Citation
Catégorie
Tag – étiquette
Auteur
Info



nb max de mots
nb min de mots
trier par
Dictionnaire analogique intriqué pour extraits. Recherche mots ou phrases tous azimuts. Aussi outil de précision sémantique et de réflexion communautaire. Voir la rubrique mode d'emploi. Jetez un oeil à la colonne "chaînes". ATTENTION, faire une REINITIALISATION après  une recherche complexe. Et utilisez le nuage de corrélats !!!!..... Lire la suite >>
Résultat(s): 37
Temps de recherche: 0.0367s

Dieu

Ce qui se meut toujours est éternel ; en revanche, ce qui donne le mouvement à autre chose en étant soi-même mis en mouvement de l’extérieur doit nécessairement cesser de vivre lorsque cesse son propre mouvement. Il en résulte que seul ce qui se meut soi-même ne cesse jamais de se mouvoir, parce qu’il ne se fait jamais défaut à lui-même. Bien plus : à l’égard de tout ce qui est mû, il est source, il est le principe de ce mouvement. Or un principe n’a pas d’origine : toutes choses en effet proviennent d’un principe ; mais le principe lui-même ne peut naître de nulle autre chose, car s’il naissait d’autre chose, ce ne serait pas un principe. N’ayant jamais pris naissance, il ne connaîtra jamais la mort non plus, car un principe détruit ne renaîtra jamais lui-même d’un autre, pas plus qu’il n’en fera sortir un autre de lui-même, tant il est nécessaire que toutes choses dérivent d’un principe. On doit conclure de cela que le principe du mouvement tient à l’être qui se meut soi-même, et que cet être ne peut ni naître ni mourir, ou alors, nécessairement, le ciel entier s’écroulerait et toute la nature s’arrêterait sans pouvoir jamais retrouver une force sous l’impulsion de laquelle reprendre son premier mouvement.

Auteur: Cicéron

Info: "Le Songe de Scipion", trad. Jean-Louis Poirier, Les Belles Lettres, 2023, pages 90-91

[ premier moteur ]

 
Commentaires: 1
Ajouté à la BD par Coli Masson

individu-société

C’est le manque de liberté individuelle qui caractérise l’opposition entre la société médiévale et la société moderne. Au cours de la période antérieure, l’individu était enchaîné à son rôle dans l’échelle sociale. Un homme avait très peu de chance de passer d’une classe sociale à une autre, de même était-il difficilement envisageable de se déplacer géographiquement, de changer de ville ou de pays. […]
Cependant, même si une personne n’était pas libre dans le sens moderne du terme, elle n’était pas non plus seule et isolée. En ayant dès sa naissance une place distincte, incontestable et immuable au sein du monde social, l’homme était enraciné dans un tout structuré, et cette vie avait un sens qui ne laissait aucune place, aucune nécessité, pour le doute. Une personne était définie par son rôle dans la société : c’était un paysan, un artisan, un chevalier, mais en aucun cas un individu qui avait par hasard telle ou telle occupation. […] Il y avait en comparaison peu de compétition. On naissait sous un certain statut économique qui garantissait un gagne-pain déterminé par la tradition, de la même façon qu’une position plus élevée dans l’échelle sociale impliquait des obligations économiques. Toutefois, dans les limites de sa sphère sociale, l’individu avait en réalité une certaine liberté de s’exprimer dans son travail et dans sa vie émotionnelle. Bien qu’il n’y eût pas d’individualisme – au sens moderne du choix sans restriction entre différentes manières de vivre (une liberté de choix qui est largement abstraite) – l’individualisme existait concrètement dans de nombreux domaines de la vie réelle.

Auteur: Fromm Erich

Info: Dans "La peur de la liberté", pages 46-47

[ évolution historique ] [ castes sociales ]

 

Commentaires: 0

Ajouté à la BD par Coli Masson

anarchie

Le dixième siècle est probablement le plus atroce de notre histoire. Avec la décadence de l’autorité carolingienne, les calamités recommençaient : au Sud, les Sarrasins avaient reparu, et un autre fléau était venu : les Normands s’enhardissaient et dévastaient le pays.

L’impuissance des Carolingiens à repousser ces envahisseurs hâta la dissolution générale. Désormais, le peuple cessa de compter sur le roi. Le pouvoir royal devint fictif. L’État est en faillite. Personne ne lui obéit plus. On cherche protection où l’on peut. L’autorité publique s’est évanouie : c’est le chaos social et politique. Plus de Francie ni de France. Cent, mille autorités locales, au hasard des circonstances, prennent le pouvoir. Le gouverneur de province, le gouverneur de canton, le duc, le comte, de moindres personnages, s’établissent dans leurs charges, les lèguent à leurs enfants, se comportent en vrais souverains.

