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colonialisme

Des formes noires, parmi les arbres, étaient accroupies, gisantes ou assises, appuyées contre les troncs, collées à la terre, moins indiquées qu’effacées par la lumière trouble, dans toutes les postures de la douleur, de l’accablement et du désespoir. Un nouveau coup de mine éclata sur la falaise suivi par un léger frémissement du sol sous mes pieds. L’œuvre se poursuivait. L’œuvre !… Et ceci était l’endroit où certains de ses serviteurs s’étaient retirés pour mourir.
Ils mouraient lentement ; aucun doute là-dessus. Ce n’était pas des ennemis, ce n’était pas des criminels ; ils n’étaient plus quoi que ce fût dans ce monde désormais, rien que les ombres noires de la maladie et de l’épuisement, répandues confusément dans la pénombre verdâtre. Amenés de tous les points de la côte, en vertu de ce qu’il y a de plus régulier dans les contrats d’engagement à terme, dépaysés dans un milieu contraire soumis à un régime inaccoutumé, ils ne tardaient pas à dépérir, cessaient d’être utiles et dès lors étaient autorisés à se traîner jusqu’ici et à reposer. Ces formes moribondes étaient libres comme l’air et presque aussi diaphanes. Je commençai à distinguer la lueur de leurs yeux sous les arbres. Ensuite en regardant à mes pieds, j’aperçus un visage tout près de ma main. La noire ossature était étendue de toute sa longueur, l’épaule contre un arbre ; avec lenteur, les paupières se soulevèrent ; les yeux creux me considérèrent, énormes et vides : il y eut une sorte de clignotement aveuglé dans la profondeur des orbites, elle s’éteignit peu à peu.

Auteur: Conrad Joseph Teodor Korzeniowski

Info: Au coeur des ténèbres

[ afrique ] [ oppression ] [ agonie ]

 
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prolétariat

Plus les salaires sont bas, plus les conditions sont abusives. Les travailleurs des secteurs de l’alimentation et de l’hôtellerie, de l’agriculture, de la construction, des services domestiques, des centres d’appels, de l’industrie du vêtement, des entrepôts, de la vente au détail, des services de pelouse, des prisons, de la santé et d’aide à la personne sont les plus touchés. Walmart, par exemple, qui emploie près de 1 % de la main-d’œuvre américaine (1,4 million de travailleurs), interdit les conversations de couloir qu’il qualifie de "vol de temps". Le géant de l’industrie alimentaire Tyson empêche ses travailleurs de prendre des pauses toilette, ce qui les oblige à uriner sur eux-mêmes ; en conséquence, certains travailleurs doivent porter des couches. Les travailleurs plus âgés et intérimaires qu’Amazon emploie souvent sont soumis à des cadences exténuantes de 12 heures d’affilé au cours desquelles les moindres faits et gestes de l’employé sont scrutés électroniquement en vue de maintenir la productivité horaire. Certains travailleurs d’Amazon marchent des kilomètres sur un sol en béton et doivent souvent s’agenouiller pour faire leur travail. Ils souffrent souvent de blessures handicapantes suite à cela. Les employés blessés signent des décharges (indiquant que les blessures constatées ne sont pas liées au travail) avant de se faire licencier. Deux tiers des travailleurs des secteurs à bas salaires sont victimes de vols de salaires, perdant un montant estimé à 50 milliards de dollars par an. De 4 à 14 millions de travailleurs américains, sous la menace de réductions salariales, de fermetures d’usines ou de licenciements, ont subi des pressions de la part de leurs employeurs pour soutenir des candidats et des causes politiques favorables aux entreprises.

