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choc psychologique

Et ce n'est que maintenant, des jours plus tard, alors que je redonne forme à ces instants, que je retrouve à nouveau ce que ce trip a brièvement abrité ; le souvenir-écran en permanence relié à tout ce qui l'a précédé et du coup interdisant l'accès à tous les autres, les bons, si différents soient-ils, si béats, éclipsés par le semi-remorque accidenté sur l'autoroute, la cabine plantée dans le fossé derrière l'accotement, une fumée grasse qui monte dans la nuit en tourbillons, à peine atténuée par le crachin cinglant, les flammes qui grimpent sous les réservoirs d'essence perforés, dénudent les peintures, calcinent les pneus et noircissent le verre brisé, le pare-brise heurté de l'intérieur, chaque ligne brisée racontant l'histoire d'un coeur brisé qu'aucun gamin de dix ans ne devrait jamais se rappeler et encore moins voir, même en demi-teinte, l'encre, toute l'encre, encore et encore, se rassemblant finalement à la pointe de ses doigts délicats, comme si en suivant l'image imprimée dans le journal il pouvait d'une certaine façon escamoter les détails de la mort, faire disparaître le taxi où l'homme qu'il considérait comme un dieu a agonisé et est mort sans prononcer un seul mot, illisible ou autre, sans le moindre dieu, et en dissolvant ainsi le ciel noir faire revenir celui qui était bleu.

Auteur: Danielewski Mark Z.

Info: La Maison des feuilles

[ trauma obscurcissant ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

chef d'oeuvre

Le talent n'est qu'une aptitude qui se développe. On peut en acquérir deux ou trois fois plus qu'on en a. "J'apprends tous les jours à écrire", disait Buffon, qui ajoutait, d'ailleurs, ce mot si vrai : "Le génie n'est qu'une longue patience."
Qui a travaillé plus sa forme que Boileau ? Et il n'était pas le seul à faire difficilement des vers faciles. La Fontaine n'a atteint le naturel qu'en refaisant près de dix fois la même fable. Taine, qui a feuilleté ses manuscrits à la Bibliothèque nationale, était épouvanté de les voir noircis de ratures. La Bruyère n'a publié qu'un livre qui est parfait. Pascal est le dernier mot de la netteté condensée, qu'on ne réalise que par le labeur.
Montesquieu se raturait sans cesse. Chateaubriand nous apprend qu'il a refait jusqu'à dix fois la même page. Buffon recopia dix-huit fois ses Époques de la nature. Flaubert, on le sait, s'est tué à la peine. Pascal nous dit qu'il a refait jusqu'à quinze fois certaines Provinciales.
Si tous nos classiques avaient raconté leus procédés de composition, on verrait que Flaubert n'a pas été le seul à lutter contre les tortures de la phrase. Le style de la plupart des grands prosateurs sent le travail. Le travail est visible dans Boileau, Montesquieu, Buffon. Il n'y a guère que La Fontaine qui échappe à cette loi et chez qui le travail ne se sente pas. Or, c'est précisément celui qui a le plus travaillé !
Le principe de l'effort au travail, du continuel raturage est donc indiscutable. Il faut l'adopter a priori, aveuglément.

Auteur: Albalat

Info:

[ souffle ] [ peaufiner ]

 

