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force

Joie de chanter comme toi, torrent ;
joie de rire
si je sens dans la bouche les dents
blanches comme ta grève ;
joie d’être née
simplement un matin de soleil
parmi les violettes
d’un pâturage ;
d’avoir oublié la nuit
et la morsure des glaces.

Auteur: Pozzi Antonia

Info: "Eau des Alpes" dans L’œuvre ou la vie, éditions Peter Lang, traduction d’Ettore Labbate, Berne, 2010, page 115

[ réjouissance ] [ nature ] [ vie ] [ poème ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

rencontre

C'est ainsi que leur relation était née de l'échange d'un rapide jeu de mots. Aucun des deux ne se doutait de ce que l'un deviendrait pour l'autre. Comme des phrases qui se répandent dans le Logos, ils ne savaient ni par qui, ni par quel mécanisme, ni pour quelle raison il y avait eu cette résonnance (pour autant qu'ils comprennent la chose ainsi). Ils étaient simplement obligés de faire connaissance. Sophia était la question, et Blip était la réponse. Et vice versa. 

Auteur: Vigorito Tony

Info: Just a Couple of Days

[ destin ] [ contact ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

femmes-par-femme

Combien de femmes ont connu cette retraite en soi, ce repliement patient qui succède aux larmes révoltées ? Je leur rends cette justice, en me flattant moi-même : il n'y a guère que dans la douleur qu'une femme soit capable de dépasser la médiocrité. Sa résistance y est infinie ; on peut en user et abuser sans craindre qu'elle ne meure, moyennant que quelque puérile lâcheté physique ou quelque religieux espoir la détournent du suicide simplificateur.

"Elle meurt de chagrin... Elle est morte de chagrin"... Hochez, en entendant ces clichés, une tête sceptique plus qu'apitoyée : une femme ne peut guère mourir de chagrin. C'est une bête si solide, si dure à tuer ! Vous croyez que le chagrin la ronge? Point. Bien plus souvent elle y gagne, débile et malade qu'elle est née, des nerfs inusables, un inflexible orgueil, une faculté d'attendre, de dissimuler, qui la grandit, et le dédain de ceux qui sont heureux. Dans la souffrance et la dissimulation, elle s'exerce et s'assouplit, comme à une gymnastique

quotidienne pleine de risques... Car elle frôle constamment la tentation la plus poignante, la plus suave, la plus parée de tous les attraits : celle de se venger.

Il arrive que, trop faible, ou trop aimante, elle tue... Elle pourra offrir à l'étonnement du monde entier l'exemple de cette déconcertante résistance féminine. Elle lassera ses juges, les surmènera au cours des interminables audiences, les abandonnera recrus, comme une bête rouée promène des chiens novices... Soyez sûrs qu'une longue patience, que des chagrins jalousement cachés ont formé, affiné, durci cette femme dont on s'écrie :

— Elle est en acier !

Elle est "en femme", simplement — et cela suffit.

Auteur: Colette Sidonie Gabrielle

Info: La Vagabonde

[ endurantes ] [ coriaces ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

père-fils

Très cher père,
Tu m'as demandé récemment pourquoi je prétends avoir peur de toi. Comme d'habitude, je n'ai rien su te répondre, en partie justement à cause de la peur que tu m'inspires, en partie parce que la motivation de cette peur comporte trop de détails pour pouvoir être exposée oralement avec une certaine cohérence. Et si j'essaie maintenant de te répondre par écrit, ce ne sera encore que de façon très incomplète, parce que, même en écrivant, la peur et ses conséquences gênent mes rapports avec toi et parce que la grandeur du sujet outrepasse de beaucoup ma mémoire et ma compréhension.
En ce qui te concerne, le choses se sont toujours présentées très simplement, du moins pour ce que tu en as dit devant moi, et sans discrimination, devant beaucoup d'autres personnes. Tu voyais cela à peu près de la façon suivante: tu as travaillé durement toute ta vie, tu as tout sacrifié pour tes enfants, pour moi surtout; en conséquence, j 'ai "mené la grande vie", j'ai eu liberté entière d'apprendre ce que je voulais, j'ai été préservé des soucis matériels, donc je n'ai pas eu de soucis du tout; tu n'as exigé aucune reconnaissance en échange, tu connais la "gratitude des enfants", mais tu attendais au moins un peu de prévenance, un signe de sympathie; au lieu de quoi, je t'ai fui depuis toujours pour chercher refuge dans ma chambre, auprès de mes livres, auprès d'amis fous ou d'idées extravagantes; je ne t'ai jamais parlé à coeur ouvert, je ne suis jamais allé te trouver au temple, je n'ai jamais été te voir à Franzensbad, d'une manière générale je n'ai eu l'esprit de famille, je ne me suis jamais soucié ni de ton commerce, ni de tes autres affaires, j'ai soutenu Ottla dans son entêtement et , tandis que je ne remue pas le petit doigt pour toi (je ne t'apporte même pas un billet de théâtre), je fais tout pour mes amis. Si tu résumes ton jugement sur moi, il s'ensuit que ce que tu me reproches n'est pas quelque chose de positivement inconvenant ou méchant (à l'exception peut-être de mon dernier projet de mariage), mais de la froideur, de la bizarrerie, de l'ingratitude. Et ceci, tu me le reproches comme si j'en portais la responsabilité, comme s'il m'avait été possible d'arranger les choses autrement - disons en donnant un coup barre -, alors que tu n'as pas le moindre de tort, à moins que ne soit celui d'avoir été trop bon pour moi.
Cette description dont tu uses communément, je ne la tiens pour exacte que dans la mesure où je te crois, moi aussi, absolument innocent de l'éloignement survenu entre nous. Mais absolument innocent, je le suis aussi. Si je pouvais t'amener à le reconnaître, il nous serait possible d'avoir, je ne dis pas une nouvelle vie, nous sommes tous deux beaucoup trop vieux pour cela, mais une espèce de paix, - d'arriver non pas à une suspension, mais à un adoucissement de tes éternels reproches.
Chose singulière, tu as une sorte de pressentiment de ce que je veux dire. Ainsi, par exemple, tu m'as dit récemment : "Je t'ai toujours aimé et quand même je ne me serais pas comporté extérieurement avec toi comme d'autres pères ont coutume de le faire, justement parce que je ne peux pas feindre comme d'autres." Or père, je n'ai jamais, dans l'ensemble, douté de ta bonté à mon égard, mais je considère cette remarque comme inexacte.
Tu ne peux pas feindre, c'est juste; mais affirmer pour cette unique raison que les autres pères le font, ou bien relève de la pure chicane, ce qui interdit de continuer la discussion, ou bien - et selon moi, c'est le cas - exprime de façon voilée le fait qu'il y a chose d'anormal entre nous, quelque chose que tu as contribué à provoquer, mais sans qu'il y ait de ta faute. Si c'est vraiment cela que tu penses, nous sommes d'accord.
Je ne dis pas, naturellement, que ton action sur moi soit la seule cause de ce que je suis devenu. Ce serait exagéré (et je tombe même dans cette exagération). Quand j'aurais été absolument à l'écart de ton influence, il est fort possible que je n'eusse pu devenir un homme selon ton coeur. Sans doute aurais-je tout de même été un être faible, anxieux, hésitant inquiet, ni un Robert Kafka, ni un Karl Hermann, mais j'aurais cependant été tout autre et nous aurions parfaitement pu nous entendre. J'aurais été heureux de t'avoir comme ami, comme chef, comme oncle, comme grand-père, même (encore qu'avec plus d'hésitation) comme beau-père. Mais comme père, tu étais trop fort pour moi, d'autant que mes frères sont morts en bas âge, que mes soeurs ne sont nées que bien plus tard et que, en conséquence, j'ai dû soutenir seul un premier choc pour lequel j'étais beaucoup trop faible. [...]

Auteur: Kafka Franz

Info: 1919

 

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bio-mathématiques

C’est confirmé : vous êtes constitué de cristaux liquides

Une équipe de chercheurs a réussi à prouver l’existence d’une double symétrie dans les tissus organiques, qui permet de les appréhender comme des cristaux liquides. Cette découverte pourrait faire émerger une nouvelle façon d’étudier le fonctionnement du vivant, à la frontière de la biologie et de la mécanique des fluides.

Dans une étude parue dans le prestigieux journal Nature et repérée par Quanta Magazine, des chercheurs ont montré que les tissus épithéliaux, qui constituent la peau et les enveloppes des organes internes, ne sont pas que des amas de cellules réparties de façon aléatoire. Ils présentent en fait deux niveaux de symétrie bien définis qui leur donnent des propriétés fascinantes; fonctionnellement, on peut désormais les décrire comme des cristaux liquides. Une découverte qui pourrait avoir des retombées potentiellement très importantes en médecine.

Ces travaux tournent entièrement autour de la notion de cristal liquide. Comme leur nom l’indique, il s’agit de fluides; techniquement, ils peuvent donc s’écouler comme de l’eau – mais avec une différence importante. Contrairement aux liquides classiques, où les atomes se déplacent les uns par rapport aux autres de façon complètement chaotique, les constituants d’un cristal liquide présentent tout de même un certain degré d’organisation.

Il ne s’agit pas d’une vraie structure cristalline comme on en trouve dans presque tous les minéraux, par exemple. Les cristaux liquides ne sont pas arrangés selon un motif précis qui se répète dans l’espace. En revanche, ils ont tendance à s’aligner dans une direction bien spécifique lorsqu’ils sont soumis à certains facteurs, comme une température ou un champ électrique.

C’est cette directionnalité, appelée anisotropie, qui est à l’origine des propriétés des cristaux liquides. Par exemple, ceux qui sont utilisés dans les écrans LCD (pour Liquid Crystal Display) réfractent la lumière différemment en fonction de leur orientation. Cela permet d’afficher différentes couleurs en contrôlant localement l’orientation du matériau grâce à de petites impulsions électriques.

Du tissu biologique au cristal liquide

Mais les cristaux liquides n’existent pas seulement dans des objets électroniques. Ils sont aussi omniprésents dans la nature ! Par exemple, la double couche de lipides qui constitue la membrane de nos cellules peut être assimilée à un cristal liquide. Et il ne s’agit pas que d’une anecdote scientifique ; cette organisation est très importante pour maintenir à la fois l’intégrité structurelle et la flexibilité de ces briques fondamentales. En d’autres termes, la dynamique des cristaux liquides est tout simplement essentielle à la vie telle qu’on la connaît.

Pour cette raison, des chercheurs essaient d’explorer plus profondément le rôle biologique des cristaux liquides. Plus spécifiquement, cela fait quelques années que des chercheurs essaient de montrer que les tissus, ces ensembles de cellules organisées de façon à remplir une mission bien précise, peuvent aussi répondre à cette définition.

