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conjoints

La capacité à culpabiliser les transgressions ne naît pas avec le couple, mais elle est réactivée par lui. L'appariement que constitue le couple est aussi celui de deux surmoi, chacun ayant ses propres exigences ethniques, sa conception de ce qui sera ou ne sera pas une transgression par rapport à la loyauté due à cette institution nouvellement fondée.

La structure surmoïque du partenaire va jouer un rôle déterminant en cas de difficulté. Les plus culpabilisables seront probablement les plus culpabilisants, en vertu du principe selon lequel ce qui est bon pour soi est également bon pour les autres...

Cet engagement sur des valeurs est aujourd'hui le plus souvent tacite. Chacun pense que l'autre a reconnu ses propres valeurs et les partage. Et c'est cela qui surprend : en l'absence d'un discours commun véhiculé par les prêtres ou par le maire, chaque couple constitue sa propre morale, donc ses propres limites. Chacun sait ce qu'il peut faire ou ne pas faire, les frontières à ne pas franchir.

Auteur: Neuburger Robert

Info: L'art de culpabiliser

[ psychanalyse ] [ binôme ] [ cellule de base ] [ tétravalence ]

 

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économie

La société fonctionne sur l’énergie, mais n’oubliez pas qu’elle fonctionne aussi sur l’argent. Dans un tel scénario, la fin du pétrole bon marché (à extraire) aura des résultats paradoxaux sur l’ensemble. Au lieu d’avoir une hausse des prix, l’économie mondiale va d’abord perdre sa capacité à continuer à rembourser le principal et les intérêts sur les grandes quantités d’argent / dette nouvellement créées, et nous serons probablement confrontés d’abord à un phénomène de déflation. Dans ce scénario, les conséquences ne seront pas des prix de plus en plus élevés pour les consommateurs comme la plupart des producteurs pétroliers s’y attendent, mais plutôt l’insolvabilité des producteurs extrayant du pétrole à coût élevé et moyen, qui devront cesser leurs activités en raison du prix de marché nettement inférieur aux coûts d’extraction. Le Peak Oil viendra des tranches de production à coût élevé qui vont progressivement disparaître.

Je ne m’attends pas à ce que la relance par le gouvernement du mécanisme de crédit s’arrête, mais si c’est le cas, la production pétrolière et le prix du pétrole seront un peu moins élevés. À long terme, on parle d’énergie. Dans un avenir prévisible, on parle plutôt de crédit.

Auteur: Hagens Nate

Info:

[ évolution ] [ pénurie ]

 

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sentimentalisme

En gens pressés que nous sommes, nous avons été trop vite avec nos bons moujiks, conclut-il. Nous les avons mis à la mode, et toute une partie de notre littérature s’est jetée dessus comme sur un trésor nouvellement découvert, et s’y est consacrée pendant des années. Nus couronnions de lauriers des têtes pouilleuses. Or depuis qu’il existe, depuis un millier d’années, le paysan russe ne nous a donné que la "Kamarinskaïa". Un poète russe remarquable et non dépourvu d’esprit, en voyant pour la première fois sur la scène la grande Rachel, s’écria, enthousiasmé : "Je n’échangerais pas Rachel contre un moujik !" J’irai plus loin encore : "je refuse d’échanger Rachel contre tous les moujiks russes. Il est temps de voir les choses elles sont et de ne pas mélanger notre vulgaire goudron national au bouquet de l’impératrice."

Lipoutine en convient aussitôt, mais observa qu’au nom de l’idée il était nécessaire en ce temps-là de jouer la comédie et de célébrer le moujik. Il ajouta que des dames de la haute société avaient versé des larmes abondantes à la lecture d’Anton Goremyka, et que certaines d’entre elles étaient même allées jusqu’à écrire de Paris à leurs gérants, pour qu’à l’avenir les paysans fussent traités aussi humainement que possible.

