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province

Le problème de Saint-Roch c'est que c'est de plus en plus mort, et début août c'est mort de chez mort. Y a de plus en plus de boutiques qui ferment. Reste la vitrine avec rien derrière, LOCAL À LOUER ou À VENDRE, un numéro de téléphone. On dirait que le vide envahit la ville, comme une sale mode. Sinon c'est surtout des banques, des assurances, des pharmacies, des magasins pour les yeux et les oreilles des vieux.
Y a même pas de gare. Y a bien des cars mais démerde-toi pour trouver où ils vont, quand ils partent. Et puis ça coûte, on sait même pas combien, mais ça coûte.
On dirait que c'est une ville, même pas une ville, une petite ville, un gros village que quelqu'un a chié en route, là, contre la colline, au milieu des champs. A peine quelques routes qui rattachent ça au réel, le reste du monde et la vie.

Auteur: Delsaux Aurélien

Info: Pour Luky, p 47, Les éditions Noir sur Blanc, 2020

[ bourgade ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

cité imaginaire

A Ersilia, pour établir les relations qui régissent la vie de la cité, les habitants tendent des fils entre les bords des maisons, blancs ou noirs ou gris ou noir et blanc selon qu'ils marquent des relations de parenté, d'échange, d'autorité, de représentation. Lorsqu'il y a tellement de fils qu'on ne peut plus passer entre eux, les habitants partent : les maisons sont démantelées ; ne restent que les fils et les supports des fils. Du flanc d'une montagne, campés avec leurs biens domestiques, les réfugiés d'Ersilia regardent l'enchevêtrement de fils tendus et de perches qui s'élèvent dans la plaine. C'est toujours la ville d'Ersilia, et ils ne sont rien. Ils reconstruisent Ersilia ailleurs. Ils tissent avec les fils une figure similaire qu'ils voudraient plus compliquée et en même temps plus régulière que la précédente. Ainsi, en parcourant le territoire d'Ersilia, on rencontre les ruines de villes abandonnées, sans les murs qui ne durent pas, sans les os des morts que le vent fait rouler : des réseaux de relations complexes qui cherchent une forme...

Auteur: Calvino Italo

Info: Villes invisibles

[ mouvantes ossatures ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

religion

En dehors de Dieu, principe d’union, l’union n’est pas possible.

Voyez la sphère et étudiez-la.

Ses rayons partent du centre et vont à la circonférence. Quand ils sont loin, bien loin du centre, on dirait que jamais ils ne seront réunis. Leur distance est si grande et leur force de divergence si croissante, qu’on les dirait partis sans esprit de retour. Mais rapprochez-vous un peu du centre : les rayons sont moins éloignés les uns des autres. Rapprochez-vous encore : les voilà qui convergent les uns vers les autres. Ils tendent à se réconcilier. Enfin regardez le point central : tous les rayons sont là, présents et ardents. C’est le rendez-vous. Ils se touchent, ils se pénètrent. La chaleur va et vient de l’un à l’autre, et chacun profite des lumières et des ardeurs de tous.

[…] ainsi en est-il des âmes humaines. Plus les êtres sont près de Dieu, plus ils sont près les uns des autres. Quand ils s’éloignent du foyer commun, ils se séparent et s’égarent dans la même mesure où ils se refroidissent.

Auteur: Hello Ernest

Info: Philosophie et athéisme

[ collectivité ] [ théologie ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

existence

Les gouttes de pluie sur la vitre ont un bombement argenté et une bordure laiteuse. La pluie s'arrête. Les gouttelettes ne partent pas tout de suite. Elles forment une voix lactée cloutée. Elles semblent figée comme parfois nos vies. Puis l'une se met en route. Il est difficile de ne pas penser qu'elle va vers sa mort. La jeune élue, poussée par le vent, s'éloigne de ses sœurs idolâtres, crispées dans une fausse immortalité. La petite vivante avec sa joie muette glisse en oblique vers l'abîme, dans l'angle de la vitre encadrée d'acier froid. Voilà. C'est fini. Vivre n'est rien d'autre que donner sa lumière, traverser la voie lactée des épreuves, disparaître - et continuer, car telle était la parole qui se matin se fracassait en dizaines de gouttes d'eau sur la vitre insensible d'un train entre Paris et Genève : aucune lumière ne se perd. Nous sommes des paillettes d'or détachées d'une statue vivante. Nous sommes des instants de son souffle, des pollens de sa voix, des petites gouttes de pluie qui prennent le train sans billet jusqu'à l'éternel qui est ceci, ici, maintenant.

Auteur: Bobin Christian

Info: Un bruit de balançoire

[ éphémère ] [ instant présent ]

 
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Ajouté à la BD par miguel

drogue psychotrope

Une certaine araignée chaque matin fait dans la nature et en tout lieu qui s’y prête une toile admirablement régulière. Après ingestion d’un extrait de champignon hallucinogène — que par ruse on lui a fait prendre — elle commence une toile dont petit à petit les spires ne se suivent plus et partent de travers, et d’autant plus que la quantité absorbée est plus considérable : une toile de folle.