Ce serait une erreur de croire que les populations eussent été hostiles à ce morcellement de la souveraineté. Tout ce qu’elles demandaient, c’étaient des défenseurs. La féodalité naissait de l’anarchie et du besoin d’un gouvernement, comme aux temps de l’humanité primitive. Représentons-nous des hommes dont la vie était menacée tous les jours, qui fuyaient les bandits de toute espèce, dont les maisons étaient brûlées et les terres ravagées. Dès qu’un individu puissant et vigoureux s’offrait pour protéger les personnes et les biens, on était trop heureux de se livrer à lui, jusqu’au servage, préférable à une existence de bête traquée.

De quel prix était la liberté quand la ruine et la mort menaçaient à toute heure et partout ? Ainsi naquit une multitude de monarchies locales fondées sur un consentement donné par la détresse. 

Auteur: Bainville Jacques

Info: Histoire de France, 1924

[ millénarisme ] [ haut moyen-âge ] [ historique ] [ désordres ]

 

Commentaires: 0

Ajouté à la BD par miguel

écrivain-sur-écrivain

Pour arriver à la connaissance et à la possession de Dieu, selon l'idée chrétienne, la seule voie est la sainteté; selon la philosophie scolastique, c'est la science, résumée en la science des sciences, la théologie; selon Platon, c'est la contemplation de la beauté. Dante en prenant Béatrice pour guide à travers la vie comme à travers son poème, réunit donc d'abord en elle les trois moyens naturels et surnaturels qui sont offerts à l'homme pour parvenir en la présence "de la divine Puissance, de la suprême Sagesse et du primordial Amour" ...... ...En plusieurs endroits de la Divine Comédie on trouve des traces des idées platoniciennes, plus ou moins modifiées par leur voyage à travers les oeuvres des Pères de l'Église. Il est probable que c'est surtout dans Boèce, auquel il a emprunté plus d'un trait, dans saint Augustin et dans saint Bonaventure que Dante s'est familiarisé avec certaines théories du philosophe grec...... ...Mais Dante est poète, plus encore que philosophe, et il avoue que lorsque la vue de la "femme belle et bienheureuse" lui a été enlevée, il s'est laissé entraîner hors de la bonne voie : "Les objets présents et les faux plaisirs ont détourné mes pas depuis que votre visage m'est caché." Alors Béatrice lui fait de mélancoliques reproches où l'on sent passer non pas un regret, mais un souvenir complaisant des jours vécus sur terre, pendant lesquels elle pouvait offrir son pur visage à la contemplation de son poète : Tu m'as quelquefois oubliée, et pourtant, lui dit-elle, "jamais la nature ou l'art ont-ils pu t'offrir un plaisir pareil à celui que tu ressentais à admirer ma beauté, maintenant ensevelie et perdue sous la terre!". Chaque fois qu'il parle de Béatrice, Dante a des mots charmants pour caractériser sa beauté. Tantôt il exalte la douceur de sa voix : ...mia donna Che mi disseta colle dolci stille ; Tantôt son sourire : ...raggiandomi d'un riso Tal che nel fuoco faria l'uom felice Puis c'est le fameux portrait de Béatrice, lorsqu'elle lui apparaît aux portes du Paradis, encadrée dans un passage céleste, triomphante et resplendissante d'une incomparable beauté : J'ai vu, au commencement du jour, tout l'horizon affranchi de nuages, et nuancée de rose la partie de l'orient au milieu de laquelle naissait le soleil, dont on pouvait supporter l'éclat tempéré par les vapeurs du matin; de même à travers un nuage de fleurs qui retombaient de toutes parts, je vis une femme, les épaules couvertes d'un manteau vert; elle était vêtue d'une draperie couleur de flamme ardente; un voile blanc et une couronne d'olivier ornaient encore sa tête.... O splendeur d'une lumière éternelle : quel est celui qui ne serait pas découragé en essayant de te reproduire telle que tu me parus dans l'air libre, là où le ciel t'environne de son harmonie! Il faudrait un long travail pour arriver à dégager complètement cette personnification des deux autres, tellement la Béatrice est marquée à la fois de son triple caractère. Serait-ce même possible? L'idée platonicienne que j'ai indiquée dans la Divine Comédie, n'y est qu'à l'état de vague réminiscence et si bien enchevêtrée dans les multiples emprunts du poète à toutes les connaissances humaines, que ce serait peut-être en exagérer l'importance que de l'exposer plus longuement. Néanmoins cette conception de la beauté immuable dans son essence, se transformant du visible à l'invisible, et aboutissant à la beauté unique et primordiale, est tellement en dehors des idées du XIVe siècle, qu'il m'a paru intéressant de la signaler. Un peu plus tard, avec le progrès des études grecques, qui ne commencent sérieusement que cinquante ans après la mort de Dante, on trouverait plus facilement dans les poètes quelques traces de philosophie socratique. On verrait par exemple Pétrarque considérant les choses mortelles comme une échelle qui monte au Créateur, - che son scala al Fattor, Mais cette recherche perdrait de sa nouveauté à mesure qu'on se rapprocherait des temps modernes et deviendrait banale. Rien de ce qui touche à Dante ne saurait l'être, rien surtout de ce qui touche à sa Béatrice. Je me suis plu à montrer la complexité de cette création aussi étrange que sublime, d'autres y reviendront. Le sujet ne sera jamais épuisé, car on se plaira toujours à suivre le grand poète dans son voyage vers l'infini, régions où nul autre que lui n'est monté si haut, où nul peut-être n'ira plus; qui oserait comme lui s'élever jusqu'aux étoiles? - Puro e disposto a salire alle stelle?

