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dramaturge

Un génie est un accusé.

Tant qu’Eschyle vécut, il fut contesté. On le contesta, puis on le persécuta, progression naturelle. Selon l’habitude athénienne, on démura sa vie privée ; on le noircit, on le calomnia. Une femme qu’il avait aimée, Planesia, sœur de Chrysilla, maîtresse de Périclès, s’est déshonorée devant l’avenir par les outrages qu’elle adressa à Eschyle publiquement. On lui supposa des amours contre nature ; on lui trouva, comme à Shakespeare, un lord Southampton. Sa popularité fut battue en brèche. On lui imputait à crime tout, jusqu’à sa bonne grâce envers les jeunes poètes qui lui offraient respectueusement leurs premières couronnes ; il est curieux de voir ce reproche reparaître toujours ; Pezay et Saint-Lambert le répètent au dix-huitième siècle :



 Pourquoi, Voltaire, à ces auteurs

Qui t’adressent des vers flatteurs,

Répondre, en toutes les missives,

Par des louanges excessives ?



Eschyle, vivant, fut une sorte de cible publique à toutes les haines. Jeunes, on lui préféra les anciens, Thespis et Phrynichus ; vieux, on lui préféra les nouveaux, Sophocle et Euripide. Enfin, il fut traduit devant l’aréopage, et, selon Suidas, parce que le théâtre s’était écroulé pendant une de ses pièces, selon Elien, parce qu’il avait blasphémé, ou, ce qui est la même chose, raconté les arcanes d’Eleusis, il fut exilé, il mourut en exil.



Alors l’orateur Lycurgue s’écria : Il faut élever à Eschyle une statue de bronze.

Athènes, qui avait chassé l’homme, éleva la statue.

Ainsi Shakespeare, mort, entra dans l’oubli ; Eschyle, dans la gloire.

Auteur: Hugo Victor

Info: William Shakespeare

[ Grèce antique ] [ visionnaire ] [ tête de Turc ] [ bouc émissaire ]

 

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Ajouté à la BD par Bandini

transcendance

[...] la conception dionysienne se distingue de la conception scolastique comme le mode initiatique se distingue du mode simplement spéculatif, sans qu’on puisse cependant parler d’une opposition absolue, du moins chez les maîtres [...]. Mais il n’en est pas de même dans le thomisme tardif. Or, l’idée qu’il existe une raison entièrement naturelle est étrangère à la perspective dionysienne, comme à la vérité. Cette thèse, propre au néo-thomisme, dérive de son adoption d’un aristotélisme schématisé, et l’on ne peut nier que cet aristotélisme ne recèle une tendance foncièrement naturaliste, même s’il échappe par endroits à cette limitation cosmologisante. De ce "naturalisme", la théologie scolastique ne pouvait entièrement neutraliser les effets, ce qui devait susciter la réaction anti-intellectualiste, et même nominaliste, de la mystique affective, ains que la puissante révolte luthérienne, avec les conséquences que l’on sait. Au contraire, Denys [l’Aréopagite] enseigne, avec Platon, l’hétéronomie et l’incomplétude de la raison (il n’y a pas de pure nature) et son exigence naturelle d’un accomplissement surnaturel d’ordre intellectif et même supra-intellectif ou supra-noétique, si l’on veut. [...] Dans cette perspective, l’intelligence est à la fois moins et plus que ce qu’en conçoit le "philosophisme scolastique", pour reprendre une expression d’Étienne Gilson, car elle est surnaturelle par nature ; en d’autres termes, elle est d’essence métaphysique : de même que "chez S. Thomas, tout le mystère divin est déjà présent dans la nature même de l’intellect" [Lettres de Monsieur Etienne Gilson au père de Lubac, 1986, page 75], de même, pour Denys et les platoniciens, l’intellect (noûs) est déjà quelque chose de divin (théios).