Vu de l’extérieur, l’intérêt de ces travaux est loin d’être évident. Mais il ne s’agit pas seulement d’un casse-tête très abstrait ; c’est une question qui regorge d’implications pratiques très concrètes. Car si l’on parvient à prouver que les tissus peuvent effectivement être assimilés à des cristaux liquides, cela débloquerait immédiatement un nouveau champ de recherche particulièrement vaste et fascinant. Les outils mathématiques que les physiciens utilisent pour prédire le comportement des cristaux pourraient soudainement être appliqués à la biologie cellulaire, avec des retombées considérables pour la recherche fondamentale et la médecine clinique.

Mais jusqu’à présent, personne n’a réussi à le prouver. Tous ces efforts se sont heurtés au même mur mathématique — ou plus précisément géométrique ; les théoriciens et les expérimentateurs ne sont jamais parvenus à se mettre d’accord sur la symétrie intrinsèque des tissus biologiques. Regrettable, sachant qu’il s’agit de LA caractéristique déterminante d’un cristal liquide.

Les deux concepts enfin réconciliés

Selon Quanta Magazine, certains chercheurs ont réussi à montrer grâce à des simulations informatiques que les groupes de cellules pouvaient présenter une symétrie dite " hexatique ". C’est ce que l’on appelle une symétrie d’ordre six, où les éléments sont arrangés par groupe de six. Mais lors des expériences en laboratoire, elles semblent plutôt adopter une symétrie dite " nématique* ". Pour reprendre l’analogie de Quanta, selon ce modèle, les cellules se comportent comme un fluide composé de particules en forme de barres, un peu comme des allumettes qui s’alignent spontanément dans leur boîte. Il s’agit alors d’une symétrie d’ordre deux. 

C’est là qu’interviennent les auteurs de ces travaux, affiliés à l’université néerlandaise de Leiden. Ils ont suggéré qu’il serait possible d’établir un lien solide entre les tissus biologiques et le modèle des cristaux liquides, à une condition : il faudrait prouver que les tissus présentent les deux symétries à la fois, à des échelles différentes. Plus spécifiquement, les cellules devraient être disposées selon une symétrie d’ordre deux à grande échelle, avec une symétrie d’ordre six cachée à l’intérieur de ce motif qui apparaît lorsque l’on zoome davantage.

L’équipe de recherche a donc commencé par cultiver des couches très fines de tissus dont les contours ont été mis en évidence grâce à un marqueur. Mais pas question d’analyser leur forme à l’œil nu ; la relation qu’ils cherchaient à établir devait impérativement être ancrée dans des données objectives, et pas seulement sur une impression visuelle. Selon Quanta, ils ont donc eu recours à un objet mathématique appelé tenseur de forme grâce auquel ils ont pu décrire mathématiquement la forme et l’orientation de chaque unité.

Grâce à cet outil analytique, ils ont pu observer expérimentalement cette fameuse double symétrie. À grande échelle, dans des groupes de quelques cellules, ils ont observé la symétrie nématique qui avait déjà été documentée auparavant. Et en regardant de plus près, c’est une symétrie hexatique qui ressortait — exactement comme dans les simulations informatiques. " C’était assez incroyable à quel point les données expérimentales et les simulations concordaient ", explique Julia Eckert, co-autrice de ces travaux citée par Quanta.

Une nouvelle manière d’appréhender le fonctionnement du vivant

C’est la première fois qu’une preuve solide de cette relation est établie, et il s’agit incontestablement d’un grand succès expérimental. On sait désormais que certains tissus peuvent être appréhendés comme des cristaux liquides. Et cette découverte pourrait ouvrir la voie à un tout nouveau champ de recherche en biologie.

Au niveau fonctionnel, les implications concrètes de cette relation ne sont pas encore parfaitement claires. Mais la bonne nouvelle, c’est qu’il sera désormais possible d’utiliser des équations de mécanique des fluides qui sont traditionnellement réservées aux cristaux liquides pour étudier la dynamique des cellules.

Et cette nouvelle façon de considérer les tissus pourrait avoir des implications profondes en médecine. Par exemple, cela permettra d’étudier la façon dont certaines cellules migrent à travers les tissus. Ces observations pourraient révéler des mécanismes importants sur les premières étapes du développement des organismes, sur la propagation des cellules cancéreuses qui génère des métastases, et ainsi de suite.

Mais il y a encore une autre perspective encore plus enthousiasmante qui se profile à l’horizon. Il est encore trop tôt pour l’affirmer, mais il est possible que cette découverte représente une petite révolution dans notre manière de comprendre la vie.

En conclusion de l’article de Quanta, un des auteurs de l’étude résume cette idée en expliquant l’une des notions les plus importantes de toute la biologie. On sait depuis belle lurette que l’architecture d’un tissu est à l’origine d’un certain nombre de forces qui définissent directement ses fonctions physiologiques. Dans ce contexte, cette double symétrie pourrait donc être une des clés de voûte de la complexité du vivant, et servir de base à des tas de mécanismes encore inconnus à ce jour ! Il conviendra donc de suivre attentivement les retombées de ces travaux, car ils sont susceptibles de transformer profondément la biophysique et la médecine.

 

Auteur: Internet

Info: Antoine Gautherie, 12 décembre 2023. *Se dit de l'état mésomorphe, plus voisin de l'état liquide que de l'état cristallisé, dans lequel les molécules, de forme allongée, peuvent se déplacer librement mais restent parallèles entre elles, formant ainsi un liquide biréfringent.

[ double dualité ] [ tétravalence ]

 

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père-fille

Notre pauvre enfant, Annie, née à Gower St le 2 mars 1841 est décédée à Malvern le 23 avril 1851 à midi. J'écris ces quelques pages, car je pense que dans les années à venir, si nous vivons, les impressions que je viens d'écrire me rappelleront plus vivement ses principales caractéristiques. De quelque point de vue que je la regarde, le trait principal de son caractère qui s'impose immédiatement à moi est sa joie de vivre tempérée par deux autres caractéristiques, à savoir sa sensibilité, qui aurait pu facilement passer inaperçue aux yeux d'un étranger, et sa grande affection. Sa joie et son esprit animal rayonnaient sur tout son visage et rendaient chacun de ses mouvements élastiques, pleins de vie et de vigueur. C'était un plaisir et une joie de la voir. Son cher visage se dresse maintenant devant moi, comme elle avait l'habitude de descendre les escaliers en courant avec une pincée de tabac à priser volée pour moi, son attitude entière rayonnant du plaisir de donner du plaisir. Même lorsqu'elle jouait avec ses cousins et que sa joie se transformait presque en turbulence, un seul regard de ma part, non pas de mécontentement (car je remercie Dieu de n'en avoir presque jamais jeté sur elle), mais de manque de sympathie, modifiait pendant quelques minutes toute sa physionomie. Cette sensibilité au moindre reproche la rendait très facile à gérer et très bonne : elle n'avait presque jamais besoin d'être prise en défaut et n'était jamais punie de quelque manière que ce soit. Sa sensibilité e manifesta très tôt dans la vie, en pleurant amèrement sur toute histoire un tant soit peu mélancolique, ou en se séparant d'Emma, même pour un court laps de temps. Une fois, alors qu'elle était très jeune, elle s'est exclamée "Oh Mamma, que ferions-nous si tu venais à mourir".

L'autre point de son caractère, qui rendait sa joie de vivre et son esprit si délicieux, était sa forte affection, qui était d'une nature très attachante et caressante. Lorsqu'elle était encore un bébé, cela se manifestait par le fait qu'elle ne pouvait jamais se passer de toucher Emma lorsqu'elle était au lit avec elle, et dernièrement, lorsqu'elle était mal en point, elle caressait pendant un certain temps l'un des bras d'Emma. Lorsqu'elle était très malade, le fait qu'Emma s'allonge à côté d'elle semblait l'apaiser d'une manière tout à fait différente de ce qu'elle aurait fait pour n'importe lequel de nos autres enfants. De même, elle passait presque toujours une demi-heure à arranger mes cheveux, à les "rendre", comme elle disait, "beaux", ou à lisser, le pauvre chéri, mon col ou mes manchettes, bref à me caresser. Elle aimait être embrassée ; en fait, chaque expression de son visage rayonnait d'affection et de bonté, et toutes ses habitudes étaient influencées par sa disposition affectueuse.

Outre sa gaieté ainsi tempérée, elle était dans ses manières remarquablement cordiale, franche, ouverte, d'un naturel direct et sans aucune nuance de réserve. Tout son esprit était pur et transparent. On avait l'impression de la connaître parfaitement et de pouvoir lui faire confiance : J'ai toujours pensé que, quoi qu'il arrive, nous aurions eu dans notre vieillesse au moins une âme aimante, que rien n'aurait pu changer. Elle était généreuse, belle et sans méfiance dans toute sa conduite ; elle était exempte d'envie et de jalousie ; elle avait bon caractère et n'était jamais passionnée. Elle était donc très populaire dans toute la maison, les étrangers l'aimaient et l'appréciaient rapidement. La manière même dont elle serrait la main de ses connaissances témoignait de sa cordialité.

Sa silhouette et son apparence étaient clairement influencées par son caractère : ses yeux brillaient, elle souriait souvent, son pas était élastique et ferme, elle se tenait droite et rejetait souvent la tête un peu en arrière, comme si elle défiait le monde dans sa joie de vivre. Pour son âge, elle était très grande, pas mince et forte. Ses cheveux étaient d'un beau brun et longs ; son teint légèrement brun ; ses yeux, gris foncé ; ses dents grandes et blanches. Le Daguerrotype lui ressemble beaucoup, mais l'expression lui fait entièrement défaut : ayant été fait deux ans plus tard, son visage s'était allongé et était devenu plus beau. Tous ses mouvements étaient vigoureux, actifs et généralement gracieux : llorsque nous faisions le tour du chemin de sable ensemble, bien que je marche vite, elle avait souvent l'habitude de me précéder en pirouettant de la manière la plus élégante, son cher visage brillant tout le temps, avec les sourires les plus doux.

De temps en temps, elle avait une attitude coquette envers moi, dont le souvenir est charmant : elle utilisait souvent un langage exagéré, et lorsque je la questionnais en exagérant ce qu'elle avait dit, je revois clairement le petit mouvement de tête et l'exclamation "Oh Papa, quelle honte". - Elle avait un intérêt vraiment féminin pour l'habillement et était toujours soignée : une satisfaction non dissimulée, échappant en quelque sorte à toute teinte de vanité, rayonnait sur son visage lorsqu'elle avait mis la main sur un ruban ou un mouchoir gai de sa mère. Un jour, elle s'est habillée d'une robe de soie, d'un bonnet, d'un châle et de gants d'Emma, ressemblant à une petite vieille femme, mais avec sa couleur exacerbée, ses yeux pétillants et ses sourires bridés, elle était, je m'en rappelle, tout à fait charmante.