Auteur: Gourmont Rémy de

Info:

[ Dante Alighieri ]

 

Commentaires: 0

protestantisme

Luther naissait, probablement en 1483, un 10 novembre, veille de la Saint-Martin, dans la petite ville d’Eisleben en Thuringe. Il revint y mourir soixante-trois ans plus tard. Ses parents étaient pauvres : le père, un mineur, dur à lui, rude aux autres ; la mère, une ménagère épuisée et comme annihilée par son labeur trop lourd ; bonne tout au plus à farcir de préjugés et de superstitions craintives un cerveau d’enfant assez impressionnable. Ces êtres sans allégresse élevaient le petit Martin dans une bourgade, Mansfeld, peuplée de mineurs et de marchands.

Sous la férule de maîtres grossiers, l’enfant apprenait la lecture, l’écriture, un peu de latin et ses prières. Cris à la maison et coups à l’école : le régime était dur pour un être sensible et nerveux. À quatorze ans, Martin partait pour la grande ville de Magdebourg. Il allait y chercher, chez les Frères de la Vie Commune, des écoles plus savantes. Mais, perdu dans cette cité inconnue ; obligé de mendier son pain de porte en porte ; malade par surcroît, il n’y demeurait qu’un an, rentrait un instant sous le toit paternel puis se rendait à Eisenach où il avait des parents. Délaissé par ceux-ci, après de nouvelles souffrances, il rencontrait enfin des âmes charitables, une femme notamment, Ursule Cotta, qui l’entourait d’affection et de délicate tendresse. Quatre ans se passaient, les quatre premières années un peu souriantes de cette triste jeunesse. Et, en 1501, toujours sur l’ordre du père, Luther partait pour Erfurt dont l’Université était prospère.

Il y travaillait, avec une ardeur fiévreuse, à la Faculté des Arts. Bachelier en 1502, il était maître en 1505 — Mais l’ombre d’une jeunesse maussade se projetait sur un destin qui demeurait médiocre. Et, se succédant rapidement, des maladies graves, un accident sanglant, l’épouvante semée par une peste meurtrière, l’ébranlement, enfin, d’un coup de tonnerre qui manquait de tuer Luther entre Erfurt et le village de Stotternheim : toute cette suite d’incidents violents, agissant sur un esprit inquiet et sur une sensibilité frémissante, inclinait le futur hérétique au parti qu’un homme de son tempérament, après ces expériences, devait adopter tout naturellement. Renonçant à continuer ses études profanes, brisant les espérances d’élévation sociale que déjà concevaient ses parents, il s’en allait frapper à la porte des Augustins d’Erfurt. […]

Moine d’élite, Luther se pliait, docile, aux rigueurs de la règle. Et quelles rigueurs ! Échelonnés de 1530 à 1546, vingt textes en clamaient la décevante cruauté : "Oui, en vérité, j’ai été un moine pieux. Et si strictement fidèle à ma règle que, je puis le dire : si jamais moine est parvenu au ciel par moinerie, j’y serais parvenu, moi aussi. Seulement, le jeu aurait encore un peu duré : je serais mort de veilles, prières, lectures et autres travaux". Ailleurs : "Pendant vingt ans, j’ai été un moine pieux. J’ai dit une messe chaque jour. Je me suis si fort épuisé en prières et en jeûnes, que je n’aurais pas tenu longtemps si j’y étais resté." — Encore : "Si je n’avais été délivré par les consolations du Christ, à l’aide de l’Évangile, je n’aurais pas vécu deux ans, tant j’étais crucifié et fuyais loin de la colère divine..."