Auteur: Borella Jean

Info: Dans "Lumières de la théologie mystique", éditions L'Harmattan, Paris, 2015, pages 92-93

[ complémentarité ] [ christianisme ] [ anti-dualisme ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

légende

Il [Saint François d’Assise] parvint à un endroit, près de Bevagna, où se trouvait assemblée une très grande multitude d’oiseaux d’espèces diverses : colombes, corneilles et d’autres qu’on appelle ordinairement des moineaux. En les voyant, le très bienheureux serviteur de Dieu François, en homme d’une très grande ferveur qui portait un grand sentiment de piété et de douceur même aux créatures inférieures et privée de raison, courut vers eux avec allégresse, laissant ses compagnons sur le chemin. Une fois qu’il fut assez près, voyant que les oiseaux l’attendaient, il les salua à sa manière habituelle. Mais voyant non sans étonnement que les oiseaux ne prenaient pas la fuite comme ils le font d’ordinaire, il fut rempli d’une joie immense et les pria humblement, disant qu’ils devaient écouter la parole de Dieu. Parmi les nombreuses choses qu’il leur dit, il ajouta encore celles-ci : "Mes frères les oiseaux, vous devez beaucoup louer votre Créateur et l’aimer toujours, lui qui vous a donné des plumes pour vous revêtir, des ailes pour voler et tout ce dont vous avez besoin. Dieu vous a rendus nobles parmi ses créatures et il vous a accordé d’habiter dans la pureté de l’air ; car comme vous ne semez ni ne moissonnez, lui-même ne vous en protège et ne gouverne pas moins, sans que vous vous en souciiez le moins du monde." A ces paroles, les petits oiseaux – à ce qu’il disait, lui et les frères qui se trouvaient avec lui – exultèrent de façon étonnante, selon leur nature : ils commencèrent à allonger le cou, à étendre leurs ailes, à ouvrir le bec et à regarder vers lui. Mais lui, passant au milieu d’eux, allait et venait, touchant leurs têtes et leurs corps de sa tunique. Enfin, il les bénit et, après avoir fait un signe de croix, il leur donna congé de s’envoler dans un autre lieu. Quant au bienheureux père, il allait avec ses compagnons, se réjouissant sur le chemin, et rendant grâce à Dieu que toutes les créatures vénèrent par une confession suppliante.

Auteur: Celano Thomas de

Info: Vita prima, 58

[ christianisme ] [ animaux ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

procréation médicalement assistée

Malgré les postures faussement subversives des activistes LGBT contre "le modèle familial traditionnel", leur exigence d’accès à la PMA, comme celle des couples hétéros stériles, n’aspire qu’à reproduire ledit modèle : des parents et des enfants comme tout le monde. Les fanatiques du "tout social", en guerre contre "la révérence totale à l’égard de la nature" (Elisabeth Badinter), veulent des contrefaçons de la nature (biotechnologiques). Un enfant fabriqué en laboratoire plutôt qu’une famille sans enfant. Soit dit en passant, si le désir d’enfant est "on ne peut plus naturel", comme le déclare Marta Spranzi, alors il y a une nature humaine. On n’avait pas coutume d’entendre les déconstructionnistes soutenir pareille hérésie essentialiste. C’est comme ça les arrange.

La stérilité, naturelle ou provoquée par le mode de vie industriel (pollution, sédentarité, obésité, etc.), n’altère pas la santé. Elle relève plutôt du handicap, ou de la carence. La conception artificielle d’un enfant ne soigne pas l’infertilité, mais la compense. Elle est remboursée par la Sécu, à la différence des chiens d’aveugles — mais Libération ne milite pas contre cette inégalité-là.

Handicapés, nombre de sourds refusent une greffe d’implants cochléaires. Ils ne veulent pas être des hommes-machines dotés d’ouïe artificielle, mais enrichir la culture humaine de leur particularité et transmettre le langage des signes. Une solution humaine et autonome plutôt que l’automachination et la soumission à des dispositifs hétéronomes, qu’il leur est de plus en plus difficile à défendre puisque la technologie existe.

