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dialogue

asseyez-vous, Stirkoff.

merci, sire.

mettez-vous à votre aise.

c’est très aimable à vous, sire.

Stirkoff, j’ai cru comprendre que vous aviez écrit des articles sur la justice, l’égalité, et aussi sur le droit au bonheur et à une meilleure existence. une question, Stirkoff.

je suis tout ouïe, sire.

pensez-vous qu’un jour le monde connaîtra une justice toute-puissante et pleine de bon sens ?

je crains que non, sire.

mais alors pourquoi toutes ces sornettes ? seriez-vous souffrant ?

ces temps-ci, je broie du noir, sire, à croire que je perds la raison.

buvez-vous beaucoup, Stirkoff ?

ça va de soi, sire.

et l’onanisme ?

tout le temps, sire.

mais de quelle façon ?

j’ai du mal à vous suivre, sire.

c’est simple, comment vous y prenez-vous ?

en mélangeant quatre à cinq œufs frais et une livre de viande hachée dans un vase à long col, et en écoutant Vaughn Williams ou Darius Milhaud.

cristal ?

non, plutôt anal, sire.

vous ne m’avez pas compris. je voulais savoir si le vase était en cristal.

bien sûr que non, sire.

avez-vous déjà été marié ?

de nombreuses fois, sire.

qu’est-ce qui n’a pas marché ?

tout, sire.

quel est votre meilleur souvenir ?

mes quatre à cinq œufs frais sans oublier la viande hachée dans un…

je vois, je vois !

sire, c’est ainsi.

est-ce que vous réalisez que votre soif de justice universelle, votre aspiration à un monde meilleur dissimulent en vérité la pourriture, la honte, l’insuccès qui vous collent à la peau ?

mouais.

votre père s’est-il mal comporté avec vous ?

je l’ignore, sire.

comment ça, vous l’ignorez ?

je veux dire qu’il me faudrait un point de comparaison. or je n’ai eu qu’un père.

seriez-vous en train de vous moquer de moi, Stirkoff ?

oh, non, sire, simplement, comme vous l’avez dit, qui peut se poser en juge ?

votre père vous battait ?

ils se relayaient.

j’avais cru comprendre que vous n’aviez eu qu’un père.

pour ça, oui, mais il y avait aussi ma mère, et donc ils se relayaient.

vous aimait-elle ?

comme on aime ce qui vous appartient.

mais n’est-ce pas une bonne définition de l’amour ?

n’importe qui prend soin de ce qui lui appartient. en quoi cela concerne-t-il les liens de parenté ? puisque ça s’applique aussi bien à un ballon de plage rouge ou à un toast beurré ?

voudriez-vous insinuer que vous pourriez AIMER un toast beurré ?

mais oui, sire. dans certaines conditions. le matin. au lever du soleil. quand l’amour prend son envol ou quand il se termine sans explications.

et aimer les êtres humains, est-ce que cela vous paraît possible ?

assurément, et surtout quand on les connaît mal. j’aime bien les voir passer sous ma fenêtre, déambulant sur les trottoirs.

Stirkoff, vous êtes un lâche.

exact, sire.

quelle est donc votre définition de la lâcheté ?

un homme qui y réfléchit à deux fois avant d’affronter un lion à mains nues.

et votre définition de la bravoure ?

un homme qui ne sait pas de quoi un lion est capable.

chacun sait de quoi un lion est capable.

mais chacun paie la conséquence de ses actes.

et votre définition de la folie ?

un homme qui ne pige pas que le Temps, la Société et la Chair sont, pour une grande part, atteints de gangrène.

mais alors qui sont les sages ?

il n’en existe pas, sire.

donc, il n’y a pas de fous. car s’il n’y a pas de nuit, il ne peut y avoir de jour, et si le blanc n’existe pas, le noir, non plus.

pardonnez-moi, sire, mais je croyais que chaque chose existait indépendamment des autres.

vous avez fourré votre queue dans trop de vases. et vous ne pouvez plus comprendre que TOUT est normal, que rien n’est choquant.

si, je comprends, sire, je comprends que ce qui arrive devait arriver.

que diriez-vous si je décidais de vous faire décapiter ?