Auteur: Hedges Christopher Lynn

Info:

[ oppression ] [ néolibéralisme ] [ profit ] [ rationalisation ]

 
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abrutissement

[...] contrairement à une opinion répandue même chez les gens cultivés, les prophéties de Huxley et Orwell sont très différentes l'une de l'autre. Orwell nous avertit du risque que nous courons d'être écrasés par une force oppressive externe. Huxley, dans sa vision, n'a nul besoin de faire intervenir un Big Brother pour expliquer que les gens seront dépossédés de leur autonomie, de leur maturité, de leur histoire. Il sait que les gens en viendront à aimer leur oppression, à adorer les technologies qui détruisent leur capacité de penser. Orwell craignait ceux qui interdiraient les livres. Huxley redoutait qu'il n'y ait même plus besoin d'interdire les livres car plus personne n'aurait envie d'en lire. Orwell craignait ceux qui nous priveraient de l'information. Huxley redoutait qu'on ne nous en abreuve au point que nous en soyons réduits à la passivité et à l'égoïsme. Orwell craignait qu'on ne nous cache la vérité. Huxley redoutait que la vérité ne soit noyée dans un océan d'insignifiances. Orwell craignait que notre culture ne soit prisonnière. Huxley redoutait que notre culture ne devienne triviale, seulement préoccupée de fadaises. Car, comme le faisait remarquer Huxley dans "Brave new world revisited", les défenseurs des libertés et de la raison, qui sont toujours en alerte pour s'opposer à la tyrannie, "ne tiennent pas compte de cet appétit quasi insatiable de l'homme pour les distractions". Dans "1984", ajoutait Huxley, le contrôle sur les gens s'exerce en leur infligeant des punitions ; dans "Le meilleur des mondes", il s'exerce en leur infligeant du plaisir. En bref, Orwell craignait que ce que nous haïssons ne nous détruise ; Huxley redoutait que cette destruction ne nous vienne plutôt de ce que nous aimons.

Auteur: Postman Neil

Info: Se distraire à en mourir, Le thème de cet ouvrage, repose sur l'idée que Huxley avait vu plus juste qu'Orwell

[ oppression ] [ comparaison ] [ homo festivus ] [ dualité ]

 

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interactions

A Chloé, grande ville, les gens qui circulent dans les rues sont tous des inconnus. À chaque rencontre, ils imaginent mille choses les uns sur les autres ; des rencontres qui pourraient avoir lieu entre eux, des conversations, des surprises, des caresses, des morsures. Mais personne ne salue personne ; les yeux se bloquent une seconde, puis s'éloignent, cherchent d'autres yeux, ne s'arrêtent jamais. Une jeune fille s'avance, qui fait tournoyer une ombrelle sur son épaule, faisant aussi légèrement tournoyer ses hanches arrondies. Une femme en noir déboule, affichant son âge, yeux agités sous son voile, lèvres tremblantes. Un géant tatoué arrive ; un jeune homme aux cheveux blancs ; une femme naine ; deux filles, des jumelles, habillées de corail. Quelque chose court entre eux, échanges de regards comme des lignes qui relient une figure à une autre et dessinent des flèches, des étoiles, des triangles, jusqu'à ce que toutes les combinaisons soient épuisées en un instant, alors que d'autres personnages entrent en scène : un aveugle avec un guépard en laisse, une courtisane avec un éventail à plumes d'autruche, un éphèbe, une grosse femme. Et ainsi, lorsque quelques personnes se trouvent par hasard réunies, s'abritant de la pluie sous une arcade, ou se pressent sous un auvent de bazar, ou arrêtées pour écouter des musiciens, des rencontres, séductions, copulations, des orgies se consomment entre elles sans qu'un mot soit échangé, sans qu'un doigt ne touche quoi que ce soit, presque sans qu'un œil soit levé.

Une vibration voluptueuse agite constamment Chloé, la plus chaste des villes. Si les hommes et les femmes commençaient à vivre leurs rêves éphémères, chaque fantôme deviendrait une personne avec laquelle débuter une histoire de poursuites, de faux-semblants, de malentendus, de heurts, d'oppressions, et le carrousel des fantasmes s'arrêterait.

Auteur: Calvino Italo

Info: Villes invisibles

[ foule ] [ mégapole ] [ rapports humains ] [ fugacité ] [ potentialités ] [ anonymat ] [ cité imaginaire ]

 

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endoctrinement

Les écoles normales primaires étaient à cette époque de véritables séminaires, mais l'étude de la théologie y était remplacée par des cours d'anticléricalisme.

On laissait entendre à ces jeunes gens que l'Église n'avait jamais été rien d'autre qu'un instrument d'oppression, et que le but et la tâche des prêtres, c'était de nouer sur les yeux du peuple le noir bandeau de l'ignorance, tout en lui chantant des fables, infernales ou paradisiaques.

La mauvaise foi des "curés" était d'ailleurs prouvée par l'usage du latin, langue mystérieuse, et qui avait, pour les fidèles ignorants, la vertu perfide des formules magiques.

La Papauté était dignement représentée par les deux Borgia, et les rois n'étaient pas mieux traités que les papes : ces tyrans libidineux ne s'occupaient guère que de leurs concubines quand ils ne jouaient pas au bilboquet ; pendant ce temps, leurs "suppôts" percevaient des impôts écrasants, qui atteignaient jusqu'à dix pour cent des revenus de la nation.

C'est-à-dire que les cours d'histoire étaient élégamment truqués dans le sens de la vérité républicaine.

Je n'en fais pas grief à la République : tous les manuels d'histoire du monde n'ont jamais été que des livrets de propagande au service des gouvernements.

Les normaliens frais émoulus étaient donc persuadés que la grande Révolution avait été une époque idyllique, l'âge d'or de la générosité, et de la fraternité poussée jusqu'à la tendresse : en somme, une explosion de bonté.

Je ne sais pas comment on avait pu leur exposer — sans attirer leur attention — que ces anges laïques, après vingt mille assassinats suivis de vol, s'étaient entre-guillotinés eux-mêmes.

Il est vrai, d'autre part, que le curé de mon village, qui était fort intelligent, et d'une charité que rien ne rebutait, considérait la Sainte Inquisition comme une sorte de Conseil de famille : il disait que si les prélats avaient brûlé tant de Juifs et de savants, ils l'avaient fait les larmes aux yeux, et pour leur assurer une place au Paradis.

Telle est la faiblesse de notre raison : elle ne sert le plus souvent qu'à justifier nos croyances.

Auteur: Pagnol Marcel

Info: La gloire de mon père

[ éducation ] [ idéologie ] [ lavage de cerveaux ] [ anti-religion ]

 

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oppression

Toutes les forêts s'emplissent de voix tonnantes! Tocsin! tocsin! Que de chaque maison il sorte un soldat ; que le faubourg devienne régiment ; que la ville se fasse armée. Les prussiens sont huit cent mille, vous êtes quarante millions d'hommes. Dressez-vous, et soufflez sur eux ! Lille, Nantes, Tours, Bourges, Orléans, Dijon, Toulouse, Bayonne, ceignez vos reins. En marche ! Lyon, prends ton fusil. Bordeaux, prends ta carabine. Rouen, tire ton épée, et toi, Marseille, chante ta chanson et viens terrible. Cités, cités, cités, faites des forêts de piques, épaississez vos baïonnettes, attelez vos canons, et toi village, prends ta fourche. On n'a pas de poudre, on n'a pas de munitions, on n'a pas d'artillerie ? Erreur ! on en a. D'ailleurs les paysans suisses n'avaient que des cognées, les paysans polonais n'avaient que des faux, les paysans bretons n'avaient que des bâtons. Et tout s'évanouissait devant eux ! Qui veut peut. Un mauvais fusil est excellent quand le coeur est bon ; un vieux tronçon de sabre est invincible quand le bras est vaillant. C'est aux paysans d'Espagne que s'est brisé Napoléon. Tout de suite, en hâte, sans perdre un jour, sans perdre une heure, que chacun, riche, pauvre, ouvrier, bourgeois, laboureur, prenne chez lui ou ramasse à terre tout ce qui ressemble à une arme ou à un projectile. Roulez des rochers, entassez des pavés, changez les sillons en fosses, combattez avec les pierres de notre terre sacrée, lapidez les envahisseurs avec les ossements de notre mère la France. O citoyens, dans les cailloux du chemin, ce que vous leur jetez à la face, c'est la Patrie... Faisons la guerre de jour et de nuit, la guerre des montagnes, la guerre des plaines, la guerre des bois. Levez-vous ! Levez-vous ! Pas de trêve, pas de repos, pas de sommeil ; le despotisme attaque la liberté, l'Allemagne attente à la France. Qu'à la sombre chaleur de notre sol cette colossale armée fonde comme la neige. Que pas un point du territoire ne se dérobe au devoir. Organisons l'effrayante bataille de la Patrie. O francs-tireurs, allez, traversez les halliers, passez les torrents, profitez de l'ombre et du crépuscule, serpentez dans les ravins, glissez-vous, rampez, ajustez, tirez, exterminez l'invasion. Défendez la France avec héroïsme. Soyez terribles, ô patriotes!

Auteur: Hugo Victor

Info: Publié par les Lettres française clandestines, n° spécial, 1er août 1944

[ résistance ] [ nationalisme ] [ Gaule ]

 

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domination

Comment le pouvoir génère des connards
La chose n'est pas nouvelle: les personnalités narcissiques ont tendance à apprécier les positions de pouvoir. Pour certains psychologues et psychiatres, Donald Trump en serait le parangon, le type prêt à tout pour rester au sommet de la chaîne alimentaire, y compris et surtout en avilissant ses congénères et en se pensant au-dessus des lois et des normes applicables au commun des mortels.
Une étude publiée dans le numéro d'avril de la revue Journal of Experimental Psychology: General va un peu plus loin: non seulement les égocentriques seraient attirés par le pouvoir, mais le pouvoir agirait comme un révélateur à tendances narcissiques.
"Les individus narcissiques se croient tout permis", explique Nicole Mead, professeur associé à l'université de Melbourne (Australie) et auteur principal de l'étude. "Ils exigent qu'on les respecte et attendent qu'on leur accorde des privilèges exclusifs. Ils sont disposés à exploiter autrui pour obtenir ce qu'ils veulent. Mais le pouvoir ne transforme pas tout le monde en tyran, par contre, s'il vient à tomber entre les mains de ceux qui le désirent le plus ardemment, ses effets peuvent être très pernicieux."
Certains facteurs alimentent le narcissisme
Cette soif de pouvoir et les risques d'en abuser semblent avoir une source hormonale. Mead et ses collègues montrent en effet que les individus dotés d'un taux élevé de testostérone –hommes comme femmes– sont les plus susceptibles de vouloir dominer les autres, quitte à en passer par l'oppression et la persécution.
"Cette étude est l'une des premières à examiner les facteurs alimentant la montée du narcissisme et à mettre en évidence les changements dans les opinions personnelles peuvant expliquer l'influence corruptrice du pouvoir", précise Mead.
Pour tester leur théorie, les scientifiques ont recruté 206 hommes et femmes, avant de leur dire qu'ils participaient à une étude sur la dynamique collective. Chaque volontaire devait fournir un échantillon de salive.
Parce que les hommes ont en moyenne davantage de testostérone que les femmes, les chercheurs ont normalisé cette donnée pour chaque sexe, ce qui leur a permis d'examiner la réaction des individus au pouvoir en fonction de leurs taux hormonaux –relativement élevés ou faibles.
Lors de l'expérience, les volontaires allaient devoir accomplir des tâches censées mesurer leurs capacités de leadership. Ensuite, les chercheurs ont annoncé à tous les participants qu'ils avaient obtenu la meilleure note de leadership, avec seulement la moitié d'entre eux recevant la distinction de «chef», signifiant le droit de contrôler comme bon leur semblait leurs subordonnés et les récompenses associées à l'exercice collectif.
Il en ressort que les hommes et les femmes ayant un taux de testostérone inférieur au taux de référence de leur sexe ne deviennent pas narcissiques lorsqu'ils sont mis en position de pouvoir. À l'inverse, lorsqu'ils obtiennent le rang de "chef", les individus les plus testostéronés voient augmenter deux traits essentiels du trouble de la personnalité narcissique: l'idée que tout vous est dû et la propension à l'exploitation d'autrui pour arriver à vos fins.