Comme eux, les couples infertiles et les célibataires qui acceptent leurs limites suscitent incompréhension et défiance. Pourquoi refuser un enfant puisque la technologie le permet ? C’est ainsi que la reproduction artificielle, même minoritaire, s’impose comme la référence, ses possibilités influençant désirs et comportements de toussétoutes. Attendez qu’on puisse choisir les caractéristiques de ses héritiers. Chacun sait que, passé un certain seuil, l’exception devient la norme. Le phénomène se répète à chaque saut technologique. La diligence n’a pas cohabité longtemps avec l’automobile et le train. Engendrer soi-même, gratuitement et au hasard, semblera bientôt aussi incongru que faire de l’auto-stop sans plateforme web.

Auteur: PMO Pièces et main-d'oeuvre

Info: Dans "Alertez les bébés ! ", éditions Service compris, 2020, pages 99-100

[ contradictions ] [ désir-loi ] [ normalisation ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

christianisme

[...] selon la conception occidentale, le Père et le Fils font procéder le Saint-Esprit en tant qu’ils représentent la nature une ; à son tour le Saint-Esprit, qui est pour les théologiens occidentaux "le lien du Père et du Fils", signifie cette unité naturelle entre les deux premières personnes. Les caractères hypostatiques (paternité, génération, procession) se trouvent plus ou moins résorbés dans la nature ou essence qui devient le principe de l’unité dans la Trinité, différencié par les relations, se relatant au Fils en tant que Père, au Saint-Esprit en tant que Père et Fils. Les relations, au lieu d’être caractéristiques des hypostases, s’identifient avec elles ; saint Thomas le dira plus tard : "le nom de personne signifie la relation", rapport interne de l’essence qui la diversifie. On ne peut pas nier la différence qui existe entre cette conception trinitaire et celle d’un Grégoire de Nazianze avec ses "Trois Saintetés se réunissant en une seule Domination et Divinité". Le P. de Régnon fait une remarque très juste : "La philosophie latine – dit-il – envisage d’abord la nature en elle-même et poursuit jusqu’au suppôt ; la philosophie grecque envisage d’abord le suppôt et y pénètre ensuite pour trouver la nature." Le Latin considère la personnalité comme un mode de la nature ; le Grec considère la nature comme le contenu de la personne. 

Les Pères Grecs ont toujours affirmé que le principe d’unité dans la Trinité était la personne du Père. Principe des deux autres personnes, le Père est aussi par là même le terme des relations d’où les hypostases reçoivent leurs caractères distinctifs : en faisant procéder les personnes, Il pose leurs relations d’origine – génération et procession – par rapport au principe unique de divinité. C’est pourquoi l’Orient s’est attaché à la formule Filioque qui paraissait infirmer la monarchie du Père : ou bien il fallait briser l’unité en reconnaissant deux principes de divinité, ou bien il fallait fonder l’unité surtout sur la nature commune qui passait ainsi au premier plan, en transformant les personnes en relations dans l’unité de l’essence. Pour les Occidentaux, les relations diversifient l’unité primordiale ; pour les Orientaux, elles signifient en même temps la diversité et l’unité, parce qu’elles se rapportent au Père qui est aussi bien le principe que la récapitulation de la Trinité.

Auteur: Lossky Vladimir Nikolaïevitch

Info: "Essai sur la théologie mystique de l'Eglise d'Orient", éditions du Cerf, 2005, pages 56-57

[ querelle ] [ schisme ] [ orient-occident ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

système économique

Dans un régime libéral, le contrôle social n’est plus politique mais juridique : il s’agit de se conformer à un corpus de normes distantes. Une première conséquence de ce bouleversement concerne les limites de la surveillance. Dans un monde divisé selon des lignes politiques, la surveillance est nécessairement limitée, à une zone géographique et à une communauté données. Tant que des distinctions proprement politiques subsistent, l’idée d’une surveillance mondiale [...] est un non-sens. Une mondialisation du contrôle n’est possible qu’après l’abolition des frontières politiques et leur remplacement par des normes juridiques abstraites, à vocation supposément universelle. En cela, seul un cadre de pensée libéral peut s’accommoder d’une mondialisation du contrôle social.