que pourrais-je bien dire, sire ?

quoi qu’il en soit, en vous faisant couper la tête, je conserve le Pouvoir, et je vous renvoie dans le Néant.

je pourrais choisir une autre destination.

sauf que c’est moi qui CHOISIS.

non, chacun de nous peut choisir.

relax ! relax ! Détendez-vous !

vous êtes vraiment très courtois, sire.

mais non, nous le sommes tous les deux.

certes, sire.

vous m’avez dit qu’il vous arrive de perdre la raison. que faites-vous en de telles circonstances ?

j’écris des poèmes.

la poésie et la folie, ça va ensemble ?

la folie, c’est l’absence de poésie.

mais, je vous le redemande, c’est quoi la folie ?

la laideur.

qu’est-ce qui est laid ?

cela varie selon les hommes.

donc, la laideur nous est donnée dès la naissance ?

elle est en chacun de nous, en tout cas.

mais est-ce qu’elle est inhérente à chacun de nous ?

je l’ignore, sire.

vous prétendez être un homme de savoir. qu’est-ce que le savoir ?

en savoir le moins possible.

Expliquez-vous.

je n’ai rien à expliquer, sire.

sauriez-vous construire un pont ?

non, sire.

une arme à feu ?

non, sire.

pourtant, toutes ces choses n’ont été rendues possibles que par le savoir.

ce ne sont que des ponts et des armes à feu.

je vais vous faire couper la tête.

je vous en remercie, sire.

pourquoi m’en remercier ?

j’ai grand besoin d’être stimulé, et vous me stimulez.

je suis la Justice.

peut-être.

je suis le Pouvoir. je vais donc vous faire torturer, vous faire hurler. jusqu’à ce que vous souhaitiez être mort.

c’est bien comme ça que je l’entendais, sire.

ne comprenez-vous pas que je suis votre maître ?

vous êtes l’homme qui me manipule, mais il n’y a rien que vous puissiez me faire qui n’ait déjà été fait.

vous pensez être un malin, mais lorsque vous hurlerez de souffrance, vous ne le serez plus.

j’en doute, sire.

à propos, comment pouvez-vous supporter Vaughn Williams et Darius Milhaud ? n’avez-vous jamais entendu parler des Beatles ?

oh que oui, sire, qui n’a entendu parler des Beatles ?

et vous ne les aimez pas ?

je ne les déteste pas.

y a-t-il un chanteur que vous détestiez ? on ne peut détester les chanteurs.

disons, quelqu’un qui passe pour l’être.

alors, Frank Sinatra.

pourquoi ?

il chante la pourriture à une société pourrie.

lisez-vous les journaux ?

un seul.

lequel ?

OPEN CITY.

GARDE ! CONDUISEZ IMMÉDIATEMENT CET HOMME À LA CHAMBRE DES TORTURES ET NE M’ATTENDEZ PAS POUR COMMENCER !

sire, puis-je me permettre une dernière requête ?

accordée.

puis-je emporter avec moi mon vase à long col ?

pas question ! je compte m’en servir.

oh, sire !

mais non, je vous le confisque, voilà tout ! Holà, garde, débarrassez-moi de cet idiot ! et repassez me voir avec… avec…

avec quoi, sire ?

avec une demi-douzaine d’œufs frais et un kilo de rumsteak haché…



le garde et le prisonnier sortent. avec un sourire diabolique, le roi se met en position, alors que sur le circuit radiophonique intérieur on entend Vaughn Williams. ainsi va le monde tandis qu’un chien couvert de tiques pisse sur un superbe citronnier qui s’épanouit au soleil.

 

Auteur: Bukowski Charles

Info: Journal (1967), souvenirs et poèmes Broché – Livre grand format, 2007

[ théâtre ] [ musique ]

 
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éloge de l'indiscipline

La question de la désobéissance est au cœur de l’attentat contre le Bataclan. La tuerie a été stoppée par un commissaire de la brigade anticriminalité (BAC) qui a enfreint les consignes. À l’inverse, huit soldats de la force Sentinelle y assistaient les bras ballants, comme on le leur avait ordonné. Ces sujets très sensibles sont abordés dans le documentaire Les Ombres du Bataclan, de Francis Gillery (en ligne sur arte.tv), et dans le livre Le Procès, de Georges Fenech (Éditions du Rocher), d’après les rapports de la commission d’enquête parlementaire.

