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oser
Il meurt lentement
celui qui ne voyage pas,
celui qui ne lit pas,
celui qui n'écoute pas de musique,
celui qui ne sait pas trouver grâce à ses yeux.
Il meurt lentement celui qui détruit son amour-propre,
celui qui ne se laisse jamais aider.
Il meurt lentement celui qui devient esclave de l'habitude
refaisant tous les jours les mêmes chemins,
celui qui ne change jamais de repère,
ne se risque jamais à changer la couleur de ses vêtements
ou qui ne parle jamais à un inconnu.
Il meurt lentement celui qui évite la passion et son tourbillon d'émotions,
celles qui redonnent la lumière dans les yeux et réparent les cœurs blessés.
Il meurt lentement celui qui ne change pas de cap lorsqu'il est malheureux au travail ou en amour,
celui qui ne prend pas de risques pour réaliser ses rêves,
celui qui, pas une seule fois dans sa vie, n'a fui les conseils sensés.
Vis maintenant!
Risque toi aujourd'hui !
Agis tout de suite !
Ne te laisse pas mourir lentement !
Ne te prive pas d'être heureux !
Auteur:
Neruda Pablo
Années: 1904 - 1973
Epoque – Courant religieux: Récent et Libéralisme économique
Sexe: H
Profession et précisions: écrivain poète, Neftalí Ricardo Reyes Basoalto
Continent – Pays: Amérique du sud - Chili
Info:
[
poème
]
[
vivre
]
[
aventurer
]
signes
Tatiana croyait sans réserve
Aux traditions du temps passé,
Aux cartes, à la clé des songes,
Et aux prédictions de la lune.
Les présages lui faisaient peur.
Tous les objets, en grand mystère,
Lui parlaient. A chaque moment
Elle avait des pressentiments.
Que le chat, assis sur le poêle,
Se lave en miaulant le museau,
C'était là marque indubitable
De visite. Si sur sa gauche
Elle voyait soudain au ciel
Un croissant de lune encor mince,
Elle tremblait et pâlissait.
Mais si un étoile filante
Traversait la noirceur du ciel
Avant de s'évanouir, alors
Tania se hâtait, tout émue,
De chuchoter à sa lumière
Le désir secret de son coeur.
S'il lui arrivait par hasard
De rencontrer un moine noir
Ou si un lièvre dans un champ
Passait, lui coupant le chemin,
Elle était prise de terreur,
Ne savait plus quoi entreprendre
Et attendait la catastrophe.
Mais quoi ! Elle trouvait plaisir,
En secret, même à l'épouvante.
Ainsi nous a faits la nature
Qui aime la contradiction.
Voici les fêtes. Quelle joie !
Chacun veut savoir son destin :
Jeunes gens à qui rien ne pèse,
Pour qui l'avenir est lointain,
Lumineux, plaisant, hors d'atteinte ;
Vieilles gens, qui portent lunettes,
Qui sont au bord de la tombe,
Qui ont tout perdu sans retour.
Mais rien n'y fait : l'espoir babille
Toujours menteur à leurs oreilles.
Auteur:
Pouchkine Alexandre
Années: 1799 - 1837
Epoque – Courant religieux: préindustriel
Sexe: H
Profession et précisions: écrivain
Continent – Pays: Europe - Russie
Info:
In "Eugène Onéguine", éd. Gallimard-folio, p. 152-154
[
divination
]
[
chimères
]
[
espérance
]
[
poème
]
[
interprétation
]
teutons
Je crois qu’un excès d’ambition dans l’âme d’un homme comme dans l’âme d’un peuple détruit des valeurs précieuses, et que le vieux dicton viennois, "vivre et laisser vivre", est non seulement plus humain, mais aussi plus sage que toutes les maximes sévères et les impératifs catégoriques. […]
Pour le peuple allemand, le concept de jouissance est lié à la performance, à l’activité, au succès, à la victoire. Pour se sentir pleinement soi-même, chacun doit surpasser l’autre et le rabaisser dès que possible. Même Goethe, dont la grandeur et la sagesse sont admirées par-delà toutes les frontières, a placé ce dogme dans un poème qui m’a, depuis ma plus tendre enfance, semblé contre nature. Il en appelle aux hommes :
Tu dois dominer et gagner
Ou bien servir et perdre,
Souffrir ou triompher,
Être l’enclume ou le marteau.
