout remarquable par les vastes dimensions de son nez, que ses élèves surnommaient l'éteignoir du cierge pascal.
Dans la maison qu'il habitait, demeurait un jeune peintre auquel Pugnani en voulait beaucoup, parce qu'il avait fait plusieurs fois sa caricature. Il l'avait représenté un jour conduisant son orchestre, et tous ses musiciens étaient abrités sous son vaste nez comme sous un immense parasol. Pour faire enrager ce pauvre musicien, notre peintre le peignit une autre fois dans le fond d'un vaste pot de chambre, et pour le faire bien endiabler, il déposa le vase nocturne sur l'escalier. Ce fut le premier objet que rencontra Pugnani en rentrant chez lui.
Désirant se venger, le musicien manda chez le juge le jeune artiste. Après qu'il eut exposé ses griefs, le juge demanda à l'artiste ce qu'il avait à répondre. Sans se déconcerter, celui-ci tira de sa poche un mouchoir dont le fond représentaitla tête du grand Frédéric. Après l'avoir étalé aux yeux du juge, il lui dit : " Monsieur, quand je me permets de me moucher et de cracher sur la face du grand Frédéric, il me semble que je peux bien pisser sur la figure de M. Pugnani. " Le juge rit et renvoya les deux plaignants.

Auteur: Internet

Info: in le Dictionnaire encyclopédique d'anecdotes modernes, anciennes, françaises et étrangères d'Edmond Guerard

[ justice ] [ moquerie ]

 

Commentaires: 0

violées

Vocable pour suggérer le viol, ou pour le contourner : après le passage des soldats près de la rivière, eux que la jeune femme, cachée durant des heures, n'a pu éviter. A rencontrés. A subis. "J'ai subi la France", aurait dit la bergère de treize ans, Chérifa, elle qui justement n'a rien subi, sinon, aujourd'hui, le présent étale.

Les soldats partis, une fois qu'elle s'est lavée, qu'elle a réparé son désordre, qu'elle a renoué sa natte sous le ruban écarlate, tous ces gestes reflétés dans l'eau saumâtre de l'oued, la femme, chaque femme, revient, une heure ou deux après, marche pour affronter le monde, pour éviter que le chancre ne s'ouvre davantage dans le cercle tribal - vieillard aveugle, gardiennes attentives, enfants silencieux avec des mouches sur les yeux, garçonnets déjà soupçonneux :

- Ma fille, y a-t-il eu "dommage" ?

L'une ou l'autre des aïeules posera la question, pour se saisir du silence et construire un barrage au malheur. La jeune femme, cheveux recoiffés, ses yeux dans les yeux sans éclat de la vieille, éparpille du sable brûlant sur toute parole : le viol, non dit, ne sera pas violé. Avalé. Jusqu'à la prochaine alerte.

Vingt ans après, puis-je prétendre habiter ces voix d'asphyxie ? Ne vais-je pas trouver tout au plus de l'eau évaporée ? Quels fantômes réveiller, alors que, dans le désert de l'expression d'amour (amour reçu, "amour" imposé), me sont renvoyées ma propre aridité et mon aphasie.

Auteur: Djebar Assia

Info: L'amour, la fantasia

[ guerre ] [ forcées ] [ colonialisme ]

 

Commentaires: 0

Ajouté à la BD par miguel