Pourquoi en effet ces œuvres de pénitence ? Pour la satisfaction d’un idéal dérisoire, le seul que son Église proposât à Luther. L’enseignement que le moine ardent dans sa piété et qui s’était jeté au couvent pour y rencontrer Dieu, Dieu vivant, ce Dieu qui semblait fuir un siècle misérable ; la doctrine qu’il puisait dans les livres des docteurs tenus pour les maîtres de la vie chrétienne ; les paroles mêmes, et les conseils et les exhortations de ses directeurs et de ses supérieurs : tout, et jusqu’aux œuvres d’art dans les chapelles ou sur les porches des églises, parlait au jeune Luther d’un Dieu terrible, implacable, vengeur, tenant le compte rigoureux des péchés de chacun pour les jeter à la face terrifiée de misérables voués à l’expiation. Doctrine atroce, de désespoir et de dureté ; et quel pauvre aliment pour une âme sensible, pénétrée de tendresse et d’amour ? "Je ne croyais pas au Christ, écrira Luther en 1537, mais je le prenais pour un juge sévère et terrible, tel qu’on le peint siégeant sur l’arc-en-ciel". Et, en 1539 : "Comme le nom de Jésus m’a effrayé souvent !... J’aurais préféré entendre celui du diable, car j’étais persuadé qu’il me faudrait accomplir des bonnes œuvres, jusqu’à ce que le Christ, par elles, me soit rendu ami et favorable."

Ainsi, entré au couvent pour y trouver la paix, la certitude heureuse du salut, Luther n’y rencontrait que terreur et doute. En vain, pour désarmer l’atroce colère d’un Dieu courroucé redoublait-il de pénitences, meurtrières pour son corps, irritantes pour son âme. En vain par les jeûnes, les veilles, le froid : Fasten, Wachen, Frieren*, trinité sinistre et refrain monotone de toutes ses confidences, tentait-il de forcer la certitude libératrice. Chaque fois, après l’effort surhumain de la mortification, après le spasme anxieux de l’espérance, c’était la rechute, plus lamentable, dans le désespoir et la désolation. L’enfant triste de Mansfeld devenu l’augustin scrupuleux d’Erfurt doutait un peu plus fort de son salut. Et dans une chrétienté sourde aux cris du cœur, dans une chrétienté livrant ses temples aux mauvais marchands, ses troupeaux aux mauvais bergers, ses disciples aux mauvais maîtres, rien, sinon les plaintes de ses compagnons de misère, rien ne pouvait faire écho aux sanglots du croyant avide de foi vivante dont on trompait la faim par de vaines illusions.

Auteur: Febvre Lucien

Info: Un destin : Martin Luther, PUF, 1968, pages 5 à 7 *Jeûner, veiller, avoir froid

[ biographie ]

 

Commentaires: 0

Ajouté à la BD par Coli Masson

protestantisme

Un homme du tempérament de Luther, s’il ouvre un livre : il n’y lit qu’une pensée, la sienne. Il n’apprend rien qu’il ne porte en lui. Un mot, une phrase, un raisonnement le frappent. Il s’en empare. Il le laisse descendre en lui, profond, plus profond, jusqu’à ce que, par-dessous les surfaces, il aille toucher quelque point secret, ignoré jusqu’alors du lecteur lui-même, et d’où, brusquement, jaillit une source vive — une source qui dormait, attendant l’appel et le choc du sourcier : mais les eaux étaient là, et leur force contenue. N’ayons donc point scrupule à négliger ici tout un monde de recherches patientes et méritoires. Ne retenons qu’un fait, parmi tant d’autres.

Luther, semble-t-il, a peu étudié à Erfurt les grands systèmes scolastiques du XIIIe siècle. Le thomisme en particulier paraît lui être demeuré étranger : rien d’étonnant, et s’il l’avait connu, il n’en aurait tiré qu’un profit violemment négatif. Ce qu’il a lu, en dehors de quelques mystiques et, notamment, de Tauler (dont on nous dit d’ailleurs, qu’il le comprit mal et qu’il en dénatura la pensée sans scrupule : entendons qu’il en fit librement son profit, sans se soucier de savoir si ses interprétations s’accordaient, ou non, avec la doctrine du disciple d’Eckhart ; il lui suffisait qu’elles rentrassent dans les cadres de sa spéculation à lui, Luther) — ce qu’il lisait, c’était surtout le Commentaire sur les Sentences du nominaliste Gabriel Biel († 1495), l’introducteur principal de l’occamisme en Allemagne, le "roi des théologiens"... tout au moins de Tübingen, l’ami de Jean Trithème et de Geiler de Kaisersberg. Vieilli, Luther se vantera de savoir encore par cœur des pages entières du célèbre docteur.