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rêve

Je suis de nouveau au bord de la mer. Tout est exactement comme je me le rappelle. L'océan et la plage, le soleil et la grande maison en rondins noircis au goudron avec sa longue véranda ; je me souviens de tout dans les moindres détails. L'escalier qui mène à la galerie, et sa rampe étroite. La troisième marche qui grince quand on descend vers la grève. La digue de pierres polies par les marées sur lesquelles je me suis blessé en tombant à la fin de l'été 1924. Les rochers sont comme dans mon souvenir. Le sable, le sable chauffé par le soleil et qui va de la digue jusqu'au rivage. Les oiseaux de mer aux pattes raides et aux becs allongés, qui picorent dans les congères d'algues échouées. Les vagues qui lèchent le rivage, s'étirent, essayant en vain d'atteindre les oiseaux, puis refluent, déçues, et meurent sous la lame suivante. Je n'ai rien oublié. Je suis revenu sur cette plage d'hier, et je cours, heureux bondissant au-dessus des goémons. Je me jette à l'eau, les embruns me giflent de leurs gouttelettes glacées. Je nage, je nage, le plus loin possible, au-delà de la troisième lagune où mon père m'interdit d'aller, et me laisse tomber dans l'océan froid et salé. Il m'embrasse, m'immerge dans son astringente verdure. Je nage, je plonge dans sa froidure, frotte mon ventre contre son fond sablonneux, traverse les rais de lumière oblique, brasse jusqu'à ce que mes poumons crient grâce et m'obligent à remonter. J'explose le miroir de la surface où se reflète le soleil. Le sel me brûle les yeux, je les ferme et jouis de la chaleur de l'air sur ma poitrine. Je suis là, les yeux fermés, et autour de moi je sens l'océan et le soleil et l'écume des brisants et les vagues qui me font osciller d'avant en arrière, d'arrière en avant.
Quand je m'éveille, l'océan n'est plus là. Le fracas que j'entends est celui des roues du train à bestiaux, le flux et le reflux du wagon qui grince et tangue. Chaque embranchement des rails se répercute à travers les lattes du plancher et martèle ma colonne vertébrale.

Auteur: Brask Morten

Info: Terezin plage

[ mémoire ]

 

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historique

Des parures en coquillages perforés et colorés datant de 80 000 ans
Les fouilles de quatre sites archéologiques marocains ont révélé de nouveaux coquillages marins perforés. Cette découverte confirme que des objets de parure étaient portés en Afrique du Nord entre 85 000 et 70 000 ans avant notre ère et permet de progresser dans la compréhension de l'origine des comportements humains modernes. Menée par une équipe multidisciplinaire réunissant des préhistoriens du CNRS et des chercheurs britanniques, marocains, israéliens et allemands.
Les objets de parure sont considérés avec l'art, les sépultures et l'utilisation de pigments comme l'un des indices archéologiques parmi les plus probants de l'acquisition d'une pensée symbolique. Pendant longtemps, on estimait que les plus anciens ornements dataient du début du Paléolithique supérieur en Europe soit autour de 40 000 ans avant notre ère. Or, au cours des dix dernières années, des fouilles effectuées dans cinq sites d'Afrique du Sud, du Nord et du Proche Orient ont permis d'exhumer des coquillages marins perforés datés de 100 000 à 70 000 ans. Ces découvertes ont révélé que ces coquillages, utilisés comme objets de parures, étaient plus anciens que ce qu'on supposait et que ces comportements avaient une origine africaine.
En comparant les coquillages découverts dans les sites archéologiques avec des coquillages actuels de la même espèce (Nassarius gibbosulus), les chercheurs ont montré que les spécimens archéologiques ont été perforés par les hommes. Tous les coquillages bien conservés révèlent à l'échelle microscopique des usures non présentes à l'état naturel qui sont interprétées comme des traces occasionnées par le port prolongé d'objets de parure. Certaines perles portent d'ailleurs les marques laissées par les outils en pierre utilisés pour les perforer. Par ailleurs, beaucoup de spécimens présentent des traces d'ocre sur les zones de frottement ou sur l'ensemble de la surface, indice que les coquillages et le fil étaient imbibés d'ocre. De plus, les scientifiques ont découvert des coquillages noircis par une action de chauffe qui précèderait les traces d'utilisation de ces spécimens. Certains coquillages ont donc pu être chauffés volontairement dans un milieu réducteur en présence de matière organique pour changer leur couleur et ainsi composer des parures avec des perles de différentes couleurs.
La datation des nouveaux sites archéologiques indique que les parures en coquillages, comme d'autres innovations culturelles de cette époque, pointes de projectiles bifaciales, outils élaborés en os, traitement thermique des pierres taillées semblent disparaître après 70 000 ans et ne réapparaître que 10 à 20 000 ans plus tard sous de nouvelles formes. Dans leur étude, les chercheurs s'interrogent sur la possibilité que la perte de ces innovations soit liée à la détérioration climatique dite du stade isotopique 4, il y a de 73 000 à 60 000 ans.