Auteur: Dostoïevski Fédor Mikhaïlovitch

Info: "Les démons", trauction de Boris de Schloezer, éditions Gallimard, 1955, page 78

[ classe populaire ] [ apitoiement ] [ hypocrisie sociale ] [ ficelle dramaturgique ]

 

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christianisme

Les idées ne sont pas, selon cette conception [de l’Église d’Orient], des raisons éternelles des créatures contenues dans l’Etre même de Dieu, des déterminations de l’essence à laquelle les choses créées se réfèrent comme à leur cause exemplaire, selon la pensée de saint Augustin [...]. Dans la pensée des Pères grecs les idées divines ont un caractère plus dynamique, intentionnel. Elles n’ont pas leur place dans l’essence mais dans "ce qui est après l’essence", dans les énergies divines : car les idées s’identifient avec la volonté ou les volontés qui déterminent les modes différents selon lesquels les êtres créés participent aux énergies créatrices. [...] Si les idées divines ne sont pas l’essence même de Dieu, si elles sont, pour ainsi dire, séparées de l’essence par la volonté, alors non seulement l’acte de création, mais la pensée de Dieu n’est pas non plus une détermination nécessaire de la nature, le contenu intelligible de l’Etre divin. Alors l’univers créé ne se présentera pas, comme dans la pensée platonicienne ou platonisante, sous l’aspect pâle et chétif d’une mauvaise réplique de Dieu, mais il apparaîtra comme un être absolument nouveau, comme la création nouvellement sortie des mains du Dieu de la Genèse "qui vit que cela était bon" [...].

Auteur: Lossky Vladimir Nikolaïevitch

Info: "Essai sur la théologie mystique de l'Eglise d'Orient", éditions du Cerf, 2005, page 89

[ orient-occident ] [ archétypes ]

 
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philosophe-sur-philosophe

Lorsque j'ai rencontré Wittgenstein, j'ai vu que les avertissements de Schlick étaient pleinement justifiés. Mais son comportement n'était pas dû à une quelconque arrogance. En général, il était d'un tempérament sympathique et très gentil ; mais il était hypersensible et facilement irritable. Ce qu'il disait était toujours intéressant et stimulant et la façon dont il l'exprimait était souvent fascinante. Son point de vue et son attitude envers les gens et les problèmes, même théoriques, ressemblaient beaucoup plus à ceux d'un artiste créatif qu'à ceux d'un scientifique ; on pourrait presque dire à ceux d'un prophète religieux ou d'un voyant. Lorsqu'il commençait à formuler son point de vue sur un problème spécifique, nous sentions souvent la lutte interne qui se déroulait en lui à ce moment précis, une lutte par laquelle il essayait de pénétrer de l'obscurité à la lumière vie une intense et douloureuse tension, qui était même visible sur son visage expressif. Lorsque finalement, parfois après un effort ardu et prolongé, ses réponses surgissaient, sa déclaration se dressait devant nous comme une œuvre d'art nouvellement créée ou une révélation divine. Non pas qu'il affirmait ses vues de façon dogmatique... Mais l'impression qu'il faisait sur nous était comme si cette perspicacité lui venait comme par une inspiration céleste, de sorte que nous ne pouvions nous empêcher de penser que tout commentaire rationnel sobre ou analyse de celle-ci serait une profanation.

Auteur: Carnap Rudolf

Info: The Philosophy of Rudolf Carnap, Volume 11

[ charisme ] [ admiration ] [ présence envoûtante ]

 

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émotions funèbres

Le roi Louis XV était fort triste habituellement, et aimait toutes les choses qui rappelaient l'idée de la mort, en la craignant cependant beaucoup. En voici un exemple. Madame de Pompadour se rendant à Crécy, un écuyer du roi fit signe à son cocher d'arrêter, et lui dit que la voiture du roi était cassée, et que, sachant qu'elle n'était pas loin, il l'envoyait prier de l'attendre. Il arriva bientôt après et se mit dans la voiture de Madame. Les seigneurs qui suivaient s'arrangèrent dans d'autres voitures. J'étais derrière, dans une chaise à deux, avec Gourbillon, valet de chambre de Madame, et nous fûmes étonnés quand, peu de temps après, le roi fit arrêter la voiture ; celles qui suivaient s'arrêtèrent aussi. Le roi appela un écuyer, et lui dit : " Vous voyez bien celte petite hauteur ; il y a des croix, et c'est certainement un cimetière ; allez-y, et voyez s'il y a quelque fosse nouvellement faite " L'écuyer galopa et s'y rendit; ensuite il revint dire au roi : " II y en a trois toutes fraîchement faites. " Madame, à ce qu'elle m'a dit, détourna la tête avec horreur à ce récit, et la petite maréchale de Mirepoix dit gaiement : " En vérité, c'est à faire venir l'eau à la bouche. " Madame, le soir, en se déshabillant, nous en parla : " Quel singulier plaisir, dit-elle, que de s'occuper de choses dont on devrait éloigner l'idée, surtout quand on mène une vie aussi heureuse ! Mais le roi est comme cela; il aime à parler de mort, et il a dit, il y a quelques jours, à M. de Fontanieu, à qui il a pris, à son lever, un saignement de nez : " Prenez-y garde; à votre âge, c'est un avant-coureur d'apoplexie. " Le pauvre homme est retourné chez lui tout effrayé et fort malade... " Souvré, dit-il un jour au commandeur de ce nom, vous vieillissez, où voulez-vous qu'on vous enterre? - Sire, aux pieds de Votre Majesté. " Cette réponse rendit le roi triste et rêveur. Il parlait souvent ainsi de la mort, d'enterrements et de cimetières ; personne n'était né plus mélancolique.