[…] Je crois qu’un homme - tout comme un peuple – ne doit ni dominer ni servir. Il doit avant tout demeurer libre et laisser à tous les autres la liberté, il doit, comme nous l’avons appris à Vienne, vivre et laisser vivre et n’avoir pas honte d’être joyeux dans toutes les choses de la vie. La jouissance me paraît être pour l’homme un droit, et même une vertu, du moment qu’elle ne l’abrutit ni ne l’affaiblit.
Auteur:
Zweig Stefan
Années: 1881 - 1942
Epoque – Courant religieux: industriel
Sexe: H
Profession et précisions: écrivain
Continent – Pays: Europe - Autriche
Info:
Vienne, ville de rêves
inventaire
hôpitaux et prisons
c’est ce qu’il y a de pire
asiles de fous
c’est ce qu’il y a de pire
maisons closes
c’est ce qu’il y a de pire
allées boueuses des taudis
c’est ce qu’il y a de pire
lectures de poèmes
concerts de rock
galas en faveur des invalides
c’est ce qu’il y a de pire
obsèques
mariages
c’est ce qu’il y a de pire
défilés
patinoires
partouzes
c’est ce qu’il y a de pire
minuit
trois heures du matin
six heures moins le quart dans l’après-midi
c’est ce qu’il y a de pire
flotter dans le ciel
ouvrir le feu sur les patrouilles de police
c’est ce qu’il y a de meilleur
songer à l’Inde
tomber sur un distributeur de pop corns
regarder le taureau foncer sur le toréador
c’est ce qu’il y a de meilleur
voir trente-six chandelles
un vieux chien se grattant
des cacahuètes dans un sachet de papier
cristal c’est ce qu’il y a de meilleur
atomiser des cafards
enfiler des chaussettes propres
chier sans suppositoire
c’est ce qu’il y a de meilleur
se retrouver attaché à un poteau d’exécution
jeter du pain aux mouettes
couper des tomates en tranches
c’est ce qu’il y a de meilleur
mes mains mortes
mon cœur mort
silence
c’est l’adagio des rochers
et le monde qui s’enflamme
c’est ce qu’il y a de meilleur
pour moi.
Auteur:
Bukowski Charles
Années: 1920 - 1994
Epoque – Courant religieux: Récent et Libéralisme économique
Sexe: H
Profession et précisions: écrivain
Continent – Pays: Amérique du nord - Usa
Info:
Dans "L'amour est un chien de l'enfer", pages 135-136, "le pire et le meilleur"
[
situations
]
[
contraste
]
sciences physiques
Ce petit mot "Force", ils en font un support à perruque,
Prêt à recevoir des significations tant étranges que variées,
Aptes à choquer
Les élèves de Newton....
Ici les phrases du siècle passé
S'attardent à jouer des tours...
Vis viva et Vis Mortua et Vis
Acceleratrix :-
Ces vieux mots nébuleux qui, dans nos manuels,
Se cramponnent avec leurs titres,
Et qui, comme les entozoaires,
Squattent nos organes vitaux.
Mais voyez ! Tait écrit en symboles lucides et clairs
Une petite équation ;
Ainsi la Force devient
Simple variation spatiale
De l'Énergie .
That small word “Force,” they make a barber's block,
Ready to put on
Meanings most strange and various, fit to shock
Pupils of Newton....
The phrases of last century in this
Linger to play tricks—
Vis viva and Vis Mortua and Vis
Acceleratrix:—
Those long-nebbed words that to our text books still
Cling by their titles,
And from them creep, as entozoa will,
Into our vitals.
But see! Tait writes in lucid symbols clear
One small equation;
And Force becomes of Energy a mere
Space-variation.
Auteur:
Maxwell James Clerk
Années: 1831 - 1879
Epoque – Courant religieux: industriel
Sexe: H
Profession et précisions: physicien, mathématicien
Continent – Pays: Europe - Ecosse
Info:
Compte rendu de la conférence de Tait sur la force : B.A., 1876", reproduit dans Bruce Clarke, Energy Forms : Allegory and Science in the Era of Classical Thermodynamics (2001), 19. Le vers de Maxwell a été inspiré par un document présenté à la British Association (B.A.). Il faisait la satire d'une "confusion considérable de la nomenclature" à l'époque, et soutenait le désir de son ami Tait d'établir une redéfinition de l'énergie sur une base thermodynamique.
[
conservatisme terminologique
]
[
poème
]
poème
Jamais ne se puisse lasser
Ma muse de chanter la gloire
D'un ver petit, dont la mémoire
Jamais ne se puisse effacer :
D'un ver petit, d'un ver luisant,
D'un ver sous la noire carrière
Du ciel, qui rend une lumière
De son feu le ciel méprisant.
Une lumière qui reluit
Au soir, sur l'herbe roussoyante,
Comme la tresse rayonnante
De la courrière de la nuit.
D'un ver tapi sous les buissons,
Qui au laboureur prophétise
Qu'il faut que pour faucher aiguise
Sa faux, et fasse les moissons.
Gentil prophète et bien appris,
Appris de Dieu qui te fait naître
Non pour néant, mais pour accroître
Sa grandeur dedans nos esprits !
Et pour montrer au laboureur
Qu'il a son ciel dessus la terre,
Sans que son œil vaguement erre
En haut pour apprendre le heur
Ou de la teste du Taureau,
Ou du Cancre, ou du Capricorne,
Ou du Bélier qui de sa corne
Donne ouverture au temps nouveau.
Vraiment tu te dois bien vanter
Etre seul ayant la poitrine
Pleine d'une humeur cristalline
Qui te fait voir, et souhaiter
Des petits enfants seulement,
Ou pour te montrer à leur père,
Ou te pendre au sein de leur mère
Pour lustre, comme un diamant.
Vis donc, et que le pas divers
Du pied passager ne t'offense,
Et pour ta plus sûre défense
Choisis le fort des buissons verts.
Auteur:
Belleau Rémi
Années: 1528 - 1571
Epoque – Courant religieux: renaissance
Sexe: H
Profession et précisions: poète
Continent – Pays: Europe - France
Info:
[
insecte
]
déclaration d'amour
Autant je vivrai, je t'offre ma vie et que puis-je faire ?
Que je verse des larmes ou que je soupire, tes peines je les garde
Tu dis : "Je suis une biche". Laisse-moi t'admirer, un regard ma mie
Viens donc au jardin que je chante louanges, ma mie je t'en prie !
Coiffure en bouquet, lèvres délicieuses - l'heure de la merveille,
Allons dans les champs jusqu'à la rivière - l'heure de la gazelle,
Rossignol et Rose, Rose et clos en fleurs - l'heure de la balade,
Viens donc au jardin que je chante louanges, ma mie je t'en prie !
Rentrons en causant, l'arbuste a perlé de rosée de nuit.
Chantons en cadence, tulipes colorées la Rose est ouverte.
De jacinthes des bois, rossignols errants le jardin est plein.
Viens donc au jardin que je chante louanges, ma mie je t'en prie !
L'image de Leïla noblement créée parfaite harmonie.
Tes cheveux, ma mie, restèrent sur la lisse je m'évanouis.
Et sur le rosier le rossignol dort comme le jardin est beau.
Viens donc au jardin que je chante louanges, ma mie je t'en prie !
Habillée de soie, d'or et bigarrée fine branche de cyprès,
Tu tiens un calice, remplis-le de vin, j'adore ce pichet,
Si tu viens au clos, tu tourmenteras ton Sayat-Nova.
Viens donc au jardin que je chante louanges, ma mie je t'en prie !
Auteur:
Sayat-Nova
Années: 1722 - 1795
Epoque – Courant religieux: préindustriel
Sexe: H
Profession et précisions: poète
Continent – Pays: Europe - Arménie
Info:
Autant je vivrai, je t'offre ma vie 2 mai 1757
[
poème
]
conte
Un enfant élevé dans un pauvre village
Revint chez ses parents, et fut surpris d'y voir
Un miroir.
D'abord il aima son image ;
Et puis, par un travers bien digne d'un enfant,
Et même d'un être plus grand,
Il veut outrager ce qu'il aime,
Lui fait une grimace, et le miroir la rend.
Alors son dépit est extrême ;
Il lui montre un poing menaçant,
Il se voit menacé de même.
Notre marmot fâché s'en vient, en frémissant,
Battre cette image insolente ;
Il se fait mal aux mains. Sa colère en augmente ;
Et, furieux, au désespoir,
Le voilà devant ce miroir,
Criant, pleurant, frappant la glace.
Sa mère, qui survient, le console, l'embrasse,
Tarit ses pleurs, et doucement lui dit :
N'as-tu pas commencé par faire la grimace
A ce méchant enfant qui cause ton dépit ?