Auteur: Internet

Info: Proceedings of the National Academy of Sciences, août 2009

[ culture ] [ être humain ]

 

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socio-psychologie

Le matérialisme nord-américain - logé au cœur de la pensée collective - s'explique peut-être par une curieuse connexion de la langue anglaise, où le mot free signifie à la fois "libre" et "gratuit". Pour le français, la liberté est plutôt intérieure, car fonction de la conscience - ou politique. Tout le monde sait que le pouvoir de l'argent augmente le pouvoir sur les choses. Néanmoins, la liberté est séparée de l'économie par une différence de dignité. Sauf dans les cas de famine, on ne meurt pas pour le pouvoir d'achat : on y voit une commodité, non un idéal.

L'âme anglo-saxonne peut-elle échapper à cette nuance de dictionnaire et lutter contre la confusion qu'induit un seul mot pour deux horizons ? Une publicité pour une compagnie aérienne nous propose - grâce à un plan de fidélité - de "voler libres pour toujours", c'est à dire gratuitement de temps à autres. Soudain le fait de dépenser moins d'argent augmente la sensation de liberté. L'économie du moindre dollar est victoire, jubilation : réalisation. D'où le fait, chez les Canadiens, de marchander sans vergogne et de se battre pied à pied pour s'ouvrir le coin de ciel bleu d'une jouissance inversement proportionnelle au prix. La réduction est demandée comme un droit - mais sans baisse de générosité chez le vendeur ! La joie est chiffrée. Le désir de liberté - cette grande libido qui voudrait capturer la vie - est reporté sur l'argent. l'Éden est dans la gratuité. Le seul amour véritable est associé aux billets, le génie ou la justesse d'esprit sont des capitaux à réaliser. Le fait de payer incline à une certaine férocité des rapports, comme si dans l'échange il y avait, clandestinement, un gagnant et un perdant, une recherche de domination et la volupté de réduire en esclavage.

La qualité d'une œuvre finit par tenir à ces recettes. La liberté est d'autant moins comprise comme la direction même de la pensée, la recherche du savoir, la jubilation de comprendre. L'accent est rarement mis sur le plaisir volatil de l'analyse, bien séparé des questions d'intendance, dont d'autres cultures ne méconnaissent pas, pour autant, l'importance.

Ne noircissons pas cependant : s'il est peu d'accent mis sur le spirituel, il ne manque pas d'esprit impressionnants dans la vie courante. Le fait d'être peu encouragé à penser engendre une révolte qui porte loin. Et, si tant est que l'on valorise la gratuité, rien n'empêche d'arriver un jour à la poésie et à la subtile fraîcheur du rêve : sans valeur comptable, elles relèvent du miracle. Enfin, même si la relation à la richesse est omniprésente, elle ne détourne pas forcément de la tolérance et de l'harmonie : on est aimable avec le client potentiel, on le reste dès lorsqu'il n'achète pas car on l'aperçoit comme libre de l'emploi de son argent. Le matérialisme se transcende en sainteté ordinaire, l'amour et l'intelligence prévalent. Il n'en va pas toujours de même dans les pays où l'individualisme de la pensée incline au mépris.

