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poème
Nostalgie
Cela fait cent ans
que je n'ai pas vu ton visage
que je n'ai pas passé mon bras
autour de ta taille
que je ne vois plus mon visage dans tes yeux
cela fait cent ans que je ne pose plus de question
à la lumière de ton esprit
que je n'ai pas touché à la chaleur de ton ventre.
Cela fait cent ans
qu'une femme m'attend
dans une ville.
Nous étions penchés sur la même branche,
sur la même branche
nous en sommes tombés, nous nous sommes quittés
entre nous tout un siècle
dans le temps et dans l'espace.
Cela fait cent ans que dans la pénombre
je cours derrière toi.
Tu es mon ivresse
De toi je n'ai point dessoûlé
Je ne puis dessoûler
Je ne veux point dessoûler
Ma tête lourde
Mes genoux écorchés
Mes vêtements crottés
Je vais vers ta lumière qui brille et qui s'éteint
en titubant, tombant, me relevant.
Auteur:
Hikmet Nazim
Années: 1901 - 1963
Epoque – Courant religieux: industriel
Sexe: H
Profession et précisions: poète turc puis citoyen polonais
Continent – Pays: Europe - Turquie - Pologne
Info:
Il neige dans la nuit et autres poèmes
[
déclaration d'amour
]
plage
Gwenn, pilleuse d'épaves, allait à la marée glaner sur le sable jaune des vieux morceaux de bois blanchis et rongés par le sel, mille fois poncés par le ressac, en ramassait un, examinait sa forme à la lumière hivernale. On se foutait d'elle, qui vidait ses poches pleines de cailloux bizarres et de débris de verre tintinnabulant dans ses mains. Elle encombrait la table de la cuisine de pieuvres de bois mort alors qu'on prenait l'apéro au retour de la plage. Imaginez le tableau, des os de goélands, c'était cradingue, elle nous les mettait sous le nez, et les plumes avec, ça schlinguait la marée et c'était Bysance
Oh, petite fille de la mer, ma sirène aux cheveux d'or, aux yeux trempés dans le ciel défiant le Grand Astre, obstinée, espiègle, ma soeur des après-midi d'été, quand je te vois arpenter la grève blanche à marée basse, penchée sur le sable, ma complice des tapages nocturnes et des danses barbares, je viens te dire adieu.
Auteur:
Bellec Hervé
Années: 1955 -
Epoque – Courant religieux: Récent - libéralisme économique
Sexe: H
Profession et précisions: écrivain
Continent – Pays: Europe - France
Info:
La nuit blanche
[
enfance
]
[
eulogie
]
nostalgie
Gwenn, pilleuse d'épaves, allait à la marée glaner sur le sable jaune des vieux morceaux de bois blanchis et rongés par le sel, mille fois poncés par le ressac, en ramassait un, examinait sa forme à la lumière hivernale. On se foutait d'elle, qui vidait ses poches pleines de cailloux bizarres et de débris de verre tintinnabulant dans ses mains. Elle encombrait la table de la cuisine de pieuvres de bois mort alors qu'on prenait l'apéro au retour de la plage. Imaginez le tableau, des os de goélands, c'était cradingue, elle nous les mettait sous le nez, et les plumes avec, ça schlinguait la marée et c'était Bysance
Oh, petite fille de la mer, ma sirène aux cheveux d'or, aux yeux trempés dans le ciel défiant le Grand Astre, obstinée, espiègle, ma sœur des après-midi d'été, quand je te vois arpenter la grève blanche à marée basse, penchée sur le sable, ma complice des tapages nocturnes et des danses barbares, je viens te dire adieu.
Auteur:
Bellec Hervé
Années: 1955 -
Epoque – Courant religieux: Récent - libéralisme économique
Sexe: H
Profession et précisions: écrivain
Continent – Pays: Europe - France
Info:
La nuit blanche
[
enfance
]
[
deuil
]
[
copine
]
assomption signifiante
[...] le terme familial était en 1881 un néologisme. Une consultation attentive de quelques bons auteurs qui se sont penchés sur le problème m’a permis de dater de 1865 l’apparition de ce mot. On n’avait pas cet adjectif avant cette année-là. Pourquoi ne l’avait-on pas ?
Selon la définition qu’en donne Littré, familial se dit de ce qui se rapporte à la famille, au niveau, dit-il, de la science politique. Le mot familial est ainsi lié à un contexte où l’on dit par exemple allocations familiales. L’adjectif est donc venu au jour au moment où la famille a pu être abordée comme objet au niveau d’une réalité politique intéressante, c’est-à-dire pour autant qu’elle n’avait plus pour le sujet la même fonction structurante qu’elle avait toujours eue jusque-là, étant partie intégrante des bases mêmes de son discours, sans que l’on songe même à l’isoler. C’est pour autant qu’elle a été tirée de ce niveau pour devenir le propos d’un maniement technique particulier, qu’une chose aussi simple que son adjectif corrélatif a pu surgir.
