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richesse

J'ai connu dans ma vie un homme qui ne pouvait souffrir l'orgueil des grands seigneurs ; il n'y avait rien de plus beau que la morale qu'il débitait là-dessus : s'il faisait jamais fortune, ce serait le plus raisonnable de tous les hommes, disait-on. Cette fortune lui vint, il fut mis en place : je n'ai jamais rien vu de si sot et de si superbe que lui alors. Et d'où vient qu'il avait paru si différent ? C'est que quand un homme est dans une condition médiocre, il n'ose pas donner l'essor à son orgueil : il faut qu'il lui retienne la bride, il faut que notre homme file doux, en bon Français ; car s'il s'émancipe, on l'humilie ; et cela est mortifiant ; de sorte que par orgueil prudent il s'humilie lui-même, afin que personne ne s'en mêle. Après cela, vous le voyez bon, simple, accommodant, ne pouvant comprendre les grands airs de certaines gens, n'imaginant point comment on peut être orgueilleux, levant les épaules sur tous ceux qui le sont. Ah ! le bon apôtre ! Tenez, voici ce qu'il pense : puisque je ne saurais montrer mon orgueil, il faut que je m'en venge sur ceux qui ont la liberté de montrer le leur, et qui le montrent. Il faut que je dise qu'ils me font pitié, cela les rendra plus petits aux yeux des autres, et empêchera qu'on ne les voie si fort au-dessus de moi ; car ces gens-là, je ne saurais les souffrir, on ne paraît rien auprès d'eux, et je me soulage en les abaissant. Outre cela, c'est qu'en faisant profession de regarder l'orgueil comme une sottise, on croira que je n'en ai point, et que ce serait peine perdue d'en avoir avec moi, parce que je le mépriserais sans en être piqué, ou bien que je n'y prendrais pas garde.

Auteur: Marivaux Pierre Carlet de Chamblain de

Info: L'Indigent philosophe, 1727, Journaux et Oeuvres diverses, Classiques Garnier 1988 <p.308>

[ révélatrice ]

 

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homme-animal

- Dieu est grand ! répondit le mendiant. Mais qu’importe les affaires. Il y a tant de joie dans l’existence. Tu ne connais pas l’histoire des élections ?

- Non, je ne lis jamais les journaux.

- Celle-là n’était pas dans les journaux. C’est quelqu’un qui me l’a racontée.

- Alors je t’écoute.

- Eh bien ! Cela s’est passé il y a quelque temps dans un petit village de Basse-Égypte, pendant les élections pour le maire. Quand les employés du gouvernement ouvrirent les ruines, ils s’aperçurent que la majorité des bulletins de vote portaient le nom de Barghout. Les employés du gouvernement ne connaissaient pas ce nom-là ; il n’était sur la liste d’aucun parti. Affolés, ils allèrent aux renseignements et furent sidérés d’apprendre que Barghout était le nom d’un âne très estimé pour sa sagesse dans tout le village. Presque tous les habitants avaient voté pour lui. Qu’est-ce que tu penses de cette histoire ?

Gohar respira avec allégresse ; il était ravi. "Ils sont ignorants et illettrés, pensa-t-il, pourtant ils viennent de faire la chose la plus intelligente que le monde ait connue depuis qu’il y a des élections." Le comportement de ces paysans perdus au fond de leur village était le témoignage réconfortant sans lequel la vie deviendrait impossible. Gohar était anéanti d’admiration. La nature de sa joie était si pénétrante qu’il resta un moment épouvanté à regarder le mendiant. Un milan vint se poser sur la chaussée, à quelques pas d’eux, fureta du bec à la recherche de quelque pourriture, ne trouva rien et reprit son vol.

- Admirable ! s’exclama Gohar. Et comment se termine l’histoire ?

- Certainement il ne fut pas élu. Tu penses bien, un âne à quatre pattes ! Ce qu’ils voulaient, en haut lieu, c’était un âne à deux pattes.