Auteur: Hausset Madame de

Info: Mémoires

[ superstition ] [ morbidité ]

 

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kabbalisme

Selon Isaac Luria, le Divin primordial, pur esprit, qui remplit tout, dut d’abord se retirer de lui-même en lui-même pour créer l’espace qui abriterait sa création. Cette contraction de l’essence de Dieu en lui-même afin de laisser un espace pour l’univers avait eu pour effet de retirer l’essence de Dieu toujours plus loin de cet univers. Telle était la solution que Luria proposait pour rendre compte de la façon dont Tout avait été créé à partir de rien, mystère des mystères. Le néant avait lui aussi été créé. Le néant était le volume duquel Dieu retira son essence qui remplissait tout. Le commentaire du XVIIe siècle que lisait Pauli interprétait le récit de Luria comme une métaphore de l’essence de l’homme. Il affirmait que le tsimtsum renvoyait à la barrière entre l’homme, c’est-à-dire la conscience individuelle de l’homme, et Dieu. Ce rideau à travers lequel l’homme ne pouvait pas voir lui donnait l’apparence d’un moi indépendant de Dieu et l’illusion d’une liberté de décision.
A l’intérieur du vide créé par le tsimtsum, Dieu fit rayonner sa lumière divine. Cette lumière infinie pénétrait l’espace comme une balise, entrant en collision avec des fragments de l’essence de Dieu qui était encore en plein processus de retrait. L’univers, créé de la collision cosmique de ces deux manifestations divines, allait occuper l’espace ainsi libéré. Les sephirot avaient la tâche de donner un lieu à la lumière divine, tels des réceptacles conçus pour la contenir. Mais tragédie : les sephirot inférieures, éloignées de Dieu et donc privées de certaines des qualités divines, furent débordées ; incapables de contenir la lumière divine, elles se brisèrent et, volant en éclats, éparpillèrent leurs précieux contenus dans tous les coins de l’espace nouvellement créé. C’était la shevira, la brisure des vases. Non, disait le commentaire, ce n’était pas une tragédie, car il ne pouvait rien exister qui ne fût intentionnel. C’était la catharsis d’une nouvelle naissance, d’un nouveau commencement, d’une nouvelle création. Les convulsions, la douleur, la brisure du vase qui accompagnent l’entrée au monde de chaque nouveau-né sont de même une catharsis nécessaire, séparant le potentiel de l’effectif. C’est ce qui se passe dans la shevira. C’est à cause de la shevira que ce monde, que nous appelons "réel", est imparfait, en désordre et composées de parties, livré au mal. Le saint dessein de la Création est tikkun, le rassemblement de toutes ces étincelles divines venant des quatre coins de l’univers, pour restaurer l’ordre primordial, divin.

Auteur: Keve Tom

Info: Dans "Trois explications du monde", pages 385-386

[ cosmogonie ] [ ordonnancement ] [ tsimtsoum ] [ origine des origines ]

 
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désir

En se souriant, ils se réjouissaient mutuellement de leur présence, une pure présence, à laquelle on ne pouvait réfléchir, qu’on ne pouvait même connaître. Mais les yeux de Birkin avaient une grimace légèrement ironique.

Elle était étrangement attirée vers lui, comme par un charme. S’agenouillant sur le tapis devant lui, elle noua ses mains derrière ses reins et appuya la tête contre ses cuisses. Richesse ! Richesse ! Elle se sentait submergée par tout un ciel plein de richesses.

- Nous nous aimons, dit-elle, ravie.