Auteur: Internet

Info: https://www.slate.fr/story/161458/pouvoir-generateur-connards?utm_campaign=Echobox&utm_medium=Social&utm_source=Facebook#link_time=1525877810

[ bêtise ]

 

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propagande

Devant notre engouement pour les séries télévisées, notre imaginaire est ainsi condamné à rester borné et pauvre, délimité par les jalons capitalistes, et nous amène à reproduire encore et encore ce que nous vivons déjà. Pas d’imprévus, pas de bouleversements – ou alors du changement dans la norme. Une série qui traite, par exemple, du racisme, du sexisme ou des drogues d’un point de vue progressiste, le fait toujours de manière standardisée. C'est que le spectacle préfigure la réalité : les sujets sociétaux peuvent aller vers le mieux tant que le capitalisme reste la norme sociale; à la condition sine qua non qu’il soit l’unique base que jamais rien ne viendra remettre en question, tout peut être évoqué.

(…) D’ores et déjà nous pouvons reconnaître (et admettre), afin de la combattre, un certain conditionnement, auquel participent les séries. Elles décervellent, elles sont néfastes, comme toute industrie culturelle. Jean-Pierre Siméon l’a bien perçu : “ On dit à juste titre barbares les talibans qui détruisent des statues millénaires, mais quant à la destruction des langues patrimoniales, au clonage de l’imaginaire et au meurtre de l’art par le divertissement, à la sidération des consciences par le spectaculaire protéiforme, à la destitution du sensible au profit du sensationnel, à l’asservissement du vivant dans tous ses états, à l’absolutisme économique et financier, et quant à l’abolition de tout espoir que ces oppressions génèrent, qui sont les barbares”.

Se satisfaire des séries télévisées en les considérant comme un élément culturel anodin revient donc à se leurrer : elles sont un produit de masse accoutumant le téléspectateur à l’univers bien défini du capitalisme (…) véritable colonisation mentale, elles rendent le téléspectateur passif et incapable de produire une autre vision du monde – mais parfaitement apte à reconnaître et accepter les valeurs du mode de vie industriel, et à y adhérer (…) moins nous agissons et décidons de nos actes par nous-mêmes, plus le capitalisme et l’industrialisme les régissent et les organisent à leur gré : nous leur laissons le champ libre. “ Si notre société prétendument libérale ne se prive pas de promulguer à l’envi lois et décrets qui répriment notre comportement jusque dans nos actions les plus intimes (…) elle a trouvé dans le narratif généralisé auquel la technologie donne désormais les moyens d’une diffusion à laquelle nul ne peut échapper, un moyen non moins efficace et plus séduisant, d’anesthésier les consciences.” les séries télévisées divertissent, c’est à dire détournent l’attention, en procédant à une habile manœuvre de décervelage. Saturation sensorielle, passivité mentale et politique, installation dans nos cerveaux et nos vies de systèmes matriciels aliénants : tel est le bilan des séries télévisées.

Il ne peut pas y avoir de bonne série : en soi, par sa forme même, toute série est par principe vouée à formater l’imaginaire du téléspectateur. Une série, quelle qu’elle soit, est forcément aliénante. Et comme le disait déjà Guy Debord, on ne peut pas faire une critique de l’aliénation avec des moyens aliénés. Pour citer Marshall Mcluhan,” The medium is the message”. Comme le disait je ne sais plus qui, “ la révolution n’est pas au bout du chemin, elle est le chemin”. On ne peut pas se réapproprier la forme série télé, on ne peut pas la reproduire tout en la détournant de son usage initial : cette forme conservera toujours les propriétés avec lesquelles elle a été conçue - transformer les individus en consommateurs,(…) il nous faut rompre avec cette idée que ce qu’on nous donne est neutre et sans effet sur nos consciences, voire positif. Non. On nous le donne? C'est déjà trop, on n’a rien demandé. Ce qu’on veut, on le construira nous-mêmes.