Elle admirait cordialement les plus jeunes enfants ; combien de fois l'ai-je entendue déclarer avec emphase. "Quel petit canard cette Betty, n'est-ce pas ?

Elle était très adroite, faisant tout proprement avec ses mains : elle apprenait facilement la musique, et j'en suis sûr, en observant son visage quand elle écoutait les autres jouer, qu'elle avait un goût prononcé pour la musique. Elle avait un certain goût pour le dessin, et pouvait copier les visages très joliment. Elle dansait bien et aimait beaucoup cela. Elle aimait la lecture, mais ne manifestait aucun goût particulier. Elle avait une habitude singulière qui, je présume, aurait fini par se transformer en une activité quelconque, à savoir un grand plaisir à chercher des mots ou des noms dans les dictionnaires, les annuaires, les gazetiers et, dans ce dernier cas, à trouver les lieux sur la carte : de même, elle prenait un intérêt étrange à comparer mot à mot deux éditions du même livre ; et encore, elle passait des heures à comparer les couleurs de n'importe quel objet avec un de mes livres, dans lequel toutes les couleurs sont classées et nommées.

Sa santé s'est légèrement détériorée pendant environ neuf mois avant sa dernière maladie ; mais elle ne lui a donné qu'occasionnellement un de l'inconfort : dans ces moments-là, elle n'a jamais été le moins du monde fâchée, irritable ou impatiente ; c'était merveilleux de voir, à mesure que l'inconfort passait, avec quelle rapidité ses esprits élastiques lui rendaient sa gaieté et son bonheur. Pendant la dernière courte maladie, sa conduite fut tout simplement angélique ; elle ne s'est jamais plainte, ne s'est jamais énervée, a toujours eu de la considération pour les autres et a été reconnaissante de la manière la plus douce et la plus pathétique pour tout ce qui a été fait pour elle. Lorsqu'elle était si épuisée qu'elle pouvait à peine parler, elle louait tout ce qu'on lui donnait, et disait qu'un thé "était merveilleusement bon". Lorsque je lui ai donné de l'eau, elle m'a dit : "Je vous remercie beaucoup" ; et je crois que ce sont là les derniers mots précieux que ses chères lèvres m'ont jamais adressés.

Mais en regardant en arrière, c'est toujours l'esprit de joie qui se dresse devant moi comme son emblème et sa caractéristique : elle semblait formée pour vivre une vie de bonheur : ses esprits étaient toujours retenus par une sensibilité, une peur de déplaire à ceux qu'elle aimait, et son tendre amour ne cessait jamais de se manifester par des caresses et tous les autres petits actes d'affection.

Nous avons perdu la joie du ménage et le réconfort de notre vieillesse : elle devait savoir à quel point nous l'aimions ; oh, si elle pouvait maintenant savoir à quel point nous aimons encore et aimerons toujours son cher visage joyeux, profondément et tendrement. Bénédictions pour elle.

Le 30 avril 1851

Auteur: Darwin Charles

Info: Il a écrit ce mémorial pour sa fille une semaine après sa mort

[ deuil ] [ eulogie ]

 

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exo-contact

Rice News : - Comment un professeur des religions comparées devient-il un expert des OVNIs ? 

JK : - Eh bien, personne n'est expert de ceci. Personne. C'est la première chose à savoir. Pour ma part, je réfléchis et écris sur le phénomène OVNI depuis 2004 environ. J'y ai d'abord été confronté parce que j'y étais obligé :  on le retrouvait tout simplement partout dans les sources historiques et ethnographiques avec lesquelles je travaillais pour une grande histoire des courants spirituels alternatifs dans la contre-culture californienne que j'écrivais à l'époque. Mes propres intérêts ont définitivement commencé là, à l'Institut Esalen.

Les gens supposaient alors couramment que le phénomène OVNI n'était pas sérieux ou qu'il s'agissait d'une sorte de truc "californien". Mais ce n'est tout simplement pas vrai, et ne l'a jamais été. Certaines des rencontres modernes les plus documentées et les plus spectaculaires ont eu lieu autour de sites militaires nucléaires et dans des cultures et des lieux comme le Brésil, la France, le Nouveau-Mexique - au cours de l'été 1945, à quelques kilomètres du site de la bombe atomique Trinity récemment irradiée et une semaine seulement après les bombardements d'Hiroshima et de Nagasaki - et la Nouvelle-Angleterre. Plus récemment on peut voir un grand mélange quant à l'appréciation de cette problématique : par exemple les militant des droits civiques, rien que ça. L'armée et les services de renseignement américains, son exploration spatiale aussi, le colonialisme occidental, les cosmologies indigènes américaines, avec une religion noire importante - la Nation of Islam. Les zones frontalières entre États-Unis et Mexique, l'Amérique latine, les relations américano-soviétiques et maintenant américano-russes, l'OTAN, les industries aérospatiales et aéronautiques, les courants ésotériques et mystiques occidentaux, la littérature de science-fiction et l'histoire des sciences ont tous été impliqués. Et ce n'est qu'un début.

Étudier convenablement le phénomène ovni, c'est en fait étudier à peu près tout. C'est aussi se heurter, durement, à la prise de conscience que l'ordre institutionnel ou universitaire de la connaissance dans lequel nous travaillons et pensons aujourd'hui - un ordre qui sépare effectivement les sciences des humanités - n'est tout simplement pas utile, et ne reflète certainement pas la réalité que nous essayons de comprendre. La difficile vérité est que le phénomène OVNI présente à la fois un aspect "matériel" objectif (pensez aux vidéos et photographies d'avions de chasse, aux prétendus méta-matériaux, aux méthodes de propulsion apparemment avancées et aux marques d'atterrissage) et un aspect "humain" subjectif (pensez aux rencontres rapprochées, aux observations visuelles multiples et coordonnées, aux états de conscience altérés, aux manifestations visionnaires, souvent de type baroque ou science-fictionnel, et aux enlèvements traumatiques ou transcendants vécus). Et les deux côtés - les dimensions matérielles et mentales - sont incroyablement importants pour avoir une idée de l'ensemble du tableau.

Bien sûr, on peut découper le phénomène ovni en deux catégories, "scientifique" et "humaniste", mais on ne le comprendra jamais en procédant ainsi. C'est, en fin de compte, la raison pour laquelle je pense que le sujet est si incroyablement important : il a le pouvoir particulier de défier, ou simplement d'effacer, notre ordre actuel de connaissance et ses divisions arbitraires. Quel que soit ce "ça", il ne se comporte tout simplement pas selon nos règles et hypothèses.  

RN : - Quelle est donc votre évaluation globale de ce nouveau rapport ?

JK : - Eh bien, j'ai un truc positif à dire, avec une forte critique. La chose positive est la suivante : La récente publication, ainsi que la fuite de la vidéo radar datant de décembre 2017 qui a été si efficacement rapportée dans le New York Times par mes collègues Leslie Kean, Ralph Blumenthal et Helene Cooper, a fondamentalement changé la conversation publique autour du sujet. Les chercheurs sérieux ne sont plus regardés avec autant de mépris, et les débunkers dogmatiques n'ont plus le dessus - si jamais ils l'ont vraiment eu.

En outre, et c'est tout aussi important, des gens de tous horizons qui se sont tus jusque-là, sortent maintenant de leur placard et prennent la parole. Pour ne prendre qu'un petit exemple, Miles O'Brien, le correspondant scientifique de PBS, a reconnu devant la caméra il y a quelques jours avoir été témoin d'un OVNI avec un comportement fondamentalement identique à celui des objets rapportés dans le document. Bref le point le plus fondamental de l'interview d'O'Brien est que la publication du gouvernement constitue une sorte de "tournant" dans la conversation publique. 

RN : - OK, quelle est la critique alors ?

JK : - La mauvaise nouvelle concerne la nature de cette "révélation " erratique et classifié de données - le refus du gouvernement de libérer la marchandise, pour ainsi dire, et de donner aux chercheurs sérieux un accès complet à toutes les données. Toutes les données. En procédant de la sorte, ils essaient essentiellement de contrôler le récit. Mon souci peut être résumé par cette sagesse populaire "si vous n'avez qu'un marteau, vous ne verrez que des clous". Dans ce contexte, vu que les données sont collectées par des professionnels de l'armée dont le but premier est de protéger l'État-nation contre les intrus ou les ennemis, le phénomène UAP ou OVNI est inévitablement présenté en termes de "menaces" potentielles. Je veux dire, mon Dieu, les vidéos que nous regardons ont été prises par les systèmes radar d'avions de chasse avancés conçus pour faire une seule chose : abattre un objet ennemi. Faut-il s'étonner que ces objets filmés soient présentés, littéralement et métaphoriquement, comme des menaces ?

RN : - Et sont-ils vraiment des menaces ? Nous n'en avons aucune idée.

JK : - Dans la culture populaire américaine, dans le cinéma et la science-fiction, ce que j'appelle la "mythologie de l'invasion de la guerre froide" a été dominante jusqu'à très récemment. Dans cette mythologie, l'OVNI est considéré comme une invasion "extraterrestre" qui doit être combattue ou à laquelle doivent résister les citoyens patriotes et craignant Dieu. Pensez, par exemple, au roman de 1898 de H.G. Wells "La guerre des mondes", une histoire d'invasion, soit dit en passant, inspirée par le colonialisme britannique. Ou, du côté américain, "Independence Day" en 1996. Ce n'est que récemment que les écrivains et les cinéastes ont commencé à s'éloigner de cette mythologie de l'invasion de la guerre froide pour s'orienter vers quelque chose de beaucoup plus positif, et franchement plus fidèle à ce que nous voyons réellement dans les cas de rencontre et de contact, si nous les étudions vraiment au lieu de simplement supposer des choses à leur sujet. Comme le récent film d'un réalisateur canadien, assez significatif en ce sens - "Arrival" sorti en 2016. 

Ce film frise la profondeur, car il tourne avec amour et contemplation autour de la transformation paranormale de son personnage central, une linguiste humaniste douée, le Dr Louise Banks. En effet, dans les faits historiques, les témoins humains sont souvent radicalement transformés par leurs rencontres, souvent de manière extrêmement positive, mais aussi difficile.

Ces rencontres, par exemple, peuvent être de nature profondément spirituelle, et je ne veux pas dire "bonnes" ou "agréables". Les gens éprouvent de la crainte, de la peur, de l'étrangeté et une terreur absolue ; le psychiatre de Harvard John Mack a appelé cela à juste titre "choc ontologique". Ils font l'expérience, soit pendant l'événement lui-même, soit plus tard, de nouvelles capacités étonnantes - pensez à la télépathie et, oui, à la précognition. Et ils adoptent de nouvelles visions du monde, beaucoup plus cosmiques.