- Mieux que cela, répondit-il, en la regardant, le visage rayonnant de plaisir.

Inconsciemment, du bout de ses doigts sensibles, elle suivait la ligne de ses cuisses, y poursuivant un mystérieux courant de vie. Elle avait découvert quelque chose de plus merveilleux que la vie elle-même. C’était l’étrange mystère du mouvement vital, là, sur le derrière de ses cuisses, le long de ses flancs. C’était une étrange réalité de Birkin, l’étoffe même de son être, là sur la chute bien droite de ses cuisses. C’est là qu’elle découvrit qu’il était l’un des fils de Dieu tels qu’ils vivaient au commencement du monde, pas un homme, mais quelque chose d’autre, quelque chose de plus.

C’était un soulagement, enfin. Elle avait eu des amoureux. Elle avait connu la passion ; mais ceci n’était ni l’amour ni la passion. C’était le retour des filles des hommes vers les fils de Dieu, les fils de Dieu étranges et inhumains qui furent au commencement du monde.

Maintenant, son visage était un éblouissement de libre lumière dorée, tandis qu’elle levait les yeux vers lui, et appuyait ses mains en plein sur ses cuisses, par-derrière, comme il se tenait debout devant elle. Il la regardait et ses sourcils épais brillaient comme un diadème au-dessus de ses yeux. Elle était belle comme une fleur merveilleuse nouvellement ouverte à ses genoux, fleur paradisiaque, et non plus une femme, mais une fleur de clarté. Pourtant, il y avait encore en lui un certain embarras. Il n’aimait pas ce rayonnement, cet agenouillement, du moins pas entièrement.

Pour elle, tout était terminé. Elle avait trouvé un fils de Dieu du Commencement du Monde, et lui, il avait trouvé une des plus lumineuses filles des hommes.

Elle suivait avec les mains la ligne de ses reins et de ses cuisses et un feu vivant se transmettait ténébreusement de lui à elle. C’était un flux obscur de passion électrique que, mis en liberté en lui, elle attirait en elle. Elle avait créé un circuit riche et nouveau, un nouveau courant d’énergie passionnelle qui allait de l’un à l’autre depuis les pôles les plus obscurs du corps, en formant un circuit parfait. C’était un sombre feu d’électricité qui jaillissait de lui à elle et les inondait tous deux de satisfaction et de paix somptueuse.

Auteur: Lawrence David Herbert

Info: Femmes amoureuses, traduit de l’anglais par Maurice Rancès et Georges Limbour, éditions Gallimard, 1949, pages 451 à 453

[ homme-femme ] [ imaginaire ] [ sensations ] [ volupté ]

 

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songes

Le travail du rêve [...] fait subir au matériel de pensées mis au mode optatif une élaboration tout à fait singulière. Tout d’abord, il fait le pas qui mène de l’optatif au présent, il substitue à la tournure "Ah, si seulement il était possible... " un : "Cela est." Ce "Cela est" a une destination, la figure hallucinatoire, processus que j’ai désigné du nom de "régression" du travail du rêve : la voie qui mène des pensées aux images perceptives, ou bien [...] la voie qui mène de la région des formations de pensée à celle des perceptions sensibles. En empruntant cette voie, qui est à l’opposé de la direction dans laquelle se développent les processus de complication psychique, les pensées du rêve gagnent en caractère concret ; ce qui apparaît, en fin de compte, c’est une situation plastique, qui est le noyau de l’ "image manifeste du rêve". [...] On comprend comme un nécessaire succès annexe de la régression le fait que presque toutes les relations existant à l’intérieur des pensées, relations qui ont structuré celles-ci, sont perdues pour le rêve manifeste. Ce que le travail du rêve prend en charge pour le figurer, ce n’est, pour ainsi dire, que le matériel brut des représentations, il n’y adjoint pas les rapports de pensée que celles-ci avaient les unes avec les autres, ou du moins se réserve-t-il la possibilité de n’en pas tenir compte. Par contre, il existe une autre partie du travail du rêve que nous ne pouvons faire découler de la régression, de la transformation rétroactive en images sensibles, et c’est précisément celle que nous jugeons importante pour l’analogie que nous établissons avec la formation du mot d’esprit. Durant le travail du rêve, le matériel des pensées du rêve subit une compression ou condensation tout à fait extraordinaire. [...] Les éléments communs nécessités par la condensation, qui ont été nouvellement créés, entrent dans le contenu manifeste du rêve en tant que représentants des pensées du rêve, de sorte qu’un élément du rêve correspond, pour les pensées du rêve, à un point nodal et crucial et qu’il nous faut dire de lui, en tenant compte de ces dernières, qu’il est, d’une façon très générale, "surdéterminé". Le fait que constitue la condensation est la partie du travail du rêve la plus facile à repérer : il suffit de comparer l’énoncé littéral d’un rêve tel qu’on l’a mis par écrit au texte des pensées du rêve qu’on a réussi à connaître grâce à l’analyse, pour se faire une bonne idée de l’envergure de la condensation qui est à l’œuvre dans le rêve.

