égoïsme
- Oum ! (J'ai un peu regretté, mais c'était sorti.)
- Il faut que j'aide la dame !
J'ai eu envie de dire quelque chose comme : "Laisse-la, elle a bien vécu!", mais cette fois, je me suis retenu. Pourtant, c'était sincèrement ce que je pensais : je ne trouvais pas normal que nous mourions en essayant de sauver une vieille femme. Je ne voulais pas mettre en jeu la vie de mon fils (et celle de ses parents, soyons honnête) pour que cette brave grand-mère reste quatre ou cinq ans de plus sur terre.
J'ai continué à avancer avec Géo, en ralentissant tout de même un peu pour ne pas abandonner Oum. Je voyais la femme que j'aimais à la traîne, ma raison d'être, sur fond de flammes et de fumée, et ça m'ouvrait les entrailles - tout ce que je réussissais à penser, c'était : "Laisse-la griller, et tu pourras filer." (C'est dans les situations délicates qu'on comprend qu'on est moins altruiste qu'on l'espérait. J'ai été obligé d'admettre à cet instant, et pour le restant de mes jours, que je n'étais pas prêt à risquer la mort, encore moins celle de ma femme et de mon fils, pour sauver quelqu'un. C'est la honte, mais c'est la vie.)
Auteur:
Jaenada Philippe
Années: 1964 - 20??
Epoque – Courant religieux: Récent et Libéralisme économique
Sexe: H
Profession et précisions: écrivain
Continent – Pays: Europe - France
Info:
Plage de Manaccora, 16 h 30, p.60
[
instint de conservation
]
USA
Tout le monde sait que l'égoïsme de chaque individu, du premier au dernier, dont les droits à l'égoïsme sont garantis par notre Constitution américaine, contient la ruine de notre pays, du monde, de la Terre elle-même. Notre Constitution affirme le droit de détruire le monde, et le monde sera détruit, complètement détruit, et ceux qui resteront dans les ruines seront dévoués, du premier au dernier individu, à eux-mêmes seulement, ne s'inquiéteront que de leur propre survie et, en toute légalité constitutionnelle, ils couperont le dernier arbre restant qui pourrait, si on le sauvait, produire assez de semences pour replanter les forêts du monde entier, ils tueront le dernier couple d'oiseaux qui pourrait, si on l'épargnait, se reproduire en masse pour remplacer tous les oiseaux du monde. La Société, à son apogée dans les inaliénables droits américains à la vie, à la liberté et à la poursuite du bonheur, a évolué dans un sens intrinsèquement néfaste à la survie du monde. Tout à fait néfaste, mais telle est la vérité américaine fondamentale universelle: tu es toi et je suis moi, et je suis content que ta pauvreté ne signifie pas que je doive être pauvre, que ta maladie ne signifie pas que je doive être malade, que ta souffrance ne signifie pas que je doive souffrir, que le fait que tu sois noir ou juif ou homo ne signifie pas que je doive être noir ou juif ou homo, que ta mort ne signifie pas que je doive mourir. Je suis très content qu'aux Etats-Unis nous vivions individuellement et mourions individuellement. Si néfaste que ce soit, si destructeur de cette terre sur laquelle nous vivons telle qu'elle est, je suis content que la seule personne dont j'aie à m'inquiéter soit moi. Et cela fait de moi un Américain.
Auteur:
Plante David
Années: 1940 - 20??
Epoque – Courant religieux: Récent et Libéralisme économique
Sexe: H
Profession et précisions: écrivain
Continent – Pays: Amérique du nord - Usa
Info:
Le Temps de la terreur