Auteur: Cossery Albert

Info: Mendiants et orgueilleux

[ conte ] [ humour ]

 

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plèbe

Je ne pouvais pas supporter cette foule aigrie, toujours agitée, toujours maussade et inquiète, qui allait et venait devant moi sur le trottoir. A quoi bon cette tristesse éternelle, cette anxiété, cette perplexité perpétuelles, cette méchanceté constante et morose (car ils sont méchants, trois fois méchants) ? A qui la faute s’ils sont malheureux et s’ils ne savent pas vivre, alors qu’ils ont devant eux soixante ans de vie ? Pourquoi Zartnitzyne s’est-il laissé mourir de faim, alors qu’il pouvait vivre encore soixante ans ? Et chacun exhibe ses guenilles, ses mains de travailleur, tout le monde se fâche, tout le monde crie : "Nous peinons comme des bêtes de somme, nous travaillons, nous avons une faim de loup, nous sommes pauvres ! Les autres n’ont pas à peiner, à travailler, et ilss ont riches !" (éternel refrain). A côté de ceux-là on trouve toujours quelque pauvre diable "de la noblesse" qui court, qui s’agite du matin au soir, comme par exemple, Ivan Fomitch Sourikov, qui habite au-dessus de nous. Il court des journées entières, toujours avec les manches trouées, des boutons qui ne tiennent pas ; il fait des commissions pour toutes sortes de gens ! Essayez de lui parler ! Il vous dira qu’il est "pauvre, indigent, nécessiteux ; sa femme est morte, il n’avait pas de quoi lui acheter des médicaments ; leur enfant a péri de froid l’hiver passé ; leur fille aînée se fait entretenir..." Il ne fait que gémir, se plaindre ! Oh ! Je n’éprouvais aucune pitié pour ces imbéciles ni alors ni maintenant, je le proclame avec orgueil ! Pourquoi n’est-il pas un Rothschild ? A qui la faute s’il n’a pas des millions comme Rothschild, s’il n'a pas toute une montagne d’impériales et de Napoléon d’or, une montagne aussi grande que celle qu’on voit au carnaval devant les baraques des forains ? Du moment qu’il vit, tout est en son pouvoir ! A qui la faute s’il ne le comprend pas ?

Auteur: Dostoïevski Fédor Mikhaïlovitch

Info: "L'idiot", traduit par Nicolas Poltavtzev Presses de la renaissance, Paris, 1974, page 321

[ volontarisme ] [ complaisance ] [ impitoyable ] [ richesse ] [ envie ]

 
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Ajouté à la BD par Coli Masson

beaux-arts

Six grandes catégories d'adaptations littéraires
Geoffrey Wagner dans The novel and cinema (1975) distingue trois types d'adaptations : l'analogie, la transposition et le commentaire. Cette classification selon le degré d'implication dans la matière littéraire valorise l'adaptation commentaire. Elle nous semble pouvoir être complétée de trois autres types d'adaptations. Deux sont entre la simple analogie et la transposition : l'adaptation romanesque et l'adaptation condensation. C'est de cette dernière dont relève la majorité des adaptations classiques. L'adaptation littéraire qui valorise le texte, entendu ou lu se développe aussi grâce au cinéma moderne et constitue notre troisième ajout. Nous proposons donc la classification suivante :
1) L'analogie qui utilise le roman seulement en tant que point de départ. Le Journal de Bridget Jones condense les intrigues amoureuses des deux soeurs, Elizabeth et Jane, de Orgueil et préjugés dans la seule Bridget.
2) L'adaptation romanesque qui se sert de l'œuvre littéraire comme un réservoir de personnages et de situations qu'il importe de valoriser. Unholy Love (Albert Ray,1932) ou Val Abraham (Manoel de Oliveira, 1993) sont ainsi des adaptations romanesques de Madame Bovary.
3) L'adaptation condensation qui coupe des passages du roman, condense plusieurs passages et un seul, n'invente rien et sauvegarde toujours les passages les plus célèbres; Autant en emporte le vent ou Les grandes espérances
4) L'adaptation transposition qui tente de rester au plus près de l'œuvre originale, telles les adaptations de Shakespeare de la BBC.
5) L'adaptation commentaire qui modifie le roman soit dans les détails en soulignant certains éléments soit en modifiant même sa structure générale. Madame Bovary (Sophie Barthes, 2015) 24e adaptation du roman de Flaubert en est un exemple pas forcément réussi.
6) L'adaptation littéraire qui fait entendre ou voir le texte pour rendre sensible le projet esthétique de l'écrivain : Le journal d'un curé de campagne (Robert Bresson), Les deux anglaises et le Continent (François Truffaut) ou Madame Bovary (Claude Chabrol, 1991)

Auteur: Internet

Info: https://www.cineclubdecaen.com/analyse/cinemaetlitterature.htm

[ texte ] [ télévision ]

 

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conte électoral

- Dieu est grand ! répondit le mendiant. Mais qu’importe les affaires. Il y a tant de joie dans l’existence. Tu ne connais pas l’histoire des élections ?

- Non, je ne lis jamais les journaux.

- Celle-là n’était pas dans les journaux. C’est quelqu’un qui me l’a racontée.

- Alors je t’écoute.

- Eh bien ! Cela s’est passé il y a quelque temps dans un petit village de Basse-Égypte, pendant les élections pour le maire. Quand les employés du gouvernement ouvrirent les ruines, ils s’aperçurent que la majorité des bulletins de vote portaient le nom de Barghout. Les employés du gouvernement ne connaissaient pas ce nom-là ; il n’était sur la liste d’aucun parti. Affolés, ils allèrent aux renseignements et furent sidérés d’apprendre que Barghout était le nom d’un âne très estimé pour sa sagesse dans tout le village. Presque tous les habitants avaient voté pour lui. Qu’est-ce que tu penses de cette histoire ?

Gohar respira avec allégresse ; il était ravi. "Ils sont ignorants et illettrés, pensa-t-il, pourtant ils viennent de faire la chose la plus intelligente que le monde ait connue depuis qu’il y a des élections." Le comportement de ces paysans perdus au fond de leur village était le témoignage réconfortant sans lequel la vie deviendrait impossible. Gohar était anéanti d’admiration. La nature de sa joie était si pénétrante qu’il resta un moment épouvanté à regarder le mendiant. Un milan vint se poser sur la chaussée, à quelques pas d’eux, fureta du bec à la recherche de quelque pourriture, ne trouva rien et reprit son vol.

- Admirable ! s’exclama Gohar. Et comment se termine l’histoire ?

- Certainement il ne fut pas élu. Tu penses bien, un âne à quatre pattes ! Ce qu’ils voulaient, en haut lieu, c’était un âne à deux pattes.




Auteur: Cossery Albert

Info: Mendiants et orgueilleux

[ humour ] [ homme-animal ]

 

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réformisme langagier

Certains de nos dirigeants politiques accompagnent l’affront fait à la langue. Parfois, ils essaient d’imiter la langue supposée de ceux dont ils briguent les suffrages : “Le président, il doit faire peuple, because le peuple, il redonde le sujet.” D’autres fois les techno-managers usent d’un mélange de sabir faussement canaille, de volapük cyber-mercantile, de globish planétaro-débile, de cette hideuse langue d’affaires destinée à la rencontre d’une plante verte avec une machine à café (les deux totems de la “stareteup”). Cela donne : “Il faut gérer le copartage pour un futur plus juste.” Et voilà qu’aujourd’hui, avec une autosatisfaction inouïe, des technos, persuadés que la Terre a attendu leur venue au monde pour commencer sa rotation, voudraient transformer la langue.

Il faut se représenter la confiance qu’ils ont en eux, ces “gestionnaires du monde qui change”, pour s’en prendre à la langue française, vieille dame punk. Imaginons la scène: ils se lèvent le matin, se regardent dans la glace et se disent : “Je vais réformer la langue, fleurie par Marie de France, stabilisée par les Valois, soulevée par Rabelais, solennisée par Racine, déliée par Marivaux, polie par Montesquieu, enluminée par Hugo, illuminée par Rimbaud, stratosphérisée par Breton, électrocutée par Céline, solarisée par Camus, évangélisée par Mauriac – je vais la réinventer totalement, moi, Mme Michu de l’écriture inclusive et moi M. Jourdain de la vigilance lexicale.” Quel culot !

Vous remarquerez qu’à leur arrogance de tripatouilleurs·ses et de précieux·ses ridicules s’adjoint une tristesse climatique d’expression, une platitude géologique, une timidité acnéique devant “l’hénaurme” flaubertien, une crainte de ce qui dépasse, de ce qui pue, de ce qui saigne et qui glougloute, de ce qui éructe, une impossibilité en somme de jouir et d’accueillir les turbulences de la langue quand elle tressaute, quand elle divague du châtié à l’ordurier, de l’imparfait du subjonctif aux insultes de grand chemin. L’inclusif ! Mais ne serait-ce pas qu’ils seraient en train de nous les briser grave ces Trissotin·e·s ?

Auteur: Tesson Sylvain

Info: Figaro du 3 décembre 2021

[ orgueilleux ] [ aplanissement ] [ critique ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

couple

Hedwige se blottit contre lui par honte d'être regardée de loin, afin qu'il ne remarque pas, de face, sa taille qui disparaît ou, de profil, son ventre convexe. Mais en la serrant contre lui, il devine ce que son regard n'aurait pas aperçu, il ferme les yeux et dit : 

- Cela commence à se voir, et sérieusement.

- Tant pis, répond Hedwige, prise par la fierté d'être belle et l'orgueil d'être mère.

- Tant mieux.

Hedwige clôt ses paupières, heureuse de sentir ses deux enfants l'un contre l'autre, car Pierre qui lui apparaissait si fort, si Zeus, si foudroyant dans les premiers temps, la vie commune en a fait son enfant.  "C'est un drôle de garçon" dit-elle avec attendrissement, presque avec compassion, le côté incompréhensible de leur compagnon, pour leur mystérieuse manie, car ils en ont tous une, que ce soit le jardinage, le devoir civique, la guérison des maladies, la guerre ou toute autre mission qu'ils croient avoir reçue ; comme ces vieux colonels en retraite qui, pour se donner l'illusion de l'activité, se portent à leur adresse des ordres de mobilisation imaginaires. Chaque mâle se construit ainsi une étrange architecture dont il fait hommage à un dieu, à un demi-dieu, à une folie. Tout autel, si bizarre soit-il, leur est bon pour se mettre l'âme en mouvement et se donner une raison de vivre. Hedwige ne cherchait pas à pénétrer les mobiles de Pierre ; c'était un homme : cette explication suffisait. Le rythme ardent de son mari, cette invariable manie de varier, ce besoin de prendre non une vue des choses mais une même chose sous tous les aspects en sautillant d'un point cardinal à un autre, comme nos paysagistes contemporains qui suivent le soleil en auto avec leurs toiles, cette avidité de tout regarder et de ne rien contempler, de tout faire et de ne rien parfaire, de courir d'occasion en circonstances et de conjoncture en occurrence, tout cela était fatigant, certes et inutile, mais c'était le revers de la médaille d'un époux à tout prendre gentil, tendre, exquis parfois, quoique dénué d'empire sur soi-même.

Auteur: Morand Paul

Info: l'homme pressé (1941, 350 p., Gallimard, p.218, 219)

[ famille ] [ délicatesse ] [ maternité ] [ spécificité masculine ] [ beauté ]

 

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sagesse

Je condamne l’ignorance qui règne en ce moment dans les démocraties aussi bien que dans les régimes totalitaires. Cette ignorance est si forte, souvent si totale, qu’on la dirait voulue par le système, sinon par le régime. J’ai souvent réfléchi à ce que pourrait être l’éducation de l’enfant.

Je pense qu’il faudrait des études de base, très simples, où l’enfant apprendrait qu’il existe au sein de l’univers, sur une planète dont il devra plus tard ménager les ressources, qu’il dépend de l’air, de l’eau, de tous les êtres vivants, et que la moindre erreur ou la moindre violence risque de tout détruire.

Il apprendrait que les hommes se sont entretués dans des guerres qui n’ont jamais fait que produire d’autres guerres, et que chaque pays arrange son histoire, mensongèrement, de façon à flatter son orgueil.

On lui apprendrait assez du passé pour qu’il se sente relié aux hommes qui l’ont précédé, pour qu’il les admire là où ils méritent de l’être, sans s’en faire des idoles, non plus que du présent ou d’un hypothétique avenir.

On essaierait de le familiariser à la fois avec les livres et les choses ; il saurait le nom des plantes, il connaîtrait les animaux sans se livrer aux hideuses vivisections imposées aux enfants et aux très jeunes adolescents sous prétexte de biologie. ; il apprendrait à donner les premiers soins aux blessés ; son éducation sexuelle comprendrait la présence à un accouchement, son éducation mentale la vue des grands malades et des morts.

On lui donnerait aussi les simples notions de morale sans laquelle la vie en société est impossible, instruction que les écoles élémentaires et moyennes n’osent plus donner dans ce pays.

En matière de religion, on ne lui imposerait aucune pratique ou aucun dogme, mais on lui dirait quelque chose de toutes les grandes religions du monde, et surtout de celle du pays où il se trouve, pour éveiller en lui le respect et détruire d’avance certains odieux préjugés.

On lui apprendrait à aimer le travail quand le travail est utile, et à ne pas se laisser prendre à l’imposture publicitaire, en commençant par celle qui lui vante des friandises plus ou moins frelatées, en lui préparant des caries et des diabètes futurs.

Il y a certainement un moyen de parler aux enfants de choses véritablement importantes plus tôt qu’on ne le fait.

Auteur: Yourcenar Marguerite

Info: Les yeux ouverts, 1984

[ instructions ] [ pédagogie ] [ appartenance ]

 

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enseignement de staretz

Nous ne sommes pas plus saints que les laïcs pour être venus nous enfermer entre ces murs, au contraire, tous ceux qui sont venus ici ont reconnu, du fait même d’y être venus, qu’ils étaient plus imparfaits que tous les laïcs et que tous et tout sur terre... Et plus le moine vivra longtemps entre ces murs, plus il devra être pénétré et conscient de cela. Car autrement, il était inutile qu’il vînt ici. Or, quand il aura compris que non seulement il est plus imparfait que tous les laïcs, mais aussi qu’il est coupable de tout et de tous envers tous les hommes, de tous les péchés humains collectifs et individuels, ce n’est qu’alors que sera atteint le but de notre réunion dans ces murs. Car sachez, mes bien-aimés, que chacun de nous individuellement porte sans conteste la faute de tous et de tout ici-bas, non seulement en raison de la faute collective, mais chacun individuellement pour tous les hommes et pour chaque homme sur terre. Cette prise de conscience est le couronnement de la voie monastique, aussi bien que de chaque homme ici-bas. Car les moines ne sont pas des êtres à part, mais seulement tels que devraient être tous les hommes sur terre. Alors seulement notre cœur sera ravi en un amour infini, universel, ignorant la satiété. Alors chacun de vous sera capable de gagner le monde entier par l’amour et de laver le péché universel par ses larmes... Que chacun explore son cœur, que chacun se confesse sans relâche. N’ayez pas peur de votre péché, même après en avoir pris conscience, pourvu que vous ayez le repentir, mais ne posez pas de conditions à Dieu. Je vous le répète, ne soyez pas orgueilleux. Ne soyez pas orgueilleux devant les humbles, ne le soyez pas davantage devant les grands. Ne haïssez pas ceux qui vous repoussent, qui vous honnissent, ceux qui vous insultent et qui vous calomnient. Ne haïssez pas les athées, les faux docteurs, les matérialistes, même les méchants d’entre eux et pas seulement les bons, car parmi eux aussi beaucoup sont bons, surtout de nos jours. Incluez-les ains dans vos prières : Sauve, Seigneur, tous ceux qui n’ont personne pour prier pour eux, sauve aussi ceux qui ne veulent pas Te prier. Et ajoutez aussitôt : car moi-même je suis le plus abject de tous... Aimez le peuple de Dieu, ne laissez pas les intrus détourner le troupeau, car si vous vous endormez dans la paresse, dans votre orgueil méprisant et surtout dans la cupidité, on viendra de tous les pays vous ravir votre troupeau.

Auteur: Dostoïevski Fédor Mikhaïlovitch

Info: Dans "Les Frères Karamazov", traduction d'Elisabeth Guertik, le Cercle du bibliophile, pages 208-209

[ sermon ] [ religieux ] [ communion des saints ]

 

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femmes-entre-elles

Parmi les femmes qui composaient la société de***, Mélanide était la moins aimable, et l'une des plus remarquables par son esprit ; mais personne encore n'avait poussé plus loin l'enivrement et l'aveuglement de l'amour-propre. Ce qui entraîne le défaut de goût, et produit toujours les ridicules les plus saillants.
Avec des traits et une taille hommasse, Mélanide ne pouvait se trouver jolie ; mais elle se persuadait qu'elle était belle, et d'après cette opinion, elle avait toute la recherche de la parure, toutes les mines d'une coquette uniquement occupée de sa figure. Il y avait dans sa personne et dans ses manières quelque chose de si affecté, de si bizarre, que dès qu'elle paraissait, tous les yeux se fixaient sur elle. Et, prenant alors l'étonnement et la curiosité pour de l'admiration, elle se disait tout bas, "nulle femme n'a produit cet effet"; et cette comique illusion de son orgueil était parfaitement exprimée par la mâle assurance de son maintien, par son air intrépide et conquérant : elle ignorait que les hommes qui aiment le mieux les femmes, ne regardent jamais fixement celles qui sont jeunes, jolies, et modestes. La galanterie à cet égard ressemble à l'amour: elle craint de blesser et de profaner son objet ; elle n'ose le contempler qu'à la dérobée; et c'est ainsi qu'en admirant la beauté elle rend hommage à la pudeur.
Mélanide avait infiniment d'esprit, mais un esprit absolument dénué de grâce; et le désir ardent et continuel de briller le rendait souvent faux. Ne pensant qu'à elle, rapportant tout à elle, ne parlant que d'elle, directement ou indirectement, elle ne savait ni écouler, ni répondre. Quand on ne voyait pas clairement sa vanité, on la sentait; on en était toujours ou frappé ou importuné. Les amis de Mélanide faisaient d'elle, sans le vouloir, la critique la plus piquante; ils avouaient qu'elle contait mal, qu'elle était dépourvue du charme, du naturel et de la naïveté, de celui de la gaîté. Mais ils prétendaient qu'elle avait dans la conversation "de la force et de l'éloquence".
Cette singulière admiration ressemblait plus à une épigramme qu'à un éloge. Sans doute on peut être éloquent en tête-à-tête avec ce qu'on aime, tandis que dans la conversation il faut, non les talents d'un orateur, mais de la grâce et du naturel. Dans la société la plus intime, un entretien agréable est toujours un dialogue vif et serré : l'usage du monde en exclut les "longues tirades", et par conséquent l'éloquence; rien n'y doit être approfondi : la variété, la légèreté en font le charme ; la force y serait déplacée, elle n'y paraîtrait que comme de la pesanteur.

Auteur: Genlis Madame de

Info: à propos de Mme de Staël

[ vacherie ] [ haine ] [ mondanités ]

 

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