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thérapie

Chanter vaut mieux que parler pour calmer les bébés

Dans une nouvelle étude de l'Université de Montréal, des chercheuses ont observé que des bébés demeuraient calmes deux fois plus longtemps lorsqu'ils entendaient des chansons (qu'ils ne connaissaient pas) que lorsqu'ils entendaient quelqu'un leur parler.

"L'effet du chant et des paroles sur l'attention des enfants en bas âge a fait l'objet de nombreuses études, mais nous voulions savoir quelles étaient leurs répercussions sur la maîtrise des émotions, explique la professeure Isabelle Peretz, du Centre de recherche sur le cerveau, le langage et la musique, de l'UdeM. La capacité de maîtriser ses émotions n'est bien sûr pas très développée chez les bébés, et nous croyons que le chant aide les enfants, y compris ceux en bas âge, à renforcer cette faculté."

L'étude, publiée récemment dans Infancy, a porté sur 30 bébés en santé de six à neuf mois. Les humains sont naturellement captivés par la musique. Chez les adultes et les enfants plus âgés, cet effet d'"entraînement" se traduit par des comportements comme taper du pied, hocher la tête ou battre la mesure. "Chez les enfants en bas âge, il n'y a aucune synchronisation entre leurs mouvements et la musique parce qu'ils n'en ont pas les capacités motrices ou mentales, signale la professeure Peretz. Notre étude visait en partie à déterminer s'ils avaient les capacités mentales pour ressentir cet effet. Selon nos conclusions, les bébés se laissaient emporter par la musique, ce qui permet de croire qu'ils possèdent les aptitudes mentales pour se laisser "entraîner"." Les chercheuses ont utilisé divers moyens pour s'assurer que la réaction des bébés à la musique n'était pas influencée par d'autres facteurs, comme la sensibilité à la voix de leur mère.

En premier lieu, elles ont fait entendre aux bébés des enregistrements de paroles (en langage "de bébé" et d'adulte) et de musique en turc pour que les sons ne leur soient pas familiers. "Les chansons ont été choisies dans le répertoire turc, et non occidental. Il s'agit d'un aspect important de cette recherche, car des travaux ont démontré que les chansons que nous chantons aux jeunes enfants se trouvent dans une tonalité précise avec un tempo particulier, souligne Mariève Corbeil, première auteure de l'étude, également de l'Université de Montréal. Tous les parents savent qu'ils n'auront pas beaucoup de succès en chantant des chansons de Rihanna à leur bébé!"

Deuxièmement, les bébés n'ont été soumis à aucun autre stimulus. "Les parents se trouvaient dans la salle, mais ils étaient assis derrière leur bébé. Leurs expressions faciales ne pouvaient donc pas influer sur celles de l'enfant, mentionne Mme Corbeil. Nous avons aussi fait entendre aux bébés des enregistrements plutôt que des chansons ou des paroles en direct afin que tous les enfants soient soumis à des prestations comparables et qu'aucune interaction n'ait lieu entre le bébé et la personne qui chante ou qui parle." Une fois leur enfant calme, les parents prenaient place sur des chaises derrière le bébé, et l'expérience commençait. Les chercheuses faisaient jouer les enregistrements jusqu'à ce que le bébé manifeste les signes avant-coureurs de pleurs : abaissement des sourcils, déplacement latéral des coins de la bouche, ouverture de la bouche et soulèvement des joues. Ces expressions faciales sont les signes de chagrin les plus courants.

"Quand ils entendaient une chanson turque, les bébés restaient calmes pendant environ neuf minutes en moyenne. En entendant quelqu'un parler, ils demeuraient calmes deux fois moins longtemps, qu'il s'agisse ou non de langage de bébé", indique Mme Corbeil. Le langage de bébé les calmait pendant un peu plus de quatre minutes en moyenne comparativement à un peu moins de quatre minutes pour le langage d'adulte.

"Le peu de différence entre ces deux types de paroles nous a surprises", poursuit-elle. Les chercheuses ont ensuite vérifié leurs conclusions en soumettant un autre groupe d'enfants à des enregistrements de mères chantant dans une langue familière (le français). Elles ont constaté les mêmes effets. "Nos conclusions laissent peu de doutes sur l'efficacité des rondes enfantines pour apaiser les bébés pendant une période prolongée, affirme la professeure Peretz.

Même dans l'environnement plutôt stérile de la salle d'expérience - murs noirs, lumière tamisée, absence de jouets et de toute stimulation visuelle ou tactile -, la voix d'une femme qui chante maintenait le bien-être des bébés plus longtemps que la parole." Mme Corbeil ajoute : "Les bébés écoutaient les chansons en turc pendant près de neuf minutes avant de présenter les signes annonçant qu'ils allaient pleurer. Ce délai était de six minutes dans le cas des chansons en français, soit la langue avec laquelle ils étaient familiarisés. Ces résultats montrent l'importance intrinsèque de la musique et des chansons pour enfants en particulier, qui satisfont notre désir de simplicité et notre attirance pour la répétition."

Les conclusions de cette étude sont importantes, car les mères, surtout en Occident, parlent beaucoup plus qu'elles ne chantent à leurs enfants et elles ne mettent donc pas à profit les vertus du chant quant à la maîtrise des émotions. Les chercheuses croient que le chant pourrait être particulièrement utile aux parents qui vivent des difficultés socioéconomiques ou émotionnelles. "Lorsque leurs enfants manifestent des signes d'irritation, les parents cherchent habituellement à les réconforter. Toutefois, ces signes provoquent parfois de la frustration et de la colère chez certains parents à risque, ce qui peut mener à des réactions insensibles et, dans les pires cas, à de la négligence ou de la violence, note la professeure Peretz. Les parents à risque dont s'occupent les organismes de services sociaux pourraient être encouragés à faire jouer des chansons à leurs jeunes enfants et, mieux encore, à leur en chanter."

Auteur: Corbeil Mariève

Info: Ecrit avec Sandra Trehub et Isabelle Peretz. Elle ont publié, Singing Delays the Onset of Infant Distress, dans Infancy le 22 septembre 2015. Elles sont affiliées au Laboratoire international de recherche sur le cerveau, la musique et le son de l'Université de Montréal et au Centre de recherche sur le cerveau, le langage et la musique

[ éducation ] [ nourrisson ] [ musique ] [ hypnose sonore ]

 