Quatre-vingt-dix morts, c’est déjà suffisamment monstrueux. Mais le bilan aurait été bien plus lourd sans l’action d’un homme qui a enfreint le protocole. Cet homme, appelons-le commis­saire X, vu qu’il a toujours tenu à garder l’anonymat. En novembre 2015, il fait partie de la brigade anticriminalité (BAC), et patrouille dans le 17e arrondissement de Paris lorsqu’il apprend, par sa radio de bord, l’attentat au Stade de France. Ni une ni deux, il décide de s’y rendre. Il est alors 21 h 25. Quelques minutes plus tard, ce sont les tirs sur les terrasses dans le 11e. Aussitôt, changement de direction. Puis c’est le Bataclan : le commissaire X y parvient à 21 h 54. Devant l’établissement, il trouve des militaires de la force Sentinelle, qui étaient là par hasard. À l’intérieur, ça tire. Il demande aux soldats d’intervenir : leur hiérarchie refuse. Il leur demande alors de lui filer leurs armes : ils leur répondent qu’ils n’ont pas le droit de s’en séparer.

Le protocole aurait exigé que le commissaire X attende sagement l’arrivée des forces d’élite. Mais ce n’est pas son choix. Il appelle sa femme pour lui dire adieu, persuadé qu’il n’en sortira pas vivant, et décide, sans demander l’autorisation de sa hiérarchie, d’entrer avec son équipier dans la salle de concert. Il abat un terroriste, ce qui contraint les deux autres à se replier à l’étage. Dès lors, il n’y aura plus aucun tir sur les spectateurs. On peut affirmer que le commissaire X a mis fin au massacre. Il faudra attendre plus de vingt minutes – durant lesquelles les terroristes n’auraient pas cessé de tirer – pour que la brigade de recherche et d’intervention (BRI) arrive au Bataclan, à 22 h 20 précisément.

Aujourd’hui, le commissaire X est célébré, à juste titre, comme un héros. Mais, selon la rigide logique hiérarchique, il pourrait être sanctionné, puisqu’il a délibérément contrevenu aux consignes. Le livre de Georges Fenech rapporte son témoignage devant la commission d’enquête parlementaire sur les attentats : "Humainement, compte tenu de ce qui se passait, on sentait bien qu’ils étaient en train d’achever les otages, on ne pouvait pas rester à l’extérieur. Un des fonctionnaires a proposé d’attendre la BRI. J’ai répondu non."

L’attitude du commissaire X est à opposer à celle des soldats de la force Sentinelle. Car il y avait non pas un ou deux, mais huit – oui, huit ! – militaires équipés de fusils d’assaut devant le Bataclan. Quand les policiers demandent à la préfecture l’autorisation de les faire intervenir, on leur répond : "Négatif, vous n’engagez pas les militaires, on n’est pas en zone de guerre." Alors, à quoi servent ces guignols en treillis ? S’ils voient une femme en train d’être violée, ils restent les bras ballants tant qu’ils ne reçoivent pas l’ordre d’intervenir ?

On a également dit qu’ils n’étaient pas formés pour ce genre d’intervention. Sans doute. Mais avec un tel raisonnement, le commissaire X ne serait jamais entré dans le Bataclan. La commis­sion d’enquête parlementaire a auditionné le général Bruno Le Ray, alors gouverneur militaire de ­Paris. Sa justification de la passivité des soldats est telle­ment hallucinante que ça vaut le coup d’en citer de larges extraits : "On n’entre pas dans une bouteille d’encre, c’est-à-dire sans savoir où l’on va, ce que l’on va faire et contre qui […] en mon âme et conscience, je n’aurais donc pas donné l’ordre à mes soldats de pénétrer dans le bâtiment sans un plan d’action prédéfini […] il est impensable de mettre des soldats en danger dans l’espoir hypothétique de sauver d’autres hommes […] ils n’ont pas vocation à se jeter dans la gueule du loup s’ils ne sont pas assurés de disposer de chances raisonnables d’accomplir leur mission."