Auteur: Gloaguen Alexis

Info: Digues de Ciel

[ linguistique ] [ capitalisme ] [ mot carrefour ] [ polysémie ] [ comparaison ] [ occident ] [ célébrité modèle ] [ marchandisation ] [ translangue ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

hallucination

De toute façon, il pensait lentement, les mots lui coûtaient un effort, il n’en avait jamais assez, et parfois, lorsqu’il parlait avec quelqu’un, il arrivait que son interlocuteur, tout à coup, le regardât avec étonnement, ne comprenant pas tout ce qu’il pouvait y avoir dans un seul mot, quand Moosbrugger lentement l’extrayait. Il enviait tous les hommes qui avaient appris dès leur jeunesse à parler facilement ; lui, comme par dérision, les mots lui collaient au palais comme de la gomme juste au moment où il en avait le plus urgent besoin ; alors, il se passait parfois un temps interminable jusqu’à ce qu’il réussît à dégager une syllabe, et repartît. […]

La conscience que sa langue, ou quelque chose de plus profond encore en lui, était paralysé comme par de la colle, lui donnait un sentiment d’insécurité pitoyable qu’il lui fallait pendant des jours s’efforcer de dissimuler. Alors apparaissait soudain une subtile, on pourrait presque dire même une silencieuse frontière. Tout d’un coup, un souffle glacé était là. Ou bien, tout près de lui, dans l’air, une grosse boule émergeait et s’enfonçait dans sa poitrine. Dans le même moment, il sentait quelque chose sur lui, dans ses yeux, sur ses lèvres, ou bien dans les muscles faciaux ; il y avait comme une disparition, un noircissement de tout ce qui l’entourait, et tandis que les maisons se posaient sur les arbres, un ou deux chats, peut-être, se sauvant à toute vitesse, bondissaient hors du taillis. Cela ne durait qu’une seconde, puis tout était de nouveau comme avant. […]

Ces périodes étaient tout entières sens ! Elles duraient parfois quelques minutes, parfois elles s’étendaient sur toute une journée, parfois encore elles se prolongeaient en d’autres, semblables, qui pouvaient durer des mois. Pour commencer par ces dernières, parce qu’elles sont les plus simples, […] c’étaient des périodes où il entendait des voix, de la musique, ou bien des souffles, des bourdonnements, des sifflements aussi, des cliquetis, ou encore des coups de feu, de tonnerre, des rires, des appels, des paroles, des murmures. Cela lui venait de partout ; c’était logé dans les cloisons, dans l’air, dans les habits et dans son corps même. Il avait l’impression qu’il portait cela dans son corps tant que cela restait muet ; mais dès que cela éclatait, cela se cachait dans les environs, quoique jamais très loin de lui. Quand il travaillait, les voix protestaient contre lui, le plus souvent avec des mots détachés ou de courtes phrases, elles l’injuriaient, le critiquaient, et quand il pensait à quelque chose, elles l’exprimaient avant qu’il en ait eu le temps, ou disaient malignement le contraire de ce qu’il voulait. Que cela suffît à le faire juger malade, Moosbrugger ne pouvaient qu’en rire ; lui-même ne traitait pas ces voix et ces visions autrement que si ç’avait été des singes. Cela le distrayait de les entendre et de les voir se démener ; c’était incomparablement plus beau que les pensées pesantes et tenaces qu’il avait lui-même, mais quand elles le gênaient trop, il se mettait en colère, finalement c’était assez naturel. [...]

Il lui était arrivé dans sa vie de dire à une fille : "Votre bouche est une rose !" mais tout à coup le mot se défaisait aux coutures, et quelque chose de très pénible se produisait : le visage devenait gris comme la terre que couvre le brouillard, et devant lui, sur une longue tige, une rose se dressait ; affreusement grande alors était la tentation de prendre un couteau, de la couper ou de la frapper pour qu’elle rentrât de nouveau dans le visage. 