Il est moins aisé de se convaincre de l’existence de la deuxième grande modification que le travail du rêve provoque en agissant sur les pensées du rêve, à savoir du processus que j’ai appelé déplacement dans le rêve. Ce dernier se manifeste comme suit : ce qui, dans le rêve manifeste, occupe une position centrale et se présente avec une grande intensité sensible, c’est cela même qui, dans les pensées du rêve, occupait une position périphérique et qui était d’importance accessoire ; et inversement. [...] Pour qu’un tel déplacement se fasse, il a fallu que l’énergie d’investissement puisse, sans être inhibée, passer des représentations importantes sur celles qui ne le sont pas, ce qui, dans la pensée préconsciente normale, ne peut que donner l’impression d’une "faute de raisonnement".

Auteur: Freud Sigmund

Info: "Le Mot d'esprit et sa relation à l'inconscient", éditions Gallimard, Paris, 1988, pages 294 à 297

[ interprétation ] [ étapes ]

 

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incipit

Il faut comprendre qu'ils n'étaient pas des rêveurs professionnels. Les rêveurs professionnels sont des talents très bien payés, respectés et très recherchés. Comme la majorité d'entre nous, ces sept personnes rêvaient sans effort ni discipline. Rêver professionnellement, de manière à ce que ses rêves puissent être enregistrés et diffusés pour le divertissement des autres, est une proposition beaucoup plus exigeante. Elle exige la capacité de réguler les impulsions créatives semi-conscientes et de stratifier l'imagination, une combinaison extraordinairement difficile à réaliser. Un rêveur professionnel est à la fois le plus organisé de tous les artistes et le plus spontané. Un tisseur subtil de spéculations, pas un simple et maladroit individu comme vous ou moi. Ou ces sept dormeurs.

De tous, Ripley était la plus proche de posséder ce potentiel particulier. Elle avait quelque talent de rêve enraciné et une plus grande souplesse d'imagination que ses compagnons. Mais elle manquait d'inspiration réelle et de la puissante maturité de pensée caractéristique du tisseur de rêves.

Elle était très douée pour organiser les magasins et les cargaisons, pour ranger le carton A dans la chambre de stockage B ou pour faire correspondre les bordereaux. C'était dans l'entrepôt de l'esprit que son système de classement fonctionnait mal. Espoirs et craintes, spéculations et demi-créations glissaient au hasard de compartiment en compartiment.

L'adjudant Ripley avait besoin de plus de maîtrise d'elle-même. Les pensées rococo brutes attendaient en vain d'être exploitées, juste à la frontière de la réalisation. Un peu plus d'effort, une plus grande intensité de reconnaissance de soi et elle aurait fait une assez bonne pro-rêveuse. C'est du moins ce qu'elle pensait parfois.

Le capitaine Dallas maintenant, il semblait paresseux tout en étant le mieux organisé de tous. Il ne manquait pas non plus d'imagination. Sa barbe en était la preuve. Personne n'en conservait en hibernation. Personne, sauf Dallas. C'était une partie de sa personnalité, avait-il expliqué à plus d'un coéquipier curieux. Il ne se séparait pas plus de l'antique duvet facial qu'il ne se séparait de toute autre partie de son anatomie. Dallas était le capitaine de deux navires : le remorqueur interstellaire Nostromo, et son corps. Tous deux restaient inchangés, tant en rêve qu'à l'état de veille. Il avait donc une bonne capacité de régulation et un minimum d'imagination. Mais un rêveur professionnel a besoin de beaucoup plus qu'un minimum de cette dernière ; et c'est une carence, qui ne peut être compensée par une quantité disproportionnée de la première. Dallas n'était pas plus apte que Ripley en matière de tissage de rêve.

Kane était moins contrôlé que Dallas en terme d'action et de pensée aride et il possédait beaucoup moins d'imagination. C'était un bon dirigeant. Mais il ne deviendrait jamais capitaine. Il faut pour ça une certaine motivation et la capacité de commander les autres, deux qualités dont Kane n'avait pas la chance de bénéficier. Ses rêves étaient des ombres translucides et informe par rapport à ceux de Dallas, tout comme Kane était un écho plus fin et moins vibrant du capitaine. Cela ne le rendait pas moins sympathique. Mais faire tisseur de rêve exige une forme de surcroît d'énergie, et Kane en avait à peine assez pour la vie de tous les jours.

Les rêves de Parker n'étaient pas déplacés, mais ils étaient moins pastoraux que ceux de Kane. Il y avait peu d'imagination dans ces rêves. Ils étaient trop spécialisés et ne traitaient que rarement des choses humaines. On ne pouvait rien attendre d'autre d'un ingénieur de bord. Ils étaient directs, et parfois laids. A l'état de veille, ces restes profondément enfouis se montraient rarement lorsque l'ingénieur s'irritait ou se mettait en colère. La majeure partie du suintement et du mépris qui fermentait au fond de la citerne de son âme était bien cachée. Ses compagnons n'en avaient jamais vu flotter au-dessus ou au-delà de la distillerie Parker, personne n'avait jamais eu un aperçu de ce qui bouillonnait et brassait au fond de cette cuve.

Lambert était plus inspiration pour rêveurs que rêveuse elle-même. En hyper-sommeil, ses rêveries agitées étaient remplies de tracés inter-systèmes et de facteurs de charge annulés par des considérations de carburant. Il arrivait que l'imagination entre dans de telles structures de rêve, mais jamais d'une manière qui puisse faire couler le sang des autres.

Parker et Brett imaginaient souvent leurs propres systèmes en train de s'interpénétrer avec les siens. Ils considéraient la question des facteurs de charge et des juxtapositions spatiales d'une manière qui aurait exaspéré Lambert si elle en avait été consciente. Réflexions non autorisées qu'ils gardaient pour eux, enfermés dans leurs rêves diurnes ou nocturnes, de peur qu'ils ne la mettent de mauvaise humeur. Même si cela ne lui aurait pas fait de malt. Mais en tant que navigatrice du Nostromo, elle était la principale responsable de leur retour à la maison, et c'était la plus importante et la plus souhaitable des collaborations qu'un homme puisse imaginer.

Brett n'était répertorié que comme technicien en ingénierie. C'était une façon de dire qu'il était aussi intelligent et compétent que Parker, mais qu'il manquait d'ancienneté. Les deux hommes formaient une paire étrange, inégale et totalement différente pour des gens non avertis. Pourtant, ils coexistaient et fonctionnaient ensemble en douceur. Leur succès comme amis et collègues était dû en grande partie au fait que Brett ne s'était jamais immiscé dans la vie mentale de Parker. Le technard était aussi solennel et flegmatique dans sa façon de voir et de parler que Parker était volubile et instable. Parker pouvait râler pendant des heures sur la défaillance d'un circuit de micro-puce, renvoyant ses ancêtres à la terre dont les constituants de terre rare avaient été extraits. Alors que Brett ponctuait placide : "right".

Pour Brett, ce seul mot était bien plus qu'une simple déclaration d'opinion. C'était une affirmation de soi. Pour lui, le silence était la forme de communication la plus propre. Dans la loquacité résidait le délire.

Et puis il y avait Ash. Ash était l'officier scientifique, mais ce n'était pas ce qui rendait ses rêves si drôles : particulièrement drôles, super drôles ha-ha ! Ses rêves étaient les plus professionnellement organisés de tout l'équipage. De tous, c'est celui qui se rapprochait le plus de son état éveillé. Les rêves de Ash ne contenaient absolument aucune illusion.

Ce n'était pas surprenant si vous connaissiez vraiment Ash. Mais aucun de ses six coéquipiers ne le connaissait. Mais lui, Ash, se connaissait bien. Si on lui avait demandé, il aurait pu vous dire pourquoi il n'avait jamais pu devenir tisseur de rêves. Personne n'avait jamais pensé à lui demander, malgré le fait que l'officier scientifique ait bien montré combien le tissage de rêves semblait plus fascinant pour lui que pour n'importe lequel d'entre eux.