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judaïsme

Les Juifs, dit-on, fuyant de l'île de Crète, occupèrent les dernières terres de Libye. On tire un argument de leur nom; Ida est une célèbre montagne de Crète, habitée par les Idaei, mot dont l'addition barbare d'une lettre aura fait Judaei. Quelques-uns prétendent que, sous le règne d'Isis, l'Égypte regorgeant d'un excès de population s'en déchargea sur les terres voisines, et que la migration eut pour chefs Hierosolymus et Juda. Beaucoup font des Juifs une race d'Éthiopiens, que la crainte et la haine forcèrent, sous le roi Céphée, à changer de demeures; d'autres un assemblage d'Assyriens qui, faute de champs à cultiver, s'emparèrent d'une partie de l'Égypte, puis, se rapprochant de la Syrie, se bâtirent des villes et s'approprièrent les terres des Hébreux. Il en est enfin qui leur donnent une origine illustre; selon eux, les Solymes, nation célébrée dans les chants d'Homère, fondèrent une ville, et, de leur nom, l'appelèrent Hierosolyma.
La plupart des auteurs s'accordent à dire qu'une maladie contagieuse qui couvrait tout le corps de souillure s'étant répandue en Égypte, le roi Bocchoris en demanda le remède à l'oracle d'Amon, et reçut pour réponse de purger son royaume et de transporter sur d'autres terres, comme maudits des dieux, tous les hommes infectés. On en fit la recherche, et cette foule misérable, jetée dans un désert, pleurait et s'abandonnait elle-même, lorsque Moïse, un des exilés, leur conseilla de ne rien espérer ni des dieux ni des hommes, qui les avaient également renoncés, mais de se fier à lui comme à un guide céleste, le premier qui jusque-là eût apporté quelque secours à leurs misères. Ils y consentirent, et, sans savoir où ils allaient, ils marchèrent au hasard. Mais rien ne les fatiguait autant que le manque d'eau. Tout près d'expirer, ils s'étaient jetés par terre et gisaient dans ces vastes plaines, lorsqu'ils virent un troupeau d'ânes sauvages, revenant de la pâture, gagner une roche ombragée d'arbres. Moïse les suit, et, à l'herbe qui croît sur le sol, il devine et ouvre de larges veines d'eau. Ce fut un soulagement; et, après six jours d'une marche continuelle, le septième ils chassèrent les habitants de la première terre cultivée, s'y établirent et y fondèrent leur ville et leur temple.
Moïse, pour s'assurer à jamais l'empire de cette nation, lui donna des rites nouveaux et un culte opposé à celui des autres mortels. Là est profane tout ce qui chez nous est sacré, légitime tout ce que nous tenons pour abominable. L'effigie de l'animal qui leur montra la route et les sauva de la soif est consacrée dans le sanctuaire, et ils sacrifient le bélier comme pour insulter Amon. Ils immolent aussi le boeuf, que les Égyptiens adorent sous le nom d'Apis. Ils s'abstiennent de la chair du porc, en mémoire de la lèpre qui les avait jadis infectés, et à laquelle cet animal est sujet. Des jeûnes fréquents sont un aveu de la longue faim qu'ils souffrirent autrefois, et leur pain sans levain rappelle le blé qu'ils ravirent à la hâte. S'ils consacrent le septième jour au repos, c'est, dit-on, parce qu'il termina leurs misères; séduits par l'attrait de la paresse, ils finirent par y donner aussi la septième année. Suivant d'autres, cet usage fut établi pour honorer Saturne, soit qu'ils aient reçu les principes de la religion de ces Idéens qu'on nous montre chassés avec Saturne et fondant la nation des Juifs, soit parce que, des sept astres qui règlent la destinée des mortels, celui dont l'orbe est le plus élevé et la puissance la plus énergique est l'étoile de Saturne, et que la plupart des corps célestes exercent leur action et achèvent leur course par nombres septénaires.
Ces rites, quelle qu'en soit l'origine, se défendent par leur antiquité; ils en ont de sinistres, d'infâmes, que la dépravation seule a fait prévaloir. Car tout pervers qui reniait le culte de sa patrie apportait à leur temple offrandes et tributs. La puissance des Juifs s'en accrut, fortifiée d'un esprit particulier; avec leurs frères, fidélité à toute épreuve, pitié toujours secourable; contre le reste des hommes, haine et hostilité. Ne communiquant avec les autres ni à table, ni au lit, cette nation, d'une licence de moeurs effrénée, s'abstient pourtant des femmes étrangères; entre eux, tout est permis. Ils ont institué la circoncision pour se reconnaître à ce signe. Leurs prosélytes la pratiquent comme eux, et les premiers principes qu'on leur inculque sont le mépris des dieux, le renoncement à sa patrie, l'oubli de ses parents, de ses enfants, de ses frères. Toutefois on veille à l'accroissement de la population; il est défendu de tuer aucun nouveau-né, et l'on croit immortelles les âmes de ceux qui périssent dans les combats ou les supplices. Il s'ensuit qu'on aime à procréer et qu'on s'inquiète peu de mourir. Ils tiennent des Égyptiens l'usage d'enterrer les corps au lieu de les brûler; sur les enfers, même prévoyance, mêmes idées; quant au ciel, les croyances diffèrent. L'Égypte adore beaucoup d'animaux et se taille des images; les Juifs ne conçoivent Dieu que par la pensée et n'en reconnaissent qu'un seul. Ils traitent d'impies ceux qui, avec des matières périssables, se fabriquent des dieux à la ressemblance de l'homme. Le leur est le dieu suprême, éternel, qui n'est sujet ni au changement ni à la destruction. Aussi ne souffrent-ils aucune effigie dans leurs villes, encore moins dans leurs temples. Point de statues ni pour flatter leurs rois, ni pour honorer les Césars. Du reste, comme leurs prêtres chantaient au son de la flûte et des tambours, qu'ils se couronnaient de lierre, et qu'une vigne d'or fut trouvée dans le temple, quelques-uns ont cru qu'ils adoraient Bacchus, le vainqueur de l'Orient, opinion démentie par la différence des rites; Bacchus institua des fêtes riantes et joyeuses; le culte des Juifs est bizarre et lugubre.

Auteur: Tacite

Info: Histoires, Livre V [70 après J.-C.] A. Les affaires de Judée, 5,1-13

 

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culte démystifié

Flipper et juke-box sont des machines qui prolongent l’univers magique de l’enfance dans la société adulte. Ils représentent un seuil et un passage, la fin de l’enfance et le commencement de l’adolescence. Leur usage est aussi une décisive promotion sociale : il signifie l’accession au statut de consommateur. La fonction ludique investit la société Industrielle et la soumet à ses valeurs.

Cette magie n’est pas le génie de l’enfance. Bien au contraire. Elle est celle de l’idéologie néo-capitaliste qui s’incarne dans l’enfant et qui devient alors le génie de l’enfance capitaliste. Nous sommes là au cœur de la "société de consommation", du premier dressage du corps à la consommation.

On a voulu opposer la spontanéité et le naturel de l’enfant à "la société de consommation" de l’adulte. C’est le contraire qui est vrai : l’enfant s’abandonne sans aucune retenue à l’univers de la consommation, tandis que l’adulte – lorsqu’il est producteur – peut lui résister.

Quelle est la genèse de cette magie ? Comment l’enfant devient-il "innocent", "spontané" ? Comment l’idéologie de la consommation investit, dès le principe, l’enfance ?

L’explication sera proposée par une donnée anthropologique. Le corps du bébé est exclusivement fonction de consommation. Car c’est un immature. La cité reconnaît cette donnée ontologique ; le droit naturel. L’éducation consiste à redresser cette nature vouée au "principe de plaisir". Par l’apprentissage de la cité et du métier, le corps doit apprendre à se soumettre au procès de production. L’éducation politique du corps consiste à soumettre le "principe de plaisir" au principe de réalité.

Dans le système Capitaliste, ce travail ne doit pas être fait : le droit naturel doit se prolonger en irresponsabilité civique. C’est le dressage à la consommation, l’éducation de la "société de consommation" qui sera libérale, permissive, libertaire. C’est la toute-puissance du "principe de plaisir".

Les parents ne font alors que proposer l’éducation de la société industrielle sous tutelle capitaliste. Celle-ci impose l’usage coutumier de ses techniques. Un système fonctionnel qui prolonge et multiplie les pouvoirs du petit prince de la consommation. Celui-ci va jouer des objets manufacturés, utilitaires du milieu familial. Ce qui est usage fonctionnel pour les adultes devient usage ludique. Le droit naturel de l’enfant devient désinvolture d’usager. C’est l’accès au statut de consommateur.

Usage magique : il suffit d’appuyer sur un bouton. L’enfant investit ses privilèges dans l’espace familial, celui de l’équipement ménager. Et de tous les équipements (voiture, télévision, etc.) qui deviennent alors des objets de consommation. Au service du principe de plaisir, du ludique. L’enfant profite, – intégralement, lui – d’un procès de production qu’il peut – sans culpabilité encore – ignorer totalement.

C’est la magie moderne : un appareil utilisé sans connaître la nature de son fonctionnement, une fonction asservie sans soupçonner l’ordre du travail qui l’a produite. D’un rien, sans aucun effort, d’un seul souhait, d’un seul geste, surgit une consommation parfaite.

L’enfant est alors d’une totale disponibilité. A la consommation. Voyez sa manipulation de l’objet-marchandise. Il fait preuve d’une dextérité, d’une désinvolture qui stupéfient le cercle de famille. Il témoigne d’une agilité d’usage, d’une facilité insolentes.

Toute une culture – celle de la technologie de la société industrielle avancée – s’est consacrée, au prix d’un immense travail au développement du confort. Et sa caractéristique est d’avoir pu atteindre une extraordinaire facilité de son usage : il suffit d’appuyer sur un bouton. Le principe de la pédagogie d’intégration au système capitaliste est alors cet usage magique – par l’enfant – du fonctionnel.

Lénine disait que le communisme c’est l’électricité plus les Soviets. Le capitalisme, c’est l’électricité plus la magie fonctionnelle. Autrefois, l’usage d’un progrès était encore une technique d’usage. Pendant longtemps, l’instrument de libération a entraîné de dures contraintes. Un travail d’usage autre que le travail de production. Il y avait comme un échange symbolique, entre le travail qui permettait l’usage et la fonction libératrice de cet usage.

Avec l’électricité, il suffit d’une pichenette, geste magique, alors, de démiurge : l’enfant profite d’un progrès sans donner aucun travail – même symbolique – en échange. Il s’installe dans la totale ignorance du travail nécessaire à cette consommation. La pédagogie du système consiste à maintenir cette ignorance et à exalter cette gratuité. L’enfant doit se vautrer dans cet univers magique : la récupération totale du travail et du progrès. L’univers fonctionnel – résultat du fantastique travail de l’humanité – est alors réduit à la fonction ludique qui prolonge et accomplit l’univers ludique enfantin. Le capitalisme veut que nous restions jeunes et que nous soyons comme des enfants ! Le travail des uns sera l’éternelle adolescence des autres.

Le principe de l’éducation d’avant le capitalisme monopoliste d’Etat : la ludicité de l’enfant devait très vite affronter le sérieux de la praxis. Il fallait apprendre à vivre. Toute pédagogie était aussi un apprentissage. Pour le moins celui des techniques d’usage de la vie quotidienne. Car celle-ci exigeait une multitude de travaux domestiques. Et chacun devait en prendre sa part. Un dressage élémentaire du corps était le sevrage civique (celui de la passivité du corps). Du corps organe de réception et d’usage, corps de la digestion, corps originel (corps de la "société de consommation").