Auteur: Musil Robert

Info: Dans "L'homme sans qualités", tome 1, trad. Philippe Jaccottet, éditions du Seuil, 1957, pages 372-375

[ point de vue intérieur ] [ cristallisation signifiante ] [ décompensation psychotique ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

écrire

Je n'ai pas beaucoup de souvenirs heureux de mon enfance. Le calendrier de l'Avent en est un. A l'approche des fêtes, chaque matin, au moment de partir à l'école, j'étais autorisé à ouvrir le sachet du jour garni par ma mère, et a emporter à l'école les friandises interdites le restant de l'année.

C’est elle qui avait confectionné le calendrier en feutre rouge, blanc et vert, et brodé à la main les numéros des jours que j'égrenais jusqu’à Noël. Après sa mort, mon père l'a remisé et je n'ai plus eu droit au décompte magique et gourmand.

Un jour, à l'Intermarché du coin, alors que nous faisions les courses, je suis tombé sur un calendrier de l'Avent Kinder Surprise. J'ai essayé de le glisser discrètement dans le caddie, mais mon père s'en est aperçu. Il l'a repêché et s'en est débarrassé dans un rayonnage.

"Tu ne vas pas te laisser avoir par leurs attrape-couillons" a-t-il dit en me menaçant d'une torgnole si j'insistais.

J'y ai échappé grâce à la présence dans les travées de mamans qui ont tourné la tête dès qu'il a élevé la voix. Mon père savait pertinemment qu'il ne pouvait pas me gifler en public.

Dans ces moments-là, je devais avoir un air triomphant ou vindicatif, car il me fusillait du regard et semblait dire que je ne perdais rien pour attendre.

Je garde un souvenir vivace de l'impatience et la joie qui m'animaient lorsque j'ouvrais le sachet quotidien garni par ma mère.

A présent, je suis dans le même état en comptant les jours qui me séparent du deuxième atelier d'écriture. Ma fièvre est contenue par ce carnet qui, à peine entamé, a agi comme un baume. Mon enfermement m'a tout de suite paru plus supportable. Il trouve presque un sens. Tout au moins une pertinence, une finalité.

Fidèle aux instructions de l'écrivain qui anime notre atelier, je noircis des pages, pour le simple plaisir de noter ce qui me passe par la tête, ou parce que ce matériau peut un jour trouver quelque utilité à la construction d'une œuvre de fiction.

- Nourrissez votre imagination, nous enjoint-il. Ne croyez pas en l'inspiration. Elle est une fainéante passive alors que l'acte de création est volontaire et actif. Construisez votre base de données, votre banque d'expressions, de sensations, dans laquelle vous puiserez le moment venu pour façonner une scène, donner un corps à un personnage …

Nous lisons à voix haute ce que nous avons écrit pendant le mois écoulé. Nous nous écoutons sans faire de commentaires.

L’écrivain dit que pour le moment, nous ne devons pas nous juger mutuellement. Simplement nous écouter.

Puis nous faisons des exercices sous contrainte. C'est ce que je préfère.

La consigne du jour est : "Dehors, dedans, on fait tous les mêmes rêves".

- Ne me servez pas une soupe réchauffée, le vieux cliché du taulard incompris qui rêve de liberté ou de vengeance contre la société qui un jour reconnaîtra ses motivations …

Certains d'entre nous ont hoché la tête, d'autres ont souri. Nous l'avons tous trouvé courageux de s'adresser à nous sur ce ton. Il a beau être en compagnie de la crème du centre de détention, ceux qui lisent ou font du théâtre, s'intéressent à l'écriture et à la culture, il a beau avoir un bipper d'alarme accroché à la ceinture, il se trouve seul dans une pièce de vingt mètres carrés en compagnie de neuf bonhommes condamnés à de longues peines, et pas pour avoir volé des carambars au tabac-presse du coin …Même s'il ignore les raisons pour lesquelles nous sommes derrière les barreaux, et s'il n’a à aucun moment cherché à les connaître - un bon point pour lui.