Auteur:
Lacan Jacques
Années: 1901 - 1981
Epoque – Courant religieux: récent et libéralisme économique
Sexe: H
Profession et précisions: psychanalyste
Continent – Pays: Europe - France
Info:
Dans le "Séminaire, Livre V", "Les formations de l'inconscient (1957-1958)", éditions du Seuil, 1998, pages 55-56
[
mise en jeu symbolique
]
[
historique
]
déclaration d'amour
Nous nous étions connus tout petits à l'école.
Comme son père était de mon père voisin,
Nous partions tous les deux sac au dos le matin
Nos têtes s'encadraient d'une même auréole.
Dans la rose candeur du sourire enfantin,
Nous étions bons amis. Quand les flots du Pactole
Roulaient chez l'un de nous, par hasard, une obole,
Nous divisions toujours en deux parts le festin.
Souvent, aux lendemains de mes fainéantises,
Me laissant consulter en route son devoir,
Elle sut m'épargner l'horreur du cachot noir.
Moi, je grimpais pour elle à l'arbre des cerises,
Pour elle je pillais la vigne et le pommier,
Et je la défendais comme un bon chevalier.
II
Plus tard, à l'âge d'or où dans notre poitrine
Vibre l'enchantement des frissons amoureux,
A l'âge où l'on s'égare au fond des rêves bleus,
Sans songer à demain et ce qu'il nous destine,
Sous les érables du grand parc, à la sourdine,
Nous nous cachions, loin des oreilles et des yeux,
Et, son front virginal penché sur mes cheveux,
Ensemble nous lisions le divin.
Auteur:
Lamartine Alphonse de
Années: 1790 - 1869
Epoque – Courant religieux: industriel
Sexe: H
Profession et précisions: poète
Continent – Pays: Europe - France
Info:
Premier amour I
[
poème
]
cadavre
Un jeune homme était assis sur le lit de camp. Il était penché en avant dans un équilibre des plus précaires, et, dès qu'il se fut remis du choc de la découverte, Genero se demanda comment il tenait ainsi basculé sans s'écraser la figure par terre. C'est alors qu'il vit la corde.
Un bout de corde était attaché aux barreaux de la fenêtre ; l'autre extrémité était nouée autour du cou du jeune homme. Ramassé sur lui-même, il semblait vouloir prendre son élan et bondir. Il avait les yeux dilatés, la bouche ouverte. On eût dit que, tout au fond de lui-même, la vie s'était enroulée comme un ressort remonté à bloc qui allait se détendre pour catapulter le jeune garçon dans la pièce. Seules la couleur du visage et la position des bras indiquaient qu'il était mort. Le teint était violacé, légèrement terreux ; tels de lourds étais, les bras étaient posés de chaque côté du torse, les mains ouvertes, la paume en l'air. A quelques centimètres d'une main gisait une seringue hypodermique. Elle était vide. ... [...]
Auteur:
McBain Ed
Années: 1926 - 2005
Epoque – Courant religieux: Récent et Libéralisme économique
Sexe: H
Profession et précisions: écrivain de polar
Continent – Pays: Amérique du nord - Usa
Info:
Le fourgue
autoportrait
Mon enfance, qui s'est étalée sur environ vingt-cinq ans, fut principalement modelée par le canal de Suez, Abbotsholme et Balliol. Depuis cette époque, j'ai tenté plusieurs carrières, parvenant chaque fois à échapper à un désastre programmé inévitable. Tout d'abord, en tant qu'instituteur, je me suis penché sur les évangiles avant de donner des cours d'histoire biblique. Ensuite, dans un bureau d'expédition de Liverpool, j'ai bricolé des documents de transport puis, à Port Saïd, ai naïvement laissé des capitaines obtenir plus de charbon qu'ils n'en avaient besoin.
Ayant ensuite décidé de céer une démocratie éduquée, je me suis retrouvé au milieu des mineurs de Workington, des ouvriers de Barrow et des cheminots de Crewe, qui tous m'apportèrent une bien meilleure éducation que celle que je pouvais leur donner.
Depuis lors, deux sujets ont dominé ma vie : la philosophie et le tragique désordre de notre ruche terrestre. Après une timide mise en cause de la philosophie académique, j'ai écrit quelques livres sur des sujets philosophiques et plusieurs œuvres de fiction fantastique traitant de la carrière de l'humanité.
Auteur:
Stapledon William Olaf
Années: 1886 - 1950
Epoque – Courant religieux: industriel
Sexe: H
Profession et précisions: philosophe et auteur de romans de SF
Continent – Pays: Europe - Angleterre
Info:
Philosophy and Living (1939)
[
résumé autobiographique
]
saison estivale
La fin de l'été, aux Solovki, fait penser à un rêve : l'horizon émerge des brumes comme une histoire interrompue au milieu d'un mot, le ciel est gris cendré, la mer d'un gris nacré, et dans l'air c'est l'été de la Saint-Martin. Çà et là, les bouleaux s'enflamment, les herbes jaunissent, la mousse embaume. La terre est recouverte d'une brume grise où dorment prés et marécages ; les lacs aussi semblent sommeiller, rêvant des arbres et des gens penchés au-dessus d'eux. Les gens s'attristent de voir l'été finir et boivent pour prolonger ce rêve. Seulement parmi les oiseaux retentit le vacarme qui précède le voyage : les canards apprennent à nager à leurs petits, les vanneaux pressent au départ, les canards mandarins s'énervent, et les plongeons manigancent quelque chose. Brusquement l'automne est là... ... Nous salons harengs et bolets. Les nuits, sur l'archipel rallongent, comme les ombres des jours, et il fait noir comme dans un four. On aperçoit seulement par moments, tout à coup, des éclats de lumière dans le ciel, comme si elle sourdait de l'autre monde. C'est une sévernoïe sïanié, une aurore boréale...
Auteur:
Wilk Mariusz
Années: 1955 -
Epoque – Courant religieux: Récent et Libéralisme économique
Sexe: H
Profession et précisions: écrivain
Continent – Pays: Europe - Pologne
Info:
Le Journal d'un loup, p85-86
[
été indien
]
[
littérature
]
femmes-par-homme
En suivant notre marche à la mort aux traces de sang qui la marquent, le cinéma ne pleure pas sur nous, il ne nous réconforte pas puisqu’il est avec nous, puisqu’il est nous-mêmes. Il est là quand le berceau s’éclaire. Il est là quand la jeune fille nous apparaît penchée à la fenêtre avec ses yeux qui ne savent pas et une perle entre les seins. Il est là quand nous l’avons déshabillée, quand son torse dur tremble au battement de notre fièvre. Il est là après, quand elle est vieillie, que son visage est crevassé et que ses mains desséchées nous disent qu’elle n’en veut pas à la vie de lui avoir fait du mal. Il est là quand la femme nous ouvre les genoux avec la même émotion maternelle qu’elle a pour ouvrir ses bras à l’enfant. Il est là quand le fruit tombe d’elle, un, deux, trois, oh combien de fois dans sa vie. Il est là quand nous sommes vieux, que nous regardons fixement du côté de la nuit qui vient. Et il est là quand nous sommes morts, et que notre cadavre tend le suaire aux bras de nos enfants.
Auteur:
Godard Jean-Luc
Années: 1930 - 2022
Epoque – Courant religieux: Récent et Libéralisme économique
Sexe: H
Profession et précisions: cinéaste
Continent – Pays: Europe - Suisse
Info:
In JLG, Histoire(s) du cinéma, Gallimard-Gaumont, quatre volumes en coffret, 972 p
[
essentielles
]
[
primaires
]
[
premières
]
amour impossible
Je sais ce que signifie un homme sans femme, ce que signifie croire en une femme, être à une femme, et pourtant ne pas l’avoir, passer des années, même, sans être homme avec une femme, et alors en prendre une qui n’est pas la tienne et avoir ainsi, avoir dans une chambre d’hôtel, au lieu de l’amour, le désert de l’amour.
C’est là, parmi les déserts, le plus lugubre ; non point celui d’une vie qui fait défaut, mais celui d’une vie qui n’en est pas une. Tu avais soif, et tu peux boire ; il y a de l’eau. Tu avais faim et tu peux manger ; il y a du pain. Il y a la fontaine, et les palmiers qui sont autour, semblable à ce que tu cherchais.
Mais c’est seulement semblable à la chose, ce n’est pas la chose elle-même.
Que voulais-tu ? me dis-je. Je mange, et c’est de la terre que je mange, non du pain. Je bois, et c’est de la terre que je bois. Je reste penché sur le lit que j’ai devant moi ; et une fois, je ne me suis même pas déshabillé ; j’ai fumé tout le temps, appuyé au bois du lit, devant ce désert.
Auteur:
Vittorini Elio
Années: 1908 - 1966
Epoque – Courant religieux: industriel
Sexe: H
Profession et précisions: écrivain
Continent – Pays: Europe - Italie
Info:
Dans "Les hommes et les autres", éd. Gallimard, Paris, 1947, page 45
[
mélancolie
]
[
superposition des réalités
]
[
hanté
]