Or que trouvait Luther dans les écrits de Biel, lorsqu’il les relisait avec l’ardent souci d’y découvrir une solution aux difficultés dont il ne savait sortir ? Deux théories, entre beaucoup, et qui, lorsqu’on les énonce à la suite l’une de l’autre, paraissent contradictoires : ce n’est pas le lieu ici, ni le moment d’exposer comment, pour qui connaît même sommairement la pensée d’Occam, cette contradiction s’évanouit. Biel prétendait d’abord que, les suites du péché originel s’étant fait sentir surtout dans les régions basses, sur les puissances inférieures de l’âme humaine, la raison et la volonté demeurent, au contraire, à peu près telles qu’avant la faute — l’homme pouvant, par les seules forces de sa nature, observer la loi et accomplir les œuvres prescrites sinon "selon l’intention du législateur", du moins suivant "la substance du fait". Et ensuite que, par ces seules et mêmes forces, la volonté humaine étant capable de suivre le commandement de la droite raison, l’homme peut aimer Dieu par-dessus toutes choses. Cet acte d’amour suprême et total crée en lui une disposition suffisante pour qu’il puisse obtenir, tout pécheur qu’il soit, la grâce sanctifiante et la rémission des péchés.

Seulement, en même temps et puisqu’il rattachait sa pensée à celle d’Occam, Biel réservait les droits de la Toute-Puissance divine. Droits absolus, sans bornes ni limitations, étendus jusqu’à l’arbitraire. Et, par exemple, enseignait le théologien de Tübingen, du vouloir divin et de lui seul, les lois morales tiraient sens et valeur. Les péchés étaient péchés et non pas bonnes actions, parce que Dieu le voulait ainsi. Dieu voudrait le contraire, le contraire serait ; le vol, l’adultère, la haine de Dieu même deviendraient des actions méritoires. Dieu n’a donc, en l’homme, à punir ou à récompenser ni fautes propres ni mérites personnels. Les bonnes actions, pour qu’elles obtiennent récompense, il faut seulement que Dieu les accepte. Et il les accepte quand il lui plaît, comme il lui plaît, s’il lui plaît, pour des raisons qui échappent à la raison des hommes. Conclusion : la prédestination inconditionnelle et imprévisible...

Ainsi avait professé, ainsi professait toujours après sa mort, par ses livres et par ses disciples, Gabriel Biel le révéré. Qu’on se représente maintenant, en face de ces ouvrages, soumis à ces doctrines, ce Luther ardent, épris d’absolu, inquiet par ailleurs et tourmenté, qui cherchait partout à étancher son ardente soif de piété, mais à se délivrer également de ses scrupules et de ses angoisses. On lui disait, avec Biel : Efforce-toi. Tu le peux. Dans le plan humain, l’homme, par ses seules forces naturelles, par le jeu de sa volonté et de sa raison peut accomplir la loi ; il peut parvenir, finalement, à aimer Dieu par-dessus toutes choses. — Et Luther s’efforçait. Il faisait le possible, selon sa nature, et l’impossible, pour que naisse en lui cette dispositio ultimata et sufficiens de congruo ad gratiae infusionem dont parle Biel en son langage. En vain. Et quand, après tous ses efforts, son âme anxieuse de certitude ne trouvait point d’apaisement ; quand la paix implorée, la paix libératrice ne descendait point en lui — on devine quel sentiment d’amère impuissance et de vrai désespoir le laissait prostré devant un Dieu muet — comme un prisonnier au pied d’un mur sans fin...

Peu à peu, dans sa tête qui s’égarait, d’autres pensées surgissaient. Les bonnes actions pour qu’elles fussent méritoires, Biel l’enseignait : il faut simplement, et il suffit, que Dieu les accepte. Était-ce donc que Dieu n’acceptait point ses bonnes actions à lui ? qu’il le rejetait au nombre des réprouvés par un décret incompréhensible et irrévocable de sa volonté ? Ah ! comment savoir et quelle atroce angoisse naissait d’un tel doute !

Ainsi la doctrine dont on le nourrissait, cette doctrine des gabriélistes issue de l’occamisme et dont Denifle le premier a marqué avec force et vigueur l’influence tenace et persistante sur Luther   — cette doctrine qui, tour à tour, exaltait le pouvoir de la volonté humaine puis l’humiliait en ricanant devant l’insondable Toute-Puissance de Dieu : elle ne tendait les forces d’espérance du moine que pour les mieux briser, et le laisser pantelant, dans l’impuissance tragique de sa débilité.