Auteur: Séverac Benoît

Info: Tuer le fils. Cahier de Mathieu Fabas - Centre de détention de Poissy - Mardi 6 février 2018 - Atelier d'écriture n° 2

[ thérapie ] [ prison ] [ magie de Noël ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

désamour

J’ai cherché dans l’absence un remède à mes maux ;

J’ai fui les lieux charmants qu’embellit l’infidèle,

Caché dans ces forêts dont l’ombre est éternelle,

J’ai trouvé le silence, et jamais le repos.

Par les sombres détours d’une route inconnue

J’arrive sur ces monts qui divisent la nue :

De quel étonnement tous mes sens sont frappés !

Quel calme ! quels objets ! quelle immense étendue !

La mer paraît sans borne à mes regards trompés,

Et dans l’azur des cieux est au loin confondue.

Le zéphyr en ce lieu tempère les chaleurs,

De l’aquilon parfois on y sent les rigueurs,

Et tandis que l’hiver habite ces montagnes,

Plus bas l’été brûlant dessèche les campagnes.



Le volcan dans sa course a dévoré ces champs ;

La pierre calcinée atteste son passage :

L’arbre y croît avec peine, et l’oiseau par ses chants

N’a jamais égayé ce lieu triste et sauvage.

Tout se tait, tout est mort ; mourez, honteux soupirs,

Mourez importuns souvenirs

Qui me retracez l’infidèle ;

Mourez tumultueux désirs ;

Ou soyez volages comme elle.

Ces bois ne peuvent me cacher ;

Ici même, avec tous ses charmes,

L’ingrate encor me vient chercher ;

Et son nom fait couler des larmes

Que le temps aurait dû sécher.

O dieux ! ô rendez-moi ma raison égarée ;

Arrachez de mon cœur cette image adorée ;

Eteignez cet amour qu’elle vient rallumer,

Et qui remplit encor mon âme tout entière,

Ah ! l’on devrait cesser d’aimer

Au moment qu’on cesse de plaire.

Tandis qu’avec mes pleurs la plainte et les regrets

Coulent de mon âme attendrie,

J’avance, et de nouveaux objets

Interrompent ma rêverie.

Je vois naître à mes pieds ces ruisseaux différents

Qui, changés tout à coup en rapides torrents,

Traversent à grand bruit les ravines profondes,

Roulent avec leurs flots le ravage et l’horreur,

Fondent sur le rivage, et vont avec fureur

Dans l’océan troublé précipiter leurs ondes.

Je vois des rocs noircis, font le front orgueilleux

S’élève et va frapper les cieux.

Le temps a gravé sur leurs cimes

L’empreinte de la vétusté.

Mon œil rapidement porté

De torrents en torrents, d’abîmes en abîmes,

S’arrête épouvanté.

O nature ! qu’ici je ressens son empire !

J’aime de ce désert la sauvage âpreté ;

De tes travaux hardis j’aime la majesté ;

Oui, ton horreur me plaît, je frissonne et j’admire.



Dans ce séjour tranquille, aux regards des humains

Que ne puis-je cacher le reste de ma vie !

Que ne puis-je du moins y laisser mes chagrins !

Je venais oublier l’ingrate qui m’oublie,

Et ma bouche indiscrète a prononcé son nom ;

Je l’ai redit cent fois, et l’écho solitaire

De ma voix douloureuse a prolongé le son ;

Ma main l’a gravé sur la pierre ;

Au mien il est entrelacé.

Un jour, le voyageur sous la moussé légère,

De ces noms connus à Cythère

Verra quelque reste effacé.

Soudain il s’écriera : "Son amour fut extrême ;

Il chanta sa maîtresse au fond de ces déserts.

Pleurons sur ses malheurs et relisons les vers

Qu’il soupira dans ce lieu même."

Auteur: Parny Evariste Désiré de Forges vicomte de

Info: J'ai cherché, Élégies

[ imprégnation ] [ mélancolie ] [ poème ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson