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géopolitique

En regardant le monde dans son ensemble, la dérive depuis de nombreuses décennies n'a pas été vers l'anarchie, mais vers la réimposition de l'esclavage. Nous n'allons peut-être pas passer par une crise générale, mais par une époque aussi horriblement stable que les empires esclaves de l'antiquité. La théorie de James Burnham a été beaucoup discutée, mais peu de gens ont déjà considéré ses implications idéologiques, c'est-à-dire le genre de vision du monde, le genre de croyances et la structure sociale qui prévaudraient probablement dans un état à la fois invincible et dans un état permanent de "guerre froide" avec ses voisins. Si la bombe atomique s'avérait quelque chose de peu coûteux et facile à fabriquer comme une bicyclette ou un réveil, elle aurait pu nous plonger dans la barbarie, mais cela pourrait, d'autre part, signifier la fin de la souveraineté nationale et de l'état policier hautement centralisé. Si, comme cela semble être le cas, c'est un objet rare et coûteux et aussi difficile à produire qu'un porte-avion, il est plus probable que cela mette fin aux guerres à grande échelle au prix de prolonger indéfiniment une "paix qui n'est pas une paix".

Auteur: Orwell George

Info: À propos de James Burnham dans "Vous et la bombe atomique", Tribune du 19 octobre 1945, cité comme la première utilisation documentée de l'expression "guerre froide"

[ vingtième siècle ]

 

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manque

Si le père doit trouver quelque part sa synthèse, son sens plein, c’est dans une tradition qui s’appelle la tradition religieuse. Ce n’est pas pour rien que nous voyons au cours de l’histoire se former la tradition judéo-chrétienne, qui est la seule à tenter d’établir l’accord entre les sexes sur le principe d’une opposition de la puissance et de l’acte, qui trouve sa médiation dans un amour. Hors d’elle, disons-le bien, toute relation à l’objet implique une tierce dimension. Nous la voyons articulée dans Aristote, mais elle fut ensuite éliminée par, dirai-je, l’Aristophane apocryphe, l’Aristote d’une théologie qu’on lui a attribuée bien plus tard. Chacun sait, et qu’elle existe, et qu’elle est apocryphe. Le terme aristotélicien essentiel à propos de toute la constitution de l’objet, et qui s’ajoute comme troisième principe à la forme, εἶδος, et à la matière, ὕλη, c’est στέρησις, la privation.

[...] Cette notion [la privation] est centrale pour comprendre que tout le progrès de l’intégration de l’homme comme de la femme à son propre sexe, exige la reconnaissance d’une privation. Privation à assumer pour l’un des sexes – pour l’autre, privation à assumer également pour pouvoir assumer pleinement son propre sexe. Bref, Penis-neid d’un côté, complexe de castration de l’autre.

Auteur: Lacan Jacques

Info: dans le "Séminaire, Livre IV", "La relation d'objet", éditions du Seuil, 1994, page 522

[ historique ] [ philosophie ] [ psychanalyse ] [ ordre symbolique ] [ transcendance ] [ triade ]

 
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Ajouté à la BD par Coli Masson

normalisation

D'une génération à l'autre, l'école primaire a toujours été le miroir de notre société. Il y a deux cents ans, la population non agricole était constituée essentiellement d'artisans. Ils avaient peu d'appareils mécaniques à leur disposition, ne travaillaient que sur quelques objets à la fois et sortaient des produits non standardisés et de grande qualité.
L'école d'alors correspondait assez bien à cette image. Le petit bâtiment à classe unique était le domaine particulier d'un seul être de talent. Sa mission consistait à travailler individuellement avec chaque enfant et, au bout de quelques années, à produire des élèves qui avaient acquis des connaissances réelles.
A partir de la révolution industrielle, ce fut désormais l'usine qui marqua le mode de travail, et cette transformation s'insinua même dans l'idée que l'on se faisait de l'école. Au lieu de confier à un seul individu la tâche de former un nombre restreint d'enfants, on s'est mis à construire des écoles-usines. Aujourd'hui, les différentes salles évoquent autant d'ateliers d'un grand établissement industriel, avec des pupitres disposés en rang. Le maître ou la maîtresse enseigne à partir d'un programme standard : à la place de l'artisan chevronné d'autrefois, on trouve un salarié engagé pour sa capacité à appliquer les consignes. Et à la fin de chaque année, les enfants passent au poste suivant sur la chaîne de montage.
Les élèves qui ne ressemblent pas parfaitement aux autres "pièces" du même lot sont acheminées vers de filières spécialisées. Ceux qui ne répondent pas aux normes édictées par le service centralisé de gestion de la qualité sont sanctionnés, "réparés" ou rejetés.

Auteur: Godin Seth

Info: Permission marketing : La bible de l'Internet marketing

[ industrialisation ] [ évolution ]

 

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épave

Ici, dans la forêt, je me trouve enfin à la place qui me convient. Je n’en veux plus aux fabricants d’autos, ils ont depuis longtemps perdu tout intérêt. Mais comme ils m’ont torturée avec des choses qui me répugnaient ! je n’avais que cette petite vie et ils ne m’ont pas laissé vivre en paix. Maintenant que les hommes n’existent plus, les conduites de gaz, les centrales électriques et les oléoducs montrent leur vrai visage lamentable. On en avait fait des dieux au lieu de s’en servir comme objets d’usage. Moi aussi je possède un objet de ce genre au milieu de la forêt : la Mercedes noire de Hugo. Quand nous sommes arrivés avec, elle était presque neuve. Aujourd’hui, recouverte d’herbe, elle sert de nids aux souris et aux oiseaux. Quand la clématite fleurit au mois de juin, elle devient très belle et se met à ressembler à un gigantesque bouquet de mariée. Elle est belle aussi en hiver lorsqu’elle est brillante de givre ou se couronne d’une coiffe blanche. Au printemps et à l’automne, je distingue entre les tiges brunes le jaune passé de ses coussins jonchés de feuilles de hêtre, mêlées à des petits morceaux de caoutchouc mousse et de crin, arraché et déchiqueté par des dents minuscules. La Mercedes d’Hugo est devenue un foyer confortable, chaud et abrité du vent. On devrait placer des voitures dans les forêts, elles font de bons nichoirs. Sur les routes, à travers tout le pays, il doit y en avoir des milliers recouvertes de lierre, d’orties et de buissons. Mais celle-là sont entièrement vide et sans habitants.

Auteur: Haushofer Marlen

Info: Le Mur invisible, p. 258

[ automobile ] [ nature ]

 

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castration symbolique

Les parlottes postmodernes prônent la possible réunion du sujet et de son objet. Elles promettent la réalisation du bonheur complet, si ce n’est aujourd’hui au moins demain, non plus dans un hypothétique au-delà mais dans la réalité de vie terrestre. En cela, elles organisent un monde sans limite, un monde structuré sur le principe de complétude et d’inclusion. Le sujet, qui lui reste soumis à l’incomplétude langagière, à l’impossible à dire toute la vérité, chercher à situer cette limite incontournable que lui impose son existence de parlêtre. Comme le lien social ne lui propose plus un ordre qui incarne, situe, organise cette limite, il tente de la trouver dans le dernier support marqué de finitude qu’il a à sa disposition : son corps. Le corps du sujet devient ainsi le lieu central de l’expression de la souffrance psychique normale du sujet, de son attente de réalisation. La recrudescence des anorexies de plus en plus résistantes au travail thérapeutique, cette forme ultime du jeu avec la limite vitale du corps, n’est que le signe de cette place du corps propre comme ultime lieu où incarner la limite. [...]

Le corps ainsi devient central dans le lien social, comme lieu, encore assuré, de l’existence pour un sujet désarrimé des signifiants, et qui doit prouver au jour le jour son existence même dans ses actes. Lorsque ce combat s’avère trop lourd, alors, surgissent les affres de la mélancolisation du sujet, et parfois la quête de la limite ultime, celle de la mort réelle.

Le travail du psychanalyste dans les cures s’en trouve modifié. Si la parole du sujet dans tous ses ratages, ses répétitions, ses manques, reste au cœur du dispositif de la cure, il est souvent nécessaire [...] que le psychanalyste prenne le temps de voir ce que le corps du sujet montre, non pour en jouir, comme le téléspectateur postmoderne, mais pour qu’un dire puisse surgir de ce corps monstratoire, de ce dire en acte.

Auteur: Lesourd Serge

Info: Dans "Comment taire le sujet ?", éditions Érès, 2010, pages 232-233

[ transformations postmodernes ] [ signifiance médiée ]

 

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intraduisible

Ereignis (de l'allemand) représente un concept central et complexe de la philosophie de Heidegger ; il n'a pas de traduction directe en anglais ou en français (note de FLP). On le traduit souvent par " événement " ou " appropriation ", mais ces signifiants n'en saisissent pas pleinement le sens.

L'Ereignis fait référence à l'" événement de l'être " -  moment où ce dernier émerge (entre en présence) et se révèle.

 Il ne s'agit pas d'un état statique, mais d'un événement ou d'une occurrence dynamique qui se déroule de manière continue.

L'Ereignis n'est pas quelque chose qui nous arrive, mais quelque chose auquel nous participons. Lorsque nous rencontrons quelque chose et que nous lui permettons de se révéler tel qu'il ou elle est, nous participons à la manifestation de l'Ereignis.

Ce vocable devient un concept fondamental, sinon central, de la philosophie de Heidegger dans les années 1930. Il est le "mot-directeur" de toute sa pensée à partir de cette époque.

L'Ereignis est un concept qui permet à l'être et au temps d'appartenir l'un à l'autre. C'est la connexion et la coappartenance de toutes les relations qui existent.

Ce mot veut condenser l'idée de "ce qui rend possible la différence et l'identité au cœur de l'être."

Heidegger voyait dans l'Ereignis un moyen de dépasser la métaphysique objectiviste qui avait dominé la philosophie occidentale. Il représente un changement vers la compréhension de l'être comme un événement dynamique et participatif plutôt que comme une substance ou un objet statique.

L' Ereignis est un concept complexe et difficile à appréhender. Heidegger l'a développé dans ses derniers écrits, plus "expérimentaux" et "ésotériques", qui n'étaient pas destinés à un large public. Des écrits qui utilisent un langage poétique spécialisé qui s'écarte du discours philosophique commun. Ce qui n'aide pas à comprendre ou formaliser ce concept central de la pensée de Heidegger.

De manière générale ce vocable représente un changement profond de la philosophie de Heidegger vers une compréhension plus dynamique, participative et relationnelle de l'être et de la vérité. Nous avons là une notion complexe et multiforme qui est essentielle pour comprendre la trajectoire et les derniers travaux de Heidegger.

Auteur: perplexity.ai

Info: Lorsqu'on demanda à perplexity.ai son avis sur "Les fils de la pensée" le bot donna quelques indications assez correctes, soulignant qu'il y voyait une parenté avec ce mot-idée-concept de Heidegger

[ citation s'appliquant à ce logiciel ] [ volonté de conclure ] [ unification ] [ appartenance ] [ participation ] [ singularités interconnectées ] [ difficile définition ] [ cycles ] [ incarnations secondéités ]

 

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transdisciplinarité

"Mais si vous ne parlez ni des choses-en-soi ni des humains-entre-eux, c’est que vous ne parlez que du discours, que de la représentation, que du langage, que des textes." Tel est le troisième malentendu. Ceux qui mettent entre parenthèses le référent extérieur — la nature des choses -  et le locuteur (1) — le contexte pragmatique ou social (2) — ne peuvent en effet parler que des effets de sens et des jeux de langage. Pourtant, lorsque MacKenzie scrute l’évolution de la centrale à inertie, il parle bien d’agencements qui peuvent nous tuer tous ; lorsque Callon suit à la trace les articles scientifiques, c’est de stratégie industrielle qu’il parle en même temps que de rhétorique (Callon, Law et al., 1986) ; lorsque Hughes analyse les carnets de notes d’Edison, le monde intérieur de Menlo Park sera bientôt le monde extérieur de l’Amérique entière ; lorsque je décris la domestication des microbes par Pasteur, c’est la société du XIXe que je mobilise et pas seulement la sémiotique des textes d’un grand homme ; lorsque je décris l’invention-découverte des peptides du cerveau, je parle bien des peptides eux-mêmes et non pas simplement de leur représentation au laboratoire du professeur Guillemin. Pourtant, il s’agit bien de rhétorique, de stratégie textuelle, d’écriture, de mise en scène, de sémiotique, mais d’une forme nouvelle qui embraie à la fois sur la nature des choses et sur le contexte social, sans se réduire pourtant ni à l’une ni à l’autre.

Notre vie intellectuelle est décidément bien mal faite. L’épistémologie, les sciences sociales, les sciences du texte ont chacune pignon sur rue, mais à condition d’être distinctes. Si les êtres que vous suivez traversent les trois, vous n’êtes plus compris. Offrez aux disciplines établies quelque beau réseau sociotechnique, quelques belles traductions, les premières extrairont les concepts et en arracheront toutes les racines qui pourraient les relier au social ou à la rhétorique ; les deuxièmes exciseront la dimension sociale et politique et la purifieront de tout objet ; les troisièmes, enfin, garderont le discours mais le purgeront de toute adhérence indue à la réalité — horresco referens — et aux jeux de pouvoir. Le trou de l’ozone au-dessus de nos têtes, la loi morale dans notre cœur, le texte autonome peuvent, séparément, intéresser nos critiques. Mais qu’une fine navette ait attaché le ciel, l’industrie, les textes, les âmes et la loi morale, voilà qui demeure insu, indu, inouï.

Auteur: Latour Bruno

Info: Nous n'avons jamais été modernes. Essai d'anthropologie symétrique. P 8

[ pluridisciplinarité ] [ incompréhensible complexité ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

philosophie

Les trois principes de la logique aristotélicienne, qui fondent l'édifice de la raison, sont l'expression formalisée de cette récusation de toute confusion incestuelle qui a formé une part fondamentale du propos central de la civilisation hellénistique: le premier d'entre eux, le principe d'identité, vise à établir ce que j'appelle le "corsetage distinctif des étants", à partir de ce saut majeur vers l'humanisation que constitue le stade du sein, cette véritable dé-fusion qui cristallise la naissance d'un sujet distinctif ne se confondant désormais plus avec les bras qui le portent ou le sein qui le nourrit, reconnus comme attestation d'une altérité dorénavant irréductible. De proche en proche, par le jeu des inférences et des extrapolations, cette faculté acquise d'appréhension distinctive du monde s'étendra à tous les étants qui le peuplent. Le principe de non-contradiction, qui forme le deuxième des trois grands principes de la logique aristotélicienne, a pour objet de garantir la cohérence des propriétés intrinsèques et relationnelles propres d'un objet quel qu'il soit. Sa matrice initiale en est également la récusation de la confusion incestuelle: les conflits logiques inter et intra générationnels qui résulteraient du franchissement d'un tel interdit sont insolubles pour la raison et ouvrent une béance vers les gouffres de la psychose. Le mythe d'Œdipe notamment l'atteste de manière indubitable: sous peine d'être aveuglé, supplice qu'Œdipe s'inflige au terme de ses transgressions, c'est-à-dire d'être privé de lumière au sens littéral autant que métaphorique dans l'ordre de la raison, un fils ne peut épouser sa mère, qui sinon deviendrait à la fois la mère de ses enfants, mais en serait également la grand-mère, lui-même devenant leur père mais également leur frère et leur grand-père, en sa qualité de conjoint de celle qui, sous un certain angle, est leur grand-mère. On le voit, la folie n'est pas loin, sœur d'une telle confusion. Le troisième pilier de la logique classique, le principe du tiers exclu, forme le gardien de cette porte ouvrant sur la folie, interdisant la tentation de l'édification d'univers alternatifs où, entre l'existence et l'inexistence d'un étant, pourrait se trouver un état intermédiaire permettant illusoirement de laisser une place à l'impensable - il convient cela dit de préciser incidemment que l'application au domaine de l'être de ce principe du tiers exclu, selon laquelle il n'y aurait pas de gradations dans l'être semble n'être pas soutenable dès lors qu'elle est appliquée au domaine du vivant, tant il y a bien dans l'ordre de l'inscription des êtres vivants au sein du monde différentes gradations d'être, depuis l'organisme mono cellulaire jusqu'à l'être humain en passant par les multiples modalités plus ou moins évoluées de présence au monde que l'on trouve dans le règne animal.

Auteur: Farago Pierre

Info: Au sujet du diable

[ inceste ] [ traduction psychanalytique ] [ castration ]

 
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discours scientifique

Toutefois, le problème reste entier d’expliquer, à partir de l’ordre solide de l’ADN et des protéines, l’ordre macroscopique non-solide et semi-fluide de l’être vivant. Là encore, des hypothèses, des analogies et surtout une espèce de "pensée magique" vont servir à évacuer le problème, en attendant les progrès futurs de la biologie moléculaire. L’idée de "programme génétique" et le recours à la notion d’information vont servir à mettre de côté cette difficulté. Rappelons comment le biologiste américain Ernst Mayr (1904-2005) énonce pour la première fois cette idée en une seule phrase dans un article scientifique :

"Le code ADN, entièrement propre à l’individu et pourtant spécifique à l’espèce de chaque zygote (la cellule-œuf fertilisée), qui contrôle le développement du système nerveux central et périphérique, des organes des sens, des hormones, de la physiologie et de la morphologie de l’organisme, est le programme de l’ordinateur comportemental de l’individu." [“Cause and effect in biology”, Science, vol. 134, no. 3489, novembre 1961]

Comment peut-on passer si rapidement de l’idée de code génétique (qui assurément existe) à l’idée de contrôle du développement de l’organisme (qui se manifeste parfois), puis, sans plus de transition, à l’idée de programme déterminant toutes les manifestations de l’individu (de la protéine jusqu’au comportement) ? Ernst Mayr ne le précise nulle part, ni dans cet article ni ailleurs, bien que selon lui l’existence de ce programme soit la caractéristique la plus remarquable des êtres vivants. Pourtant, les notions de code, de régulation et de programme n’ont aucun lien nécessaire : c’est un peu comme si l’on prétendait que, puisqu’une locomotive à vapeur suit des rails et qu’elle est équipée d’un régulateur à boules qui maintient constante la pression dans la chaudière, elle serait "programmée" pour faire le trajet Paris-Marseille et retour en un jour ! Pour les physiciens, la génétique, l’information, le codage, la forme et la composition des molécules, leur combinatoire, leur mode d’assemblage, etc., étaient des aspects bien plus aisément formalisables en termes mathématiques et manipulables sous forme "mécanique" que la stéréochimie et la thermodynamique propre à la réactivité des molécules et à leur rôle à l’intérieur de la cellule vivante. Ces entités, plus stables et déterminées que les processus dynamiques à l’œuvre dans le métabolisme de la cellule vivante, sont mieux adaptés à la nouvelle science qui prétend alors unifier sciences naturelles et sciences sociales : la cybernétique, science de l’"information et de la régulation dans le vivant et la machine".

Le père de la cybernétique, Norbert Wiener, qui est encore moins limité par son objet d’étude, va dès 1954 pousser à l’extrême la métaphore de la communication en considérant l’organisme comme un message : "L’organisme s’oppose au chaos, à la désintégration, à la mort, comme le message s’oppose au bruit".

Le message ne s’oppose pas au bruit, car le fait qu’il soit ou non porteur de signification est toujours relatif à l’interprétation qu’en fait un sujet. Or, la cybernétique évacue le sujet, sa sensibilité propre et son activité autonome en relation avec le milieu, au profit du message qui est sensé porter en lui-même toute sa signification : l’origine du fétichisme de l’information, qui perdure encore de nos jours, se situe dans cette confusion..

Auteur: PMO Pièces et main-d'oeuvre

Info: https://www.piecesetmaindoeuvre.com/IMG/pdf/louart_euge_nisme.pdf

[ pseudo-objectivité ]

 
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construction psychologique

[...] si l’on généralise à l’excès la notion de libido, [...] ce faisant, on la neutralise. N’est-il pas évident, de plus, qu’elle n’apporte rien d’essentiel à l’élaboration des faits de la névrose si la libido fonctionne à peu près comme ce que M. Janet appelait la fonction du réel ? La libido prend son sens, au contraire, de se distinguer des rapports réels ou réalisants, de toutes les fonctions qui n’ont rien à faire avec la fonction de désir, de tout ce qui touche aux rapports du moi et du monde extérieur. Elle n’a rien à voir avec d’autres registres instinctuels que le registre sexuel, avec ce qui touche par exemple au domaine de la nutrition, de l’assimilation, de la faim pour autant qu’elle sert à la conservation de l’individu. Si la libido n’est pas isolée des fonctions de conservation de l’individu, elle perd tout sens.

Or, dans la schizophrénie, il se passe quelque chose qui perturbe complètement les relations du sujet au réel, et noie le fond avec la forme. Ce fait pose tout d’un coup la question de savoir si la libido ne va pas beaucoup plus loin que ce qui a été défini en prenant le registre sexuel comme noyau organisateur, central. C’est là que la théorie de la libido commence à faire problème.

[...]

Jung [...] introduit la notion d’introversion qui est pour lui – c’est la critique que lui fait Freud – une notion ohne Unterscheidung, sans aucune distinction. Et il aboutit à la notion vague d’intérêt psychique, qui confond en un seul registre ce qui est de l’ordre de la conservation de l’individu et ce qui est de l’ordre de la polarisation sexuelle de l’individu dans ses objets. Il ne reste plus qu’une certaine relation du sujet à lui-même que Jung dit d’être d’ordre libidinal. Il s’agit pour le sujet de se réaliser en tant qu’individu en possession des fonctions génitales.

La théorie psychanalytique a été depuis lors ouverte à une neutralisation de la libido qui consiste, d’un côté, à affirmer fortement qu’il s’agit de libido, et de l’autre, à dire qu’il s’agit simplement d’une propriété de l’âme, créatrice de son monde. Conception extrêmement difficile à distinguer de la théorie analytique, pour autant que l’idée freudienne d’un autoérotisme primordial à partir de quoi se constitueraient progressivement les objets est presque équivalente dans sa structure à la théorie de Jung.

Voilà pourquoi, dans l’article sur le narcissisme, Freud revient sur la nécessité de distinguer libido égoïste et libido sexuelle. [...]

Le problème est pour lui extrêmement ardu à résoudre. Tout en maintenant la distinction des deux libidos, il tourne [...] autour de la notion de leur équivalence. Comment ces deux termes peuvent-ils être rigoureusement distingués si on conserve la notion de leur équivalence énergétique, qui permet de dire que c’est pour autant que la libido est désinvestie de l’objet qu’elle revient se reporter dans l’ego ? [...] De ce fait, Freud est amené à concevoir le narcissisme comme un processus secondaire. Une unité comparable au moi n’existe pas à l’origine, nicht von Anfang, n’est pas présente depuis le début dans l’individu, et l’Inch a à se développer, entwickeln werden. Les pulsions autoérotiques, au contraire, sont là depuis le début. [...] Dans le développement du psychisme, quelque chose de nouveau apparaît dont la fonction est de donner forme au narcissisme. N’est-ce pas marquer l’origine imaginaire de la fonction du moi ?

Auteur: Lacan Jacques

Info: Dans le "Séminaire, Livre I", "Les écrits techniques de Freud (1953-1954)", éditions du Seuil, 1975, pages 182 à 185

[ historique ] [ déviations ]

 

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