Auteur: Febvre Lucien

Info: Un destin : Martin Luther, PUF, 1968, pages 25 à 27

[ origines ] [ inspirateur ]

 

Commentaires: 0

Ajouté à la BD par Coli Masson

spiritualité

D' Héliopolis le culte osirien s'implante à Busiris à la place de l'ancien roi divinisé Andjyty, l'homme aux deux cornes de bélier et aux deux plumes sur la tête avec dans les mains le sceptre Héka (symbole magique) et le flagellum (insigne de royauté que reçoit le prince héritier lors de son intronisation). Busiris était à l'époque prédynastique la capitale du delta, mais elle perdit le titre durant l'Ancien-Empire au profit de Bouto (ville située entre Alexandrie et Saïs). Busiris que Strabon nomme en grec Cynopolis, resta célèbre pour son grand temple dédié à la déesse... Isis. Cela n'a pas empêché l'extension du culte d'Osiris qui est devenu dans la mémoire populaire " l'être perpétuellement bon " aimé de tout son peuple pour lequel il a dû se sacrifier, afin de lui montrer le chemin qui mène à la vie éternelle. Plus de 2500 ans avant la naissance de Jésus, Osiris était comme lui un roi né d'une fécondation spirituelle, comme lui il est la lumière qui éclaire et chasse les ténèbres. Tué par ses frères de religion il renaîtra et montera au ciel pour juger les âmes selon leurs mérites personnels...
Isis : la reine-mère aux pouvoirs temporels et spirituels. Etrange reine aux origines mystiques qui porte à deux lettres près, le nom de son époux Osiris assassiné par Seth. Comme la grande déesse-mère de l'Antiquité, Isis sera souvent honorée et son aide sollicitée en tant guérisseuse et mère protectrice. Selon la légende, elle va retrouver avec l'aide d'Anubis (patron des embaumeurs) et de sa soeur Nephthys les morceaux de son époux disséminés dans tous les nomes d'Egypte. Connaissant le mystérieux secret de Rê d'où il tire sa toute puissance, elle l'utilise pour ressusciter durant quelques instants son époux, le temps d'être fécondée spirituellement par lui. Sous le Nouvel Empire Isis est aimée et adorée de tous comme étant la "Mère universelle" et particulièrement la déesse de ceux qui souffrent. Elle console les pauvres et ceux qui vont bientôt mourir. Elle a le pouvoir de faire ressusciter les morts, depuis son interposition pour la résurrection de l'esprit d'Osiris. Comme Marie au Golgotha dans la religion chrétienne qui devient par ses souffrances au travers du disciple Jean " la Mère de toute l'humanité ", Isis souffre et devient avec son fils Horus, la grande mère victorieuse qui refoule les forces des ténèbres et remporte par le combat de ses souffrances une victoire décisive sur le mal.
Le mythe de l'Inondation bienfaisante : En Egypte depuis l'époque préhistorique l'inondation était un phénomène naturel qui arrivait chaque année vers la mi-Juillet, cette date correspondait également au nouvel an égyptien. Cette inondation fluctuait d'une année à l'autre en fonction des pluies tombées sur les hauts plateaux de Nubie que charriaient le Nil et ses affluents. Elle pouvait tout aussi bien être insignifiante, par un très bas niveau, ce qui correspondait à une "année de sécheresse" ou imprégner généreusement durant trois mois toutes les terres desséchées par la chaleur solaire et assurer aux habitants une bonne germination des graines et assurer de bonnes récoltes. On comprend pourquoi les éléments naturels comme la pluie, le soleil, l'inondation ou la sécheresse ont eu une importance vitale pour les premières peuplades.
D'abord symbolisé dans l'ennéade d'Héliopolis par les deux lions Shou et Tefnout adorés à Léontopolis. Tefnout la fille de Rê et déesse fugueuse avait quitté son père et son époux Shou pour vivre en liberté dans les montagnes de Nubie où elle terrorisait les habitants. Rê qui s'ennuyait de sa fille envoya Shou avec le dieu Thot de la sagesse sous la forme d'un singe qui utilisa sa sagesse et son Verbe pour réussir à convaincre Tefnout, la déesse lointaine à revenir sous la forme d'une inondation bienfaisante qui s'adoucit dès le passage de la première cataracte de Philae. A partir de la IIIe dynastie l'inondation est liée au rassemblement des morceaux d'Osiris éparpillés dans les divers nomes qui vont assurer la revitalisation des terres. Certains prêtres voyaient également dans l'inondation : les larmes mystiques d'Isis pleurant son époux disparu, etc, etc.