Je pensais naïvement que les militaires étaient entraînés pour faire face à n’importe quelle situation d’urgence. Je ­découvre que non, bien au contraire. Qu’ils ne donnent ­l’assaut qu’après mûre et patiente analyse de la situation, et qu’à la condition d’être certains de ne prendre aucun risque et de réussir, cela quand bien même des gens se font canarder à quelques mètres d’eux ! Georges Fenech, lui non plus, n’en ­revient toujours pas, et n’hésite pas à écrire que "cette passivité confine à de la non-assistance à personne en danger".

Justement, c’est le coeur du sujet. Quand vous êtes huit militaires lourdement armés et que des gens se font tuer à deux pas, n’est-ce pas de la non-assistance à personne en danger que de rester passif (de surcroît en laissant de simples policiers munis de leur flingue de service aller au feu) ? Il y a les ordres, certes. Mais, dans certains cas, on a non seulement le droit, mais le devoir d’y désobéir. L’article D. ­4122–3 du Code de la défense stipule que le militaire "ne doit pas exécuter un ordre prescrivant d’accomplir un acte manifestement illégal". Ce texte a été rédigé pour éviter (ou du moins limiter) la torture ou les massacres de civils. Mais si l’ordre contrevient à l’obligation de porter secours, est-il lui aussi "manifestement illégal" ? En droit pénal, cette obligation de désobéissance porte un nom : la "théorie de la baïonnette intelligente". Un concept qui semble totalement échapper au général Bruno Le Ray.

"Ils étaient en train d’achever les otages, on ne pouvait pas rester à l’extérieur."

Il y en a d’autres qui n’ont pas attendu les ordres. Ce sont les hommes du Raid. Cette unité était alors dirigée par Jean-Michel Fauvergue : "J’étais en train de dîner avec mes hommes quand j’ai appris l’attentat. J’ai alors décidé de me rendre aussitôt, de ma propre initiative, au Bataclan. Mais je n’ai jamais été appelé officiellement." Jean-Michel Fauvergue aurait eu le temps d’avaler dessert et digestif s’il avait attendu l’ordre de sa hiérarchie. Pourquoi le Raid – unité a priori la plus compé­tente dans ce genre de situation – n’a-t-il pas été mobilisé ? Cela reste, encore aujourd’hui, un mystère. Bizarrement, le préfet de police, Michel Cadot, a décidé de confier les rênes de l’opération à la BRI, dont Georges Fenech dit qu’elle est "habituellement compétente pour neutraliser des forcenés ou des preneurs d’otages classiques". Le Raid aurait-il été plus rapide que la BRI s’il avait dirigé les opérations – sachant que plus de deux heures se sont écoulées entre l’arrivée de cette dernière et l’assaut final ? Impossible de répondre, mais, pour Jean-Michel Fauvergue, il est indéniable que "quelque chose ne va pas lorsqu’un groupe spécialisé de compétence nationale se met à la disposition d’un groupe non spécialisé de compétence locale". En tout cas, ce 13 novembre, il assume totalement de ne pas avoir attendu la bénédiction de sa hiérarchie pour intervenir : "Dans ma carrière, il m’est arrivé plein de fois de prendre des initiatives sans attendre les ordres."

Autre problème, encore lié à cette histoire d’obéissance. Dans le documentaire de Francis Gillery, on apprend l’existence d’une brigade d’intervention (BI), à ne pas confondre avec la BRI. La BI était une brigade peu médiatisée, mais d’élite, elle aussi (elle a notamment participé à l’assaut contre l’Hyper Cacher), aujourd’hui intégrée à la BRI. Le 13 novembre, six de ses membres reviennent d’un entraînement à la tour Eiffel, lorsqu’ils ont connaissance de l’attentat au Stade de France. Ils filent illico à leur QG, s’équipent et attendent les ordres, prêts à foncer. Il est environ 21 h 30. Mais c’est la consternation : la hiérarchie leur dit non, vous n’y allez pas. Alors qu’ils sont à cinq minutes des terrasses du 11e arrondissement, on leur ordonne de se rendre au 36, quai des Orfèvres, d’attendre que la BRI s’équipe, puis de s’intégrer à celle-ci. Ce qui les fait arriver au Bataclan vers 22 h 40. Alors qu’ils auraient pu y être au moins quarante-cinq minutes plus tôt, et peut-être même avant le commissaire X ! Un retard incompréhensible, quand chaque minute représente des dizaines de victimes supplémentaires. Dans Les Ombres du Bataclan, un ancien membre de la BI exprime ses regrets d’avoir obéi : "Le commandant qui a appelé pour demander l’autorisation de se rendre sur place, je pense qu’il regrette, non pas d’avoir appelé, mais d’avoir demandé l’autorisation, il aurait dû appeler pour dire on y va. Point."