Auteur: Biagini Cédric

Info: Divertir pour dominer 2, la culture de masse toujours contre les peuples, coécrit avec Patrick Marcolini

[ préparation psychologique à l'acceptation ] [ banalisation ] [ culture pop ] [ soft power ] [ banalisation ]

 
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littérature russe

- Ce qui est intéressant quand on regarde les traductions de Dostoievski c'est de voir à quel point, moi y compris naturellement, à quel point chaque traducteur essaie de transmettre quelque chose qui est absolument invraisemblable en français. C'est à dire qu'il écrit en dépit de toutes les règles, Dostoîevski, et il fait ça en toute conscience. C'est à dire qu'il fait tout pour ne pas faire un roman français, disons. C'est idéologique, il dit que les français... - C'est pas Balzac... C'est à dire qu'il dit que les français écrivent comme des marquis et que nous les russes on écrit comme ça, c'est à dire avec une espèce de débordement de passion, de langue toujours en fusion, et sans aucune norme autre à part celle qu'on crée là, sur le champ. La base c'est que c'est pas écrit, c'est dit, c'est à dire que dans chaque roman, dans chaque nouvelle de Dostoîevski, c'est quelqu'un qui parle et c'est une voix, une langue qui s'exprime, qui a ses propres règles de syntaxe, de rythme, de souffle. Donc voilà c'est la première chose.

Après donc, ce que je dis, c'est cette maladresse qui est soulignée. En particulier le rôle, en particulier dans l'IDIOT, des répétitions...

- Donc des maladresses voulues

- Voulues, soulignées, revendiquées ! Mais une maladresse qui n'est pas du tout une maladresse, qui est simplement de dire "Je fais comme je veux"... Et aucune règle n'existe avant moi, c'est moi qui fait tout.

- Une maladresse qui est un peu une révolte, qui s'oppose

- Qui est une révolte non pas contre le roman russe, parce que c'est la tradition de Pouchkine, la tradition de Gogol. Pouchkine a fait ça le premier dans "La fille du capitaine" par exemple. Et Gogol naturellement l'a fait. Mais c'est une révolte contre la littérature occidentale. Et on a oublié la troisième clé pour comprendre Dostoîevski, qui est l'aspect poétique... C'est  à dire que ce que j'appelle l'aspect poétique c'est la structure, la façon dont ça marche. C'est par motifs... comment dire... Par exemple dans "L'idiot" le motif de base c'est l'épilespsie. Et l'épilepsie, comment il décrit l'épilepsie ? Il la décrit comme ça : il y a une espèce de longue période, comment dire, d'oppression, d'incubation, de trucs, pendant laquelle tout ce qui se passe c'est que tout le monde, dans le désordre, se colle littéralement à sa conscience. Et du coup, là encore, c'est une question de syntaxe et de respiration. C'est lourd. C'est dur.

- C'est fulgurant aussi, comme l'épilepsie

- Alors voilà, à un certain moment il y a une espèce de fulgurance, comme un coup de couteau, comme ce couteau dans "l'idiot". Et c'est l'éclair qui donne l'harmonie dont vous avez parlé. Et ça j'ai été très touché par ce que vous avez dit... 

(Anna Novac) - Je me demandais où il prenait le souffle pour abandonner un fou, un hystérique et entrer dans un autre fou hystérique. Parce que partiquement tous sont fous et hystériques, ce que Tolstoî lui reprochait tellement, et Tourgueniev. Parce que là il y a une sorte d'exhaltation qui dépasse la logique, la raison. Moi je peux me convaincre que je suis encore à peu près normale... Je commence à lire "Les frères Karamazov" pour me dire, "non, ça va encore, le monde tourne, je ne divague pas". Ce manque de règles, de discipline, cette espèce de sauvagerie démente. Et quand même je n'ai pas pu le laisser, toute en rage..

- C'est bon signe

- C'est un très bon signe 

- Il est toujours le premier lu au monde

- Mais bien sûr... ça irrite, ça agace... ça doit toujours.

Auteur: Markowicz André

Info: interview de Bernard Rapp in : trois clés pour lire Dostoïevsk dans : Jamais sans mon livre, FR 3, 27 1 1993

[ comparaison ] [ transposition ]

 

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pamphlet

Coucou ! C’est moi, me revoilà. Vous ne me reconnaissez pas ? Pourtant, vous m’avez chaque année dans votre cheminée.

C’est moi, oui, Big Father, avec ma grande barbe hydrophile, mon traîneau à clochettes et des cadeaux dégueulasses plein ma hotte, emballés dans du splendide papier clignotant.

Vous ne m’avez pas vu venir, une fois de plus ? C’est normal. Personne ne sait jamais comment je débarque. Chaque année, je trompe mon monde. On ne m’entend pas arriver, et puis un matin, c’est fait, ça y est, tout est joué. La torture des fééries recommence.

Une fois encore, j’ai réussi à suspendre, pendant la nuit, mes guirlandes grotesques en travers des rues, comme autant d’insultes anonymes. Une fois encore, mes boules multicolores et mes illuminations pernicieuses sont apparues aux vitrines. Sans que personne me voie. Sans que personne me voie jamais. Une fois encore, ma grande terreur s’installe. Les semaines vont se dérouler comme des veilles funèbres. Les gens vont courir partout, épouvantés, le long des façades, avec leurs paquets obligatoires. Il est revenu, ça y est, il s’est réinstallé, celui qu’on redoutait. Celui dont on évitait même de prononcer le nom, de crainte de le voir surgir. C’est fait. La Bête est là. L’Eminence rose est de retour. La ville n’existe plus, ni la vie, ni rien. Tout est redevenu Noël.

Comme je m’amuse, à contempler la joie qu’ils affichent et à connaître le fond noir de leurs âmes angoissées ! Qu’ils me craignent, pourvu qu’ils me célèbrent ! En vérité, ma menace les rend malades bien avant décembre. Chaque année, on voudrait espérer que je ne vais pas revenir. Chaque année, on me sent approcher comme un mal inconnu, un cauchemar, une fièvre. Le Père Noël fait peur. L’année dernière, au restaurant, j’en ai entendu plusieurs, à voix basse, dès la fin d’octobre, qui parlaient de moi avec la trouille au ventre : "Qu’est-ce que tu fais pour les fêtes ? – Mais je ne sais pas. – Comment, tu ne sais pas ? – Non, pas encore. – Tu n’as rien prévu ? Mais tu es fou ! Il faut que tu t’en occupes ! Noël c’est demain ! Et la Saint-Sylvestre ! Tu ne te rends pas compte ! D’ici quinze jours, peut-être huit, il y aura des trucs partout ! Des guirlandes ! Des boules lumineuses !"

Oui, je flanque la panique ; mais il n’y a que depuis quelques années que je commence, chez certains, je le sais, à susciter de la haine.

Oh ! pas une haine bien dangereuse ! Rien de grave. Le monde est beaucoup trop définitivement ensucré, gnangnantifié et sans retour, colonisé par les bonnes intentions, la prudence et les mièvreries, pour que je me sente en péril. L’horreur du bonheur est peut-être une idée neuve en Europe mais elle ne risque pas de faire beaucoup d’émules. Je sais qu’il y en a, chaque année, qui rêvent de vomir tout le mal qu’ils pensent de ma fête du Cœur venimeuse, de cette apothéose ravageante de l’approbation du monde, de cette culmination de la résignation enfestée. Mais je suis bien tranquille. J’ai été si souvent honni pour de mauvaises raisons que les excellentes de maintenant ne risquent pas d’être saisies avant longtemps.