L'eau de vie selon un extrait des " anciens Textes des Pyramides " : Selon la légende Rê naissait sous la forme d'un scarabée noir qui sous cette forme traversait la nuit. Il faut dire qu'en ce temps-là existait encore des scarabées volants aujourd'hui disparus ! Au matin le scarabée se métamorphosait en enfant appelé Khepri = la vie qui vient. Jusqu'à midi l'enfant grandissait pour prendre la forme d'un homme avec une tête de faucon appelé Rê-Horatky (la puissance du roi Horus à son zénith). Le soir, lorsque l'astre disparaissait derrière les monts de l'Occident, Rê était englobé par Atoum l'esprit invisible et devenait Atoum-Rê sous l'aspect d'un vieillard qui s'en allait sur sa barque, disparaissait dans le fleuve avant de renaître au petit matin sur l'autre rive du Nil.
A la 2è dynastie les pharaons se considérèrent comme les fils du soleil, à la 5è dynastie, ils se voyaient comme l'incarnation du soleil, le pharaon est en Rê et Rê est dans le Pharaon. Principale source de vie, le soleil centralise en lui les pouvoirs des rois et des principales divinités, ainsi on l'appellera souvent Atoum-Rê, Amon-Rê, Knouhm-Rê, Osiris-Rê et Horus-Rê... Ihet serait la vache primordiale ou mère génitrice du soleil qui après sa naissance l'aurait placé entre ses cornes pour le protéger. Quant à la déesse Tasenet-Neferet, elle fut considérée à l'époque tardive comme l'oeil de Rê et la soeur du soleil. A Kôm-Ombo, elle est unie à Horus l'Ancien et devient l'épouse d'Haroëris.
Les compagnes de Rê à Héliopolis : NEBETHETEPET : (assimilée à Hathor) avec la déesse IOUSSAS (la dame de la satisfaction), ces deux déesses auraient inspiré le démiurge d'Héliopolis ATOUM-Rê à créer le monde. SHESEMTET : (une des faces d'Hathor qui se manifeste dans l'Uraeus). MAAT : Fille d'ATOUM elle le principe de la lumière et la déesse de la vérité, représentant la JUSTICE divine. Elle est aussi le symbole du charme féminin. Les filles de Rê : PAKHET : la déesse lionne de Béni Hassan qui surveillait les frontières du désert.
BASTET : la déesse chatte de Bubastis qui est alors la déesse gardienne du foyer, ou sous son aspect lionne l'oeil de Rê. TEFNOUT : la lionne de Léontopolis, elle est la principale représentante des déesses dangereuses. HATHOR : sous son aspect de déesse dangereuse Hathor unie aux forces de Mâat repoussaient les attaques des forces du chaos. P T A H : le dieu au crâne rasé et gainé comme une momie.
Si à Héliopolis le dieu Atoum-Rê s'imposa à la tête de l'ennéade divine, à Memphis on vénéra durant les deux premières dynasties le dieu Sokar sous l'aspect d'une momie à tête de faucon qui traversait le Nil ( fleuve sacré) dans sa barque Hénou, afin de faire revivre le soleil sur l'autre rive. C'est probablement sa silhouette gravée sur la massue du Roi Narmer, qui se trouve assise en face du trône royal, ce qui laisse penser que dès la première dynastie officielle, les précurseurs d'Imhotep ont déjà essayé d'introduire cette idée de résurrection à la cour royale tout en essayant de conserver l'image d'Horus l'Ancien en la personne du grand Monarque.
C'est sous la troisième dynastie que s'installera parallèlement Ptah une nouvelle divinité à Memphis qui possède également un aspect de roi momifié, tandis que le clergé confiera au dieu Sokar la garde de la "cité des morts à Saqqarah.endroit nommé Roséatou"
Le dieu Ptah est en quelque sorte une image évoluée de l'Ancien Horus-Sokar qui tout en gardant son aspect de momie royale, serre dans ses mains la croix Ankh égyptienne et le signe Djed symbolisant la colonne dorsale d'Osiris (siège du fluide vital,) sans oublier le sceptre Ouas du pouvoir divin. Sous le nom de Ptah-Tenen ce dieu devient celui qui développe la vie terrestre. Parfois en Haute Egypte on le représente sous l'aspect d'un lion qui en s'unissant avec la déesse lionne Sekhmet engendre le dieu guerrier Néfertoum: symbole de la renaissance perpétuelle du soleil.
Sokar, Ptah et Osiris vont eux-mêmes rapidement se confondre en une seule personne, fusion qui s'accomplira totalement lors de la 3è période intermédiaire (-1085 à -730 av. J.C.)
C'est donc 400 ans avant l'arrivée d'Imhotep, que l'on constate l'introduction de ce dieu des morts à forme humaine qui représente déjà une conception de la vie après la mort.