Depuis, les règles ont changé : dans le même genre de situation, les soldats de la force Sentinelle pourraient intervenir, et l’unité d’élite la plus proche des lieux serait autorisée à conduire les opérations. On peut aussi tirer de cette tragédie une leçon de philosophie : ceux qui font évoluer les règles ne sont pas tant ceux qui les respectent que ceux qui les transgressent, comme l’héroïque commissaire X.

Auteur: Fischetti Antonio

Info: Charlie Hebdo, sept 2021

[ absurde administration ]

 

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homme-animal

Le langage du chant des oiseaux
Pendant plus de 30 ans, Donald Kroodsma a travaillé pour démêler de tels mystères de communication avienne. Par des études sur le terrain et des expériences de laboratoire, il a étudié les forces écologiques et sociales qui ont contribué à l'évolution de l'apprentissage vocal.
Les jeunes perroquets, oiseaux chanteurs et colibris apprennent un répertoire de chansons, comme les enfants en bas âge apprennent à parler. Mais pourquoi cette capacité d'apprendre un système de communication vocal est-il quelque chose que nous partageons avec les oiseaux, mais pas avec nos parents plus proches, tels que les primate ?
Kroodsma a prêté une attention particulière à la variation locale des types de chants - donnés comme dialectes. Par exemple, la Mésange à tête noire (atricapillus Parus) de Martha's Vineyard, a un chant entièrement différent de son homologue terrestre qui vit au Massachusetts dit il. Aussi, les oiseaux qui vivent sur une frontière entre deux dialectes ou qui passent du temps dans différents secteurs peuvent devenir "bilingues" apprenant les chansons de plusieurs groupe de voisins.
Récemment, Kroodsma a découvert que l’Araponga tricaronculé (tricarunculata Procnias) change constamment son chant, créant ce qu'il appelle "une évolution culturelle rapide à chaque génération." Ce genre d'évolution du chant est connu chez les baleines mais, jusqu'ici, rarement dans les oiseaux. Professeur de biologie à l'université du Massachusetts à Amherst, Kroodsma est également Co-rédacteur du livre Ecology and Evolution of Acoustice Communication in Birds (Cornell University Press, 1996). Bien qu'il projette de continuer ses études sur le terrain, il dit qu'un de ses buts les plus importants est maintenant d'aider les gens à comprendre " Comment écouter les chant d'oiseaux. Beaucoup de gens peuvent identifier une grive des bois (Hylocichla mustelina) quand ils l’entendent. Son chant est un des plus beau au monde – mais peu réalisent qu'ils pourraient entendre les choses que la grive communique s’ils savaient juste écouter."