Cette structure éducative ne doit surtout pas être taxée de bourgeoise. Ce n’est pas l’idéologie qui l’imposait, mais le mode de production. Et elle se vérifiait, par la force des choses, davantage en milieu populaire qu’en milieu bourgeois.

Mais la bourgeoisie s’efforçait aussi de garantir cette structure, à tous les niveaux de la hiérarchie sociale. Il fallait un dressage minimum du corps (ne serait-ce que faire son lit) pour participer au vécu quotidien d’un mode de production aux technologies peu développées et très contraignantes. De là, par exemple, des traditions comme l’apprentissage sur le tas (du fils de famille) ou l’éducation civique dérivée de la préparation militaire : les boy-scouts (la culture bourgeoise avait su proposer un militantisme écologique auprès duquel les prétentions écologisantes de notre époque semblent bien molles et paresseuses).

Maintenant, l’enfant ne trouve plus ces résistances civiques à son investissement ludique. On le préserve même des exercices pédagogiques élémentaires, devenus autoritarisme et brimade. On lui livre toutes les technologies d’usage. Son activisme magique originel ne rencontre plus de barrière.

Auteur: Clouscard Michel

Info: Le capitalisme de la séduction

[ naturalisation ]

 
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Ajouté à la BD par Coli Masson

jeu

Le fantasque Mario Balotelli, la vraie star de cet Euro 2012
Rebelle, iconoclaste, le joueur qualifié pour les demi-finales avec l'Italie contredit tous les clichés du politiquement correct.
"Oubliez-moi. La vraie rock star ici, c'est Mario Balotelli !" Déclare Noel Gallagher, le chanteur controversé de l'ex-groupe Oasis, qui parle de l'attaquant italien de Manchester City. Un rapide condensé de l'esprit de ce joueur qui vient de se qualifier pour les demi-finales de l'Euro 2012 avec la Squadra Azzurra. Et c'est d'ailleurs sa patrie d'adoption - l'Angleterre, où il évolue sous les couleurs de Manchester City - qu'il vient d'éliminer de la compétition, aux tirs au but, après y être allé de sa petite réalisation.
Mario Balotelli est un show à lui tout seul qui défraie la chronique. On en est fan ou on l'exècre. Soit on le considère comme un génie, soit comme un sombre abruti. Mais une chose est sûre, il ne laisse pas indifférent. Et pour ses débuts à l'Euro 2012, il n'a pas failli à sa réputation de joueur fantasque. Capable du pire comme du meilleur sur une pelouse, il a appliqué avec panache ce concept lors de la phase des poules. Il passe ainsi à côté de ses deux premiers matches et suscite la colère des tifosi pour son comportement de diva sur le terrain. Alors, pour faire taire tout le monde, l'attaquant italien est aussi en mesure d'inscrire un somptueux but lors du troisième match de poule et de le célébrer en boudant et en se faisant censurer par ses coéquipiers, de peur que l'intenable ne dérape dans ses propos ou dans la célébration de son but. Au final, ses partenaires s'en amusent et ont appris à composer avec ce caractère instable.
Compétitif et instable
Car Balotelli est un véritable ovni du ballon rond. Le genre de joueur complètement perché en marge totale des principes liés au monde du football professionnel. Conscient de son talent, il n'en fait qu'à sa tête, ce qui déclenche inévitablement des polémiques. Mais là où certains joueurs français pénalisent leur équipe par des attitudes immatures, la folie de Mario Balotelli le rend compétitif et hors du commun. Il peut, par exemple, se vanter en club cette saison d'un meilleur ratio buts-temps de jeu que la star de Manchester City Sergio Agüero et a été décisif dans l'obtention du titre de champion des Citizens. Et c'est d'ailleurs ce point précis qui dérange.
À une époque où l'on nous apprend que seuls la volonté, le travail et l'effort conditionnent la réussite sociale, Mario arrive au sommet de sa profession avec une attitude de dilettante. Alors que les médias font le constat d'une société en manque de repères qui découlerait d'une autorité défaillante, Mario Balotelli conteste fréquemment la figure hiérarchique du coach, ce qui ne l'empêche pas pour autant de faire une belle carrière. Quel joueur, du haut de ses 22 ans, a déjà gagné une Ligue des champions, trois championnats d'Italie et un titre de champion d'Angleterre ? Il met ainsi en porte à faux tous ces principes consensuels qui ont transformé le football en univers aseptisé où aucun comportement rebelle n'est toléré. Un constat qui a énormément de mal à passer et qui se verra toujours opposer des arguments fallacieux mettant en avant l'instabilité du garçon ou ses doigts d'honneur faits à la morale.
Il faut dire que le parcours de Mario Balotelli est lui-même hors norme. Né à Palerme, en Sicile, de parents ghanéens, il est recueilli à 2 ans par une famille italienne de Brescia. Et dans un pays loin d'être cosmopolite, il est l'un des rares enfants de couleur noire de cette ville. Pourtant, il n'a jamais été tenté par un "retour aux sources" salvateur ou mystique dont les joueurs français ou anglais d'origine africaine sont friands. Au contraire, il se revendique 100 % italien et déclare être un amoureux de sa patrie. N'a-t-il pas sorti un drapeau vert-blanc-rouge devant les supporteurs de Manchester City au moment de célébrer le titre avec eux ? Paradoxe : ce genre d'attitude - très certainement glorifiée en France par ceux qui s'inquiètent de ne voir aucun joueur chanter La Marseillaise - ne passe pas en Italie. Les Transalpins ne pardonnent rien à l'ancien sociétaire de l'Inter Milan.
Premier Noir de la Squadra Azzurra
Majoritairement xénophobe, l'Italie a eu du mal à accepter qu'un joueur de couleur noire soit la figure la plus visible de la Squadra Azzurra. Pire, Mario Balotelli est devenu en 2010 le premier joueur de couleur noire à revêtir le maillot de la Nazionale... De quoi déclencher de vives migraines chez les supporteurs les plus farouches et réactionnaires de la Petite Botte. D'autant plus que l'indiscipline de Mario n'arrange rien. Son passage à l'Inter Milan s'est d'ailleurs très mal terminé. Ce qui n'a rien d'étonnant vu que l'entraîneur était à l'époque José Mourinho. D'un côté, un coach portugais show man de classe mondiale qui est très à cheval sur les valeurs collectives de son équipe. De l'autre, un joueur individualiste et forte tête qui se considère comme la seule star de l'effectif. Le clash était inévitable.
Malgré ses frasques, ses attitudes incompréhensibles, son comportement immature et son inconscience avérée il vient de provoquer un incendie à son domicile en allumant pétards et feux d'artifice dans sa salle de bains), Mario Balotelli fait curieusement du bien au football. Il apporte de la fraîcheur et de l'originalité dans ce monde du ballon rond qui a perdu son innocence à cause des exigences du haut niveau. Qui ne s'est pas déjà ennuyé devant une interview d'un joueur de Ligue 1 au discours formaté du type "l'important, c'est les trois points" ?
Pourquoi les Cantona, Maradona, Romario, Ronaldinho ou Paul Gascoigne étaient si populaires ? Parce qu'ils ont toujours compris que le football était d'abord un jeu avant d'être leur travail. Et que le spectacle fait aussi partie de ce sport au même titre, voire plus, que la performance. Mario Balotelli, même s'il ne le revendique pas ouvertement, s'inscrit dans cet héritage. Il est l'enfant terrible du football moderne, directement engendré et inspiré par ces anciennes gloires du ballon rond. Mario Balotelli confond la pelouse d'un stade avec une cour d'école et c'est ce qui plaît. On l'adule ou on le hait, mais on ne peut pas nier qu'il apporte de la vie et de l'humain au football avec son comportement d'enfant.

Auteur: Cacace Giuseppe

Info: Le Point.fr, 25 juin 2012

[ fantaisie ] [ star ] [ sport ] [ révolte ]

 

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sociologie

La tyrannie de l’apparence
A l’école, à la fac, au travail… Avant même nos compétences, c’est notre physique qui est jugé. Une dictature du beau dénoncée, preuves à l’appui, par le sociologue Jean-François Amadieu.
Depuis l’Antiquité grecque, nous sommes victimes et vecteurs du même présupposé : ce qui est beau est bon. Aujourd’hui encore, tout le monde le pressent et personne ne veut y croire : notre vie tout entière est soumise à la tyrannie des apparences.
Pour la première fois en France, un livre, Le Poids des apparences (Odile Jacob, 2002), en apporte la démonstration. Professeur de sociologie, Jean-François Amadieu a recensé trente ans d’études américaines et européennes sur le sujet et en tire une conclusion effarante : toute notre vie, dans tous les domaines, en amour comme au travail, notre apparence conditionnera nos relations aux autres.
Poussant son analyse, le sociologue démontre combien la beauté est un formidable outil de discrimination sociale que les élites imposent aux classes les plus basses. Dans le monde entier, les canons de la beauté ne sont-ils pas ceux des Blancs américains diffusés par la télévision et le cinéma : blondeur, minceur, jeunesse. Que l’on s’y résolve ou que l’on se révolte, nous n’en sommes pas moins, dès la naissance, soumis à la première des injustices : celle des apparences.
Au berceau déjà
Les regards qui se portent sur le nourrisson dans son berceau ne sont pas neutres. Un bébé beau attirera force sourires et risettes alors qu’un enfant moins séduisant créera une certaine gêne chez les adultes. Même infime – oreilles décollées, tache de naissance, dissymétrie des traits –, la différence physique sera vécue par les parents comme un handicap futur. Et suscitera des comportements différents à l’égard du nourrisson.
" On ne peut pas dire qu’une mère ou un père préfèrera un enfant plus beau que ses frères et sœurs, explique Jean-François Amadieu. En revanche, les études ont prouvé que les activités seront différentes selon que l’enfant est beau ou laid. Par exemple, une mère jouera beaucoup avec son nourrisson s’il est beau, tandis qu’elle focalisera sur les apprentissages s’il est disgracieux. Et parce qu’elle sait qu’il risque de se heurter, plus tard, aux regards des autres, elle s’en occupera plus. Il est d’ailleurs prouvé que ces enfants réussiront mieux à l’école que la moyenne. On peut ici parler d’un effet de compensation à la laideur."
A l’école du favoritisme
A la maternelle déjà, les enfants beaux sont privilégiés. Les enseignants ont une meilleure opinion d’eux, leur accordent davantage d’attention, les évaluent plus chaleureusement - in Modèles du corps et psychologie esthétique de Jean Maisonneuve et Marilou Bruchon-Schweitzer (PUF, 1981). Cette bienveillance engendre une confiance chez l’enfant qui l’accompagnera toute sa vie. D’autant qu’elle va mettre en place une dynamique du succès qui se poursuivra à l’âge adulte. Ensuite, au collège et au lycée, une note peut varier de 20 à 40 % selon la beauté de l’élève. Les études prouvent qu’une étudiante laide mais de bon niveau est peu défavorisée par rapport à une étudiante belle de même niveau. En revanche, si la plus jolie est mauvaise élève, ses notes seront nettement surévaluées par les examinateurs, expliquent Jean Maisonneuve et Marilou Bruchon-Schweitzer dans Le Corps et la Beauté (PUF, 1999).
"Beaucoup plus que l’enfant beau, l’enfant laid est jugé responsable de ses échecs scolaires autant que de ses fautes, remarque Jean-François Amadieu. D’abord par les instituteurs, puis par les professeurs et enfin par les recruteurs. La beauté est un statut qui vaut diplôme : elle enrichit, comme la laideur altère, nos compétences."
La tête de l’emploi
Diplôme en poche, vous pensiez être délivré de la dictature des apparences ? Erreur. "Une apparence avenante est cruciale au moment de l’embauche, mais également pour une bonne intégration au sein de l’entreprise, explique Jean-François Amadieu. Elle permet une meilleure évaluation des performances et favorise un bon déroulement de carrière." Le candidat sera jugé d’abord sur des critères extérieurs : soin apporté à sa personne, poids, beauté physique, etc. 50 % des employeurs jugent qu’un physique séduisant est un critère important de recrutement (Multicity Study of Urban Inequality de H. Holzer, Michigan State University, 1993). Les critères négatifs : poids excessif, petite taille, nez trop long, grandes oreilles, visage disgracieux, mains moites…
"Les beaux sont jugés plus intelligents, plus ambitieux, plus chaleureux, plus sociables, plus équilibrés et moins agressifs", assure encore le sociologue. Ainsi, de nombreux spécialistes du recrutement estiment, consciemment ou pas, qu’une personnalité équilibrée se voit. Pire, les études prouvent qu’à diplôme équivalent un candidat au physique peu avenant sera recruté à un salaire moindre. Une situation qui n’ira pas en se résorbant : une étude anglaise, conduite sur onze mille salariés britanniques (Beauty, Statute and the Labour Market de B. Harper, 2000), prouve que si les plus beaux gagnent un peu plus que la moyenne nationale, les plus laids perçoivent des salaires de 11 à 15 % inférieurs.
"La beauté permet non seulement d’échapper au chômage, mais en plus elle se transforme en prime salariale, résume Jean-François Amadieu. La beauté est un capital humain que le marché du travail reconnaît financièrement." Ainsi démontrée, la dictature que nous imposent les apparences, comme la tyrannie médiatique et sociale que nous subissons, nous apparaissent dans ce qu’elles ont de fondamentalement injustes. "Bien sûr, nous préférerions que ce soient les mérites de chacun qui déterminent l’obtention des diplômes, l’accès aux emplois, etc., plutôt qu’un critère arbitraire et primitif, admet Jean-François Amadieu. Mais c’est en disant la vérité sur cette discrimination qu’on peut élaborer des stratégies visant à limiter, sinon contrer, l’emprise des apparences. Bien connue et bien utilisée par tous, elle peut aussi permettre de bousculer l’ordre imposé."
Des chercheurs américains (Physical Attractivities and Evaluation of Children’s Transgressions de K. K. Dion, 1972) ont demandé à des adultes de juger des enfants de 7 ans accusés d’avoir blessé un camarade avec une boule de neige. Dans un premier temps, les personnes interrogées se sont montrées beaucoup plus tolérantes envers les enfants les plus beaux : la faute était jugée plus légèrement lorsque le fautif était séduisant. Dans un second temps, elles se sont dit convaincues que les enfants beaux récidiveraient moins que les autres. Commentaires du sociologue Jean-François Amadieu : "Non seulement le “laid” est jugé plus responsable de sa faute que le “beau”, mais, de surcroît, cette faute apparaissant comme inscrite dans sa nature profonde, elle est susceptible d’être répétée."

Auteur: Gelly Violaine

Info:

[ inégalités ] [ injustice ] [ allure ]

 

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filles-garçons

ELLE. Qu’en est-il des cours d’éducation sexuelle à l’école ?

Israël Nisand. Il y a une loi, datant de 2001, qui prévoit trois heures d’information sur la vie affective et sexuelle à partir de l’âge de 4 ans. J’ai rencontré tous les ministres successifs de l’Éducation nationale pour leur demander d’appliquer la loi, rien de plus.

ELLE. Et à quoi ressemble cette éducation sexuelle, alors ?

Israël Nisand. D’abord, il faut arrêter avec le mot éducation sexuelle, ça voudrait dire qu’on peut vous expliquer comment et dans quelles positions. Appelons ça "Information sur la sexualité". Il y a plein d’expérimentations volontaristes comme la mienne, conduites par le Planning familial ou quelques infirmières scolaires. Il y a eu énormément d’essais dans des régions qui tentent de palier le manque institutionnel dans ce domaine mais, sinon, rien. Appliquons la loi, c’est aussi simple que ça ! Le Canada, la Suisse romande le font : il y a une formation des instituteurs. À 4 ans, on apprend à respecter son propre corps. À 6 ans, on apprend le respect de l’autre. À 8 ans, on apprend ce qu’est la vie amoureuse. Bref, tout ce parcours de connaissance est fait par des profs formés pour ça. Puis, vers 11 ans, ce sont des intervenants extérieurs qui viennent parce que les jeunes sont très sensibles à l’interlocuteur et à ses compétences. Lorsque vous me demandiez à quel âge intervenir, certaines institutions souhaiteraient que je vienne plus tôt, en quatrième, parce qu’il y a des fellations collectives dans les toilettes.

ELLE. Comment expliquez-vous cela ?

Israël Nisand. On a confié l’éducation sexuelle de nos enfants au porno, qui est une non-éducation. J’entends des questions folles pendant les cours : "Comment ça se fait que les meufs elles aiment sucer le sexe des animaux ?" "Est-ce que, quand la meuf veut pas, un pote peut la tenir ?" Il y a plein de questions sur la zoophilie. Ils sont complètement animés, cultivés, éduqués par YouPorn.

ELLE. À partir de quel âge les enfants commencent-ils à regarder du porno ?

Israël Nisand. En moyenne, 11 ans. Mais il y a des enfants de 9 ans qui sont addicts et en consomment jusqu’à trois heures par jour. Ils sont comme fascinés, sidérés par ces images, ce qui est d’ailleurs une forme de maltraitance. Car jamais ils ne seront comme les stars du porno avec un zizi très long, et pratiquant telle ou telle position... Ils sont choqués.

ELLE. Est-ce que, comme pour les drogues, plus on consomme jeune, plus c’est nocif ?

Israël Nisand. C’est démontré. Un chercheur canadien a publié plusieurs travaux à ce sujet. Selon la précocité de la consommation et la quantité d’heures par jour, il étudie la sexualité en aval à travers trois marqueurs : l’utilisation des objets dans les premiers rapports, l’âge du premier rapport et le recours à la sodomie lors d’un premier rapport. Hautement significatif. Autre expérience : il a exposé une centaine d’adultes de 22-23 ans, sans perversion de nature pédophile, pendant deux heures à de la pédopornographie et les a réinterrogés : ça les avait bien sûr troublés, cela leur avait aussi donné du plaisir, du désir sur quelque chose qui ne les concernait pas auparavant.

ELLE. Pour autant, les adolescents ont toujours leur premier rapport au même âge ?

Israël Nisand. Non, l’âge du premier rapport est de 16 ans et demi pour les filles, 16 ans et deux mois pour les garçons. Il a bougé. Et bouge considérablement. Ce qui était normal à 17 ans et demi l’est maintenant maintenant à 16 ans. Entendons-nous : je ne suis pas dans le jugement moral, je suis en train de dire que l’on perturbe un mécanisme de fantasmagorie, de création des images et d’enchantement – la rencontre de l’autre avec un commerce qui se fait sur le dos de nos enfants.

ELLE. Que préconisez-vous ?

Israël Nisand. Comme je vous l’expliquais, il faut appliquer la loi et s’inspirer des usages suisse et canadien. Des cours d’information à la sexualité depuis l’âge de 4 ans. Ne chargeons pas les parents ! Il faut que l’école aide. De 4 à 10 ans, les fondamentaux : le respect de soi-même, le respect de l’autre ; c’est quoi la relation entre deux personnes qui s’aiment ? Instits et parents doivent transmettre ces fondamentaux, sinon, c’est foutu. Ensuite, tout se joue à l’extérieur. Il y a donc deux ou trois années de blanc au moment où l’enfant aurait le plus besoin d’être protégé. C’est là que l’école a un rôle fondamental : un adulte complice vient le voir, ce n’est pas un père, une mère, il ne juge pas, mais il va l’aider.

ELLE. Et les parents dans tout ça ?

Israël Nisand. Les parents sont là pour l’éducation à la morale que personne ne peut faire à leur place, mais ils ne peuvent pas donner la licence et interdire. Si les parents n’ont pas appris les interdits, on ne peut plus construire derrière et, s’ils posent les interdits, ils ne peuvent pas dire ensuite : "Il faut laisser de l’air au bout des préservatifs." Je parle en père !

ELLE. Et pour le porno ? Difficile de surveiller tablettes, mobile, réseaux sociaux…

Israël Nisand. Impossible. Je ne suis pas pour la censure mais, quand on veut empêcher une consommation sur Internet dans notre pays : djihadisme, pédophilie… on y arrive. Je demande : primo, que chaque première image de pornographie soit assortie d’une demande de carte Bleue. Rien que ça. Deuxio, une campagne d’information à destination des parents pour leur dire que ça fait du mal aux enfants, qu’ils doivent ranger leur matériel pornographique à usage personnel, car 30 % de la primo-consommation se fait sur des documents qui appartiennent aux parents. Tertio, une campagne d’information pour les enfants expliquant : "La pornographie, ça vous fait du mal, comme la drogue, et on ne la combat pas sans en parler."

ELLE. Les ados ne peuvent-ils pas aussi regarder du porno et en revenir, une fois la curiosité retombée, sans séquelles ? Autrement dit : ne faut-il pas leur faire confiance ?

Israël Nisand. Tout dépend du contexte, de la fragilité affective et de la manière dont on a pu en parler avec les parents. Mais on ne mesurera jamais tout à fait l’effet de sidération des premières images. Je préférerais que les jeunes découvrent la sexualité autrement que par des scènes qui sous-entendent que "non peut vouloir dire oui", avec la violence, le mépris de la femme et la possibilité de l’inceste que ça implique.

Auteur: Nisand Israël

Info: sur Elle.fr, 19 avril 2016

[ initiation ] [ décadence ] [ Internet ] [ femmes-hommes ]

 

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FLP défini 3

Les Fils de La Pensée est un site-application dédié à l'encouragement de la lecture. Et, plus encore, de la lecture analytique.  

Mais pas que.

Initié à l'orée du 3e millénaire, alors que le numérique rétrécit une planète terre où la domination américano-occidentale post ww2 se termine, FLP veut se positionner "à partir du langage" c'est à dire en contemplant le monde pratiquement sur le mode peircéen du quasi-esprit.

Ainsi notre site-agrégateur-moteur de recherche collectif tente d'aller un peu plus loin que ce que les idiomes, unificateurs grégaires, font déjà. Ceci en proposant des pistes susceptibles d'amener le développement d'une lexicologie humaine (ici francophone) élargie, en mouvement, souple... et charpentée différemment comme explicité plus loin. 

FLP est aussi un espace de réflexion communautaire trans-partisan HOMME - machine, à l'heure où on veut nous faire croire que les chatbots générateurs de texte sont une intelligence artificielle (A.I. - I.A.) susceptible d'être comparée à celle des hommes - voire supérieure à cette dernière.  Alors que ce ne sont que de fantastiques outils, dangereux pour deux raisons au moins selon nous.  a) L'utilisation que tout pouvoir cherchera à en faire b) La dépendance, voire l'abrutissement, qu'elles pourront générer. 

FLP s'essaye donc à semer les graines d'une refondation des structures de la classification sémantique - sans bien sûr abandonner les savoirs partagés antérieurs. C'est à dire sans remettre en cause notre évolution ni ce qu'il y a "au dessous du langage",  ce dernier ne représentant que l'hyperstructure évolutive du monde-miroir-anthropique consensuel, miroir qui grandit au fur et à mesure de la progression et de l'affinement de notre science, c'est à dire de représentations qui recherchent une forme de vérité/exactitude sur base, entre autres, d'analogies et de hiérarchisations. Hiérarchisations souvent ridicules, probablement à l'instar du faible niveau de notre jeune espèce dans le grand et mystérieux concert cosmique.  

Structuration sémantique à venir potentiellement plus fiable et durable parce que simultanément partie d'une meilleure compréhension-intégration humaine avec la matrice Gaïa et le reste du vivant.

Mais restons bien humbles et revenons à FLP. Sachant que chacun d'entre nous est par essence limité par son imprégnation propre : milieu, époque, pays, langue, famille, genre, conformation physique, épisodes de vie, etc. et étant assumés et assurés certains prérequis quant à un minimum d'"existence physique" et d'éducation au verbe du participant, FLP essaye ce dépassement classificateur en s'appuyant sur deux idées perpendiculaires syntonisées.  

Primo : développement et l'approfondissement de l'idiosyncrasie de chacun, principalement par lecture réflexive et compréhension/analyse. 

Secundo :  meilleure intégration/compréhension de chaque subjectivité personnelle au sein des idées ; humaines dans un premier temps et, pourquoi pas, de la nature dans un sens plus large, avec cette idée parallèle d'une réintégration dans le concert du vivant après tous ces épisodes capitalo-anthropocentrés des singes trop malins que nous sommes. 

En bref :   approfondissement personnel      versus       élargissement collectif incorporateur.

Nous retrouvons ici le concept de tétravalence cher à nos yeux où se combinent l'horizontalité de l'intégration aux rouages du présent (principe féminin, empathique ?), avec une verticalité qui tend à vouloir incorporer le MOI dans la continuité de l'évolution (principe masculin, égoïste ?). 

Il y a ici une parenté évidente - que FLP voudrait développer - avec les quatre liaisons de covalence du carbone (et en lien avec les 4 bases dont sont formées les chaines de la double hélice de l'ADN ?). Nous croyons encore une fois que s'en inspirer aidera à  une meilleure représentation humaine au sein du mystérieux processus de la vie émergé de notre matrice Gaïa ; à l'heure où la science  à  déjà bien montré combien nos représentations du réel sont à revoir de fond en comble.

Nous préconisons-anticipons donc le développement d'une classification à partir d'une double base duale, extension des 2 axes conceptuels habituels : ying-yang, mâle-femelle, vie-mort, ouranien-chtonien, doute-certitude, noir blanc, etc... ici sémantiques, qui sont à appréhender comme deux vecteurs doubles, orthogonaux , qui copulent, modélisent, conjuguent et fusionnent sans cesse les formulations, c'est à dire comment nous nous représentons le réel sous forme de consensus humain verbaux.

Voilà donc défini un cadre et quatre vecteurs-directions, sans autre forme méthodologique que la présentation de ce "chassis conceptuel".  Chassis sous-jacent qui, avec l'aide de l'outil FLP, ses règles simples, et les possibilités de précision sémantique qu'Internet permet, aidera le participant-inserteur à aller  un cran plus loin, c'est à dire à réfléchir, en extrapolant et dédoublant parfois la double dualité foncière qui nous anime. 

On pourra partir par exemple de idée simple d'un "dictionnaire intriqué  à deux termes". Termes définis et mis ensemble dans une recherche, dont les combinaisons vont générer diverses variations, en partant de la plus courte. Recherche-exploration "à deux mots" dont on pourra comparer les résultats tels qu'exprimés par une femme, ou par un homme, ou autre... Les paramétrages de lieu, époque, pays, etc. venant ensuite pour qui voudra aller plus loin.

Ainsi, via les bidouillages de chacun et des échanges multiples, principalement portés sur une "exactitude sémantique consensuelle", le dictionnaire FLP devrait s'auto-construire - sans jamais vouloir conclure - par la pratique et le partage communautaire. 

C'est donc une entreprise collective qui combine deux orientations orthogonales : occupation du temps et développement personnel, ces derniers participants à la construction et au développement d'un dictionnaire linguistique communautaire, base de données  multidimensionnelle  enchevêtrée  - en espérant de continuels élagages-mises à jour-corrections des extraits insérés. Tout ceci idéalement en développant et mettant en pratique un ordonnancement sémantico-taxinomique qui s'inspire de ce que nous savons de l'esprit qui est dans la matière.

Mais ne nous emballons pas. Voyons d'abord FLP comme un instrument de recherche, transversal et sérendipitaire, sur fond de délassement.  

Nous croyons au plaisir du lire, de la pensée, de la rêverie... de la curiosité qui avance par crans....  Pas assouvie, mais nourrie... souvent parce que le langage - c'est à dire tous les hommes rassemblés -, formule et matérialise pour un temps nos sentiments-sensations-idées, avant que chaque représentation personnelle (pas de représentations sans verbe) ne diverge et se développe plus avant à sa manière dans un corpus idiomatique jamais fixé. 

Nous pensons que l'esprit a soif de nouveau et répondons à cette appétence en proposant le double plaisir conjugué de la lecture et de la quête. Bon dieu quel bonheur de découvrir des choses parce que formulées jusqu'à nous paraitre intelligibles !

Auteur: Mg

Info: mars, avril 2023

[ prospective ] [ alcènes et alcynes  ] [ gnose ]

 

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sciences

36'000 sexes, mais à deux, c'est mieux pour les biologistes de l'évolution, le sexe est un mystère - et le binôme mâle-femelle un paradoxe. Explications sur l'origine des genres.
"L'émergence des genres reste un problème déroutant en biologie, lance Lukas Schärer, spécialiste de l'évolution de la reproduction à l'Université de Bâle. Nous ne comprenons pas encore tout à fait le sexe."
Car la présence de deux sexes amène un désavantage immédiat: elle réduit de moitié la probabilité de rencontrer un partenaire de reproduction. "Avoir deux genres n'est pas seulement une mauvaise stratégie; c'est la pire", renchérit Laurence Hurst, biologiste à l'Université de Bath (G.B.) et l'un des spécialistes mondiaux de l'évolution de la reproduction. Avec un seul genre - ou une multitude -, nous pourrions nous reproduire avec tout le monde.
La reproduction sexuée présente des avantages évidents sur le plan de l'évolution (voir encadré plus bas). Mais qui dit sexe ne dit pas forcément mâle et femelle: il est tout à fait possible de fusionner deux cellules similaires. "Il faut distinguer deux étapes, précise Laurence Hurst. D'abord, on doit pouvoir expliquer l'émergence de deux types de gamètes (les cellules reproductrices, ndlr) qui - tout en restant morphologiquement identiques - ne peuvent fusionner que l'un avec l'autre. Un deuxième niveau concerne leur différenciation en gamètes mâles et femelles, qui sont non seulement distincts, mais également différents." "Des théories existent, ajoute Lukas Schärer, mais leur démonstration univoque par des expériences fait encore défaut."
La faute aux mitochondries
Dans les années 1990, Laurence Hurst a proposé une piste pour élucider la première étape: un seul genre favoriserait des mutations potentiellement nuisibles. "En fusionnant, les gamètes ne combinent pas seulement les informations génétiques contenues dans leur noyau, mais partagent aussi leurs mitochondries (responsable de fournir la cellule en énergie, ndlr), explique le biologiste anglais. Comme celles-ci évoluent indépendamment du noyau, il n'est pas certain que les mitochondries dominantes, qui par exemple se reproduisent plus rapidement que les autres, s'avèrent également bénéfiques à la cellule et à l'individu."
Une solution à ce problème serait procurée par l'émergence de deux types de gamètes (appelés "+" et "-"), dont un seul est capable de transmettre ses mitochondries. On réduit ainsi les probabilités d'avoir des mutations mitochondriales délétères à la cellule. Afin de propager les types de mitochondries bénéfiques à l'individu, il y aurait un avantage évolutionniste à ce que seuls les différents types de gamètes puissent fusionner entre eux.
"Notre thèse est appuyée par des observations faites sur des protozoaires ciliés, poursuit Hurst. Ceux qui se reproduisent par fusion et mélangent leurs mitochondries ont deux genres alors que d'autres, qui ne font qu'échanger leur noyau sans partager leurs mitochondries, possèdent non pas deux mais des centaines de genres distincts. On observe le même phénomène chez les champignons: ils n'échangent que leur noyau, et certains possèdent jusqu'à 36'000 sexes." Avoir exactement deux sexes servirait ainsi à filtrer les mitochondries.
A quoi ressemble l'acte de chair lorsqu'on a plusieurs genres? "Les deux partenaires doivent être d'un genre différent, répond Lukas Schärer. Au niveau des probabilités, un nombre élevé de sexes se rapproche de l'absence de genre de plusieurs façons, car on peut se reproduire avec à peu près tout le monde. L'existence de genres protège les individus de l'auto-fertilisation, qui est dangereuse car elle expose souvent des mutations délétères." De nombreux sexes, donc, pour éviter la consanguinité.
La naissance du mâle
Mais pourquoi les + et les - se sont-ils ensuite différenciés en "mâles" et "femelles"? Dans les années 1970, le biologiste Geoff Parker a proposé un mécanisme évolutionniste. Des mutations ont changé la taille des cellules reproductives. Graduellement, deux types d'individus ont été sélectionnés, qui produisent soit des spermatozoïdes petits, nombreux et de valeur limitée, soit des oeufs gros, rares et précieux. Les premiers peuvent être produits en très grand nombre, ce qui augmente la probabilité de rencontre. Grâce à leur grande taille, les seconds ont davantage de chances d'être fécondés et peuvent fournir une grande quantité de matière au zigote (obtenu par la fusion des gamètes), ce qui améliore ses chances de survie. "L'évolution de l'anisogamie (des gamètes de tailles différentes, ndlr) a eu lieu plusieurs fois au cours de l'évolution et ceci de manière indépendante", rappelle Brian Charlesworth, professeur de biologie évolutionnaire à l'Université d'Edimbourg. "L'anisogamie a probablement moins de chance d'évoluer dans des espèces plus petites, car l'avantage procuré par un grand oeuf joue un rôle plus faible", note Lukas Schärer.
Reste encore la différentiation au niveau de l'individu: pourquoi la plupart des animaux comprennent des mâles et des femelles - au lieu de favoriser l'hermaphrodisme? Ce dernier s'accompagne du risque d'autofertilisation et des problèmes dus à la consanguinité, mais atténue la difficulté de trouver un partenaire. Cet avantage pourrait être un facteur déterminant chez les plantes: incapables de se déplacer, elles sont en grande majorité hermaphrodites. Au contraire des animaux, qui eux ont les moyens de partir chercher l'âme soeur.
Les bienfaits du sexe
Le but de la chair, c'est de mélanger pour mieux s'adapter. En combinant les gènes des deux parents, la reproduction sexuée permet de sélectionner les bonnes mutations et de purger les mauvaises. "Des expériences avec des levures modifiées pour se reproduire asexuellement ont montré qu'elle s'adaptent moins rapidement aux changements de l'environnement, détaille Laurence Hurst de l'Université de Bath (G.B.). On a pu observer que certaines espèces capables d'utiliser les deux modes de reproduction favorisent la voie sexuée lorsqu'elles se voient soumises à des pressions de l'environnement." Une fois le danger passé, elles retournent au sexe en solitaire - également favorisé lorsque la rencontre d'un partenaire s'avère trop difficile.
Le kamasutra de la Nature
Entre des bactéries échangeant du matériel génétique et des champignons possédant des milliers de sexes, la Nature ne montre aucun tabou. Les hermaphrodites simultanés tels que la majorité des plantes et escargots possèdent les appareils génitaux mâles et femelles, alors que les hermaphrodites séquentiels (certains poissons et crustacés) changent de sexe au cours du temps. Les êtres hétérogames (amibes sociales, micro-crustacés, algues) peuvent alterner entre reproduction asexuée et sexuée. On a observé que les femelles d'un certain nombre d'animaux (dont le dragon du Komodo et le requin marteau) peuvent parfois se passer de mâle pour se reproduire par parthénogenèse lorsque rencontrer l'âme soeur s'avère trop difficile. Les polyploïdes, eux, ne possèdent pas des paires de chromosomes comme la plupart des animaux sexués, mais de multiples copies: une espèce de salamandre n'a que des femelles possédant leurs chromosomes en triple. Elles se reproduisent par "cleptogénèse", en volant des spermatozoïdes de variétés voisines.
80 millions d'années sans sexe: un scandale évolutionnaire
Même si les premiers êtres vivants unicellulaires comme les bactéries se sont toujours reproduits de manière asexuée, "la plupart des êtres multicellulaires asexués ont évolué à partir d'espèces sexuées, note Brian Charlesworth de l'Université d'Edimbourg. Ils n'ont pas eu le temps de se diversifier et sont normalement d'origine récente." La découverte que des invertébrés aquatiques asexués appelés bdelloidés ont survécu quelque 80 millions d'années fut qualifiée de "scandale évolutionnaire" par le biologiste John Maynard Smith. Autre particularité, ces invertébrés pratiquent une forme d'hibernation: face à une pression environnementale, ils peuvent sécher et entrer en animation suspendue. En 2008, une étude d'Harvard apporte un élément de réponse: lorsqu'ils se réveillent, les bdelloidés incorporent l'ADN étranger se trouvant à proximité. Même pour les êtres asexués, le mélange des gènes semble incontournable pour survivre.

Auteur: Saraga Daniel

Info: Largeur.com, 25 mai 2011

[ couple ] [ reproduction ]

 

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être humain

Qu’est-ce qui sépare vraiment l’humain de l’animal ?

L’humain fait partie du groupe des primates. Dans cet article de The Conversation, on plonge toutefois dans les méandres de la classification du vivant.

En ces temps de crise de la biodiversité et de questionnements sur le vivant, la vieille question de la dualité homme-animal est, semble-t-il, toujours d’actualité. Même si le " vraiment " de la question laisse entendre qu’au fond la séparation n’est pas si profonde.

Sur le plan de la biologie, de la zoologie même, devrait-on préciser, le paradoxe a été levé depuis longtemps. L’homme est un animal. Il ne peut donc se séparer de lui-même.

La question n’est donc plus de nature scientifique, mais philosophique et sociologique. Il reste que pour la plupart d’entre nous la réponse scientifique importe peu tant les termes sont connotés. Affirmer que l’homme est un animal a peu de poids. L’affirmation serait-elle admise que la question deviendrait : qu’est-ce qui distingue l’humain des autres animaux ?

Une classification de l’humain parmi les primates

Depuis des siècles, les caractéristiques biologiques de l’humanité ont toutes été intégrées dans le panorama des traits des êtres vivants en général et des animaux en particulier. Et pourtant, l’homme s’est quasiment toujours singularisé par rapport au reste du monde vivant. Toute une tradition de réflexion philosophique et spirituelle s’oppose à la vision unitaire de la science biologique.

C’est là le grand problème que Linné au 1VIIIe siècle a cru résoudre définitivement. Dans son Systema Naturae dont la 10e édition datant de 1758 est considérée comme le point de départ de la nomenclature zoologique moderne, l’homme, genre Homo, est classé, parmi les animaux, dans l’ordre des Primates – les " premiers ", noblesse oblige –, mais en compagnie de trois autres genres : Simia (les singes), Lemur (les lémuriens incluant, pour Linné, le galéopithèque, un petit mammifère arboricole planeur d’Indonésie) et Vespertilio (les chauves-souris).

Ce choix est significatif et fait de Linné un pionnier qui, d’une certaine manière, dépassa les concepts de la majorité de ses successeurs du 1IXe siècle. De fait, en 1910, une fois la biologie devenue évolutionniste, l’anatomiste William K. Gregory nomma Archonta un groupe réunissant les primates (singes, lémuriens, homme), les chauves-souris (ordre des chiroptères), le galéopithèque (ordre des dermoptères) à quoi s’ajoutent des mammifères insectivores inconnus de Linné, les toupayes (mammifères arboricoles d’Asie).

L’homme était non seulement un membre des Primates, mais aussi un membre des Mammalia (tous ces termes sont dus à Carl Von Linné). On peut remonter la hiérarchie classificatoire et inclure l’homme dans les amniotes, dans les vertébrés, dans les animaux. Les animaux, c’est-à-dire dans les classifications le règne des Animalia, aujourd’hui appelé Metazoa (mot qui signifie la totalité des animaux) – les deux termes sont synonymes.

Le terme de Metazoa à la sonorité incontestablement scientifique ne heurte aucune oreille. Dire que l’homme est un métazoaire ne choque personne. Dire qu’il est un métazoaire parce qu’il est pluricellulaire et possède une protéine qui structure le lien entre les cellules – le collagène – est affaire de spécialistes et empêche invariablement toute percée philosophique. Aucune sensibilité là-dedans. Un animal, c’est autre chose, n’est-ce pas ?

D’autres ont voulu placer l’humain hors du règne animal

Linné à sa manière a été un révolutionnaire. Ses successeurs se sont attachés à défaire le regroupement des Primates. Le naturaliste français Armand de Quatrefages classa en 1861 l’homme seul dans le " règne humain ", caractérisé par " l’âme humaine " reprenant une suggestion émise plus de quarante ans auparavant par l’agronome lamarckien Charles-Hélion de Barbançois : classer l’homme dans un règne à part, le " règne moral ".

Quatrefages s’attacha autant à réfléchir à l’unité de l’espèce humaine qu’à analyser la singularité de ses composantes. Pour Quatrefages, en savant positiviste, c’est-à-dire qui s’en tient aux faits, la notion de Règne (la plus haute des catégories de la classification) s’impose à l’esprit humain : les caractères qui définissent l’homme sont évidents et ne sont liés à aucune hypothèse ou théorie.

L’âme humaine, différente de l’âme animale serait un pur fait d’observation. Auparavant, l’anatomiste allemand Johann Friedrich Blumenbach et l’anatomiste français Georges Cuvier opposèrent l’homme seul (ordre des Bimana) aux autres primates (ordre des Quadrumana). Le naturaliste allemand J. C. Illiger avait classé l’homme seul (seul à être debout) dans les Erecta, tandis que l’anatomiste britannique Richard Owen, adversaire résolu du darwinisme, en fit le seul représentant des Archencephala, introduction notable du cerveau comme spécificité humaine.

On peut remarquer toutefois qu’à l’exception de Quatrefages, tous les autres auteurs cités subordonnent l’espèce humaine au règne animal et à la classe des mammifères. On saisit bien la difficulté de ces anatomistes distingués qui, bien conscients des caractères morphologiques et physiologiques qui tout en intégrant parfaitement l’homme dans les mammifères, étaient tentés irrépressiblement, aussi en tant que croyants, de l’opposer au reste de la création.

" L’homme sage " — Homo sapiens

L’anatomiste, celui qui décide, c’est bien l’homme, Homo sapiens (" l’homme sage " que Linné n’a pas nommé comme tel par hasard). On aura donc compris que ces affirmations taxinomiques ont pour objet de placer l’Homo sapiens à part, en fonction de traits qui lui sont propres, du psychisme à la bipédie, et non d’identifier une séquence de caractères partagés par l’homme et différents animaux.

Que l’homme soit opposé au reste du règne animal ou bien à son plus proche parent animal revient au même. Un évolutionniste tel que Julian Huxley prit en 1957 l’exemple de la classification de l’homme pour illustrer sa conception du " grade évolutif ". L’activité intellectuelle de l’homme est telle qu’elle lui suffit pour concevoir une niche écologique sans précédent. Le cerveau humain situerait l’homme, seul, au niveau de la plus haute des catégories, le règne : le règne des Psychozoa.

On le sait, le plus proche parent vivant de l’homme (Homo) est le chimpanzé (Pan). Dans les années 1960, les premières classifications incluant les deux genres dans la famille des Hominidae firent scandale. Le tableau de famille était dégradé, gâché, détruit.

7 millions d’années d’évolution

La biologie moléculaire nous dit que l’homme et les chimpanzés sont presque identiques génétiquement parlant. Mais, c’est en pure perte : on reconnaît aisément un homme d’un chimpanzé. On devrait dire : on reconnaît aisément les deux animaux. La baleine bleue et la musaraigne aussi sont des animaux, et même des mammifères, certes bien distincts. Leurs différences sont infiniment plus grandes que celles qui séparent l’homme et le chimpanzé, mais elles ne sont pas importantes à nos yeux d’hommes sages. Philosophiquement parlant, ce ne sont pas elles qui nous concernent. L’anthropocentrisme est patent. En fait, après des centaines de millions d’années d’évolution animale, la lignée humaine et celle des chimpanzés se sont séparées il y a 7 millions d’années environ.

L’homme est pétri de caractères animaux depuis le liquide amniotique dans lequel baigne l’embryon rappelant les origines aquatiques des animaux jusqu’à l’éminence mentonnière qui fait saillie à l’avant de la mâchoire inférieure (la grande invention ostéologique des humains !) en passant par tous les traits de vertébrés, de tétrapodes, de mammifères et de primates. L’homme n’est qu’un animal comme les autres et différent de tous les autres comme le sont toutes les espèces animales les unes des autres.

Peut-on se contenter d’une telle affirmation ? Les mots du quotidien sont lourds de sens et de contresens. Le verbe persiste, tenace. Malgré l’idéologie et la perte des repères scientifiques, on n’aura pas la mauvaise grâce de s’en plaindre puisque le verbe, après tout, est l’une des caractéristiques d’Homo sapiens, au moins dans la nature actuelle. 

 

Auteur: Tassy Pascal

Info: https://www.numerama.com/, 31 12 2023

[ distinguo ] [ définition ] [ animal particulier ]

 
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colonialisme

Un groupe de motards surgit de nulle part, alors que j'étais occupé à faire mes besoins loin du douar, à la tombée du soir, moment propice pour se cacher des regards, s'accroupir quelque part, à ses risques et périls descendre son pantalon dans le noir, rester ainsi camouflé, à l'orée du village, comme pour voler des poules fait le renard, à guetter le vide, à scruter le ciel, ou à sonder le brouillard. Le temps d'un gargouillement, d'une contorsion, d'un soulagement, avant de repartir vers sa case qui, comme toutes les habitations autour, n'avait ni robinet, ni bidet, ni baignoire ; Ils étaient quatre, deux hommes, deux femmes, avec de gros casques, des blousons et des pantalons en cuir, des bottes qui leur montaient aux genoux, Ils allaient dans le désert, mais s'étant égarés quelque part, et voyant que bientôt la nuit allait devenir noire, ils étaient venus chercher asile chez-nous,

Et bien que m'ayant surpris dans une posture peu honorable, ils semblaient contents de voir que je parlais leur langue comme je remontais mon pantalon, aisément. Hospitalité oblige, après quelques politesses, une blague ou deux, je les invitai dans mon gourbi, une chambre en pisé, qui en même temps me servait de salle de classe et de logement. Je n'avais pas parlé français à quelqu'un, hormis à mes pauvres élèves, depuis longtemps, et tout fier, pour une fois que j'avais de la compagnie, je profitais joyeusement de l'occasion. À la lumière blafarde d'une bougie, nous discutâmes des choses de la vie, et j'étais déçu de constater que mes hôtes étaient surpris de voir que j'avais un jeu d'échecs, une guitare, que je connaissais Pétrarque, Ronsard, que sur ma table de chevet, les Contemplations voisinaient avec les Illuminations, les Rêveries, Les Méditations... Ils s'en étonnaient exagérément, échangeaient des clins d'oeil un peu sceptiques, un peu moqueurs, multipliaient les compliments, comme fait le maître pour flatter un bon élève au moment où il lui rend son devoir. 

Soudain, j'avais honte d'enseigner leur langue, me sentis être un animal étrange, un curieux spécimen. J'étais jeune, débutant, peu initié aux secrets de la nature humaine, mais ce soir-là, j'eus la désagréable sensation d'être leur bon apôtre. Un déchirement viscéral scinda mon âme qui, tant bien que mal, à son exil absurde avait jusque-là survécu, tenace, brave, pareille au taureau que dans une arène à qui mieux mieux on malmène. 

À une fausse identité, une autre, ni meilleure, ni pire, allait s'ajouter, la quête de soi devenir une réclusion à perpétuité, et le " je " éclater pour enfanter de beaucoup d' "Autres".

Seuls ceux qui, répondant à l'appel de leur coeur, ont honoré le métier de professeur, maintenu allumé le flambeau légué par leurs vaillants prédécesseurs. Contre les idées reçues, la vindicte de l'Histoire, ils avaient choisi d'aimer la langue de Molière, de l'adopter, de la chérir, de la transmettre à leurs frères et soeurs, ou dans des contrées arides, ou dans de lointaines montagnes, ou dans d'hostiles campagnes, ou dans la redoutable faune citadine. Par des temps où l'ignorance était aveugle, l'intolérance assassine, où les problèmes de l'enseignement étaient graves, où la cherté de la vie, le manque de moyens, la pression sociale s'ajoutaient au stress, à la fatigue, à la routine ;

Seuls ceux-ci, disais-je, se rappellent lorsqu'ils ils étaient jeunes, élèves de professeurs étrangers, qui étaient différents, courtois, humains, cultivés, sérieux, qui au lieu de leur service militaire chez-eux, venaient chez-nous enseigner cette matière, ceux qu'à l'époque on appelait " coopérants ". 

Grâce à eux, ils découvriront les grands noms de cette littérature, l'esprit cartésien, la société laïque, la pensée marxiste. Avec eux, de tout ils parleront librement, à l'occasion d'un passage de La Nausée, de L'Étranger, de Huis-clos ou de La Peste, aux temps de la mouvance existentialiste. Ces personnages itinérants, altruistes, tolérants, souvent bienveillants, furent pour beaucoup dans les choix que leurs disciples allaient faire. Il faut dire que le monde qu'ils représentaient leur semblait être plus avancé, plus policé que celui dans lequel les maintenaient prisonniers leurs parents. Les tabous n'étaient plus des tabous, les chaînes du conservatisme archaïque, anachronique, se brisaient contre le savoir libérateur.

Alors leurs initiateurs, souvent rescapés de La Révolution estudiantine de mai 68, adeptes du mouvement hippie, amoureux de la nature, défenseurs de la paix, les invitèrent de bonne heure à cette conquête ;

Ils choisirent alors, confiants, d'aller sur ces chemins heureux, d'explorer cette civilisation nouvelle qui, parmi les leurs, avait fait des écrivains rebelles : Chraïbi, Khatibi, Laâbi, Khaïr-Eddine, Kateb Yacine, Fatéma Mernissi, Taos Amrouche, Moloud Feroun, Maammeri, Dib, Boudjedra, Mimouni, Assia Djebbar, pour ne citer que ceux-là,

Des antiques poètes bédouins d'Arabie, des anciens penseurs d'un empire musulman chimérique, en ruines, ils oublièrent les satires, les panégyriques, du souk Okad les joutes verbales et toutes les éternelles querelles, pour, de Baudelaire, humer ses maléfiques Fleurs, avec Musset veiller ses longues Nuits, d'extase et de plaisir mourir dans les romans de Balzac, de Flaubert, de Stendhal, de Maupassant ou de Zola.

Plus ils avançaient dans ces terres fertiles, prospères, plus ils comprenaient les constructions des phrases, le rythme des vers, les alittérations, les assonances, les figures de rhétorique, les tonalités, les registres, les formes verbales et leur concordance, les connotations et les nuances. Quant à leurs idées, elles devenaient au fur et à mesure plus libérales, et révoltés, insoumis, ils rompirent définitivement avec leur Moyen Âge, pour épouser l'esprit rationnel - devant les clichés, les préjugés, les croyances et la superstition de leur société - de La Raison qui toujours prône l'arbitrage. 

Puis, ils furent appelés à transmettre ces bagages, après un long parcours qui les avait complètement remodelés. À un public qui à ses convictions séculaires restait sourdement lié, comme l'enfant au sein qui l'abreuve de bon lait, tandis que les conservateurs les regardaient d'un mauvais oeil, que les détracteurs de la modernité pensaient que leur âme leur avait été volée... Que souvent, d'athées, d'hérétiques, de pervers furent taxés les professeurs de français par les esprits sclérosés, dans leur propre patrie étrangers, bannis, exilés.

Pendant des décennies, le derrière entre deux chaises, l'esprit déchiré entre authenticité et modernité, ils ont lutté contre l'obscurantisme, l'ignorance, colportant les principes de La Liberté, de La Fraternité, de L'Égalité, dans des régions qui n'avaient ni la même devise, ni la même foi, ni le même type de gouvernance. De même que jadis leurs grands-parents, sans comprendre pourquoi, blancs-becs partirent guerroyer en Indochine, pour le drapeau tricolore en piètres héros, pour périr pendant les Deux Guerres,

De même eux sacrifiaient leur culture, sans comprendre pourquoi les français n'enseignaient pas en retour la langue berbère dans leurs écoles, pourtant ceux-ci allaient et venaient chez-eux comme ils voulaient, alors qu'eux devaient mendier un visa pour de l'Hexagone franchir les frontières. 

Si arbitrage de La Raison il doit y avoir, si la réalité ressemblait à ce mirifique savoir, si après de houleux combats Les Lumières, Les principes de La Charte ont dressé l'inventaire, de L'Égalité entre les peuples esquissé une tentative salutaire, est-ce seulement pour que leur langue soit enseignée vidée de toutes ses valeurs, chargée de principes qui avec les décisions que prennent les dirigeants ne sont jamais correspondants ?

Comme si les peuples étaient aveugles, comme s'ils étaient bêtes, comme s'ils n'étaient pas en mesure de comprendre qu'à la vérité, avec leur vis-à-vis, ils ne sont pas égaux, que dans le monde actuel, il est difficile, voire impossible d'être indépendant...

Auteur: Talbi Mohamed

Info:

[ francophone ] [ non réciprocité ] [ frustration ]

 

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