Des parties s’affaissent, s’enroulent, Zygiella notata, c’est son nom, ne s’arrête pas avant d’avoir obtenu la dimension habituelle mais, devenue incapable de suivre son plan, un plan qui pourtant ne date pas d’hier, mais de dizaines ou de centaines de siècles, passant intact et parfait de mère en fille, elle commet des erreurs, des redoublements, ailleurs laisse des trous, elle, si soigneuse, et passe outre. Les der-

nières spires sont un balbutiement, un vertige, c’est comme si elle avait eu un éblouissement. Œuvre en ruine, ratée, humaine.

Araignée si proche de toi maintenant. Nul sur la drogue n’a plus justement, plus directement exprimé le trouble des enchevêtrements. En frère, regarde ses ruines en fil. Mais qu’a-t-elle donc vu, Zygiella ?”

Auteur: Michaux Henri

Info: Oeuvres complètes, tome 3. Poteaux d’angle, pp 1062-1063

[ insecte ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

rendement financier

L'argent travaille lui aussi, comme tout le monde. Et quand il ne travaille plus, converti en biens immobiliers et revenus locatifs, il garantit l'avenir, sans quoi on nage dans l'incertitude comme les parents de Pierre. Et comme eux on sera réduit à la conjurer dans la bouffe, l'alcool, le Xanax et les crédits revolving, merci bien. On parle de Pierre comme s'il était là, c'est parfaitement désobligeant, oui. L'équilibre de Pierre, pour ne pas dire sa félicité, repose sur la prévision. Entre autres petits placements sans risque dans de jeunes entreprises du big data, ils disposent avec Reine de deux studettes dans le arrondissement louées sans risque à des locataires eux-mêmes entretenus par leurs propriétaires de parents. Ajoutés à cela, deux appartements à Saint-Jean-CapFerrat, loi Pinel, assureront des revenus locatifs en cas non pas de licenciement mais de réflexion, envie de liberté, nécessité d'émigration. La France pourrait devenir insupportable, décevante au moins, l'histoire l'a montré. Enfin, un compte est approvisionné dans le cas plus que probable où la mère de Pierre, fantasque retraitée de l'enseignement primaire, témoignerait d'une soudaine perte d'autonomie et voudrait vivre chez son fils. Pierre a évalué le coût de six ans de pension complète en maison de repos. Il a placé le total à taux fixe et depuis il respire. Ils ne partent pas en vacances tous les quatre matins, inutile. Pierre est suffisamment détendu à l'idée que sa mère ne viendra pas tacher le chesterfield.

Auteur: Pourchet Maria

Info: Les impatients, Page 50, Gallimard, 2019

[ obsession ] [ fric ] [ calcul ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

malentendu

Comme les Indiens, les sourds attribuent à chacun un nom, un signe identitaire, qui le suit toute sa vie.
Il peut être en rapport avec le physique ou le caractère.
(...)
S'ils n'avaient pas ces signes, les sourds seraient obligés d'utiliser l'alphabet de la langue des signes pour épeler chaque nom. Et V-E-R-O-N-I-Q-U-E, c'est long à "signer".
Ainsi, mon prénom, mon signe, celui qui me caractérise moi et personne d'autre, c'est "Rêveuse".
C'est mon mère qui me l'a donné?
Enfant, je ne comprenais pas pourquoi. Pourquoi "Rêveuse"?
Un jour, j'ai compris ; j'avais passé tellement d'heures à contempler la vie par la fenêtre en rêvant d'autre chose que cela ne lui avait pas échappé.
Le majeur et l'index, formant le V de Véronique, partent de la tempe pour aller se perdre dans les airs en tournoyant : "Rêveuse".
C'est poétique, c'est beau, ça fait toute une vie.
Sauf que.... je me suis trompée. Ma mère vient de lire ce chapitre et n'est pas d'accord.
"Ton signe pas "Rêveuse". Depuis toujours.
-Non. "Etourdie"."
Les doigts en V partent bien de la temps et s'en vont bien dans les airs mais pas en tournoyant. En tremblotant. C'est subtil. La différence est minime mais ça ne veut pas dire la même chose.
"Petite, toi, étourdie. Pas rêveuse. Toi oublies tout, toujours, toujours. Étourdie."
Je reste sans voix. Ça fait trente ans que je me trompe. Ou que j'ai oublié.
Etourdie je suis, étourdie je resterai.