Ainsi, dans le film, le Dr Louise Banks développe la capacité de précognition : Elle se "souvient" de la mort précoce et tragique de sa fille, pas encore née, alors qu'elle apprend progressivement que le temps, comme la grammaire de la langue extraterrestre qu'elle déchiffre, est circulaire et non linéaire. Cette idée de l'espace-temps est d'ailleurs bien connue des humanistes, de la philosophie grecque antique à Nietzsche.

Ce où je veux en venir ? Que nous devrions aborder le phénomène OVNI beaucoup plus comme "Arrival" et beaucoup moins comme "La Guerre des Mondes". Mais nous n'y arrivons pas. Au lieu de cela, nous parlons encore et encore de "menaces" potentielles et promulguons des mesures de sécurité et de secret sans fin. Et ensuite nous nous demandons pourquoi personne ne comprend cela ? En conséquence de ces actions, les témoins humains, leurs observations, leurs transformations et leurs traumatismes sont ignorés avec arrogance et dédaignés comme étant "anecdotiques" et donc indignes d'être étudiés.

J'avoue que je méprise l'aspect narquois de ce mot - anecdotique - et la façon dont il empêche une enquête complète. Toute expérience humaine, après tout, est techniquement "anecdotique". En ce sens, je suis moi aussi une "anecdote". Vous aussi. Nous le sommes tous. Et pourtant, il n'y a pas de science ou de mathématiques, pas de littérature, de langue, d'art ou de religion, et certainement pas d'OVNI, sans ce sujet humain, sans ce témoin anecdotique, ce penseur ou ce voyant. Alors pourquoi ne parlons-nous pas des expériences de ces témoins humains et de la façon dont ce phénomène semble déclencher ou catalyser l'imagination humaine de manière fantastique ? Pourquoi ne voyons-nous pas avec empathie ces drames, soi-disant imaginaires, comme des signes significatifs au lieu de les ignorer avec arrogance comme de l'écume neurologique ? Pourquoi ne parlons-nous pas de ce qu'il advient des pilotes terrifiés, des professionnels de l'armée désorientés, ou des citoyens confus qui voient ces choses, parfois de très près et de manière très personnelle ? Cela ne fait-il pas également partie du phénomène OVNI ? Pourquoi détournons-nous le regard ? Et de quoi ?

RN : - Ce serait le sujet d'une nouvelle conversation. Comment voulez-vous conclure ?

JK : On a jamais fini avec ça. J'aimerais conclure en mettant l'accent sur le fait que la pièce de technologie la plus sophistiquée sur terre pour détecter des présences non humaines ou surhumaines n'est pas un ordinateur quantique ou un système de radar militaire avancé. C'est le corps, le cerveau et l'être humain évolué. Je voudrais également suggérer que l'humain détecte d'étranges présences humanoïdes dans le ciel et l'environnement non pas depuis quelques années ou quelques décennies, mais depuis des millénaires. Tout ce que nous avons à faire est d'ouvrir nos yeux et regarder. Il suffit de ranger notre marteau et de regarder attentivement l'histoire, nos littératures et, surtout, nos religions.

Ainsi au sein de cette nouvelle grande toile humaniste et historique, ce que nous rencontrons dans le ciel et voyons du sol aujourd'hui, pourra prendre des significations fondamentalement nouvelles, et d'autres futurs potentiels. Je ne prétends pas savoir ce que cela impliquera - et ne crois certainement pas non plus aux mythologies régnantes, qu'elles soient politiques, séculaires ou religieuses - mais je parie qu'elles auront très peu à voir avec l'évaluation de ces "menaces". C'est la vieille mythologie de la guerre froide qu'il est temps de dépasser, et bien au-delà.

RN : Vous parlez de l'absence de toute limite.

JK : Oui. Il n'y en a aucune.

Auteur: Kripal Jeffrey

Info: Entretien avec Katharine Shilcut sur " how to think about the UFO phenomenon" http://news.rice.edu/ - June 30, 2021

[ US paranoïa ] [ rencontre du 3e type ]

 

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humour

Toujours est-il que la chose m’est apparue d’importance et propre à me hausser d’un cran dans votre estime : vous concevrez que nul travail, cette récompense en vue, n’eût paru d’intérêt suffisant pour retarder la mise en graphie de cette méditation.

Le problème est cette fois, monsieur, celui de la couille. (J’aurais pu dire celui de la coquille, mais je cède au goût du sensationnel, vous voyez, c’est un faible bien inoffensif.) De fait, il s’agit d’un problème de conchyliorchidologie (ou d’orchido-conchyliologie, qui me paraît, si plus orthodoxe, moins expéditif ; donc, je garde le premier).

AXIOME  :  Retirez le Q de la coquille : vous avez la couille, et ceci constitue précisément une coquille.

Je laisse à cet axiome, monsieur, le soin de perforer lui-même, de son bec rotatif à insertions de patacarbure de wolfram, les épaisses membranes dont s’entoure, par mesure de prudence, votre entendement toujours actif. Et je vous assène, le souffle repris, ce corollaire fascinant :

Et ceci est vrai, que la coquille initiale soit une coquille de coquillage ou une coquille d’imprimerie, bien que la coquille obtenue en fin de réaction soit toujours (à moins de marée extrêmement violente) une coquille d’imprimerie en même temps qu’une couille imprimée.

Vous entrevoyez d’un coup, je suppose, les conséquences à peine croyables de cette découverte. La guerre est bien loin.

Partons d’une coquille de coquillage, acarde ou ampullacée, bitestacée ou bivalve, bullée, caniculée ou cataphractée, chambrée, cloisonnée, cucullée… mais je ne vois pas l’intérêt de recopier dans son entier le dictionnaire analogique de Boissière. Bref, partons d’une coquille. La suppression du Q entraîne presque immédiatement la mutation du minéral inerte en un organe vivant et générateur. Et dans le cas d’une coquille initiale d’imprimeur, le résultat est encore plus spectaculaire, car la coquille en question est essence et abstraction, concept, être de raison, noumène. Le Q ôté permet le passage de l’essence à l’existence non seulement existante mais excitable et susceptible de prolongements.

J’aime à croire que parvenu à ce point, vous allez poser votre beau front dans votre main pour imiter l’homme de Rodin – vous conviendrez en passant de la nécessité d’une adéquation des positions aux fonctions, et que vous n’auriez pas l’idée de déféquer à plat ventre sauf caprice. Et vous vous demanderez, monsieur, d’abord, quel est le phénomène qui se produit. Y a-t-il transfert ? Disparition ? Mise en minorité ? ou effacement derrière une partie plus importante, que le trout ? Qui sait ? Qui ? Mais moi, naturellement sans quoi je ne vous écrirais pas. Je ne suis pas de ces brutes malavisées qui soulèvent les problèmes et les laissent retomber sauvagement sur la gueule de leur prochain.

Tiens, pourtant, si, en voilà un autre qui me tracasse, et je vous le dis en passant, car le genre épistolaire permet plus de caprice et de primesaut que le genre oratoire ou dissertatif, lequel je ne me sens pas qualifié pour oser aborder ce jour. L’expression : mettre la dernière main n’implique-t-elle pas, selon vous, que l’une des deux mains – et laquelle – fut créée avant l’autre par le père Ubu ? La dernière main est souvent la droite ; mais d’aucuns sont-ils pas gauchers ? Ainsi, de la dextre ou de la senestre, laquelle est la plus âgée ? Gageons que ce problème va tenter madame de Valsenestre à qui, en passant, vous voudrez bien présenter mes hommages. Et revenons à nos roustons.

Eh bien, monsieur, pour résoudre le mystère de l’absence du Q, nous disposons d’un moyen fécond et qui permet généralement de noyer sans douleur la poiscaille en remplaçant un mystère que l’on ne pénètre point par un mystère plus mou, c’est-à-dire non mystérieux et par conséquent inoffensif. C’est la "comparaison", méthode pataphysique s’il en fût. A cet agent d’exécution puissant, nous donnerons l’outil qui lui manque, c’est-à-dire le terme de.

Le jargon russe en l’espèce, qui sera notre étalon.

Vous le savez, monsieur, et si vous ne le savez pas, vous n’aurez jamais la sottise de le dire en public, il fut procédé en Russie, n’y a pas si longtemps que nos auteurs ne puissent s’en souvenir, à une réforme dite alphabétique, bien qu’en russe, cela ne se prononce point si facilement. Je vous le concède, cette réforme est à l’origine de la mort de Lénine, de la canonisation de sainte Bernadette et de quelques modifications structurales spécifiquement slaves apportées à un Etat de structure d’ailleurs imprécise ; nous passerons sur les épiphénomènes mineurs pour n’en conserver que le plus important. La réforme en question supprimait trois des 36 lettres alors en usage là-bas : le ? ou ’fita, le ? ou ’izitsa et le ? ou is’kratkoï.. [...]

Mais d’ores et déjà, vous voyez comment on peut supprimer le Q : il suffit d’un décret.

La question est de savoir ce que l’on a fait des lettres supprimées. Ne parlons même pas de celles à qui l’on en a substitué d’autres. Le problème est singulièrement précis : Où a-t-on mis les is’kratkoï ?

Vous vous doutez déjà de la suite. Et vous voyez l’origine de certaines rumeurs se découvrir à vos yeux émerveillés d’enfant sage.

D’ailleurs, monsieur, peu importe. Peu importe que l’on ait, par le passé, mésusé des lettres ainsi frappées d’interdit. Sans vouloir faire planer le soupçon sur qui que ce soit, je sais bien où l’on risquerait d’en dénicher quelques muids.

L’expression "lettre morte" n’est pas née de l’écume de la mer du même nom, vous le savez, monsieur. Les vérités les plus désagréables finissent par transpirer, comme l’eau orange d’un chorizo pendu par les pieds ou la sueur délicate d’un fragment d’Emmenthal qui tourne au translucide. Et les cimetières de lettres sont monnaie courante (sans que l’on ait jamais songé à chronométrer cette dernière, ce qui paraît inexcusable en un siècle sportif et ne permet point d’en préciser la vitesse). Nous n’avons pas accoutumé, me direz-vous, de remettre en cause le passé : je sais, et vous savez, que tout y est à refaire. Mais à bien y regarder, on est forcé de constater que c’est sans aucune originalité qu’a été résolu, de notre vivant ou presque, cet ardu problème de l’élimination en masse. Et cela continue.

Avant que la merdecine ait eu l’idée de s’adjoindre des fi ! syciens et des chie-mistes (ou cague-brouillard, comme disent les Anglois), la peste apportait une ingénieuse solution. Et les destructions provoquées parmi la gent corbote et ratière par la chasse, vu l’absence de grenades et de rusées à tête chercheuse, n’étaient point telles que ces bestioles ne fussent à même de procéder hygiéniquement à l’enlèvement des charognes. Il restait les os, que l’on suçait et que l’on perçait pour jouer de la quenia, comme Gaston Leroux l’a soigneusement rapporté dans " L’Epouse du soleil ". Bref, le professeur Yersin imagina de foutre une canule au cul des poux, et vainquit la peste. Le cancer fait des progrès, mais il abêtit, et déprive le frappé du contact de ses semblables – ou plutôt de ses différents – si utile pourtant. Sur quoi l’Allemagne redécouvre le camp de concentration déjà utilisé avant et ailleurs (le premier qui l’a inventé, levez le doigt). Le principe était bon : c’est celui du couvent. Mais si l’on sait où ça mène, l’on se refuse à voir où cela pourrait mener.

Vous avez déjà compris qu’en ce moment, loin de m’égarer, j’arrive à la proposition ferme, concrète et positive. Vous avez vu que, loin de lamenter le révolu, je suggère simplement que l’on améliore. Vous sentez, avec votre grand nez, que si le sort des prisonniers d’autrefois m’indiffère, c’est que la " pataphysique va toujours de l’avant puisqu’elle est immobile dans le temps et que le temps, lui, est rétrograde par définition, puisque l’on nomme “ direct ” celui des aiguilles d’une montre. Et vous voyez que je suis en train de poser les bases du camp de concentration pataphysique, qui est celui de l’avenir.

Grosso modo, une Thélème. Mais une Thélème obligatoire. Une Thélème où tout serait libre, sauf la liberté. Il s’agit bien en l’espèce de cette exception exceptionnelle à laquelle se réfère Le Livre. Un lieu où l’on serait contraint de ne pas s’éloigner du bonheur. Outre que le rendement des divers travaux que l’on pourrait ainsi faire exécuter librement aux détenus serait excellent – mais sachez que cette considération économique n’a pas un instant pesé sur notre choix plus ni moins que son contraire – le camp de concentration paradisiaque satisferait la tendance religieuse profonde qui sommeille au cœur de tout un tas d’individus non satisfaits de leur vie terrestre – et vous concevez qu’un prisonnier a des raisons de ne pas l’être. Il s’y pourrait, naturellement, faire du vélocipède. Vous pensez bien. Je ne développe pas les mille avantages du projet : je me borne à vous dire que, me désintéressant totalement du sort des is’kratkoï, je propose, par la présente, à votre excellence d’accumuler les Q des coquilles dans les camps ainsi com-binés qui prendraient par exemple le nom de camps de cul-centration, et de récupérer outre les coquilles résultantes et régénérées, les bûmes créées de la sorte à partir de rien, ce qui est quelque chose.

Vous ne serez pas sans remarquer que la réaction qui s’établit est assez analogue à celle qui se produirait, selon eux, dans ces breeders autotrophes où se fabrique une espèce de plutonium. Vous prenez la coquille, lui retirez le Q que vous enfermez en liberté, vous obtenez la couille et une nouvelle coquille, et ainsi de suite jusqu’à neuf heures vingt, où un ange passe. Je passe à mon tour sur l’émission de rayons bêta concomitante, d’une part parce qu’elle n’a pas lieu, d’autre part parce que cela ne regarde personne. Que le Q fût en fin de compte bien traité m’importait avant tout, du point de vue moral et parce qu’il est séant de ne point porter atteinte, sauf si l’on se nomme le P. U., à l’intégrité de quelque être que ce soit, (excepté le militaire) vu qu’il peut pêcher à la ligne, boire de l’alcool et s’abonner au Chasseur français, ou les trois. Du moins, c’est une des choses que l’on peut dire, et comme elle diffère de tout ce que l’on pourrait dire d’autre, il me semble qu’elle a sa place ici.

Piste-scrotum 1. Cette lettre vous est personnellement destinée. Néanmoins, au cas où elle n’intéresserait aucun autre membre du Collège, il me paraîtrait urgent de la diffuser. Si vous en décidiez ainsi, il me serait à honneur que vous la fissiez coiffer d’un chapeau à la gloire de Stanislas Leczinski, roi polonais, inventeur de la lanterne sourde à éclairer pendant les tintamarres et autres espèces de révolutions, et dont je ne me sens pas force d’entreprendre la rédaction que j’estime trop au-dessus de mes indignes moyens.

Piste-scrotum 2. En passant, vous constaterez que le principe de la conservation de ce que vous voudrez en prend un vieux coup dans les tabourets.

Auteur: Vian Boris

Info: Lettre au Provéditeur-éditeur sur un problème quapital et quelques autres, 26 mars 1955, In les Cahiers du Collège de Pataphysique.

[ lapsus ]

 

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nanomonde

Les particules quantiques ne tournent pas. Alors d'où vient leur spin ?

Le fait que les électrons possèdent la propriété quantique du spin est essentiel pour notre monde tel que nous le connaissons. Pourtant, les physiciens ne pensent pas que ces particules tournent réellement. 

Les électrons sont des petits magiciens compétents. Ils semblent voltiger autour d'un atome sans suivre de chemin particulier, ils semblent souvent être à deux endroits à la fois, et leur comportement dans les micropuces en silicium alimente l'infrastructure informatique du monde moderne. Mais l'un de leurs tours les plus impressionnants est faussement simple, comme toute bonne magie. Les électrons semblent toujours tourner. Tous les électrons jamais observés, qu'ils se déplacent sur un atome de carbone dans votre ongle ou qu'ils se déplacent à toute vitesse dans un accélérateur de particules, ont l'air de faire constamment de petites pirouettes en se déplaçant dans le monde. Sa rotation ne semble jamais ralentir ou accélérer. Peu importe comment un électron est bousculé ou frappé, il semble toujours tourner à la même vitesse. Il possède même un petit champ magnétique, comme devrait le faire un objet en rotation doté d'une charge électrique. Naturellement, les physiciens appellent ce comportement "spin".

Mais malgré les apparences, les électrons ne tournent pas. Ils ne peuvent pas tourner. Prouver qu'il est impossible que les électrons tournent est un problème standard dans tout cours d'introduction à la physique quantique. Si les électrons tournaient suffisamment vite pour expliquer tout le comportement de rotation qu'ils affichent, leurs surfaces se déplaceraient beaucoup plus vite que la vitesse de la lumière (si tant est qu'ils aient des surfaces). Ce qui est encore plus surprenant, c'est que pendant près d'un siècle, cette contradiction apparente a été ignorée par la plupart des physiciens comme étant une autre caractéristique étrange du monde quantique, qui ne mérite pas qu'on s'y attarde.

Pourtant, le spin est profondément important. Si les électrons ne semblaient pas tourner, votre chaise s'effondrerait pour ne plus représenter qu'une fraction minuscule de sa taille. Vous vous effondreriez aussi - et ce serait le moindre de vos problèmes. Sans le spin, c'est tout le tableau périodique des éléments qui s'effondrerait, et toute la chimie avec. En fait, il n'y aurait pas de molécules du tout. Le spin n'est donc pas seulement l'un des meilleurs tours de magie des électrons, c'est aussi l'un des plus importants. Et comme tout bon magicien, les électrons n'ont jamais dit à personne comment ils faisaient ce tour. Mais aujourd'hui, une nouvelle explication du spin est peut-être en train de se profiler à l'horizon, une explication qui tire le rideau et montre comment la magie opère.

UNE DÉCOUVERTE VERTIGINEUSE

La rotation a toujours été une source de confusion. Même les premières personnes qui ont développé l'idée du spin pensaient qu'elle devait être fausse. En 1925, deux jeunes physiciens hollandais, Samuel Goudsmit et George Uhlenbeck, s'interrogeaient sur les derniers travaux du célèbre (et célèbre) physicien Wolfgang Pauli. Pauli, dans une tentative d'expliquer la structure des spectres atomiques et du tableau périodique, avait récemment postulé que les électrons avaient une "double valeur non descriptible classiquement". Mais Pauli n'avait pas dit à quelle propriété physique de l'électron sa nouvelle valeur correspondait, et Goudsmit et Uhlenbeck se demandaient ce que cela pouvait être.

Tout ce qu'ils savaient - tout le monde le savait à l'époque - c'est que la nouvelle valeur de Pauli était associée à des unités discrètes d'une propriété bien connue de la physique newtonienne classique, appelée moment angulaire. Le moment angulaire est simplement la tendance d'un objet en rotation à continuer de tourner. C'est ce qui fait que les toupies tournent et que les bicyclettes restent droites. Plus un objet tourne vite, plus il a de moment cinétique, mais la forme et la masse de l'objet ont aussi leur importance. Un objet plus lourd a plus de moment cinétique qu'un objet plus léger qui tourne aussi vite, et un objet qui tourne avec plus de masse sur les bords a plus de moment cinétique que si sa masse était concentrée en son centre.

Les objets peuvent avoir un moment angulaire sans tourner. Tout objet qui tourne autour d'un autre objet, comme la Terre qui tourne autour du soleil ou un trousseau de clés qui se balance autour de votre doigt sur un cordon, a un certain moment angulaire. Mais Goudsmit et Uhlenbeck savaient que ce type de moment angulaire ne pouvait pas être la source du nouveau nombre de Pauli. Les électrons semblent effectivement se déplacer autour du noyau atomique, retenus par l'attraction entre leur charge électrique négative et l'attraction positive des protons du noyau. Mais le moment angulaire que ce mouvement leur confère était déjà bien pris en compte et ne pouvait pas être le nouveau nombre de Pauli. Les physiciens savaient également qu'il existait déjà trois nombres associés à l'électron, qui correspondaient aux trois dimensions de l'espace dans lesquelles il pouvait se déplacer. Un quatrième nombre signifiait une quatrième façon dont l'électron pouvait se déplacer. Les deux jeunes physiciens pensaient que la seule possibilité était que l'électron lui-même tourne, comme la Terre qui tourne sur son axe autour du soleil. Si les électrons pouvaient tourner dans l'une des deux directions - dans le sens des aiguilles d'une montre ou dans le sens inverse - cela expliquerait la "bivalence" de Pauli.

Excités, Goudsmit et Uhlenbeck rédigent leur nouvelle idée et la montrent à leur mentor, Paul Ehrenfest. Ehrenfest, un ami proche d'Einstein et un formidable physicien à part entière, trouve l'idée intrigante. Tout en la considérant, il dit aux deux jeunes hommes enthousiastes d'aller consulter quelqu'un de plus âgé et de plus sage : Hendrik Antoon Lorentz, le grand manitou de la physique néerlandaise, qui avait anticipé une grande partie du développement de la relativité restreinte deux décennies plus tôt et qu'Einstein lui-même tenait en très haute estime.

Mais Lorentz est moins impressionné par l'idée de spin qu'Ehrenfest. Comme il l'a fait remarquer à Uhlenbeck, on sait que l'électron est très petit, au moins 3 000 fois plus petit qu'un atome - et on sait déjà que les atomes ont un diamètre d'environ un dixième de nanomètre, soit un million de fois plus petit que l'épaisseur d'une feuille de papier. L'électron étant si petit, et sa masse encore plus petite - un milliardième de milliardième de milliardième de gramme - il était impossible qu'il tourne assez vite pour fournir le moment angulaire que Pauli et d'autres recherchaient. En fait, comme Lorentz l'a dit à Uhlenbeck, la surface de l'électron devrait se déplacer dix fois plus vite que la vitesse de la lumière, une impossibilité absolue.

Défait, Uhlenbeck retourne voir Ehrenfest et lui annonce la nouvelle. Il demande à Ehrenfest de supprimer l'article, mais on lui répond qu'il est trop tard, car son mentor a déjà envoyé l'article pour publication. "Vous êtes tous les deux assez jeunes pour pouvoir vous permettre une stupidité", a dit Ehrenfest. Et il avait raison. Malgré le fait que l'électron ne pouvait pas tourner, l'idée du spin était largement acceptée comme correcte, mais pas de la manière habituelle. Plutôt qu'un électron qui tourne réellement, ce qui est impossible, les physiciens ont interprété la découverte comme signifiant que l'électron portait en lui un certain moment angulaire intrinsèque, comme s'il tournait, même s'il ne pouvait pas le faire. Néanmoins, l'idée était toujours appelée "spin", et Goudsmit et Uhlenbeck ont été largement salués comme les géniteurs de cette idée.

Le spin s'est avéré crucial pour expliquer les propriétés fondamentales de la matière. Dans le même article où il avait proposé son nouveau nombre à deux valeurs, Pauli avait également suggéré un "principe d'exclusion", à savoir que deux électrons ne pouvaient pas occuper exactement le même état. S'ils le pouvaient, alors chaque électron d'un atome tomberait simplement dans l'état d'énergie le plus bas, et pratiquement tous les éléments se comporteraient presque exactement de la même manière les uns que les autres, détruisant la chimie telle que nous la connaissons. La vie n'existerait pas. L'eau n'existerait pas. L'univers serait simplement rempli d'étoiles et de gaz, dérivant dans un cosmos ennuyeux et indifférent sans rencontrer la moindre pierre. En fait, comme on l'a compris plus tard, toute matière solide, quelle qu'elle soit, serait instable. Bien que l'idée de Pauli soit clairement correcte, la raison pour laquelle les électrons ne pouvaient pas partager des états n'était pas claire. Comprendre l'origine du principe d'exclusion de Pauli permettrait d'expliquer tous ces faits profonds de la vie quotidienne.

La réponse à cette énigme se trouvait dans le spin. On découvrit bientôt que le spin était une propriété de base de toutes les particules fondamentales, et pas seulement des électrons, et qu'il était étroitement lié au comportement de ces particules en groupes. En 1940, Pauli et le physicien suisse Markus Fierz ont prouvé que lorsque la mécanique quantique et la relativité restreinte d'Einstein étaient combinées, cela conduisait inévitablement à un lien entre le spin et le comportement statistique des groupes. Le principe d'exclusion de Pauli n'était qu'un cas particulier de ce théorème de la statistique du spin, comme on l'a appelé. Ce théorème est un "fait puissant sur le monde", comme le dit le physicien Michael Berry. "Il est à la base de la chimie, de la supraconductivité, c'est un fait très fondamental". Et comme tant d'autres faits fondamentaux en physique, le spin s'est avéré utile sur le plan technologique également. Dans la seconde moitié du XXe siècle, le spin a été exploité pour développer des lasers, expliquer le comportement des supraconducteurs et ouvrir la voie à la construction d'ordinateurs quantiques.

VOIR AU-DELÀ DU SPIN

Mais toutes ces fabuleuses découvertes, applications et explications laissent encore sur la table la question de Goudsmit et Uhlenbeck : qu'est-ce que le spin ? Si les électrons doivent avoir un spin, mais ne peuvent pas tourner, alors d'où vient ce moment angulaire ? La réponse standard est que ce moment est simplement inhérent aux particules subatomiques et ne correspond à aucune notion macroscopique de rotation.

Pourtant, cette réponse n'est pas satisfaisante pour tout le monde. "Je n'ai jamais aimé l'explication du spin donnée dans un cours de mécanique quantique", déclare Charles Sebens, philosophe de la physique à l'Institut de technologie de Californie. On vous le présente et vous vous dites : "C'est étrange. Ils agissent comme s'ils tournaient, mais ils ne tournent pas vraiment ? Je suppose que je peux apprendre à travailler avec ça". Mais c'est étrange."

Récemment, cependant, Sebens a eu une idée. "Dans le cadre de la mécanique quantique, il semble que l'électron ne tourne pas", dit-il. Mais, ajoute-t-il, "la mécanique quantique n'est pas notre meilleure théorie de la nature. La théorie des champs quantiques est une théorie plus profonde et plus précise."

La théorie quantique des champs est l'endroit où le monde quantique des particules subatomiques rencontre l'équation la plus célèbre du monde : E = mc2, qui résume la découverte d'Einstein selon laquelle la matière peut se transformer en énergie et vice versa. (La théorie quantique des champs est également à l'origine du théorème de la statistique du spin). C'est à partir de cette propriété que lorsque des particules subatomiques interagissent, de nouvelles particules sont souvent créées à partir de leur énergie, et les particules existantes peuvent se désintégrer en quelque chose d'autre. La théorie quantique des champs traite ce phénomène en décrivant les particules comme provenant de champs qui imprègnent tout l'espace-temps, même l'espace vide. Ces champs permettent aux particules d'apparaître et de disparaître, conformément aux règles strictes de la relativité restreinte d'Einstein et aux lois probabilistes du monde quantique.

Et ce sont ces champs, selon Sebens, qui pourraient contenir la solution à l'énigme du spin. "L'électron est habituellement considéré comme une particule", explique-t-il. "Mais dans la théorie quantique des champs, pour chaque particule, il existe une façon de la considérer comme un champ." En particulier, l'électron peut être considéré comme une excitation dans un champ quantique connu sous le nom de champ de Dirac, et ce champ pourrait être ce qui porte le spin de l'électron. "Il y a une véritable rotation de l'énergie et de la charge dans le champ de Dirac", dit Sebens. Si c'est là que réside le moment angulaire, le problème d'un électron tournant plus vite que la vitesse de la lumière disparaît ; la région du champ portant le spin de l'électron est bien plus grande que l'électron supposé ponctuel lui-même. Ainsi, selon Sebens, d'une certaine manière, Pauli et Lorentz avaient à moitié raison : il n'y a pas de particule qui tourne. Il y a un champ tournant, et c'est ce champ qui donne naissance aux particules.

UNE QUESTION SANS RÉPONSE ?

Jusqu'à présent, l'idée de Sebens a produit quelques remous, mais pas de vagues. Pour ce qui est de savoir si les électrons tournent, "je ne pense pas qu'il s'agisse d'une question à laquelle on puisse répondre", déclare Mark Srednicki, physicien à l'université de Californie à Santa Barbara. "Nous prenons un concept qui trouve son origine dans le monde ordinaire et nous essayons de l'appliquer à un endroit où il ne s'applique plus vraiment. Je pense donc que ce n'est vraiment qu'une question de choix, de définition ou de goût pour dire que l'électron tourne vraiment." Hans Ohanian, physicien à l'université du Vermont qui a réalisé d'autres travaux sur le spin des électrons, souligne que la version originale de l'idée de Sebens ne fonctionne pas pour l'antimatière.

Mais tous les physiciens ne sont pas aussi dédaigneux. Selon Sean Carroll, physicien à l'université Johns Hopkins et à l'Institut Santa Fe, "la formulation conventionnelle de notre réflexion sur le spin laisse de côté un élément potentiellement important". "Sebens est tout à fait sur la bonne voie, ou du moins fait quelque chose de très, très utile dans le sens où il prend très au sérieux l'aspect champ de la théorie quantique des champs." Mais, souligne Carroll, "les physiciens sont, au fond, des pragmatiques..... Si Sebens a raison à 100 %, les physiciens vous diront : "D'accord, mais qu'est-ce que cela m'apporte ?"

Doreen Fraser, philosophe de la théorie des champs quantiques à l'université de Waterloo, au Canada, se fait l'écho de ce point de vue. "Je suis ouverte à ce projet que Sebens a de vouloir forer plus profondément pour avoir une sorte d'intuition physique pour aller avec le spin", dit-elle. "Vous avez cette belle représentation mathématique ; vous voulez avoir une image physique intuitive pour l'accompagner." En outre, une image physique pourrait également déboucher sur de nouvelles théories ou expériences qui n'ont jamais été réalisées auparavant. "Pour moi, ce serait le test pour savoir si c'est une bonne idée."

Il est trop tôt pour dire si les travaux de M. Sebens porteront ce genre de fruits. Et bien qu'il ait rédigé un article sur la manière de résoudre la préoccupation d'Ohanian concernant l'antimatière, d'autres questions connexes restent en suspens. "Il y a beaucoup de raisons d'aimer" l'idée du champ, dit Sebens. "Je prends cela plus comme un défi que comme un argument massue contre elle."

Auteur: Becker Adam

Info: Scientific American, November 22, 2022

[ approfondissement ]

 

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évolution subatomique

Une nouvelle idée pour assembler la vie         (Avec l'aimable autorisation de Lee Cronin)

Si nous voulons comprendre des constructions complexes, telles que nous-mêmes, la théorie de l'assemblage affirme que nous devons tenir compte de toute l'histoire de la création de ces entités, du pourquoi et comment elles sont ce qu'elles sont.

La théorie de l'assemblage explique pourquoi, étant donné les possibilités combinatoires apparemment infinies, nous n'observons qu'un certain sous-ensemble d'objets dans notre univers.

La vie sur d'autres mondes - si elle existe - pourrait être si étrangère qu'elle en serait méconnaissable. Il n'est pas certain que la biologie extraterrestre utilise la même chimie que celle de la Terre, avec des éléments constitutifs familiers tels que l'ADN et les protéines. Avec cette approche les scientifiques pourraient même repérer les signatures de ces formes de vie sans savoir qu'elles sont le fruit de la biologie.

Ce problème est loin d'être hypothétique. En avril, la sonde Juice de l'Agence spatiale européenne a décollé de la Guyane française en direction de Jupiter et de ses lunes. L'une de ces lunes, Europe, abrite un océan profond et saumâtre sous sa croûte gelée et figure parmi les endroits les plus prometteurs du système solaire pour la recherche d'une vie extraterrestre. L'année prochaine, le vaisseau spatial Europa Clipper de la NASA sera lancé, lui aussi en direction d'Europe. Les deux engins spatiaux sont équipés d'instruments embarqués qui rechercheront les empreintes de molécules organiques complexes, signe possible de vie sous la glace. En 2027, la NASA prévoit de lancer un hélicoptère ressemblant à un drone, appelé Dragonfly, pour survoler la surface de Titan, une lune de Saturne, un monde brumeux, riche en carbone, avec des lacs d'hydrocarbures liquides qui pourraient être propices à la vie, mais pas telle que nous la connaissons.

Ces missions et d'autres encore se heurteront au même obstacle que celui auquel se heurtent les scientifiques depuis qu'ils ont tenté pour la première fois de rechercher des signes de biologie martienne avec les atterrisseurs Viking dans les années 1970 : Il n'y a pas de signature définitive de la vie.

C'est peut-être sur le point de changer. En 2021, une équipe dirigée par Lee Cronin, de l'université de Glasgow, en Écosse, et Sara Walker, de l'université d'État de l'Arizona, a proposé une méthode très générale pour identifier les molécules produites par les systèmes vivants, même ceux qui utilisent des chimies inconnues. Leur méthode suppose simplement que les formes de vie extraterrestres produisent des molécules dont la complexité chimique est similaire à celle de la vie sur Terre.

Appelée théorie de l'assemblage, l'idée qui sous-tend la stratégie des deux chercheurs a des objectifs encore plus ambitieux. Comme l'indique une récente série de publications, elle tente d'expliquer pourquoi des choses apparemment improbables, telles que vous et moi, existent. Et elle cherche cette explication non pas, à la manière habituelle de la physique, dans des lois physiques intemporelles, mais dans un processus qui imprègne les objets d'histoires et de souvenirs de ce qui les a précédés. Elle cherche même à répondre à une question qui laisse les scientifiques et les philosophes perplexes depuis des millénaires : qu'est-ce que la vie, de toute façon ?

Il n'est pas surprenant qu'un projet aussi ambitieux ait suscité le scepticisme. Ses partisans n'ont pas encore précisé comment il pourrait être testé en laboratoire. Et certains scientifiques se demandent si la théorie de l'assemblage peut même tenir ses promesses les plus modestes, à savoir distinguer la vie de la non-vie et envisager la complexité d'une nouvelle manière.

La théorie de l'assemblage a évolué, en partie, pour répondre au soupçon de Lee Cronin selon lequel "les molécules complexes ne peuvent pas simplement émerger, parce que l'espace combinatoire est trop vaste".

Mais d'autres estiment que la théorie de l'assemblage n'en est qu'à ses débuts et qu'il existe une réelle possibilité qu'elle apporte une nouvelle perspective à la question de la naissance et de l'évolution de la complexité. "Il est amusant de s'engager dans cette voie", a déclaré le théoricien de l'évolution David Krakauer, président de l'Institut Santa Fe. Selon lui, la théorie de l'assemblage permet de découvrir l'histoire contingente des objets, une question ignorée par la plupart des théories de la complexité, qui ont tendance à se concentrer sur la façon dont les choses sont, mais pas sur la façon dont elles sont devenues telles. Paul Davies, physicien à l'université de l'Arizona, est d'accord avec cette idée, qu'il qualifie de "nouvelle, susceptible de transformer notre façon de penser la complexité".

Sur l'ordre des choses

La théorie de l'assemblage est née lorsque M. Cronin s'est demandé pourquoi, compte tenu du nombre astronomique de façons de combiner différents atomes, la nature fabrique certaines molécules et pas d'autres. C'est une chose de dire qu'un objet est possible selon les lois de la physique, c'en est une autre de dire qu'il existe une voie réelle pour le fabriquer à partir de ses composants. "La théorie de l'assemblage a été élaborée pour traduire mon intuition selon laquelle les molécules complexes ne peuvent pas simplement émerger parce que l'espace combinatoire est trop vaste", a déclaré M. Cronin.

Walker, quant à lui, s'est penché sur la question de l'origine de la vie - une question étroitement liée à la fabrication de molécules complexes, car celles des organismes vivants sont bien trop complexes pour avoir été assemblées par hasard. Walker s'est dit que quelque chose avait dû guider ce processus avant même que la sélection darwinienne ne prenne le dessus.

Cronin et Walker ont uni leurs forces après avoir participé à un atelier d'astrobiologie de la NASA en 2012. "Sara et moi discutions de la théorie de l'information, de la vie et des voies minimales pour construire des machines autoreproductibles", se souvient M. Cronin. "Et il m'est apparu très clairement que nous convergions tous les deux sur le fait qu'il manquait une 'force motrice' avant la biologie."

Aujourd'hui, la théorie de l'assemblage fournit une explication cohérente et mathématiquement précise de l'apparente contingence historique de la fabrication des objets - pourquoi, par exemple, ne peut-on pas développer de fusées avant d'avoir d'abord la vie multicellulaire, puis l'homme, puis la civilisation et la science. Il existe un ordre particulier dans lequel les objets peuvent apparaître.

"Nous vivons dans un univers structuré de manière récursive*", a déclaré M. Walker. "La plupart des structures doivent être construites à partir de la mémoire du passé. L'information se construit au fil du temps.

Cela peut sembler intuitivement évident, mais il est plus difficile de répondre à certaines questions sur l'ordre des choses. Les dinosaures ont-ils dû précéder les oiseaux ? Mozart devait-il précéder John Coltrane ? Peut-on dire quelles molécules ont nécessairement précédé l'ADN et les protéines ?

Quantifier la complexité

La théorie de l'assemblage repose sur l'hypothèse apparemment incontestable que les objets complexes résultent de la combinaison de nombreux objets plus simples. Selon cette théorie, il est possible de mesurer objectivement la complexité d'un objet en examinant la manière dont il a été fabriqué. Pour ce faire, on calcule le nombre minimum d'étapes nécessaires pour fabriquer l'objet à partir de ses ingrédients, que l'on quantifie en tant qu'indice d'assemblage (IA).

En outre, pour qu'un objet complexe soit intéressant d'un point de vue scientifique, il faut qu'il y en ait beaucoup. Des objets très complexes peuvent résulter de processus d'assemblage aléatoires - par exemple, on peut fabriquer des molécules de type protéine en reliant n'importe quels acides aminés en chaînes. En général, cependant, ces molécules aléatoires ne feront rien d'intéressant, comme se comporter comme une enzyme. En outre, les chances d'obtenir deux molécules identiques de cette manière sont extrêmement faibles.

En revanche, les enzymes fonctionnelles sont fabriquées de manière fiable à maintes reprises en biologie, car elles sont assemblées non pas au hasard, mais à partir d'instructions génétiques transmises de génération en génération. Ainsi, si le fait de trouver une seule molécule très complexe ne vous dit rien sur la manière dont elle a été fabriquée, il est improbable de trouver plusieurs molécules complexes identiques, à moins qu'un processus orchestré - peut-être la vie - ne soit à l'œuvre.

Cronin et Walker ont calculé que si une molécule est suffisamment abondante pour être détectable, son indice d'assemblage peut indiquer si elle a été produite par un processus organisé et réaliste. L'intérêt de cette approche est qu'elle ne suppose rien sur la chimie détaillée de la molécule elle-même, ni sur celle de l'entité vivante qui l'a produite. Elle est chimiquement agnostique. C'est ce qui la rend particulièrement précieuse lorsque nous recherchons des formes de vie qui pourraient ne pas être conformes à la biochimie terrestre, a déclaré Jonathan Lunine, planétologue à l'université Cornell et chercheur principal d'une mission proposée pour rechercher la vie sur la lune glacée de Saturne, Encelade.

"Il est bien qu'au moins une technique relativement agnostique soit embarquée à bord des missions de détection de la vie", a déclaré Jonathan Lunine.

Il ajoute qu'il est possible d'effectuer les mesures requises par la théorie de l'assemblage avec des techniques déjà utilisées pour étudier la chimie des surfaces planétaires. "La mise en œuvre de mesures permettant l'utilisation de la théorie de l'assemblage pour l'interprétation des données est éminemment réalisable", a-t-il déclaré.

La mesure du travail d'une vie

Ce qu'il faut, c'est une méthode expérimentale rapide et facile pour déterminer l'IA (indice d'assemblage) de certaines molécules. À l'aide d'une base de données de structures chimiques, Cronin, Walker et leurs collègues ont conçu un moyen de calculer le nombre minimum d'étapes nécessaires à la fabrication de différentes structures moléculaires. Leurs résultats ont montré que, pour les molécules relativement petites, l'indice d'assemblage est à peu près proportionnel au poids moléculaire. Mais pour les molécules plus grandes (tout ce qui est plus grand que les petits peptides, par exemple), cette relation est rompue.

Dans ces cas, les chercheurs ont découvert qu'ils pouvaient estimer l'IA à l'aide de la spectrométrie de masse, une technique déjà utilisée par le rover Curiosity de la NASA pour identifier les composés chimiques à la surface de Mars, et par la sonde Cassini de la NASA pour étudier les molécules qui jaillissent d'Encelade.

La spectrométrie de masse décompose généralement les grosses molécules en fragments. Cronin, Walker et leurs collègues ont constaté qu'au cours de ce processus, les grosses molécules à IA élevé se fracturent en mélanges de fragments plus complexes que celles à IA faible (comme les polymères simples et répétitifs). Les chercheurs ont ainsi pu déterminer de manière fiable l'IA (indice d'assemblage) en fonction de la complexité du spectre de masse de la molécule.

Lorsque les chercheurs ont ensuite testé la technique, ils ont constaté que les mélanges complexes de molécules produites par des systèmes vivants - une culture de bactéries E. coli, des produits naturels comme le taxol (un métabolite de l'if du Pacifique aux propriétés anticancéreuses), de la bière et des cellules de levure - présentaient généralement des IA moyens nettement plus élevés que les minéraux ou les simples substances organiques.

L'analyse est susceptible de donner lieu à des faux négatifs : certains produits issus de systèmes vivants, tels que le scotch Ardbeg single malt, ont des IA qui suggèrent une origine non vivante. Mais ce qui est peut-être plus important encore, c'est que l'expérience n'a produit aucun faux positif : Les systèmes abiotiques ne peuvent pas obtenir des IA suffisamment élevés pour imiter la biologie. Les chercheurs ont donc conclu que si un échantillon doté d'un IA moléculaire élevé est mesuré sur un autre monde, il est probable qu'il ait été fabriqué par une entité que l'on pourrait qualifier de vivante.