SA : Pouvez vous faire une comparaison entre la façon dont un bébé oiseau apprend à chanter et la façon dont un jeune humain apprend à parler ?
DK : En surface, c'est remarquablement similaire. Je passe souvent une bande de ma fille, enregistrée quand elle avait environ une année et demi. Elle prend tout qu'elle connaît "bruits de toutou, de chat, etc " et les rapièce aléatoirement ensemble dans un ordre absurde de babillage. Ainsi quand on passe la bande d'un jeune oiseau et qu’on dissèque ce qu'il fait dans ce que nous appelons son "subsong" il se passe exactement la même chose. Il prend tous les bruits qu'il a mémorisés, tous les bruits auxquels il a été exposé, et les chante dans un ordre aléatoire. Il semble que ce que le bébé humain et le bébé oiseau font est identique. Certains pourraient voir ceci comme une comparaison grossière, mais elle est très intrigante.
SA : Pourquoi les répertoires de chants et les dialectes de certains oiseaux changent-ils d'un endroit à l'autre ?
DK : Pour les espèces d'oiseaux qui n'apprennent pas leurs chants, j'aime penser de manière simpliste que leurs chants sont codés dans leur ADN. Avec ces oiseaux, si nous trouvons des différences dans les chants d'un endroit à l'autre, cela signifie que l'ADN est aussi changé et que les populations sont génétiquement différentes. Mais il y a des espèces dans lesquelles les chants ne sont pas codés par l'ADN. Alors nous avons quelque chose très semblable aux humains, la parole est apprise et varie d'un endroit à l'autre. Si par exemple, tu a été élevé en Allemagne, tu parleras allemand plutôt que l'anglais, sans changement de gènes. Ainsi avec les oiseaux qui apprennent leurs chants, on obtient ces différences frappantes d'un endroit à l'autre parce que ces oiseaux ont appris le dialecte local.
SA : Comment est-ce influencé par le nomadisme de l’oiseau ?
DK : Si tu sais que le reste de ta vie tu parleras anglais, tu travailleras dur à l'anglais à l'école. Mais qu'en serait-il si tu savais que tu seras jeté à plusieurs reprises dans des milieux avec des personnes parlant des langues différentes ? Tu commences ainsi à entrevoir l'énorme défi que ce serait d'apprendre la langue ou le dialecte de tous ces différents endroits. Alors je pense que les oiseaux nomades comme les Troglodyte à bec court [Cistothorus platensis], parce qu'ils vivent avec différents oiseaux tous les quelques mois partout dans la géographie, ne prennent pas la peine d'imiter les chansons de leurs voisins immédiats. Ils composent une certaine sorte de chant généralisé, ou plutôt ce sont des instructions de l’ADN leur permettent d'improviser la chanson du Troglodyte à bec court. Le contraste du Troglodyte à bec court avec le Troglodyte des marais [Cistothorus palustris] est très intéressant. Les Troglodytes des marais occidentaux de la région de Seattle ou de Californie, restent sur leur territoire pendant toute l'année. Une fois qu'un mâle s'installe sur un territoire il apprend les chants de ses voisins. Ils vivent tous au sein d’une communauté très stable, et je pense que cela leur donne l'élan pour s'imiter les uns les autres. Mais J'aimerai quand même bien avoir la réponse à ça : Pourquoi s'imitent ils tous… pourquoi ont ils les mêmes chants ?.
SA : Une des manières ou vous avez montré que la connaissance de chants est innée - plutôt qu'apprise - chez certaines espèces fut de priver de jeunes Moucherolles de leur capacité d'entendre.
DK : Nous avons fait un tas d'expériences, mais nous savions que l'étape finale avant de pouvoir déclarer qu'ils apprennent était de les empêcher de pratiquer l'audition elle-même. Ainsi nous avons obturé les oreilles des quelques Moucherolle [Sayornis phoebe] et elles continuèrent de produire toujours parfaitement leurs beaux chants. Elles n'auraient pas du être capable de développer des chants normaux après avoir été rendues sourdes s'il n'y avait pas quelque composant d'apprentissage inné.
SA : Vous avez comparé l’Araponga tricaronculé du Costa Rica à la baleine à bosse [Megaptera novaeangliae] parce que leurs chants évoluent rapidement à chaque génération. Comment savoir que les chants des Arapongas ont évolué depuis que les gens ont commencé à les enregistrer ?