Oh, et il y avait aussi le chat. Il s'appelait Jones. Un chat domestique très ordinaire, ou, dans ce cas, un chat de vaisseau. Jones était un gros matou jaune aux origines incertaines et à la personnalité indépendante, depuis longtemps habitué aux aléas des voyages spatiaux et aux particularités des humains qui voyageaient dans l'espace. Il dormait lui aussi d'un sommeil froid et faisait de simples rêves de lieux chauds et sombres et de souris soumises à la gravité.

De tous les rêveurs à bord, il était le seul à être satisfait, bien qu'on ne puisse pas le qualifier d'innocent.

Il est dommage qu'aucun d'entre eux n'ait eu la qualification de tisseur de songes, car chacun d'eux disposait de plus de temps pour rêver dans le cadre de son travail que n'importe quelle douzaine de professionnels, ceci malgré le ralentissement de leur rythme de rêve par le sommeil froid. Tout ça de par la nécessité de leur principale occupation, le rêve. Un équipage de l'espace lointain ne peut rien faire dans les congélateurs, si ce n'est dormir et rêver. Ils resteraient peut-être à jamais des amateurs, mais ils étaient depuis longtemps devenus très compétents.

Ils étaient sept. Sept rêveurs tranquilles à la recherche d'un cauchemar.

Bien qu'il possède une sorte de conscience, le Nostromo ne rêvait pas. Il n'en avait pas besoin, pas plus qu'il n'avait besoin de l'effet de conservation des congélateurs. S'il rêvait, ces rêveries devaient être brèves et fugaces, car il ne dormait jamais. Il travaillait, entretenait, et faisait en sorte que son complément humain en hibernation ait toujours une longueur d'avance sur une mort, toujours prête, qui suivait le sommeil froid comme un vaste requin gris derrière un navire en mer.

Les preuves de la vigilance mécanique incessante du Nostromo se trouvaient partout sur le navire silencieux, dans les doux bourdonnements et les lumières qui formaient une sensibilité instrumentale qui imprégnait le tissu même du vaisseau, prolongeait les capteurs pour vérifier chaque circuit et chaque jambe de force. Elle avait aussi des capteurs à l'extérieur, surveillant le pouls du cosmos. Les capteurs s'étaient fixés sur une anomalie électromagnétique.

Une partie du cerveau de Nostromo était particulièrement habile à extraire le sens des anomalies. Il avait soigneusement mâché celle-ci, trouvé le goût déroutant, examiné les résultats de l'analyse et pris une décision. Des instruments endormis furent activés, des circuits dormants régulèrent à nouveau le flux d'électrons. Pour célébrer cette décision, des banques de lumières brillantes clignotèrent, signes de vie d'une respiration mécanique agitée.

Un bip sonore caractéristique retentit, bien qu'il n'y ait encore que des tympans artificiels pour entendre et reconnaître. C'était un son que l'on n'avait plus entendu sur le Nostromo depuis un certain temps, et il signifiait un événement peu fréquent.

Au milieu de tous ces clics et ces flashs, dispositifs qui conversent entre eux, se trouvait une pièce spéciale. Dans enceinte de métal blanc se trouvaient sept cocons métal-plastique de couleur neige.

Un nouveau bruit emplit la pièce, une expiration explosive la remplissait d'une atmosphère fraîchement nettoyée et respirable. L'humanité s'était volontairement placée dans cette position, faisant confiance à de petits dieux de fer blanc comme le Nostromo pour lui fournir le souffle de vie quand elle ne pouvait pas le faire elle-même. Des extensions de cet électronique mi-sensible testaient maintenant l'air nouvellement exsudé et le déclarèrent satisfaisant pour maintenir la vie de ces organismes minables, les hommes. D'autres lumières s'allumèrent, d'autres connexions se fermèrent. Sans fanfare, les couvercles des sept chrysalides s'ouvrirent, et les formes de chenilles qui s'y trouvaient commencèrent à émerger dans la lumière.

Auteur: Foster Alan Dean

Info: Alien, le 8e passager, Chapitre 1 : Sept rêveurs. Trad Mg. Il fut demandé à Foster, après le grand succès du film, d'en faire un livre.

[ novélisation ] [ science-fiction ] [ galerie de personnages ] [ maîtrise du rêveur ]

 
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