Deuxièmement, l’essor d’un contrôle social de nature juridique s’accompagne d’un changement de nature de l’espace public. Traditionnellement, l’accès à l’espace public était régulé par des facteurs politiques. [...] Ce sont donc toujours les appartenances qui ouvrent ou non l’accès à l’espace public. [...] C’est parce qu’une unité politique existe au préalable que l’on peut, ex post, laisser certaines latitudes aux hommes. A l’inverse, dès lors que le libéralisme a délégitimé les appartenances politiques, celles-ci ne constituent plus une base viable pour réguler l’accès à l’espace public. Cela ne veut néanmoins pas dire que l’accès à l’espace public devient totalement libre, mais que les restrictions changent de nature : elles sont désormais juridiques. Pour accéder à l’espace public, l’homme doit montrer sa conformité à une norme extérieure, plus ou moins abstraite. [...]

Troisièmement, la formalisation du contrôle social a des implications sociologiques voire anthropologiques. Traditionnellement, lorsque le contrôle social est informel, reflétant les valeurs d’un groupe, il est aisé d’en intérioriser le contenu, qui devient partie intégrante de l’éthique personnelle et des traditions communautaires. [...] La situation est toute différente dans le monde libéral moderne. Le contrôle social est purement extérieur, et ne peut donc pas être intériorisé. Il est bien davantage perçu comme arbitraire, et ne joue aucun rôle intégrateur à une communauté. Il ouvre simplement des portes pour des individus indistincts. Sur le temps long, le rapport que les hommes entretiennent aux institutions de contrôle est donc tout différent. Il n’y a aucun rapport intime à celles-ci, mais au contraire le sentiment d’une absence de sens qui caractérise les grandes machines bureaucratiques et techniques. Le progrès dans l’abstraction du contrôle est in fine facteur de déshumanisation.

Auteur: Travers Guillaume

Info: Dans "La société de surveillance, stade ultime du libéralisme", La nouvelle librairie, Paris, 2021, pages 61 à 64

[ globlisation ] [ virtualisation ] [ déracinement ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

symbioses naturelles

Au Cambodge, les chercheurs ont été bluffés après avoir observé plusieurs centaines d’espèces dans la mangrove

C’est l’une des études les plus complètes réalisées dans une forêt de mangrove.

Lorsque l’on parle de " point chaud de la biodiversité ", on pense souvent à l’Amazonie ou aux forêts tropicales. Mais il y a un autre endroit où le nombre d’espèces explose : les mangroves. Une étude du sanctuaire Peam Krasop et de la réserve de Koh Kapik, au sud du Cambodge, a révélé une diversité particulièrement impressionnante d’espèces végétales et animales. 

Cette enquête de terrain, financée par le groupe de conservation Faune & Flore Internationale, avait pour but de relever les différentes espèces habitant les lieux. Parmi les résidents de la mangrove, ils ont observé des macaques à longue queue, des loutres à pelage lisse, des chauves-souris, des poissons et tout un éventail d’invertébrés.