DK : Nous avons une série d'enregistrements datant du milieu des années 70, nous donnant une utile documentation sur leurs chants dans trois dialectes. Dans deux des dialectes, les chants des années 70 sont rigoureusement différents des chants aujourd'hui. Dans le troisième, celui avec lequel nous travaillons le plus soigneusement, nous pouvons montrer plusieurs micro changements fait avec le temps. Un des changements est un très un fort sifflent qui a diminué dans sa fréquence [hauteur] depuis les années 70. Celle-ci est passée d'environ 5.500 hertz, (cycles par seconde) descendant à environ 3.700 hertz. C'est une baisse énorme, une baisse moyenne de 70 hertz par an de 70 à 2001.
SA : L’Arapongas (Bellbird) est-il unique parmi les oiseaux dans le sens que ses chants évoluent de cette façon ?
DK : Ces oiseaux réapprennent probablement leurs chansons tout le temps... Ils surveillent ce que les autres oiseaux chantent, n’est-ce pas. Ce genre de modification n'a été démontré qu'avec deux autres sortes d’oiseau, dont le Cassique cul-jaune [ Cacicus cela] du Panama. C'est un merle qui vit en colonies. Les chants dans ces colonies changent en une génération. Avec des oiseaux qui ont des vies assez courtes, comme les Passerin indigo [ Passerina cyanea], qui vivent environs deux ans, une fois que le mâle à développé son chant il le garde toute sa vie. Les chants d’Araponga évoluent au-travers des générations, de manière très proche à la baleine à bosse.
SA : Pourquoi pensez-vous que les chants de l’Araponga se modifient avec le temps ?
DK : Comme probablement dans la plupart des systèmes où relativement peu de mâles réussissent. Le mâle doit exposer son chant à une assistance des femelles, celles-ci conviennent quant à qui est le meilleur mâle. Elles sont probablement la cause d’un système qui permettrait aux mâles de montrer depuis combien de temps ils sont dans les environs : s'ils chantent les chants des dialectes locaux et s’ils ont suivis les changements. Ainsi les mâles qui réussissent pourraient changer leurs chants, forçant les autres mâles, particulièrement les plus jeunes, à rester à niveau. Ce pourrait être une manière pour que les femelles puissent identifier les mâles dominants ou ceux qui ont été dans la population depuis le plus longtemps.
SA : Une des manières qui vous a permis de montrer que les Arapongas apprennent leurs chants est que vous avez découverts qu'ils imitent d'autres oiseaux.
DK : Un ami m'a parlé d'une ville du Brésil appelée Arapongas. Si tu dis "Arapongas" en soulignant le "pong" plus ou moins c'est comme décrire un de ces Araponga à gorge chauve qui habite le Brésil méridional. La ville est baptisée du nom de cet oiseau. Les gens gardent des Arapongas en cage dans cette ville. Mon ami a entendu un là-bas, en cage, faire des bruits comme un merle de Chopi [Gnorimopsar chopi]. Il a découvert qu'il avait été élevé avec des merles de Chopi et qu’il avait appris des éléments - sifflements et ronronnements - de leurs chants. C'était une jolie expérience faite par des amateurs d'oiseau, qui donne ce que je vois comme la preuve claire qu'un Araponga a appris ses sons des merles.
SA : Pourquoi trouvez-vous les l’Araponga si attrayants ?
DK : Il est difficile de penser objectivement une fois qu’on observe ces oiseaux parce qu'ils sont si charismatiques. Ils sautent à cloche-pied sur leurs perchoirs, se mettent en garde, se poussent entre eux en bas des perchoirs, ils se crient dans des oreilles, ils collent leurs têtes dans les bouches d'autres oiseaux. Ils sont simplement extraordinaires. La chose que je trouve excitante en tant que scientifique c'est que c'est seulement le quatrième groupe d'oiseaux au sujet desquels nous sommes documentées pour ce type d'étude vocale. Je pense qu'ils ouvrent une fenêtre sur les conditions dans lesquelles l'apprentissage vocal pourrait avoir évolué dans d'autres groupes ou espèces.
SA : Quels mystères de chant d'oiseaux voudriez vous résoudre dans votre vie ?
DK : Pourquoi les oiseaux acquièrent ils les sons de cette manière ? Pourquoi certains oiseaux apprennent ils et d'autres pas ? Les merles proches les uns des autres semblent avoir des chansons différentes, cela suggère qu'ils les composent probablement. Il doit y avoir une sorte de grand modèle évolutionnaire avec lequel tous ces oiseaux fonctionnent, et si nous en savions juste assez au sujet de leurs histoires de vie, mon sentiment tripal est que toute cette variété que nous voyons parmi des oiseaux commencerait à se comprendre.

Auteur: Fortean times

Info: Entrevue entre Donald Kroodsma et Jennifer Uscher, auteur scientifique indépendante de New York, spécialisée sur les oiseaux. Vers 2004

[ musique ]

 

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