(Photo-schéma : Une échelle de la vie)

Les chercheurs ont établi/estimé l'indice d'assemblage (IA) de substance variées par des mesures répétés de leurs structures moléculaires, Seules celles assemblées biologiquement ont un AI au-dessus d'un certain palier. 

Non biologique        (vert)

Indice               bas        moyen       haut

charbon             10...    12

quarz                    11... 12

granit                 10  ..   12..   15

Biologique               (jaune)

levure                10                         24

urine                9                          ...   27

eau de mer      9                                 ....28

e-Coli                                    15                        31

bière                 10                                 ..            34

(Merrill Sherman/Quanta Magazine ; source : https://doi.org/10.1038/s41467-021-23258-x)

La spectrométrie de masse ne fonctionnerait que dans le cadre de recherches astrobiologiques ayant accès à des échantillons physiques, c'est-à-dire des missions d'atterrissage ou des orbiteurs comme Europa Clipper, qui peuvent ramasser et analyser des molécules éjectées de la surface d'un monde. Mais Cronin et ses collègues viennent de montrer qu'ils peuvent mesurer l'IA moléculaire en utilisant deux autres techniques qui donnent des résultats cohérents. L'une d'entre elles, la spectroscopie infrarouge, pourrait être utilisée par des instruments tels que ceux du télescope spatial James Webb, qui étudient à distance la composition chimique de mondes lointains.

Cela ne veut pas dire que ces méthodes de détection moléculaire offrent un instrument de mesure précis permettant de passer de la pierre au reptile. Hector Zenil, informaticien et biotechnologue à l'université de Cambridge, a souligné que la substance présentant l'IA le plus élevé de tous les échantillons testés par le groupe de Glasgow - une substance qui, selon cette mesure, pourrait être considérée comme la plus "biologique" - n'était pas une bactérie.

C'était de la bière.

Se débarrasser des chaînes du déterminisme

La théorie de l'assemblage prédit que des objets comme nous ne peuvent pas naître isolément - que certains objets complexes ne peuvent émerger qu'en conjonction avec d'autres. C'est intuitivement logique : l'univers n'a jamais pu produire un seul être humain. Pour qu'il y ait des êtres humains, il faut qu'il y en ait beaucoup.

La physique traditionnelle n'a qu'une utilité limitée lorsqu'il s'agit de prendre en compte des entités spécifiques et réelles telles que les êtres humains en général (et vous et moi en particulier). Elle fournit les lois de la nature et suppose que des résultats spécifiques sont le fruit de conditions initiales spécifiques. Selon ce point de vue, nous devrions avoir été codés d'une manière ou d'une autre dans les premiers instants de l'univers. Mais il faut certainement des conditions initiales extrêmement bien réglées pour que l'Homo sapiens (et a fortiori vous) soit inévitable.

La théorie de l'assemblage, selon ses défenseurs, échappe à ce type d'image surdéterminée. Ici, les conditions initiales n'ont pas beaucoup d'importance. Les informations nécessaires à la fabrication d'objets spécifiques tels que nous n'étaient pas présentes au départ, mais se sont accumulées au cours du processus d'évolution cosmique, ce qui nous dispense de faire porter toute la responsabilité à un Big Bang incroyablement bien réglé. L'information "est dans le chemin", a déclaré M. Walker, "pas dans les conditions initiales".

Cronin et Walker ne sont pas les seuls scientifiques à tenter d'expliquer que les clés de la réalité observée pourraient bien ne pas résider dans des lois universelles, mais dans la manière dont certains objets sont assemblés et se transforment en d'autres. La physicienne théorique Chiara Marletto, de l'université d'Oxford, développe une idée similaire avec le physicien David Deutsch. Leur approche, qu'ils appellent la théorie des constructeurs et que Marletto considère comme "proche dans l'esprit" de la théorie de l'assemblage, examine quels types de transformations sont possibles et lesquels ne le sont pas.

"La théorie des constructeurs parle de l'univers des tâches capables d'effectuer certaines transformations", explique M. Cronin. "On peut considérer qu'elle limite ce qui peut se produire dans le cadre des lois de la physique. La théorie de l'assemblage, ajoute-t-il, ajoute le temps et l'histoire à cette équation.

Pour expliquer pourquoi certains objets sont fabriqués et d'autres non, la théorie de l'assemblage identifie une hiérarchie imbriquée de quatre "univers" distincts.

1 Dans l'univers de l'assemblage, toutes les permutations des éléments de base sont autorisées. 2 Dans l'univers de l'assemblage possible, les lois de la physique limitent ces combinaisons, de sorte que seuls certains objets sont réalisables. 3 L'univers de l'assemblage contingenté élague alors le vaste éventail d'objets physiquement autorisés en sélectionnant ceux qui peuvent effectivement être assemblés selon des chemins possibles. 4 Le quatrième univers est l'assemblage observé, qui comprend uniquement les processus d'assemblage qui ont généré les objets spécifiques que nous voyons actuellement.

(Photo - schéma montrant l'univers de l'assemblage dès son origine via un entonnoir inversé présentant ces 4 étapes, qui élargissent en descendant)

1 Univers assembleur

Espace non contraint contenant toutes les permutations possibles des blocs de base de l'univers

2 Assemblage possibles

Seuls les objets physiquement possibles existent, limités par les lois de la physique.

3 Assemblages contingents

Objets qui peuvent effectivement être assemblés en utilisant des chemins possibles

4 Assemblage dans le réel

Ce que nous pouvons observer

(Merrill Sherman/Quanta Magazine ; source : https://doi.org/10.48550/arXiv.2206.02279)

La théorie de l'assemblage explore la structure de tous ces univers, en utilisant des idées tirées de l'étude mathématique des graphes, ou réseaux de nœuds interconnectés. Il s'agit d'une "théorie de l'objet d'abord", a déclaré M. Walker, selon laquelle "les choses [dans la théorie] sont les objets qui sont effectivement fabriqués, et non leurs composants".

Pour comprendre comment les processus d'assemblage fonctionnent dans ces univers notionnels, prenons le problème de l'évolution darwinienne. Conventionnellement, l'évolution est quelque chose qui "s'est produit" une fois que des molécules répliquées sont apparues par hasard - un point de vue qui risque d'être une tautologie (affirmation/certitude), parce qu'il semble dire que l'évolution a commencé une fois que des molécules évolutives ont existé. Les partisans de la théorie de l'assemblage et de la théorie du constructeur recherchent au contraire "une compréhension quantitative de l'évolution ancrée dans la physique", a déclaré M. Marletto.

Selon la théorie de l'assemblage, pour que l'évolution darwinienne puisse avoir lieu, il faut que quelque chose sélectionne de multiples copies d'objets à forte intelligence artificielle dans l'assemblage possible. Selon M. Cronin, la chimie à elle seule pourrait en être capable, en réduisant des molécules relativement complexes à un petit sous-ensemble. Les réactions chimiques ordinaires "sélectionnent" déjà certains produits parmi toutes les permutations possibles parce que leur vitesse de réaction est plus rapide.

Les conditions spécifiques de l'environnement prébiotique, telles que la température ou les surfaces minérales catalytiques, pourraient donc avoir commencé à vidanger/filtrer le pool des précurseurs moléculaires de la vie parmi ceux de l'assemblage possible. Selon la théorie de l'assemblage, ces préférences prébiotiques seront "mémorisées" dans les molécules biologiques actuelles : Elles encodent leur propre histoire. Une fois que la sélection darwinienne a pris le dessus, elle a favorisé les objets les plus aptes à se répliquer. Ce faisant, ce codage de l'histoire s'est encore renforcé. C'est précisément la raison pour laquelle les scientifiques peuvent utiliser les structures moléculaires des protéines et de l'ADN pour faire des déductions sur les relations évolutives des organismes.

Ainsi, la théorie de l'assemblage "fournit un cadre permettant d'unifier les descriptions de la sélection en physique et en biologie", écrivent Cronin, Walker et leurs collègues. Plus un objet est "assemblé", plus il faut de sélections successives pour qu'il parvienne à l'existence.

"Nous essayons d'élaborer une théorie qui explique comment la vie naît de la chimie", a déclaré M. Cronin, "et de le faire d'une manière rigoureuse et vérifiable sur le plan empirique".

Une mesure pour tous les gouverner ?

Krakauer estime que la théorie de l'assemblage et la théorie du constructeur offrent toutes deux de nouvelles façons stimulantes de réfléchir à la manière dont les objets complexes prennent naissance. "Ces théories sont davantage des télescopes que des laboratoires de chimie", a-t-il déclaré. "Elles nous permettent de voir les choses, pas de les fabriquer. Ce n'est pas du tout une mauvaise chose et cela pourrait être très puissant".

Mais il prévient que "comme pour toute la science, la preuve sera dans le pudding".

Zenil, quant à lui, estime que, compte tenu de l'existence d'une liste déjà considérable de mesures de la complexité telles que la complexité de Kolmogorov, la théorie de l'assemblage ne fait que réinventer la roue. Marletto n'est pas d'accord. "Il existe plusieurs mesures de la complexité, chacune capturant une notion différente de cette dernière", a-t-elle déclaré. Mais la plupart de ces mesures ne sont pas liées à des processus réels. Par exemple, la complexité de Kolmogorov suppose une sorte d'appareil capable d'assembler tout ce que les lois de la physique permettent. Il s'agit d'une mesure appropriée à l'assemblage possible, a déclaré Mme Marletto, mais pas nécessairement à l'assemblage observé. En revanche, la théorie de l'assemblage est "une approche prometteuse parce qu'elle se concentre sur des propriétés physiques définies de manière opérationnelle", a-t-elle déclaré, "plutôt que sur des notions abstraites de complexité".

Selon M. Cronin, ce qui manque dans les mesures de complexité précédentes, c'est un sens de l'histoire de l'objet complexe - les mesures ne font pas la distinction entre une enzyme et un polypeptide aléatoire.

Cronin et Walker espèrent que la théorie de l'assemblage permettra à terme de répondre à des questions très vastes en physique, telles que la nature du temps et l'origine de la deuxième loi de la thermodynamique. Mais ces objectifs sont encore lointains. "Le programme de la théorie de l'assemblage n'en est qu'à ses débuts", a déclaré Mme Marletto. Elle espère voir la théorie mise à l'épreuve en laboratoire. Mais cela pourrait aussi se produire dans la nature, dans le cadre de la recherche de processus réalistes se déroulant sur des mondes extraterrestres.

 

Auteur: Internet

Info: https://www.quantamagazine.org/a-new-theory-for-the-assembly-of-life-in-the-universe-20230504?mc_cid=088ea6be73&mc_eid=78bedba296 - Philip Ball , contributing Writer,  4 mai 2023. *Qui peut être répété un nombre indéfini de fois par l'application de la même règle.

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