De quoi surprendre les biologistes, qui ne s’attendaient pas à une telle diversité. " Nous avons trouvé 700 espèces différentes dans ces forêts de mangrove, mais nous pensons que nous n’avons même pas effleuré la surface, a déclaré au Guardian Stefanie Rog, responsable de l’équipe d’enquête, dont le rapport a été publié dimanche. Si nous pouvions examiner la zone encore plus en profondeur, nous en trouverions 10 fois plus, j’en suis sûre. "

Des espèces rares

Pour observer ces animaux, les chercheurs ont utilisé des pièges photographiques. 57 ont été installés entre 2022 et 2023, ce qui a permis d’observer la faune et la flore durant la saison sèche et la saison des moussons. Cette technique a permis d’observer des espèces rares comme le chat pêcheur ( Prionailurus viverrinus ), un animal légèrement plus grand que le chat domestique, au corps trapu et qui est totalement adapté au milieu aquatique avec ses pattes antérieures partiellement palmées.

(Photo : Voici les caméras camouflées utilisées pour récupérer des clichés de l’étude.)

Même constat pour la loutre à nez poilu ( Lutra sumatrana ), qui a été aperçue sur certains clichés pris par des pièges posés dans des zones particulièrement anciennes de la forêt de mangrove. Il s’agit de la loutre la plus rare d’Asie. Et ce n’est pas le seul animal menacé d’extinction ayant été observé.

Il y avait aussi le pangolin javanais (Manis javanica), en danger critique d’extinction. Vivant dans plusieurs pays d’Asie du Sud-Est dont le Vietnam et le Cambodge, il a probablement disparu au Myanmar et en Thaïlande. Pour ce qui est des oiseaux, sur les 150 espèces observées, 15 sont répertoriées comme quasi menacées ou en voie d’extinction par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN).

Les mangroves, protectrices de l’environnement

Si certains de ces animaux sont menacés, c’est bien souvent car leur habitat est en danger. Pour les mangroves, c’est un vrai cercle vicieux. " Une forêt de mangrove repose sur toutes les relations interconnectées entre les espèces et si vous commencez à éliminer certaines de ces espèces, vous perdrez peu à peu le fonctionnement de la forêt ", analyse Stefanie Rog auprès du Guardian.

Les mangroves sont le lieu où des bandes de terre boisées s’unissent à la côte. Elles sont importantes pour plusieurs raisons. Comme cette étude le montre, il s’agit d’un réservoir à biodiversité. Leurs eaux constituent par exemple des nurseries pour plusieurs espèces de poissons. " Nous avons trouvé de jeunes barracudas, vivaneaux et mérous dans les eaux ici, a déclaré Stefanie Rog au GuardianLes mangroves sont clairement des lieux de reproduction importants pour les poissons et fournissent de la nourriture aux communautés locales. "

En plus d’offrir une protection pour certaines espèces, les arbres de la mangrove, adaptés pour pousser dans des eaux salées ou saumâtres, offrent un rempart de choix contre l’érosion des littoraux. Leur aide pour limiter les dégâts des tsunamis et des tempêtes n’est pas non plus à négliger. Malheureusement, au cours des dernières décennies, la planète a perdu environ 40 % de ses mangroves, souvent abattues pour l’agriculture ou l’implantation de stations balnéaires. 

 

Auteur: Internet

Info: https://www.huffingtonpost.fr/ - 15 avril 2024, Adonis Leroyer

[ animal-végétal ]

 

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Ajouté à la BD par Le sous-projectionniste

bio-mathématiques

C’est confirmé : vous êtes constitué de cristaux liquides

Une équipe de chercheurs a réussi à prouver l’existence d’une double symétrie dans les tissus organiques, qui permet de les appréhender comme des cristaux liquides. Cette découverte pourrait faire émerger une nouvelle façon d’étudier le fonctionnement du vivant, à la frontière de la biologie et de la mécanique des fluides.

Dans une étude parue dans le prestigieux journal Nature et repérée par Quanta Magazine, des chercheurs ont montré que les tissus épithéliaux, qui constituent la peau et les enveloppes des organes internes, ne sont pas que des amas de cellules réparties de façon aléatoire. Ils présentent en fait deux niveaux de symétrie bien définis qui leur donnent des propriétés fascinantes; fonctionnellement, on peut désormais les décrire comme des cristaux liquides. Une découverte qui pourrait avoir des retombées potentiellement très importantes en médecine.