- Oui. - Regarde à présent : tu souris, il sourit ;
Tu tends vers lui les bras, il te les tend de même ;
Tu n'es plus en colère, il ne se fâche plus :
De la société tu vois ici l'emblème ;
Le bien, le mal, nous sont rendus.
Auteur:
Florian Jean-Pierre Claris de
Années: 1755 - 1794
Epoque – Courant religieux: préindustriel
Sexe: H
Profession et précisions: écrivain
Continent – Pays: Europe - France
Info:
L'enfant et le miroir.
[
poème
]
[
parabole
]
[
éducation
]
poème
TU DORS
La nuit est bien silencieuse.
Tu dors
Et je veille.
Tu rêves sans doute
Et moi j’égrène nos souvenirs
en t’écoutant respirer.
La nuit est bien silencieuse.
Tu dors
Et je veille sur notre amour.
Je remue nos songes qu’ensevelissent les jours
Je les tire de l’oubli pour les hisser sur le pavois,
J’ai retrouvé nos larmes d’enfants
La nuit est bien silencieuse.
Je suis le vieux guetteur
qui monte la garde sur les remparts.
Je sais comment on prend une ville,
Je sais comment on perd un cœur.
Tu dors
Et je veille.
Je suis le ciseleur des nuits étoilés,
l’orfèvre des jours.
J’ai pour messagers les aurores,
et l’arc-en-ciel des heures calmes.
Du temple de mon Dieu,
N’approche aucune odeur de poudre
aucune odeur de sang
Nul sanglot de femme.
Je suis le vieux guetteur
qui monte la garde sur les remparts.
La nuit est bien calme
Et tu dors…
Les hommes ont effeuillé mes songes
Je n’avais pas, pour paraître devant eux
ma robe de lin,
Ils me demandaient un parchemin.
Je n’avais qu’un bouclier de guetteur.
Le jour point
Et, nous retrouverons demain dans le jardin
En poussières d’argent sur le rosier
nos rêves d’enfants.
Je suis le vieux guetteur
qui monte la garde sur les remparts.
J’ai dans les yeux, les aurores des temps anciens
Et dans la tête, la chanson des temps futurs.
Auteur:
Dadié Bernard B.
Années: 1916 - 2019
Epoque – Courant religieux: Récent et Libéralisme économique
Sexe: H
Profession et précisions: homme de lettres et homme politique
Continent – Pays: Afrique - Côte d'Ivoire
Info:
Hommes de tous les continents, 20 juillet 1960
[
déclaration d'amour
]
personnalité
Ce qui fait d'une bibliothèque un reflet de son propriétaire, c'est non seulement le choix des titres, mais aussi le réseau d'associations qu'implique ce choix. Notre expérience se construit sur l'expérience, nos souvenirs sur d'autres souvenirs. Nos livres se construisent sur d'autres livres qui les modifient ou les enrichissent, qui leur confèrent une chronologie différente de celle des dictionnaires de littérature. Je suis aujourd'hui, après tout ce temps, incapable de trouver seul la trace de ces connexions. J'oublie, ou je ne sais même pas, quelles sont les relations entre beaucoup de ces livres. Si je pars dans une direction - les récits africains de Margaret Laurence me remettent en mémoire La Ferme Africaine d'Isaac Dinesen, qui me fait à son tour penser à ses Sept contes gothiques, lesquels me ramènent à Edgardo Cozarinsky (qui m'a fait découvrir l'oeuvre de Dinesen) et à son livre et son film sur Borges et, plus loin encore, aux romans de Rose Macaulay, dont nous avons discuté un après-midi déjà lointain à Buenos Aires, surpris l'un et l'autre que quelqu'un d'autre les connût -, je perds alors les autres fils de cette toile complexe et je me demande comment, à la façon d'une araignée, j'ai réussi à en lancer un à travers la distance apparemment incommensurable qui sépare, par exemple, les Tristes d'Ovide des poèmes d'Abd Al-Rahman, exilé de son Espagne natale en Afrique du nord.
Auteur:
Manguel Alberto
Années: 1948 - 20??
Epoque – Courant religieux: Récent et Libéralisme économique
Sexe: H
Profession et précisions: romancier, essayiste, traducteur, polyglotte
Continent – Pays: Amérique - Argentine - Canada
Info:
La Bibliothèque, la nuit
[
littérature
]
[
classification
]
[
citation s'appliquant à ce logiciel
]