Auteur: Poulain Véronique

Info: Les mots qu'on ne me dit pas

[ parents ] [ enfants ] [ surdité ]

 

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connaissance

Le savant, même sous l'aspect où il use de sa raison, [...] demeure totalement tributaire des sens. [...] Il suit de là, nous l'avons déjà fait remarquer et l'on ne saurait trop y appuyer, que le savant, comme tel, ne sort pas, ne peut pas sortir du monde de la nature, du monde corporel et sensible. Il est confiné, par définition, dans le monde de l'expérience sensible extérieure. Et, aussi bien est-ce pour cela que toutes les branches de la science ainsi entendue, sont appelées du même nom. Elles s'appellent toutes des sciences expérimentales. Ce qui veut dire que non seulement elles partent de l'expérience des sens ; mais encore qu'elles s'y terminent.

Le philosophe, lui, a bien son point de départ dans l'expérience des sens. Sa raison, étant elle aussi une raison humaine, n'échappe point à la condition propre de la raison humaine, que saint Thomas définissait par ce beau mot, comme nous l'avons vu : ratio nostra ortum haleta sensu. Mais si elle part du sens, elle ne s'y termine pas. Sa conclusion propre, comme raison de philosophe, sera quelque chose qu'elle découvre dans ce que les sens perçoivent, mais que les sens eux-mêmes ne peuvent plus percevoir, que, seule, la raison percevra. La conclusion, la découverte à laquelle aboutit la raison philosophique, ne pourra pas être contrôlée, vérifiée, par les sens ou par l'expérience : elle ne sera pas d'ordre expérimental. Elle sera, proprement, d'ordre rationnel.

Auteur: Pègues Thomas

Info: Dans "Aperçus de philosophie thomiste et de propédeutique", page 39

[ scientifique ] [ différence ] [ intellect ]

 

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oraison funèbre

Le cœur ne peut errer. La chair est un songe, elle se dissipe ; cet évanouissement, s’il était la fin de l’homme, ôterait à notre existence toute sanction. Nous ne nous contentons pas de cette fumée qui est la matière ; il nous faut une certitude. Quiconque aime sait et sent qu’aucun des points d’appui de l’homme n’est sur la terre ; aimer, c’est vivre au delà de la vie ; sans cette foi, aucun don profond du cœur ne serait possible. Aimer, qui est le but de l’homme, serait son supplice ; ce paradis serait l’enfer. Non ! disons-le bien haut, la créature aimante exige la créature immortelle ; le cœur a besoin de l’âme...

Le prodige de ce grand départ céleste qu’on appelle la mort, c’est que ceux qui partent ne s’éloignent point. Ils sont dans un monde de clarté, mais ils assistent, témoins attendris, à notre monde de ténèbres. Ils sont en haut et tout près. Oh ! qui que vous soyez, qui avez vu s’évanouir dans la tombe un être cher, ne vous croyez pas quittés par lui. Il est toujours là. Il est à côté de vous plus que jamais. La beauté de la mort, c’est la présence. Présence inexprimable des âmes aimées, souriant à nos yeux en larmes. L’être pleuré est disparu, non parti. Nous n’apercevons plus son doux visage ; nous nous sentons sous ses ailes. Les morts sont les invisibles, mais ils ne sont pas les absents.

Auteur: Hugo Victor

Info: Prononcé sur la tombe d’Émilie de Putron à Guernesey, le 19 janvier 1865. Elle était la fiancée de son fils cadet François-Victor, qui décèdera comme elle de la tuberculose en 1873.

[ au-delà ]

 
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historiographes

C'est sans doute là que se situe la différence majeure entre "les historiens de garde" et les tenants de toute forme de roman national et nous [les historiens "scientifiques"]. Nous fouillons le passé pour partir à la rencontre d'un Autre et tenter de le comprendre. Eux tentent de tordre le passé pour justifier leurs choix et leurs obsessions d'aujourd'hui. Loin d'apercevoir une altérité dans le passé, ils ne partent qu'à la recherche de leur propre reflet égocentrique.

Cette mise à distance de soi qui définit, bien plus qu'aucun titre universitaire, la pratique historienne, ne fait pas de ceux qui en font leur métier et leur passion des surhommes. Quiconque a fait des recherches historiques sait pertinemment à quel point nos recherches restent imparfaites. On ne peut reconstituer exactement le passé, notamment celui des sociétés où les sources sont rares, malgré l'apport précieux de l'archéologie. C'est encore plus vrai pour les catégories sociales les plus modestes qui, jusqu'à une date récente, ont laissé peu de traces. Et si nous pouvons parfois avancer quelques certitudes, celles-ci pèsent toujours bien peu face à la masse de notre ignorance.

Cet état de fait enseigne au pratiquant de l'histoire - car oui, l'histoire est avant tout une pratique qui ne nécessite en rien des grades académiques - la modestie et à considérer que le récit du passé n'est jamais clos. C'est pour cela que les affirmations péremptoires des "historiens de garde" qui prétendent en trois lignes analyser des phénomènes historiques complexes nous font réagir.

Auteur: Blanc William

Info: Les historiens de garde, postface à l'édition de 2016

[ honnêtes ] [ justifications nationalistes ]

 

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Ajouté à la BD par miguel