Ces travaux tournent entièrement autour de la notion de cristal liquide. Comme leur nom l’indique, il s’agit de fluides; techniquement, ils peuvent donc s’écouler comme de l’eau – mais avec une différence importante. Contrairement aux liquides classiques, où les atomes se déplacent les uns par rapport aux autres de façon complètement chaotique, les constituants d’un cristal liquide présentent tout de même un certain degré d’organisation.

Il ne s’agit pas d’une vraie structure cristalline comme on en trouve dans presque tous les minéraux, par exemple. Les cristaux liquides ne sont pas arrangés selon un motif précis qui se répète dans l’espace. En revanche, ils ont tendance à s’aligner dans une direction bien spécifique lorsqu’ils sont soumis à certains facteurs, comme une température ou un champ électrique.

C’est cette directionnalité, appelée anisotropie, qui est à l’origine des propriétés des cristaux liquides. Par exemple, ceux qui sont utilisés dans les écrans LCD (pour Liquid Crystal Display) réfractent la lumière différemment en fonction de leur orientation. Cela permet d’afficher différentes couleurs en contrôlant localement l’orientation du matériau grâce à de petites impulsions électriques.

Du tissu biologique au cristal liquide

Mais les cristaux liquides n’existent pas seulement dans des objets électroniques. Ils sont aussi omniprésents dans la nature ! Par exemple, la double couche de lipides qui constitue la membrane de nos cellules peut être assimilée à un cristal liquide. Et il ne s’agit pas que d’une anecdote scientifique ; cette organisation est très importante pour maintenir à la fois l’intégrité structurelle et la flexibilité de ces briques fondamentales. En d’autres termes, la dynamique des cristaux liquides est tout simplement essentielle à la vie telle qu’on la connaît.

Pour cette raison, des chercheurs essaient d’explorer plus profondément le rôle biologique des cristaux liquides. Plus spécifiquement, cela fait quelques années que des chercheurs essaient de montrer que les tissus, ces ensembles de cellules organisées de façon à remplir une mission bien précise, peuvent aussi répondre à cette définition.

Vu de l’extérieur, l’intérêt de ces travaux est loin d’être évident. Mais il ne s’agit pas seulement d’un casse-tête très abstrait ; c’est une question qui regorge d’implications pratiques très concrètes. Car si l’on parvient à prouver que les tissus peuvent effectivement être assimilés à des cristaux liquides, cela débloquerait immédiatement un nouveau champ de recherche particulièrement vaste et fascinant. Les outils mathématiques que les physiciens utilisent pour prédire le comportement des cristaux pourraient soudainement être appliqués à la biologie cellulaire, avec des retombées considérables pour la recherche fondamentale et la médecine clinique.

Mais jusqu’à présent, personne n’a réussi à le prouver. Tous ces efforts se sont heurtés au même mur mathématique — ou plus précisément géométrique ; les théoriciens et les expérimentateurs ne sont jamais parvenus à se mettre d’accord sur la symétrie intrinsèque des tissus biologiques. Regrettable, sachant qu’il s’agit de LA caractéristique déterminante d’un cristal liquide.

Les deux concepts enfin réconciliés

Selon Quanta Magazine, certains chercheurs ont réussi à montrer grâce à des simulations informatiques que les groupes de cellules pouvaient présenter une symétrie dite " hexatique ". C’est ce que l’on appelle une symétrie d’ordre six, où les éléments sont arrangés par groupe de six. Mais lors des expériences en laboratoire, elles semblent plutôt adopter une symétrie dite " nématique* ". Pour reprendre l’analogie de Quanta, selon ce modèle, les cellules se comportent comme un fluide composé de particules en forme de barres, un peu comme des allumettes qui s’alignent spontanément dans leur boîte. Il s’agit alors d’une symétrie d’ordre deux. 

C’est là qu’interviennent les auteurs de ces travaux, affiliés à l’université néerlandaise de Leiden. Ils ont suggéré qu’il serait possible d’établir un lien solide entre les tissus biologiques et le modèle des cristaux liquides, à une condition : il faudrait prouver que les tissus présentent les deux symétries à la fois, à des échelles différentes. Plus spécifiquement, les cellules devraient être disposées selon une symétrie d’ordre deux à grande échelle, avec une symétrie d’ordre six cachée à l’intérieur de ce motif qui apparaît lorsque l’on zoome davantage.

L’équipe de recherche a donc commencé par cultiver des couches très fines de tissus dont les contours ont été mis en évidence grâce à un marqueur. Mais pas question d’analyser leur forme à l’œil nu ; la relation qu’ils cherchaient à établir devait impérativement être ancrée dans des données objectives, et pas seulement sur une impression visuelle. Selon Quanta, ils ont donc eu recours à un objet mathématique appelé tenseur de forme grâce auquel ils ont pu décrire mathématiquement la forme et l’orientation de chaque unité.

Grâce à cet outil analytique, ils ont pu observer expérimentalement cette fameuse double symétrie. À grande échelle, dans des groupes de quelques cellules, ils ont observé la symétrie nématique qui avait déjà été documentée auparavant. Et en regardant de plus près, c’est une symétrie hexatique qui ressortait — exactement comme dans les simulations informatiques. " C’était assez incroyable à quel point les données expérimentales et les simulations concordaient ", explique Julia Eckert, co-autrice de ces travaux citée par Quanta.

Une nouvelle manière d’appréhender le fonctionnement du vivant

C’est la première fois qu’une preuve solide de cette relation est établie, et il s’agit incontestablement d’un grand succès expérimental. On sait désormais que certains tissus peuvent être appréhendés comme des cristaux liquides. Et cette découverte pourrait ouvrir la voie à un tout nouveau champ de recherche en biologie.

Au niveau fonctionnel, les implications concrètes de cette relation ne sont pas encore parfaitement claires. Mais la bonne nouvelle, c’est qu’il sera désormais possible d’utiliser des équations de mécanique des fluides qui sont traditionnellement réservées aux cristaux liquides pour étudier la dynamique des cellules.

Et cette nouvelle façon de considérer les tissus pourrait avoir des implications profondes en médecine. Par exemple, cela permettra d’étudier la façon dont certaines cellules migrent à travers les tissus. Ces observations pourraient révéler des mécanismes importants sur les premières étapes du développement des organismes, sur la propagation des cellules cancéreuses qui génère des métastases, et ainsi de suite.

Mais il y a encore une autre perspective encore plus enthousiasmante qui se profile à l’horizon. Il est encore trop tôt pour l’affirmer, mais il est possible que cette découverte représente une petite révolution dans notre manière de comprendre la vie.

En conclusion de l’article de Quanta, un des auteurs de l’étude résume cette idée en expliquant l’une des notions les plus importantes de toute la biologie. On sait depuis belle lurette que l’architecture d’un tissu est à l’origine d’un certain nombre de forces qui définissent directement ses fonctions physiologiques. Dans ce contexte, cette double symétrie pourrait donc être une des clés de voûte de la complexité du vivant, et servir de base à des tas de mécanismes encore inconnus à ce jour ! Il conviendra donc de suivre attentivement les retombées de ces travaux, car ils sont susceptibles de transformer profondément la biophysique et la médecine.

 

Auteur: Internet

Info: Antoine Gautherie, 12 décembre 2023. *Se dit de l'état mésomorphe, plus voisin de l'état liquide que de l'état cristallisé, dans lequel les molécules, de forme allongée, peuvent se déplacer librement mais restent parallèles entre elles, formant ainsi un liquide biréfringent.

[ double dualité ] [ tétravalence ]

 

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Ajouté à la BD par miguel