Contrairement à d'autres religions Imhotep ne va pas bannir toutes les anciennes divinités mais en leur laissant une importance secondaire il va s'en servir pour les transformer et faire passer dans le peuple les idées majeures fondamentales : la conscience, la Justice et la vérité.
Ptah devient le Créateur par le verbe et le Père des dieux
Sokar avec sa barque Henou devient le conducteur des âmes
Osiris devient le dieu qui a le pouvoir de faire renaître les bons.
Il ne suffisait pas d'ordonner la construction des pyramides, il fallait surtout motiver le peuple pour qu'il s'engage et achève de plein gré et avec amour, cet énorme travail.
Parfois l'esprit populaire identifiait Ptah à l'ancien taureau Apis, son culte s'est étendu au Nouvel Empire jusqu'à Deir el Médineh où il fut associé à la déesse (mi-femme, mi serpent) Meresger dans un temple proche de la Vallée où l'on enterrait les reines.
La déesse Hathor (demeure nourricière d'Horus le Jeune). Hathor a revêtu au cours des siècles (comme la déesse hindoue Devi) de multiples aspects allant de la mère protectrice archaïque (femme avec cornes de vache) à la jeune femme séduisante universelle. Sous sa forme ancienne elle devient une copie de Nout la déesse du ciel dont le corps rempli d'étoiles est arc-bouté au-dessus de la planète Terre. Fille de Rê, elle porte entre ses cornes de vache blanche étoilée le soleil, comme pour le protéger. Sous son aspect dangereux elle défend la réputation de son père Rê contre les humains qui l'accusent d'être trop vieux. Rê lui donne son troisième oeil et l'envoie punir les humains, mais elle causa de tels ravages que même Rê s'effraya et lui fit boire de la bière à son insu pour sauver le reste de l'humanité. Sous son côté féminin séducteur elle est non seulement la déesse de l'amour au feu dévorant mais également la déesse de la joie et de la vie. Des surnoms qui laissent rêveur. Elle devient la Dame du Sycomore du Sud, la déesse du Sinaï (!) ou la grande dame du pays de Pount, Hathor dont le nom signifie " la demeure nourricière d'Horus " Elle reste étroitement associée à Isis, certaines ressemblances laissent à penser qu'elle fut également introduite en Egypte par Imhotep. Associée au mythe de l'inondation, elle participe chaque année à la fête annuelle de la "Belle Rencontre " au temple de Dendérah (Haute Egypte). Durant cette fête la déesse s'unissait au dieu Horus d'Edfou. De cette union naissait le petit dieu Ithy patron de la musique et des musiciens. Au Moyen-Empire la déesse sera honorée aux temples de Dendérah et de Thèbes en tant que déesse de la Montagne des Morts et dans cette fonction rejoindra la grande déesse Isis. Or Dendérah est considéré comme un des temples les plus anciens qui aurait déjà été reconstruit six fois avant la période romaine !
Atoum : Grand Dieu Invisible d'Héliopolis (où officiait le Grand-Prêtre Imhotep) Son nom signifie " Celui qui est et qui n'est pas... Le Seigneur de l'univers - Le Tout et le néant" Atoum devint en quelque sorte la force invisible qui régénère le soleil vieillissant et le père de la nouvelle lumière qui traverse l'empire des morts et doit accéder à une nouvelle vie le lendemain. Il est aussi le père qui a engendré la déesse Mâat incarnation de la vérité et de la justice qui est également une des épouses de Rê. Son culte restera très important aussi longtemps que Memphis sera la capitale de l'Egypte, mais lorsque Thèbes remplacera Memphis, Atoum s'éclipsera peu à peu au profit d'Amon, qui n'est en somme qu'une copie spirituelle du dieu-berger Atoum qui prolonge l'image du Dieu Suprême, Omniprésent, Tout-puissant et Invisible à partir d'une nouvelle capitale religieuse (Thèbes au lieu de Memphis). Dès le début de l'Ancien Empire il est le dieu des morts qui participait au jugement des âmes. Associé à Osiris, il restera longtemps le dieu de l'embaumement, rite qu'il a pratiqué la première fois sur la personne d'Osiris, reconstitué et ressuscité par son épouse Isis. Désormais il offre ses services à tous les défunts qu'il guide par les Textes des Pyramides jusqu'aux régions célestes. On le représentait sous la forme d'un homme avec une tête de chacal. (Puis il y aura la parenthèse Akhenaton qui aurait vu l'exode des juifs vers la terre promise)

Auteur: Internet

Info:

[ ancienne Egypte ] [ mythe ] [ légende ] [ historique ]

 

Commentaires: 0