Tout semble avoir été dit contre moi. la critique est recuite. C’est mon plus beau triomphe, d’avoir fatigué jusqu’à ceux qui me détestent. Quel ennui les saisit, quel accablement, dès qu’ils envisagent de me vitupérer ! Quelle sensation effarante d’inutilité ! Ils savent déjà tout ce qu’on va leur balancer ! Les accusations de banalité, de trivialité, qu’ils vont endurer ! Rentrer dans le lard du Père Noël, cette vieille porte ouverte ? Composer le millième rappel de la transformation du rite païen du solstice d’hiver en fête chrétienne à son tour sécularisée par le business ? La cent millième attaque futile contre la Nativité détournée de sa pureté originelle, noyée sous les cadeaux paralysants, les téléphones qui parlent, le super-Nintendo parfumé à la framboise, les chocolats à quartz et toutes les autres saloperies en multiplication galopante ? Vous êtes tombé sur la tête ?

Le Père Noël est une ordure ? Comme vous y allez ! Regardez-vous un peu. C’est tous les jours Noël maintenant. Ma grande réussite, c’est qu’on croit que mon oppression ne dure que quelques semaines par an, alors que je suis le ressort des illuminations des douze mois de l’année. Noël, c’est Noël. Et pâques c’est aussi Noël. Et le 15 août. Et la Saint-Sylvestre. Et le bonheur de merde des vacances, cette paix des grands cimetières sous le soleil. Les mains à Nikons valent les tronches à boudins blancs. Les gueules de camping-cars valent les têtes de bûches au chocolat. Toutes les fiestas conduisent à moi. et toutes les rages, et toutes les ruées, et toutes les foires. Et toutes les roues de la Fortune. Et tous les Manèges de la télé. Et toute la quincaillerie clinquante de l’égalité par la joie, de la fraternité par l’extase niaise, de l’apothéose du Rien tonitruant qu’on étend par couches de plus en plus épaisses sur la violence toujours recommencée, mais de plus en plus niée, du genre humain.

Qui est plus philanthrope, plus humanitaire, plus tartuffien solidaire que moi ? Qui règne davantage sur les plateaux ? L’avenir m’appartient. C’est moi le Cavalier suprême de l’Apocalypse en rose. Je préfigure si parfaitement la société future, l’humanité de demain bien gâteuse, bien transparente et transfrontières, bavante de positivité dans ses centres-villes toilettés, avec ses Twingo fœtales aux chouettes banquettes sièges-bébés, ses cadeaux infantiles, sa classe dominante d’apparatchiks du loisir, de tour-opérateurs, de charlatans de l’urbanisme rigolo, de promoteurs guimauve de la babyphilie définitive, d’entrepreneurs meurtriers de gaieté publique, qu’il faudrait la subtilité géniale d’un Kojève au moins (ce drôle de type qui avait placé sa fortune en actions de la Vache qui rit et qui avait des ennuis avec ses femmes parce qu’il refusait farouchement de leur faire des enfants) pour comprendre ce que je fabrique vraiment ; Kojève qui avait découvert, et dès 1943, qu’avec la fin de l’Histoire allait disparaître l’inégalité juridique entre l’enfant et l’adulte. "Ne pouvant pas supprimer le contrôle de l’action enfantine, on introduira donc un contrôle de l’action adulte", prévoyait-il. Mais c’est ça, Noël ! C’est exactement moi ! Mais ce qu’il n’avait pas deviné, Kojève, c’est que ça se ferait en pleine foire, en plein rideau de fumée de carnaval ! Joyeux Noël ! Bonne santé ! C’est maintenant que mon règne de corso fleuri peut démarrer.

Auteur: Muray Philippe

Info: Dans "Exorcismes spirituels I - Rejet de greffe", pages 398 à 400

[ convention sociale ] [ bonheur obligatoire ] [ consumérisme ]

 

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